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En Grèce, malgré une enquête judiciaire, Aube dorée aborde les élections en force

Grèce international

Lien publiée le 26 décembre 2013

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

(Le Monde) Une marée de drapeaux grecs, des dizaines de militants vêtus de noir et un slogan qui revient comme un leitmotiv : « Patrie ! Honneur ! Chryssi Avgy ! » Ce jour-là de décembre, le parti néo-nazi Aube dorée (Chryssi Avgy en grec) a rassemblé une nouvelle fois ses forces devant le Parlement grec, à Athènes, pourexiger la libération de son chef, Nikolaos Michaloliakos. Depuis le 3 octobre, celui-ci est en détention provisoire dans l'enquête sur l'assassinat, le 17 septembre, du rappeur antifasciste Pavlos Fyssas par un membre du parti d'extrême droite.

Ilias Kassidiaris, le porte-parole du parti, inculpé lui aussi dans cette enquête mais laissé en liberté conditionnelle, clame dans un mégaphone l'innocence de son chef. Il dénonce pêle-mêle un complot « américano-israélo-européen » contre le parti, « les traîtres de la junte Samaras-Vénizélos mettant à genoux le peuple grec » ou encore « les mensonges des chaînes de télévision grecques » qui les décrit depuis des semaines « comme des nazis et des racistes, ce que nous ne sommes pas ». Un fatras d'idées et de slogans ultra-populistes qui semblentconvaincre les sympathisants venus dans le froid soutenir la cause de leur parti.

« Je ne crois pas un mot de ce que dit la télé sur la violence d'Aube dorée. C'est entièrement fabriqué. Ce qu'ils ne disent pas, c'est qu'ils sont les seuls à nous aider », affirme Fanny Tsirolianis. Licenciée il y a un an, cette cinquantenaire a, depuis, perdu sa couverture sociale et vit d'expédients. « Aube dorée me nourrit moi et mon fils de 18 ans et, oui, je crois qu'ils ont raison de dire qu'il faut d'abord s'occuper des Grecs avant de donner aux étrangers ». Fanny ne voit là aucun racisme. Elle est très représentative de ces Grecs qui choisissent d'ignorer, voire de nier, l'identité néonazie du parti pour se concentrer sur son discours antisystème.

« ALTERNATIVE SÉRIEUSE »

Aube dorée était un groupuscule anecdotique avant la crise en Grèce mais le déclassement brutal de la population et la défiance des élites politiques traditionnelles lui a permis d'engranger un vote nouveau en se présentant comme le seul parti antisystème, rempart ultime à la pauvreté et gardien de l'identité grecque.

« Il existe évidemment un noyau dur qui vote idéologiquement en connaissance de cause pour Aube dorée, reconnaît Dimitris Psarras, auteur du Livre Noir du parti nazi-fasciste grec (éditions Syllepse, 2013), mais cela ne représente pas plus de 3 % des intentions de vote »Or, aux élections législatives de 2012, le parti a fait entrer au Parlement dix-huit députés avec 7 % des voix et les derniers sondages continuent de lui donner environ 10 % des intentions de vote.

Comment expliquer ce chiffre élevé à l'heure même ou une vaste opération dejustice déclenchée après le meurtre de Pavlos Fyssas révèle chaque jour sans ambiguïté le visage violent des membres du parti ? D'abord, ils ont su jouer la carte de la victimisation après l'assassinat, non élucidé à ce jour, le 1er novembre, de deux jeunes sympathisants. « Mais, surtout, ils restent une alternative sérieuse, car les causes sociales qui poussent les gens à voter pour eux perdurent », soutient Dimitris Psarras. Aube dorée a été qualifiée par la justice en octobre comme une organisation criminelle. Depuis, deux magistrates, Ioanna Klappa et Maria Dimitropoulou, mènent l'instruction.

Plus d'une vingtaine de policiers accusés de couvrir les exactions d'Aube Dorée ont été mis en examen, six des dix-huit députés du parti ont été inculpés et trois – dont leur chef – placés en détention provisoire. Des dizaines de témoins ont été entendus. Toute la difficulté de cette instruction est de prouver la qualification d'« organisation criminelle » qui permettrait, aux termes du Code pénal grec, de jugerles membres du parti pour leur seule appartenance à cette organisation.

« LE CHEF DÉCIDE DE TOUT ET LES PHALANGES EXÉCUTENT » 

Le journaliste Dimitris Psarras, a été entendu par les juges. « J'ai remis aux deux magistrates les statuts du parti qui décryptent clairement l'organisation militaire, avec des grades, de l'organisation. Dans cette hiérarchie rigide, le chef sait tout et décide de tout et les phalanges exécutent », affirme l'écrivain. De quoi prouver, selon lui, la responsabilité pénale du chef Nikos Michaloliakos et des maillons intermédiaires de la chaîne de responsabilité. Les avocats d'Aube dorée réfutent l'authenticité du document. Le rapport d'instruction devrait être rendu public en mars.

Le procès n'est pas attendu avant fin 2014. Cela inquiète le monde politique car d'ici là, deux scrutins auront lieu : les élections municipales et les européennes. La Constitution grecque prévoit qu'un prévenu condamné doit aller au terme de tous les recours en justice possibles avant d'être privé de ses droits civiques. Les députés d'Aube dorée inculpés n'ont aucunement l'intention de renoncer de leur propre chef à leurs mandats.

« On va se retrouver dans la situation ubuesque d'avoir, lors des municipales, Ilias Kassidiaris candidat à la mairie d'Athènes et Nikos Michaloliakos tête de liste aux européennes du fond de sa cellule ! », ironise Dimitris Psarras. Faute de mieux, une loi visant à priver le parti néonazi de tout financement public a été votée le 18 décembre. Mais les résultats électoraux d'Aube dorée seront le véritable test de son audience dans la société grecque.