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Au Cambodge, Hun Sen choisit la manière forte pour mater la contestation

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Lien publiée le 6 janvier 2014

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

(Le Monde) Après avoir toléré durant des mois la plus forte opposition populaire à son « règne » de vingt-huit ans, le premier ministre cambodgien, Hun Sen, a choisi la manière forte. Vendredi 3 janvier, la police a tiré contre des ouvriers du textile manifestant dans Phnom Penh pour une hausse de leurs salaires, faisant quatre morts et une vingtaine de blessés.

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Lire aussi : Cambodge : l'opposition ne désarme pas contre la réélection du premier ministre

Samedi, les forces de l'ordre ont dispersé, parfois violemment, les opposants qui occupaient depuis décembre le « parc de la liberté ». On a même vu, chose rare en Asie du Sud-Est, des policiers casqués poursuivre des bonzes en robe safran, qui s'étaient joints à ce rassemblement où se côtoyaient opposants politiques, ouvriers, jeunes de Phnom Penh et religieux.

Le 4 janvier des moines bouddhistes et des partisans du Parti du sauvetage national du Cambodge courent dans les rues de Phnom Penh

Le centre cambodgien des droits de l'homme a accusé le gouvernement d'avoirenvoyé des « bandes de voyous en civil » disperser les manifestants. Désormais, le droit de manifester et de se rassembler est interdit jusqu'à nouvel ordre. Le gouverneur de Phnom Penh, Pa Socheatvong, a déclaré que les opposants ne pourront plus manifester jusqu'à ce que « la sécurité et l'ordre public soient rétablis ». Et le 14 janvier, Sam Rainsy et Kem Sokha, respectivement président et vice-président de la formation d'opposition Parti du sauvetage national duCambodge (PSNC), sont convoqués à la cour municipale de Phnom Penh pourrépondre aux accusations d'« incitations à troubler l'ordre public ». M. Rainsy a assuré, dimanche, qu'ils s'y rendraient tous les deux : « Nous n'avons rien fait de mal. Au contraire, ce sera l'occasion, pour nous, d'aider à révéler la vérité. »

La situation s'est tendue dans le royaume depuis les élections de juillet 2013. La formation du premier ministre, le Parti du peuple cambodgien (PPC), a vu sa représentativité parlementaire sérieusement érodée. Ila perdu 22 sièges à l'Assemblée et la majorité des deux tiers. L'opposition et Sam Rainsy ont en outre affirmé que les fraudes électorales ou les intimidations de votants avaient été telles que la victoire aurait dû leur revenir. Selon eux, le résultat final (68 sièges au PCC et 55 au PSNC) découle d'une manipulation. Conséquence, l'opposition boycotte les sessions de l'Assemblée nationale.

Le leader de lopposition cambodgienne Sam Rainsy le 4 janvier  Phnom Penh

Les manifestations monstres à l'échelle du Cambodge de ces derniers jours peuvent faire penser que l'on assiste peut-être au début du crépuscule de l'« ère » Hun Sen. Ex-officier Khmer rouge qui avait fait défection avant de rentrer dans Phnom Penh en 1979 aux côtés de l'armée vietnamienne venue chasser les « polpotistes », il est à la tête d'un régime de plus en plus honni par la population.

SYSTÈME DE « PRÉDATEURS »

Protégé par une garde prétorienne et tenant fermement l'appareil militaire et policier, Hun Sen est accusé d'avoir créé un système de « prédateurs », au sein duquel des clans se partagent les dividendes d'une certaine prospérité économique qui a creusé les inégalités.

Dans la foule, samedi, une femme criait : « Hun Sen s'enrichit, le peuple s'appauvrit ! » Le slogan résume sans doute le décalage aujourd'hui perceptible entre la figure d'un Hun Sen artisan de la reconstruction post-khmer rouge et la réalité d'une situation sociale dans un pays où beaucoup de jeunes ne se sentent pas concernés par le souvenir du régime génocidaire. Et la façade d'un enrichissement de la capitale cache mal le fait qu'un tiers des enfants cambodgiens est mal nourri et que seul un quart de la population a accès à l'électricité.

Le système qu'Hun Sen a mis en place est paradoxal. Son comportement est autoritaire mais des élections sont organisées et la liberté d'expression pas totalement muselée. Il choisit la manière forte après avoir laissé l'opposition défilerdans les rues. Impensable dans le Vietnam voisin.

Mais l'aspect le plus neuf est l'alliance entre l'opposition politique et les syndicats ouvriers. Les ouvriers du textile représentent une force de travail de 650 000 personnes et sont en lutte pour que leurs salaires doublent, c'est-à-dire passent de 80 dollars (59 euros) le mois à 160.

Sam Rainsy, âgé de 64 ans, avait commencé à organiser des syndicats non inféodés au pouvoir dès 1990. Il a bien compris que le soutien des ouvriers était crucial dans le combat engagé contre Hun Sen, son adversaire de toujours. Ce dernier, qui a 61 ans, a juré de rester au pouvoir jusqu'à l'âge de 74 ans.