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    Analyse d’un cheminot du NPA

    SNCF

    Lien publiée le 18 juin 2014

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    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    L'INITIATIVE DES MASSES. VIVE LA GRÈVE DES CHEMINOTS !

    La grève des cheminots entre dans sa deuxième semaine. Ainsi, des dizaines de milliers de salariés sont directement mobilisés contre la réforme ferroviaire et, chemin faisant, contre le gouvernement. L’initiative en revient aux cheminots eux-mêmes. Contrairement à ce que chantent les médias et le gouvernement, la grève n’est pas impopulaire. La colère des usagers contre les grévistes n’est pas au rendez-vous. Quel qu’en sera le résultat immédiat, la grève des cheminots est déjà une victoire politique : elle nous livre la démonstration que les directions syndicales ne peuvent plus contenir la lutte des classes, sur son terrain direct, elles ne peuvent enchaîner la classe ouvrière au train des « réformes » qui inspirent à la population un profond rejet, un dégoût viscéral, une profonde colère.

    Prenons quelques éléments sur Villeneuve Saint Georges :

    Grève extrêmement massive aux ateliers du TGV, grève extrêmement massive aux ateliers du Transilien (qui avaient déjà fait grève pendant trois jours pour les effectifs, il y a quelques mois), grève très forte chez les roulants du « Fret ». Aux ateliers Transilien, la majorité des ouvriers sont des jeunes, mais des agents de maîtrise sont également en grève.

    Dans toute la SNCF, c’est la grève de masse.

    Et pourtant, SUD-CGT s’arc-boutent pour brouiller, dévoyer l’objectif de la grève qui est : le retrait de la réforme ferroviaire. A telle enseigne que le mot d’ordre de retrait était un sujet tabou dans le rassemblement de 3500 cheminots sur l’esplanade des invalides, ce matin. A noter que ceux de Saint Lazare en cortège sont allés, de leur propre chef, jusqu’aux abords de l’Assemblée nationale.

    Oui, le mot d’ordre de retrait était devenu tabou. A telle enseigne que FO-cheminots qui est officiellement la seule organisation à exiger le retrait (d’où un préavis de grève séparé) s’est « autocensuré »

    Ainsi, à ce rassemblement, tout le monde a noté la présence visible de quelques militants du NPA avec leurs propres drapeaux et leurs propres tracts (et Philippe Poutou, à la clé). PAS UNE LIGNE DE CE TRACT, PAS UN MOT POUR LE RETRAIT.

    Pourtant, l’exécutif du NPA a les yeux rivés sur cette grève. Et quand ces grands analystes de la situation sociale se penchent sur les cheminots, cela ne va pas sans quelques perles :

     « Dans la situation actuelle post-élections européennes avec un gouvernement affaibli, mais un mouvement ouvrier qui ne parvient pas à capter la colère sociale et à organiser une riposte, la grève des cheminots peut changer la donne. »

    Nous l’avons écrit : la grève des cheminots exprime un tournant de la situation politique, lequel tournant était inscrit dans la fièvre abstentionniste des municipales et des européennes et, précédemment dans le mouvement des bonnets rouges, tout comme il était contenu dans la grève spontané des salariés de Mory Ducros. Mais, il est toujours surprenant de lire que le « mouvement ouvrier ne parvient pas à capter la colère sociale et à organiser la riposte » quand on sait tous les efforts quotidiens, systématiques que déploient les appareils qui sont à la tête des organisations ouvrières pour empêcher la riposte et étouffer la colère. La grève des cheminots révèle au grand jour qu’ils n’y parviennent pas. Certes, leur force bureaucratique contraignante agit, pèse comme une entrave à la centralisation du combat des travailleurs sur leurs propres objectifs, mais sans parvenir à faire refluer les masses qui rejettent les plans anti-ouvriers du gouvernement et de l’union européenne et cherchent l’issue dans l’action et dans la rupture avec le gouvernement et l’union européenne.

    Dans ces conditions, qu’entend l’Exécutif par « la grève des cheminots peut changer la donne ». Quelle « donne » ? Eh bien, rappelons que ces gens-là martèlent depuis des années que le « rapport de forces est défavorable à la classe ouvrière » et ils le déclinent sur tous les tons. Or, la grève des cheminots vient de
    leur apporter l’étincelante démonstration que leur appréciation du rapport de forces ne résiste pas à l’épreuve des faits. Alors, ils vont nous expliquer que le rapport des forces va se modifier en faveur des travailleurs du fait de la grève des cheminots. Bien entendu, la grève des cheminots joue, dans le développement de la lutte des
    classes sur son terrain direct, un rôle d’accélérateur, mais non « d’inverseur ». Ce n’est pas la grève qui créé le rapport de forces, mais le rapport de forces qui produit la grève. La grève de masse n’est pas une opération de routine. Elle consiste en un affrontement de classe. Et celle-ci est directement portée sur le terrain politique. Voilà pourquoi, elle glace d’effroi le gouvernement et le MEDEF, mais tout autant Lepaon et consorts.

    Ainsi, dans ses écrits sur la grève générale en France (1935), Trotsky écrivait : « La grève générale, comme le sait tout marxiste, est un des moyens de lutte les plus révolutionnaires. La grève générale ne se trouve possible que lorsque la lutte des classes s'élève au-dessus de toutes les exigences particulières et corporatives, s'étend à travers tous les compartiments des professions et des quartiers, efface les frontières entre les syndicats et les partis, entre la légalité et l'illégalité et mobilise la majorité du prolétariat, en l'opposant activement à la bourgeoisie et à l'Etat. Au-dessus de la grève générale, il ne peut y avoir que l'insurrection armée. Toute l'histoire du mouvement ouvrier témoigne que toute grève générale, quels que soient les mots d'ordre sous lesquels elle soit apparue, a  une tendance interne à se transformer en conflit révolutionnaire déclaré, en lutte directe pour le pouvoir. En d'autres termes: la grève générale n'est possible que dans les conditions d'une extrême tension politique et c'est pourquoi ELLE EST TOUJOURS L'EXPRESSION INDISCUTABLE DU CARACTÈRE RÉVOLUTIONNAIRE DE LA SITUATION. Comment, en ce cas, le Comité central peut-il proposer la grève générale? "La
    situation n'est pas révolutionnaire!" http://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/ouvalafrance/ovlf33.htm

    En d’autres termes, ce n’est pas la grève générale qui produit une situation révolutionnaire. Mais, l’inverse : la grève générale est la conséquence (et non la cause) d’une situation révolutionnaire. Lorsqu’il s’agit de la grève potentiellement générale dans un secteur, lui-même fortement compartimenté, sous les dehors de la grève dite « reconductible », cette grève est l’expression d’un rapport des forces qui ne peut pas être défavorable, n’en déplaise aux éclectiques. En l’occurrence, elle est l’éclatante confirmation de ce que nous avons affirmé sur le sens des abstentions aux dernières élections, elle en est l’illustration. Les grévistes d’aujourd’hui, dans leur masse, sont les abstentionnistes d’hier. C’est l’armée vivante, fraternelle et chaleureuse de tous ceux qui ne voient pas l’issue dans les élections.

    Nous ne serions pas surpris que les fatalistes pessimistes de l’Exécutif du NPA se muent, selon l’humeur du jour, en fatalistes optimistes. L’euphorie qui semble les gagner les poussent déjà à écrire

    « Par le nombre important de salariés de la SNCF, par la capacité de blocage que peut avoir ce secteur, il pourrait infliger une défaite au gouvernement », oubliant de dire que toutes les conditions de la victoire sur la réforme ne sont pas toutes réunies, puisque les appareils s’arc-boutent contre le retrait de toutes leurs forces et entrent dans une sorte de stratégie de pourrissement de la grève de laquelle participe une certaine extrême-gauche, s’excusant d’être pour le retrait, proposant à son tour des « revendications » de substitution et des « modes d’emploi » pour les grévistes c’est-à-dire des cours de gestion des grèves dans la durée, au lieu de mener campagne et de livrer bataille pour le retrait, n’ayant rien de mieux à dire aux grévistes : «  ne comptons que sur nous-mêmes ». Des grévistes qui, assurément, ne peuvent compter sur le NPA et LO pour imposer aux appareils leur volonté.

    Nous ne nous hasarderons pas, quant à nous, à livrer des pronostics (même au conditionnel) sur l’issue immédiate de la grève. Mais, une chose est certaine : politiquement, cette grève est déjà, en elle-même, une victoire sur le gouvernement et les appareils syndicaux qui lui servent de béquille.