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Pour Séoul, les syndicats à la solde de Pyongyang

Corée

Lien publiée le 9 juillet 2023

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Pour Séoul, les syndicats à la solde de Pyongyang

L’humanité, vendredi 7 juillet 2023

Corée du sud Dans ce pays à la culture autoritaire, le pouvoir réprime durement les mouvements sociaux. Massivement actives depuis plusieurs mois, les organisations syndicales entament une mobilisation de deux semaines dont le point d'orgue est prévu le 15 juillet, avec une grève générale.

À en croire le président du Parti du pouvoir au peuple (PPP) sud-coréen, Kim Gi-hyeon, tout ce qui bouge est rouge... et nord-coréen. Depuis l'accession du conservateur Yoon Seok-youl à la tête de l'État en 2022, une guerre sans merci semble ouverte contre les syndicats. Le fait n'est pas nouveau au sud du 38e parallèle mais permet de confirmer, s'il en était besoin, que les politiques antisociales et le mouvement de militarisation accrue vont de pair. Pour mettre au jour cette « cinquième colonne », la police et les services de renseignements ont effectué, en mars dernier, une descente au siège de la Confédération coréenne des syndicats (KCTU), au nom de la loi sur la sécurité nationale de 1948, pointée par les Nations unies comme une entrave à la liberté d'expression. En plus de rappeler à la nation coréenne la douleur du déchirement, la rhétorique du gouvernement permet de convoquer la supériorité de son modèle. D'un côté, le high-tech porté par des conglomérats (les chaebols) à la force de frappe planétaire et des pop stars non moins globales ; de l'autre, un pays dit ermite qui court le risque de la pénurie alimentaire. « Il a été révélé que la KCTU était une base secrète pour les espions pro-nord-coréens », assure, sans fournir aucune preuve, Kim Gi-hyeon. Le dirigeant ajoute : « La KCTU a été dégradée au rang d'assistant du Parti des travailleurs de Corée » afin de créer une « atmosphère de destitution ».

À l'échelle nationale, la Corée du Sud connaît un taux de syndicalisation relativement faible de 14,2 %, qui s'explique par l'entrave posée à l'adhésion des salariés. Dans un groupe qui représente à lui seul 20 % du PIB, comme Samsung, il a fallu attendre 2019 pour voir un syndicat autorisé. L'entreprise veillait aussi à ce qu'aucun de ses sous-traitants n'autorise l'action syndicale sous peine de voir ses commandes annulées. En 2012, les dirigeants avaient même reçu un document Powerpoint afin de se familiariser avec les « méthodes de domination » des salariés. Menaces, insultes, punition, entretien d'un climat de peur... une culture autoritaire héritée de la dictature.

la semaine de travail À 69 heures

Fortement mobilisées pour l'amélioration de leurs conditions de travail, les fédérations de la santé et de la construction ont, après les camionneurs, fait face à des descentes de police musclées dans leurs locaux à des fins d'intimidation. « Nous condamnons fermement la répression du mouvement ouvrier par la force publique. Nous ne céderons jamais », a de son côté prévenu le Syndicat coréen des travailleuses et travailleurs médicaux (KHMU). Dans un communiqué, la Confédération syndicale internationale a condamné « ces attaques honteuses menées contre les syndicats (qui) constituent une atteinte à la démocratie elle-même en Corée du Sud ».

La chasse aux sorcières est lancée mais la KCTU, accusée de longue date d'agir pour le compte de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), n'entend pas rester l'arme au pied. Elle s'est massivement mobilisée depuis plusieurs mois contre la répression, la criminalisation des grèves, et le projet - retiré depuis - de passage de 52 à 69 heures par semaine. Autant de dispositions favorables aux grands conglomérats. Durant sa campagne électorale, le président rêvait tout haut de voir les travailleurs effectuer leur labeur 120 heures par semaine, sur un total de 168, quand les Sud-Coréens effectuent déjà les semaines les plus longues des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Selon le Parti démocratique coréen, dans l'opposition, chaque employé abattrait 1 900 heures de travail à lui seul, soit 300 de plus que la moyenne de l'OCDE. Chaque année, 500 personnes meurent de surtravail.

Ce 15 juillet, la KCTU appelle ainsi, à une grève générale et nationale après l'échec des négociations sur l'augmentation de 27 % du salaire minimum. Le gouvernement « détruit le pays », a insisté le président de la KCTU, Yang Kyung-soo. La confédération a appelé à des veillées aux chandelles dans tout le pays les 4, 7, 11 et 14 juillet et à d'importants rassemblements à Busan, Daegu, Gwangju, Jeju et Séoul le 5 juillet. Dans un pays où « l'entrave aux affaires » peut valoir la prison, les livreurs ouvriront le bal avec une grève le 10 juillet. Dans l'industrie, le rapport de force est amorcé par l'appel à cesser le travail dans la métallurgie, le 12 juillet. Dans le secteur de la santé, après une mobilisation en mai, les travailleurs se mobiliseront à compter du 13 juillet en plusieurs points de la capitale et pour une durée illimitée.

Le spectre de la dictature de Park Chung-hee

Dans ce rapport de force, le ministère du Travail a prévenu, fin mai, que les syndicalistes encouraient des poursuites judiciaires. Le gouvernement n'hésite pas à envoyer la police contre les syndicalistes. Ces derniers comptaient deux blessés graves parmi les métallos (FKMTU), début juin. Alors qu'il participait à un sit-in, le président de la fédération, Kim Man-jae, a été ainsi violemment plaqué au sol par six policiers, le 31 mai dernier, un genou fermement appuyé sur le cou pour le menotter. Le jour suivant, venu en solidarité, le secrétaire général de la FKMTU s'est hissé sur un échafaudage de 7 mètres. Depuis une grue mobile, la police l'a roué de coups de bâton jusqu'à le faire tomber de son promontoire. Gravement blessé à la tête, présentant des ecchymoses sur tout le corps et une fracture au genou, le représentant syndical est placé en garde à vue.

Pour dénoncer le harcèlement dont les travailleurs font l'objet, un chef de district du Syndicat coréen des travailleurs de la construction (KCWU), Yang Hoe-dong, s'était déjà immolé par le feu, le 1er mai dernier, rappelant les sombres heures de la guerre froide et de la dictature de Park Chung-hee. La rhétorique antisyndicale a autorisé les patrons à durcir les rapports en entreprise comme lorsque le directeur d'Iljin Hysolus lançait sa voiture contre trois responsables syndicaux, blessant grièvement l'un d'entre eux. Si le secteur de la construction est particulièrement ciblé, c'est aussi parce qu'il traverse une crise liée à la baisse des prix de l'immobilier avec des hausses de taux d'intérêt. Le patronat entend en découdre avec les organisations de défense des salariés et la démocratie sociale, considérant qu'elles sont une entrave à la compression du personnel. Autant de « déclarations de guerre contre les syndicats. Les agences gouvernementales décrivent les syndicats comme des voyous corrompus et violents, les syndicalistes sont marqués au fer rouge », juge le président du syndicat de la métallurgie, Yoon Jang-hyeok.