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Protection sociale. Les pistes explosives du Medef sur les retraites
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
L’Humanité, 19 avril 2019
Report de l’âge légal à 64 ans, système par points : le patronat a présenté, jeudi, des propositions dangereuses sur les retraites. Il préconise la fin du système fondé sur les solidarités.
La retraite à la française, le patronat ne l’a jamais souhaitée. Ce système par répartition, fondé sur la solidarité, financé par un prélèvement sur les richesses créées, provoque l’ire du Medef, prompt à rabougrir les droits des assurés. Jeudi, l’organisation a décliné une série de mesures sur les retraites. Sans le dire, elle a érigé son totem : pas question pour les entreprises de verser un « sou de plus » pour financer les retraites.
Ainsi, son président, Geoffroy Roux de Bézieux, soutient le principe d’un système « universel », fondé sur des points, dans lequel « chaque euro cotisé donne les mêmes droits », selon le slogan du gouvernement. Pour le patronat, cette nouvelle architecture présente des avantages. Par exemple, la durée de cotisation pour toucher sa retraite disparaît. L’assuré ne valide plus ses trimestres grâce à ses cotisations, et sa pension ne serait plus calculée en fonction des 43 annuités. Son montant serait fondé selon la valeur du point, soumis aux aléas économiques et politiques.
Le Medef abat ses cartes sur un aspect : le report de l’âge légal à 64 ans, à partir de 2020, « à raison d’un trimestre par an », compte tenu de la « dégradation » continue du nombre de cotisants par rapport au nombre d’actifs. À partir de 2028, il souhaite indexer l’âge légal sur l’espérance de vie. « Il ne faut pas mentir aux Français, a insisté le patron des patrons, on endort un peu la population en disant que le régime par points ne change rien et qu’on garde l’âge légal, ça ne va pas. Jean-Paul Delevoye ne le dit pas, mais il va être forcé, en jouant avec les points, de mettre une très grosse décote sur les points. Il faut une très grosse décote pour que ça marche. »
Des bénéfices réalisés sur le dos des salariés
Ce recul du départ à la retraite permettrait de dégager un bénéfice de 17 milliards d’euros d’ici huit ans, selon les calculs du syndicat d’employeurs. Cette manne pourrait financer la dépendance. En clair, le patronat souhaite que ces bénéfices, faits sur le dos des travailleurs, financent, avec les économies, une meilleure prise en charge des aînés. Les entreprises ne seraient pas mises à contribution.
Geoffroy Roux de Bézieux a posé sur la table une nouvelle architecture du système à deux étages. Si le gouvernement a promis un système de retraite unique pour tous, le Medef pousse la logique un peu plus loin. Il propose la mise en place d’un premier étage piloté par l’État, financé par l’impôt. Une fois de plus, le patronat transfère les responsabilités des entreprises sur le dos de la collectivité. Les solidarités seraient réduites à de maigres filets sociaux assumés par l’État, dans un contexte de diète budgétaire. Si le gouvernement baisse les prestations sociales, les pensions risquent de fondre. Une seconde partie assurantielle, adossée sur des cotisations, réduite comme peau de chagrin, viendrait en complément. Il s’agirait d’un système contributif « obligatoire » en points, sur le modèle des régimes complémentaires par points Agirc et Arrco.
Un ex-patron de l’assurance chargé de la protection sociale au Medef
« Le régime de retraite complémentaire, que nous gérons, fonctionne très bien. Il y a trois ans, il était dans le rouge. Aujourd’hui, l’Agirc-Arrco affiche 70 milliards d’euros de réserves », a justifié le numéro un de l’organisation. Mais la fusion entre les deux caisses fait chuter les droits de nombreux pensionnés, via la baisse de rendement de la cotisation Agirc et l’instauration d’un abattement visant les aînés. Certains sont obligés de travailler un an au-delà de l’âge du taux plein sous peine de voir leur retraite amputée de 10 % pendant trois ans.
« On ne demande pas le passage à un régime de capitalisation », a précisé Geoffroy Roux de Bézieux. Dans le système par points, par essence inégalitaire, le calcul du montant des pensions ne se fait plus à partir des salaires des 25 meilleures années, mais sur toute la carrière. Ainsi, le niveau des pensions devrait chuter fortement. Résultat, des salariés voudront s’assurer dans le privé, avec tous les risques liés à la capitalisation.
Heureux hasard, le président de la commission protection sociale au Medef, chargé du suivi des concertations avec le gouvernement, est un ancien patron du monde de l’assurance, Claude Tendil. Le vice-président de la Fédération des sociétés d’assurances (FFSA) va participer à la dernière réunion avec le haut-commissaire Jean-Paul Delevoye.
Lola Ruscio