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Eric Piolle: Jean-Luc Mélenchon n’est pas le problème

Mélenchon

Lien publiée le 14 février 2024

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

Jean-Luc Mélenchon n’est pas le problème - Éric Piolle (ericpiolle.fr)

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  • La société française, l’international donnent l’impression d’un avenir dégradé dans les prochaines années et prochaines décennies

Ce constat nous invite à dresser un cap puissant, cap qui offre un avenir amélioré à court et à moyen terme pour les Françaises et les Français, et qui soit créateur d’un débouché en 2027. Ce cap dépasse le cadre de la résistance qui quoique nécessaire ne fait que retarder la glissade.

  • La tripartition de l’espace politique est aujourd’hui actée

Un pôle de repli sur soi identitaire de droite extrême, qui désigne des boucs-émissaires et promet de les faire disparaître en arrivant au pouvoir, qui fait croire qu’il peut extraire la France des mouvements migratoires et des conséquences du dérèglement climatique

Un pôle néolibéral issu de l’effondrement du bipartisme et de plus en plus autoritaire, qui cherche à conserver le pouvoir en protégeant ses affidés les plus privilégiés,

Un pôle d’un nouvel humanisme, qui propose de rompre avec le consumérisme et le productivisme pour réduire les inégalités concrètes, et faire sa part pour réduire au maximum le changement climatique par son action nationale et internationale, afin d’assurer des conditions climatiques et de biodiversité qui permettent des vies dignes et émancipées aujourd’hui et demain. 

  • Ce pôle humaniste se cherche et ce tâtonnement, plus qu’une question d’égo ou de partis, résulte de difficultés plus profondes : 

Ses leaders et partis les plus légitimes ont une histoire et une culture de contre-pouvoirs, plus adaptées à des résistances ou des victoires temporaires et spécifiques, et non systémiques, alors que l’enjeu est maintenant systémique

Changer en profondeur un système qui marche sur la tête est objectivement complexe, car il est difficile d’arbitrer entre le traitement des urgences et la transformation de fond, sur une voie de changement qui comporte des risques réels d’effondrement

Ce pôle humaniste doit créer un projet qui améliore le court terme en améliorant les perspectives de long terme, sans se borner à promettre moins pire que les autres scénarios.

Devant la difficulté de cette tâche, la paresse et la facilité poussent beaucoup à désigner Jean-Luc Mélenchon comme bouc-émissaire, et à identifier  l’expulsion du bouc-émissaire comme préalable incontournable pour commencer l’immense travail qui attend les femmes et les hommes de bonne volonté et leur permettra de rassembler une majorité de françaises et de français.

Or désigner Jean-Luc Mélenchon comme victime expiatoire de nos difficultés de fond serait un acte ingrat à l’encontre de celui qui a évité l’humiliation à la gauche et les écologistes en 2017 et 2022, et n’a pas été loin d’écarter l’extrême droite du second tour.

Être obnubilé par l’expulsion de celui qui a rassemblé 22% en 2022 quand les autres candidatures ne dépassaient pas les 5%, peut être comparé à penser que c’est Zidane qui a empêché la France d’être championne du monde en 2006 et que ça ira enfin mieux sans lui.

Jean-Luc Mélenchon a lancé une invitation lui-même au soir du premier tour de la présidentielle de 2022 : “Faites mieux”. Faisons mieux, construisons une équipe et un programme en capacité de gagner au second tour en 2027. Et alors non seulement nous n’aurons plus à mêler nos voix aux anathèmes du pôle néolibéral et aux nostalgiques de la glorieuse époque du PS, mais nous pourrons compter sur le talent de Jean-Luc Mélenchon pour nous aider à gagner, et changer la vie !

  • Devant les événements qui nous font face, et les doutes d’un grand nombre sur notre capacité à réussir, nous pouvons nous inspirer de Jean Monnet

Ce père de l’Europe  qui a inlassablement cherché à unir les hommes, à régler les problèmes qui les divisent, à les amener à voir leur intérêt commun, prophétisait dans ses Mémoires : “renoncer à une entreprise parce qu’elle rencontre trop d’obstacles est souvent une grave erreur; ces obstacles sont au contraire les aspérités auxquelles peut s’attacher l’action”.

Le monde nous semble plus instable que jamais, avec des enjeux plus globaux que jamais mêlant échelle mondiale, continentale et locale, et glissant vers un avenir de plus en plus sombre, dans un retournement de tendance angoissant par rapport aux décennies d’après-guerre. Une angoisse individuelle et collective.

1. Le paysage politique est dans un brouillard épais dans la période politique nouvelle qui s’est ouverte par la campagne présidentielle de 2017
     a. En 2017, le bipartisme Droite-Gauche (RPR/UMP/LR - PS) s’est effondré sur son échec.

     b. J’avais décrit dès 2010 cette tripartition inéluctable du paysage politique. Inéluctable face à un triple échec.

          (i) Échec de la droite conservatrice, le capitalisme financier et mondialisé a balayé les modes de vie dont elle s’était fait la défenseure.

          (ii) Échec de la gauche social-démocrate qui s’est inscrite dans le libéralisme productiviste en cherchant juste à montrer qu’elle veut en minorer les pires conséquences sociales

          (iii) Échec sur les fondamentaux politiques : la crise sociale et le chômage, la protection face à la dégradation du climat et de la biodiversité et leur atténuation, l’entretien de la cohésion sociale par des principes partagés. 

     c. En ce temps-là le PS m’était apparu comme un syndicat d’élus, ayant lâché sa raison d’être historique, dont la seule force consistait en sa capacité à assurer une chance sur deux de victoires pour les personnes qui recevaient l’investiture. Son effondrement me paraissait inéluctable dès lors qu’une investiture ne garantissait plus 50% de chance de victoire. En 2012, puis en 2015, le PASOK grec s’effondrait, annonçant le même mouvement pour le PS français, démarré à Grenoble en 2014, puis étendu à l’échelle nationale en 2017/2019/2022.

     d. Cette tripartition se structure autour d’un “canal historique” issu du bipartisme, pouvoir néolibéral de plus en plus raide et autoritaire car faisant de moins en moins de bénéficiaires (projet de l’extrême argent, dixit François Ruffin), et de deux projets émergents : un projet de repli sur soi identitaire de droite extrême / extrême droite et le projet humaniste des écologistes et de la gauche non productiviste et des citoyennes et citoyens attirés par la justice sociale et les questions climatiques et de biodiversité.

2. Cette tripartition du paysage politique entraîne une nouvelle responsabilité pour les écologistes et la gauche transformatrice et de rupture avec le productivisme : c’est désormais un projet global pour la France que doivent construire ces allié.e.s autrefois en posture de contre-pouvoirs internes ou externes dans un espace dominé par le PS.

     a. Ce changement de culture est complexe, évidemment, et la question stratégique pour fédérer cet arc humaniste est complexe aussi.

     b. Acceptons cette difficulté plutôt que blâmer l’égo des leaders ou le nombrilisme des partis. Ceux-ci ne veulent pas lâcher la proie pour l’ombre, c’est-à-dire ne pas abandonner leur pouvoir de peser sur la vie publique tant que le compromis coûteux de faire avec les autres a des chances de succès très aléatoires. C’est d’ailleurs ce même état d’esprit qui rend réticent à s’engager politiquement les membres de la société civile, connus ou moins connus.

3. Face à cette difficulté liée au changement de culture et de positionnement politique nécessaire des écologistes et de la gauche transformatrice, la figure de Jean-Luc Mélenchon sert à la fois d’aimant et d’épouvantail, aussi puissants l’un l’autre.

     a. Mon but ici n’est pas de faire l'exégèse de ses qualités ou défauts, ni de ses prises de position sur le fond, ni de sa vision de la société et de la façon dont il choisit de s’adresser à elle pour faire avancer ses idées.

     b. Je peux dire d’où je parle dans mon rapport à Jean-Luc Mélenchon.

          (i) Il m’était inconnu avant qu’il quitte le PS et crée le Parti de Gauche, notamment avec Élisa Martin, que je rencontrerai lors de mon premier engagement politique, au Conseil Régional Rhône-Alpes, et qui sera le pilier “vieille gauche” (dixit elle-même) de notre dynamique écologiste citoyenne et de gauche à Grenoble en 2014. Elle sera ma première adjointe pendant 8 ans et deviendra ensuite députée NUPES de Grenoble en 2022. C’était pour moi le signe que la dérive du PS propriétaire du pouvoir et complaisant avec le système n’était pas inéluctable.  Un signe positif dans le paysage politique, donc, même pour moi qui aurais dû familialement être électeur PS par réflexe et qu’il n’a jamais su convaincre au premier tour depuis que je suis en âge de voter. Les débats au PS n’ont fait que s’accentuer, générant à la fois la création de 7 partis en 15 ans et des batailles continues en son sein résiduel, aujourd’hui entre la ligne de rupture incarnée par Olivier Faure et les héritiers de l’époque hégémonique à gauche menés notamment par Carole Delga accrochée à son A69 comme une droguée à son éternelle dernière dose.

          (ii) Jean-Luc Mélenchon, je l’ai rencontré à Grenoble à l’occasion des élections européennes de juin 2014. Il nous avait soutenus lors des municipales victorieuses de mars, comme Cécile Duflot, dans notre démarche collective et sans revendication partisane ostentatoire, qui nous conduisit à leur demander de nous parrainer avec bienveillance mais à distance, sans venir à Grenoble. Respect.

C’était dans la discrète arrière salle du bar d’en bas de chez moi, celui où j’avais reçu en tête à tête mes 41 colistiers le mardi d’après la victoire du 30 mars 2014, afin d’échanger sur leurs désirs et leurs contraintes et de constituer notre 1er exécutif. Celui chez qui nous allions emprunter parasols et glaçons pour la kermesse de l’école des enfants, celui où nous nous précipitions pour ranger la terrasse quand les premiers affrontements police-supporters démarraient lors de la coupe du monde de foot 2006. 

          Échanges riches, empreints de curiosité intellectuelle, respectueux, avec pour moi ce sentiment fort et éprouvé si souvent d’être devant une source à laquelle m’abreuver pour apprendre et apprendre encore. Ce respect et cette curiosité intellectuelle pour la profondeur de la pensée et la culture de Jean-Luc ne m’ont plus jamais quitté.

Je l’ai soutenu à la présidentielle de 2017, meilleur candidat pour éviter une humiliation trop forte voire évincer Le Pen du second tour. Contre le parti auquel j’adhère, qui abordait pour la dernière fois la présidentielle pour “faire valoir des idées à cette occasion”, dixit son candidat, avant de se retirer, rendant l’écologie absente des candidatures pour la première fois depuis 1969, au profit d’un candidat socialiste certes proche de nous mais n’ayant aucune chance de gagner, première également depuis 1969.

Je me suis fortement opposé à la stratégie de terre brûlée des législatives 2017, j’ai poussé fortement à des messages plus clairs dans les entre-deux-tours de 2017 et 2022, et ai appelé de toutes mes forces à la constitution de la NUPES.

Je continue à lire le blog de Jean-Luc Mélenchon en étant convaincu que je vais y trouver à confronter mes propres points de vue à de la matière solide et construite qui les enrichira, quoi que j’en pense.

4. La NUPES a suscité l’enthousiasme au printemps 2022 mais cette lueur d’espoir n’a guère dépassé l’été.

     a. Les querelles stratégiques, les ruptures sur des positions très concrètes révélant des problèmes sous-jacents non réglés sur le fond comme sur la méthode sont revenus fracasser l’espoir d’une montée en puissance de la gauche non productiviste et des écologistes. De l’affaire Quatennens aux terribles fractures post attentats du 7 octobre, en passant par le clivage sur la stratégie sur l’article 7 de la loi retraite à 64 ans, cela semble une lente agonie.

     b. Les résultats électoraux de 2022 ont été objectivement décevants :

          (i) Aucun choc de recul de l’abstention. 47% au premier tour. Moins que les 50% des élections européennes de 2019.

          (ii) Un nombre d’élu·e·s certes en forte progression par rapport à 2017, mais restant le pire depuis l’émergence de la gauche aux élections de 1973, aux exceptions de 1993 et de 2017

     (iii) Les deuxièmes tours face au RN sont perdus en majorité.

5. Alors, que faire dans ce brouillard angoissant ? Que faire alors que la dérive des néolibéraux vers l’extrême argent, le mépris social, et la chasse sur le terrain programmatique du RN arrive encore à nous surprendre par sa rapidité et son jusqu’au-boutisme, et que tout semble mettre en orbite Le Pen et ses futures alliances ?

     a. Nous avons besoin d’un programme de gouvernement. Pas seulement d’un programme de campagne. Seule cette ambition permettra le changement de culture nécessaire entre les contre-pouvoirs historiques que nous sommes tous au niveau national aujourd’hui.

     b. Nous avons besoin d’un cap clair et positif qui pourra dessiner un présent proche et un avenir de moyen-terme améliorés pour les Françaises et les Français.

     c. Nous aurons besoin en tant voulu d’un processus permettant de faire émerger une équipe solide au spectre politique large, et une candidature commune.

6. En attendant, la campagne européenne a toute sa place et toute sa pertinence

     a. Les 4 listes ont toute leur place :

          (i) La liste socialiste espérant par miracle le retour à une prééminence social-démocrate sans que le PS ait tranché ses divergences internes profondes ni construit un nouveau projet de société,

          (ii) La liste du PC portant comme Fabien Roussel la fierté communiste,

          (iii) LFI faisant comme en d’autres cas de ces européennes une élection intermédiaire à usage tactique,

          (iv) La liste écologiste conduite par Marie Toussaint portant avec sincérité et détermination les valeurs européennes et le projet transformateur de justice sociale et environnementale ainsi qu’une ligne géopolitique forte. Je soutiens évidemment cette belle liste.

     b. Comme lors des élections précédentes, un bon ou un mauvais résultat de telle liste ne présagera rien des élections suivantes, les Ecologistes sont bien placés pour le savoir après les enchaînements 2009/2012 et 2019/2022. C’est une élection européenne. Certains votent pour le cap européen proposé par les listes, d’autres pour des considérations plus nationales ou de rapport de force entre listes, mais le résultat pèse au final sur les équilibres au parlement européen, pas sur les capacités futures aux élections suivantes.

7. Pour réaliser un programme de gouvernement et une équipe et une candidature communes, “notre projet audacieux que les événements rendent raisonnable et nécessaire” (Jean Monnet, Mémoires), nous devons arrêter de nous cacher derrière 2 prétextes paresseux qui nous agitent et occupent notre temps militant autant que notre temps médiatique : pointer Jean-Luc Mélenchon comme étant le problème à tous nos maux et considérer la NUPES comme ce qui sous-tend 2027.

     a. La NUPES est l’initiative post présidentielle pour la législature 2022-2027, sur les équilibres politiques de 2022 et l’état d’esprit - défensif, on l’a vu au paragraphe 5 - de 2022. C’est donc un cadre du travail parlementaire d’opposition 2022-2027. Cela le serait très probablement dans l’hypothèse d’une dissolution post-européenne. Je ne vois pas le scénario de la victoire de 1997 se répéter. Et dans le cas d’une victoire de notre équipe en 2027, la nouvelle présidence dissoudra. C’est prendre des vessies pour des lanternes que de parler au quotidien de ce qu’il faut faire de la NUPES en laissant croire que l’objet du débat est 2027, son cap, sa méthode et son organisation d’équipe.

     b. Je le dis, gare à ceux qui voudraient faire de Jean-Luc Mélenchon le problème central de notre faiblesse politique actuelle.

          (i) Si vous enlevez de l’équation celui qui a fait 22% à la présidentielle, il ne vous reste qu’un troupeau de trolls, ne pouvant que se reposer sur leurs maigres scores de 2022. Vous n’avez toujours pas de programme de gouvernement, ni de cap clair dépassant la résistance aux vents mauvais, ni de processus collectif pour faire émerger une équipe large et une candidature commune.

          (ii) Jean-Luc l’a dit lui-même au soir du premier tour : “Faites mieux”. S’il semble aller de soi pour beaucoup, dont moi, que Jean-Luc n’est pas la personne adaptée pour conduire cette équipe en 2027, son talent oratoire, sa notoriété et son expérience nous seront utiles voire nécessaires pour gagner.

          (iii) Plutôt que repousser le travail à faire en agitant l’épouvantail qui nous empêcherait de le faire, “nous décidâmes de faire avancer par tous les moyens dont nous disposions notre projet audacieux que les événements rendaient raisonnable et nécessaire.” (Jean Monnet, Mémoires)

          (iv) En ces temps de campagne européenne, le clin d’oeil à Jean Monnet peut renforcer notre détermination dans le brouillard : “renoncer à une entreprise parce qu’elle rencontre trop d’obstacles est souvent une grave erreur; ces obstacles sont au contraire les aspérités auxquelles peut s’attacher l’action”.

          (v) Gageons que celles et ceux qui se concentreront sur la construction d’un débouché politique seront de plus en plus nombreux, et sauront saisir les circonstances qui se présenteront. Des socialistes non productivistes sortis de l’illusion qu’ils sont les propriétaires naturels du pouvoir, aux insoumis lucides sur les étapes à franchir pour que les Françaises et Français choisissent de nous porter au pouvoir, en passant par les communistes ayant pour prisme premier de bloquer l’extrême droite, et par les écologistes, c’est une détermination sans faille qui nous permettra de trouver ce chemin étroit.