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L’Argentine sous la menace d’une nouvelle faillite

Argentine international

Lien publiée le 19 juin 2014

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

(Mediapart) Deux fonds vautours, qui ont obtenu un jugement favorable de la Cour suprême des États-Unis, sont en passe d’envoyer l’économie argentine au tapis.

Le suspense n’aura pas duré trois jours. Mercredi soir, le ministre des finances argentin a annoncé que le gouvernement serait dans l’impossibilité d’honorer l’échéance de sa dette prévue le 30 juin. L’Argentine se dirige vers un nouveau défaut de paiement, comme le redoutaient de nombreux observateurs.

La présidente, Cristina Kirchner, avait pourtant assuré lundi soir que l’Argentine ne ferait pas défaut et honorerait sa dette. Son intervention faisait suite au rejet de son appel devant la Cour suprême des États-Unis. Celle-ci a jugé lundi qu’elle n’avait pas à examiner le recours de l’Argentine à la suite de la décision d’une cour d’appel américaine qui avait donné gain de cause à deux fonds « vautours », Elliott Management Corp. et Aurelius Capital Management LP, qui contestaient la restructuration drastique de la dette intervenue après la faillite de l’Argentine en 2001. Refusant cette restructuration, soutenue par 93 % des détenteurs de titres, ils entendent obtenir le paiement intégral de leurs obligations, tel qu’il était prévu à l’origine.

Après le jugement de la Cour suprême, ils peuvent exiger le paiement de 1,5 milliard de dollars au 30 juin. De plus, dans un autre jugement, la Cour suprême américaine a autorisé une transparence totale des avoirs argentins dans le monde. En 2012, les deux fonds avaient tenté de faire saisir un bateau argentin, en gage de leur paiement.

Dans sa déclaration, la présidente argentine avait déclaré que si le pays était prêt à honorer ses engagements, il refusait de céder à ce qui s’apparente, selon la présidente, à une « extorsion ». Les deux fonds, en effet, ne sont pas des créanciers habituels. Ils se sont fait une spécialité d’acheter des obligations décotées des pays ou des entreprises en difficulté pour en exiger par la suite le paiement intégral. Ainsi, selon le Wall Street Journal, ils auraient acheté de nombreux titres obligataires de la banque irlandaise, Allied Irish bank, alors en faillite, pour demander par la suite le paiement de ces créances à l’État irlandais, qui avait été contraint de nationaliser la banque pour éviter son effondrement.   

Les deux fonds, selon la presse argentine, n’auraient acheté de la dette du pays qu’en 2008, soit bien après la restructuration acceptée en 2006, à un prix cassé, autour de 20 % du nominal. Le gouvernement argentin a refusé toute négociation avec eux.

Même s’il voulait faire un geste, le gouvernement argentin ne le pourrait pas. Car le jugement de la Cour suprême crée un engrenage en cascade. Au nom de l’égalité entre les créanciers, tous les porteurs d’obligations qui ont refusé d’apporter leurs titres dans le cadre de la restructuration sont en droit de demander le même traitement que celui qui pourrait être consenti aux deux fonds. Ce n’est pas 1,5 milliard de dollars mais plus de 15 milliards de dollars que l’Argentine devrait alors payer, selon les estimations. Une somme impossible à honorer pour le gouvernement argentin : elle représente plus de la moitié de ses réserves de change (28 milliards de dollars), au moment où la situation économique se détériore à nouveau.

Après quelques années d’accalmie, Buenos Aires est retombé dans la crise économique et financière. Le pays connaît à nouveau une inflation galopante (+ 23 % en 2013). En janvier, le gouvernement a dû affronter une nouvelle crise de change et de fuite de capitaux. La banque centrale argentine a choisi de laisser le peso argentin se déprécier de plus de 18 % en quelques semaines. Le pays est officiellement en récession depuis mars.

L’Argentine, qui a laissé de très mauvais souvenirs à la communauté financière – le pays a fait plusieurs fois défaut –, a essayé, cependant, de regagner un peu la confiance des créanciers internationaux ces dernières années. Un accord a été trouvé dernièrement au sein du club de Paris (qui regroupe les principaux pays créanciers occidentaux). De même, le groupe espagnol Repsol a été indemnisé, à la suite de la nationalisation de tous les actifs pétroliers argentins du groupe, décidée par Cristina Kirchner.

Dans une dernière tentative pour éviter un nouveau défaut, le gouvernement argentin dit étudier une opération d’échange de titres (swap) : les nouveaux titres obligataires seraient placés sous la législation argentine et non plus sous la loi américaine, ce qui rendrait caduc le jugement de la Cour suprême. Des spécialistes doutent cependant que le gouvernement argentin ait suffisamment de temps pour réaliser cette opération.

Les deux fonds vautours vont-ils envoyer l’économie argentine au tapis ? C’est ce que redoutent de nombreux observateurs. À la suite du jugement de la Cour suprême américaine, de nombreuses ONG se sont alarmées de la situation, estimant que cette décision amenait à faire payer les plus pauvres, en saisissant les richesses nationales. Même le Fonds monétaire international s’est inquiété du jugement de la Cour suprême américaine. La décision risque, en effet, de faire jurisprudence : les créanciers privés peuvent refuser toute restructuration future des pays trop endettés, comme cela a été le cas au Mexique par exemple ou en Grèce dernièrement. Les pays submergés par les dettes n’auraient plus alors d’autre recours que de faire faillite de façon plus ou moins organisée. L’Argentine pourrait en être le premier exemple.