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Féminisme pour les 99 %, un manifeste
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
https://npa2009.org/idees/culture/feminisme-pour-les-99-un-manifeste
Essai de Cinzia Arruzza, Tithi Bhattacharya et Nancy Fraser. Éditions la Découverte, 128 pages, 12 euros.
Ce début de printemps 2019 est rythmé par les parutions féministes, signe supplémentaire, s’il en fallait un, du développement en cours d’une quatrième vague du féminisme, entre un Féminisme décolonial de Françoise Vergès le 15 février, Féminisme pour les 99 %, un manifeste de Cinzia Arruzza, Tithi Bhattacharya et Nancy Fraser pour le 8 mars, et le Capitalisme patriarcal de Silvia Federici le 19 avril.
Deux camps
Dans Féminisme pour les 99 %, un manifeste, trois des animatrices de la grève féministe pour le 8 mars depuis 2017 aux États-Unis, Cinzia Arruzza, Tithi Bhattacharya et Nancy Fraser, proposent un manifeste pour cette nouvelle vague naissante dans la lignée du Manifeste du Parti communiste de Marx et Engels en 1848. Elles dessinent deux camps : d’un côté le féminisme libéral, particulièrement fort aux États-Unis, qui veut « une égalité des chances de dominer » (p. 13), un féminisme de classe et de race, qui n’a de cesse de se faire passer pour le féminisme dans son entier, alors qu’il incarne le féminisme des 1 %, et qu’il sert en réalité d’« alibi parfait pour le néolibéralisme » (p. 27). De l’autre côté, ce qu’elles appellent un « féminisme des 99 % », un féminisme de la majorité de la population, exploitée et opprimée. La quatrième vague du féminisme est à la « croisée des chemins » (p. 11). Ce manifeste a pour but de la guider du bon côté.
Comment définir le féminisme des 99 % et sa stratégie ? Il souhaite, à l’image du mouvement féministe, mettre en son centre l’arme de la grève féministe et internationaliste, qui montre non seulement notre force collective, mais permet de visibiliser la base de l’oppression des femmes et des minorités de genre, qui effectuent à la fois le travail productif et le travail reproductif, c’est-à-dire l’ensemble des tâches de production et de reproduction de la vie, et donc des travailleurs. Ce travail reproductif, pourtant essentiel au maintien du système capitaliste, tout comme le travail productif, est à l’heure actuelle invisibilisé, effectué gratuitement ou mal rémunéré, voire privatisé pour permettre la réalisation d’un maximum de profit.
Établir la primauté de la vie sur le profit
Au contraire, pour les auteures, il s’agit « d’établir la primauté de la vie sur le profit » (p. 108). Elles mettent ainsi au centre de leurs revendications la lutte contre les violences et la libération de la sexualité. Point décisif dans le contexte actuel, elles définissent un féminisme qui est résolument antiraciste et anti-impérialiste. Parce que le système dans lequel nous vivons est tout à la fois capitaliste, raciste, sexiste et destructeur de la planète, le féminisme des 99 % se doit d’être anticapitaliste, antiraciste, internationaliste, et écologiste. Car la crise dans laquelle nous sommes entréEs depuis 2007-2008 n’est pas seulement une crise économique, elle est également une crise écologique, politique et de la reproduction sociale. Le féminisme des 99 % doit tenir tous ces éléments ensemble. Pour cela, il appelle tous les mouvement sociaux à converger ensemble dans une lutte anticapitaliste commune.
Nous souscrivons pleinement à ce programme, et nous pensons que la quatrième vague du féminisme en France devra s’en inspirer, mais nous regretterons simplement qu’à aucun moment le terme de « révolution » ne soit utilisé, alors que c’est clairement ce à quoi elles appellent. Ce manifeste s’adressant le plus largement possible, de façon claire et dialoguante, ce qui est son grand atout, les auteures ont dû estimé que le terme effrayerait, ce qui les a conduites à utiliser des périphrases comme « insurrection anticapitaliste commune » (p. 86). Nous estimons qu’à l’image du retour de la grève, les moments de fortes mobilisations internationales sont précisément des moments de retour de l’actualité de la révolution, tant en terme de probabilité que d’audibilité. Il est temps d’appeler la révolution la révolution.
Aurore Lancereau