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    Questions à propos de la tactique du NPA

    Par Blaze (30 septembre 2014)
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    Nous distinguons, il me semble, antagonisme des classes et lutte des classes. Le premier résulte de la nature même du capitalisme, capitalisme qui repose sur l’exploitation par les uns du travail des autres. D’où il résulte que l’intérêt des uns n’est pas celui des autres, si du moins on refuse l’idéologie libérale qui veut que, au contraire, la richesse soit le produit de la coopération des classes, et en retour profite à chacune d’entre elles. L’antagonisme des classes est donc de l’ordre du fait objectif, il est inscrit dans la réalité du capitalisme.

    La lutte des classes, quant à elle, serait liée à la conscience de classe : les exploités (le prolétariat) auraient à se représenter clairement non seulement leur situation (les rapports de production dans le vocabulaire de Marx) mais aussi le moyen d’en sortir, à savoir le communisme (je ne vois pas comment on peut être anticapitaliste sans être communiste, il est d’ailleurs remarquable que le nom même du parti en question, NPA, insiste sur la négation et non pas sur l’affirmation, sur le mal et non sur le remède). La lutte des classes serait donc la guerre que le prolétariat mène contre la bourgeoisie pour se libérer du joug que cette dernière lui impose, et elle supposerait une conscience claire de ce contre quoi on se bat, et de quel but on poursuit (étant entendu que, puisque le but d’abattre le capitalisme, de vaincre la bourgeoisie, pose évidemment le problème d’un projet de société pour remplacer tout cela, le communisme s’impose comme la finalité suprême de la lutte des classes).

    Ainsi l’antagonisme de classe n’entraînerait pas nécessairement la lutte des classes, puisque cette dernière dépendrait de la conscience que le prolétariat a de lui-même comme sujet collectif mais unifié par une situation objective, de sa position, de ses intérêts réels, des buts qu’il doit poursuivre…, et que cette conscience n’est pas donnée immédiatement mais doit se construire, et peut être aussi déconstruite par l’activité de la bourgeoisie.

    L’hypothèse de ce texte, c’est que, dans la période actuelle, la lutte des classes est quasi inexistante, et que la tactique d’un parti du prolétariat tel que le NPA doit tenir compte de ce fait et en tirer les justes conséquences.

    On peut sans doute identifier différents facteurs qui ont produit le sommeil de la lutte des classes, c'est-à-dire le sommeil de la conscience de classe (puisque la seconde est la condition de possibilité de la première) :

    • Les progrès de la qualité de vie après la seconde guerre mondiale.

    • La guerre idéologique menée par la bourgeoisie, amorcée pendant la guerre froide, et qui a pris une ampleur jamais vue depuis.

    • La trahison du PCF, fille de la trahison des dirigeants de l’URSS depuis Staline.

    • L’abrutissement véhiculé par les médias de masse (la télévision surtout).

    • Le développement de la sous-traitance à partir des années 80, qui non seulement faisait baisser le coût de la production mais aussi atomisait la population salariée en autant d’individus (contrairement aux grandes unités de production d’antan).

    • La trahison de la gauche dite institutionnelle, qui fût toujours, certes, bourgeoise, mais qui n’en a même plus honte.

    • L’intégration des syndicats à la machine étatique, d’où il résulte une coupure entre la base et les directions, ces dernières s’autonomisant pour faire carrière (opportunisme).

    • … cette liste ne prétend pas à l’exhaustivité.

    Dans ce contexte, je pense donc que la tâche immédiate et fondamentale d’un parti anticapitaliste est de viser au réveil de la lutte des classes.

    Il va de soi que ce réveil ne peut se décréter, qu’il ne suffit pas de discours ni de formation à la lecture de Marx. La masse ne peut sans doute se réveiller à la lutte des classes que par sa propre expérience, et le durcissement de la politique de la bourgeoisie depuis au moins trente années, pour rétablir le taux de profit, constitue très certainement un facteur décisif (et que dire de la crise financière !). La conscience de soi n’existe pas d’elle-même, elle se forge au contact de la réalité.

    Cependant, cette dernière vérité doit-elle déboucher sur la conclusion qu’il suffit d’attendre ? Rend-t-elle l’action d’un parti, et même l’existence de ce parti, purement inutiles ? Si le NPA existe, c’est que ceux qui le composent répondent par la négative à cette question, ce en quoi ils ont raison. Mais si le raisonnement, jusqu’ici, est juste, la question tactique qui doit être posée devient « Comment accompagner le réveil de la lutte des classes ? ».

    Hypothèse : la « communication » actuelle du NPA » cherche à tenir compte de l’état de fait esquissé plus haut, et c’est pour cela qu’elle demeure, dans son contenu, en deçà d’un contenu clairement communiste (ce serait là une démarche réfléchie, fondée sur le principe qu’il faut prendre les choses où elles en sont). Ainsi un paragraphe comme celui-ci (représentatif de la prose du parti) :

    « Urgence sociale pour défendre les principales revendications sur l’interdiction des licenciements, les augmentations de salaires, la défense des services publics et des retraites. Mais dans cette situation de crise, ces revendications doivent être accompagnées, plus que jamais par des mesures comme la levée du secret bancaire, le contrôle des changes et l’interdiction de mouvements de capitaux vers les paradis fiscaux, la nationalisation des banques sous contrôle des travailleurs et de la population, l’annulation des dettes illégitimes contre les politiques d’austérité. L’affaire « Cahuzac » donne, ainsi, un contenu d’urgence sociale sur la nécessité d’incursion dans la propriété bancaire et financière, et sur la nécessité d’un contrôle populaire sur la vie économique et politique. »1

    Ni chair ni poisson, un tel contenu viserait à commencer de former un front de lutte, front dans et par lequel ceux qui s’engagent pourraient s’enrichir de cette expérience et s’acheminer vers la lutte des classes.

    Je prends la revendication phare du NPA, l’interdiction des licenciements. Nous savons tous que cette revendication est impossible à obtenir dans le système actuel, et qu’elle ne pourrait s’imposer que si le prolétariat était en position de s’emparer du pouvoir politique, or ce n’est justement pas le cas ! On se retrouve donc avec une revendication que serait juste dans une certaine situation (par exemple celle d’un parti révolutionnaire soutenu par une gosse partie de la masse, avec des élus à l’assemblée, et qui propose une loi au sein de cette assemblée pour faire apparaître clairement les limites de cette institution et chasser une illusion de plus), mais qui semble tout à fait fausse dans les conditions actuelles. Car je suis prêt à parier que cette revendication, pour le « prolétaire moyen », n’est que belle parole, démagogie, promesse en l’air et au fond vide de sens.

    L’erreur serait ici de mettre la charrue avant les bœufs : il faudrait reconstituer le prolétariat dans sa conscience de classe, mais on présuppose cette dernière et on lui fournit une revendication pour s’approfondir. Si je compare avec la récente proposition de la CGT d’Amiens pour constituer une part de la production Goodyear en SCOP, il me semble qu’il y a là quelque chose de beaucoup plus juste : par cette revendication, on indique clairement quelle est la nature du mal, et on indique dans quelle direction chercher le remède. Dans ce cas, la lutte quotidienne produite par l’antagonisme des classes devient en effet une expérience dans laquelle peut se reforger la lutte des classes. De même, informer sur l’expérience Zanon en Argentine me paraît autrement plus sérieux que de dénoncer telle ou telle tare sans jamais présenter une direction claire et concrète vers laquelle se diriger. Le NPA est soit dans la négation sans affirmation, soit dans l’affirmation nébuleuse.

    Pour récapituler, le propos de ce modeste papier était de se demander si, dans une période de sommeil de la lutte des classes, un parti révolutionnaire doit :

    • Proposer des mots d’ordre, certes progressistes, mais sans référence à une société future, en prenant le risque de la confusion avec des formations au fond conservatrices telles que le FdG ; en refusant de fixer des repères clairs et précis.

    • Considérer que la première tâche est de reconstituer un parti de lutte des classes, avec un discours clair et déterminé.

    La deuxième option verse-t-elle dans la fameuse maladie infantile du communisme ? Lorsque Lénine écrit son ouvrage pour faire part de l’expérience bolchevique, il insiste bien sur certaines conditions : un parti communiste révolutionnaire de masse déjà constitué et une situation prérévolutionnaire. Dans ces conditions, il affirme en effet que ne pas vouloir s’allier de manière circonstancielle aux partis bourgeois, de ne pas vouloir participer aux assemblées et institutions de l’état bourgeois, constitue une erreur. Mais d’une part il insiste bien sur le fait que, pour autant, le parti ne transige jamais sur sa ligne idéologique, et d’autre part les conditions qui font du gauchisme une erreur ne sont pas du tout réunies aujourd’hui ! Le NPA, par son discours tronqué et ses rapports ambigus avec le FdG, ne rajoute-t-il pas de la confusion à la confusion, différant par là même le réveil de la lutte des classes ? Ne devrait-il pas plutôt considérer que devant l’offensive généralisée du capital, l’opportunité se présente de reformer un parti révolutionnaire avec une identité claire et distincte ? Certes, cette démarche a conduit, dans les dernières décennies2, à s’enfermer dans ce qui relève plus de groupuscules que de partis significatifs, mais justement, les conditions ne changent-elles pas ?


    1 INFO CE du 24 avril 2013

    2 Encore faudrait-il se pencher sur la tactique de la LCR dans le passé, par exemple lors de l’union de la gauche et de la première élection de Mitterand, tactique qui consistait déjà à soutenir le candidat d’un parti bourgeois…

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