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    A Tolbiac, début d’une mobilisation massive

    Une mobilisation qui a eu du mal à prendre

    La mobilisation à Tolbiac a rencontré des difficultés depuis le début. Si les premières AG ont réuni successivement 350 puis 700 personnes au début du mois de février, les chiffres ont chuté après le premier épisode de blocage, le 14 février. Les raisons sont nombreuses : une répression administrative dès le 15 février avec une annulation complète des TD et des cours pour éviter la tenue d’une nouvelle AG, une mobilisation très lente des enseignant.e.s et du personnel qui n’encourageait pas les démarches des étudiant.e.s …

    Les AG qui ont suivi ont réuni environ 200 à 250 personnes chacune, mais cela ne les a pas empêché de voter le blocage pour la journée du 22 mars, dans l’idée de rejoindre par la suite l’une des deux manifestations de Paris. Mais l’administration a là encore fait usage de la répression en fermant administrativement les sites les plus mobilisés, c’est-à-dire Tolbiac en premier mais aussi Cassin ou encore Saint-Charles qui devait être bloqué également ce jour-là. Les portes de la Sorbonne ont également été fermées pour empêcher les étudiant.e.s et personnel mobilisé.e.s de s’y réunir pour tenir l’AG qui leur avait été interdite à Tolbiac. C’est finalement dans le centre Panthéon qu’une AG expéditive a eu lieu, dans les couloirs puisque l’administration n’avait pas donné d’amphi, votant de rejoindre la manifestation de la fonction publique et de rebloquer Tolbiac le lendemain.

    Le 23 mars, Tolbiac est à nouveau bloquée. 250 étudiant.e.s, enseignant.e.s et personnel assistent à l’Assemblée générale et votent la reconduite du blocage à partir du 26 ainsi qu’une semaine d’occupation. Le 26 au matin, le centre est donc à nouveau bloqué et cette fois-ci, l’AG réunit près de 700 participant.e.s et confirme le vote d’une occupation et du blocage de la fac pour une semaine entière, reconductible. C’est probablement donc la mobilisation nationale du 22 mars qui a su donner à Tolbiac l’impulsion nécessaire pour relancer le mouvement et faire des AG plus massives, atteignant un nouveau public d’étudiant.e.s mais également de personnel qui jusque là peinait à se mobiliser.

    La réussite de l’occupation malgré la répression administrative et les menaces

    L’occupation est donc votée dès le lundi 26 mars et se met en place immédiatement. L’enjeu principal est de maintenir une fonction politique au blocage et de s’en servir pour la massification du mouvement qui commence. Il ne faut donc pas que l’annulation des cours et des TD décourage les étudiant.e.s de se rendre sur le lieu de la mobilisation. Le comité de mobilisation de Tolbiac met donc en place une opération « Université ouverte » : l’objectif est d’inviter des enseignant.e.s, des doctorant.e.s, ou des intervenant.e.s en général pour proposer des ateliers, des débats, des conférences, des projections … qui encourageraient les étudiant.e.s à venir à Tolbiac pour se réapproprier leur lieu de d’études et concevoir ensemble une nouvelle vision d’une université émancipatrice et non pas soumise aux volontés du marché du travail. L’opération a du succès : ont donc lieu des activités diverses comme par exemple une conférence sur le rôle des femmes dans la Commune, proposée par Eric Fournier, enseignant-chercheur à Paris 1 spécialiste de la Commune, qui a réuni près de 200 personnes, ou encore une projection-débat du documentaire « Histoire du Venezuela » en présence du réalisateur Thierry Deronne.

    L’occupation est une réussite en terme de massification de la mobilisation, puisque la dernière AG en date, le jeudi 29 mars, s’est déroulée dans un amphi bondé devant près de 1200 personnes et a revoté le blocage reconductible jusque la journée de mobilisation du 3 avril, date du départ en grève des cheminot.e.s. Mais les occupant.e.s et les personnes mobilisées sont victimes depuis la journée du 22 de nombreuses menaces sur les réseaux sociaux. Des photos de camarades, voire même des vidéos d’interventions en AG, ont été postées sur le forum du 18-25 de JVC, connu pour ses campagnes de harcèlement. Dans les commentaires, plusieurs personnes proposent de « refaire comme à Montpellier », et de venir agresser les étudiant.e.s mobilisé.e.s. Des menaces plus graves encore parlent d’attentat ou de meurtres. L’AG du 29 mars a également été perturbée par la présence de membres d’associations d’extrême-droite, notamment La Cocarde, qui ont été sortis de l’amphi après un vote de l’AG.

    La dernière menace qui pèse sur la mobilisation est celle de la répression administrative. Si George Haddad, le président de Paris 1, s’est engagé à ne pas laisser entrer les CRS pour déloger les occupant.e.s sauf en cas de débordements, la fermeture administrative du centre condamne les étudiant.e.s à devoir utiliser des solutions alternatives pour rentrer ou sortir de la fac dont les grilles sont fermées et parfois même surveillées par la police. L’administration menace aussi de couper l’électricité dans la fac, ce qui rendrait difficile l’alimentation des occupant.e.s mais aussi leur contact avec l’extérieur.

    L’occupation doit tenir le week-end de trois jours. Le centre est supposé ré-ouvrir administrativement mardi, la date de la prochaine AG : si les occupant.e.s ne se font pas déloger d’ici là, il s’agira déjà d’une victoire importante qui permettra à la mobilisation d’atteindre à nouveau les étudiant.e.s, les enseignant.e.s et le personnel, et de relancer le projet d’Université ouverte.

    Des tensions liées à la découverte de tags antisémites

    Le principal élément de tension de cette semaine d’occupation reste toutefois la découverte du saccage des locaux de l’UEJF, l’Union des Etudiants Juifs de France, découvert le matin du 28 mars. Des kippas ont été jetées par la fenêtre, des tags antisionistes mais également antisémites ont été découverts sur les murs et la porte du local, comme par exemple « Mort à Israël » ou encore « Fac laïc ». Il s’agit probablement de l’œuvre de militant.e.s d’extrême-droite, un moyen pour eux de commencer à appliquer les menaces qu’ils faisaient à l’encontre du comité de mobilisation sur les réseaux sociaux. En effet, il n’a pas été difficile de découvrir que l’université, ouverte en raison de l’occupation non pas seulement aux militant.e.s mais à tous les étudiant.e.s, a accueilli dans la nuit du 27 au 28 quelques militants d’extrême-droite qui se vantaient sur le site de JVC d’avoir infiltré les occupant.e.s.

    Le comité de mobilisation, après avoir découvert les tags, a immédiatement dénoncé les actions antisémites. Un communiqué a été publié sur tous les réseaux sociaux de la mobilisation et largement relayé par les militant.e.s. Le comité de mobilisation a ainsi écrit : « Nous nous battons pour une université ouverte à toutes et tous. Ce combat s’inscrit pleinement dans la lutte contre le racisme sous quelque forme qu’il soit. A ce titre, nous condamnons et combattons au quotidien le racisme qui parcourt la société, et notamment les actes antisémites, à l’image de l’assassinat odieux de Mireille Knoll. » En effet, le contexte d’antisémitisme dont témoigne l’assassinat de Mireille Knoll a pu encourager les militant.e.s d’extrême-droite à utiliser ces tags et ces dégradations pour discréditer le mouvement étudiant auquel iels sont fortement opposé.e.s.

    Mais cette condamnation ferme des actes antisémites n’a pas été jugée suffisante par certains médias qui ont profité de l’AG du 29 pour faire des reportages sur la mobilisation et sur les dégradations. Tolbiac a ainsi été mentionnée par TF1, France 3, le Point, le Parisien, mais également par d’autres journaux qui n’ont pas présenté la mobilisation sous un œil très favorable, comme le Figaro, Causeur et surtout Quotidien. L’émission de télévision a en effet participé à l’amalgame entre les dégradations antisémites et le mouvement étudiant. Leur reportage, tronquant le discours d’une étudiante mobilisée, n’a pas montré la dénonciation des actes par la mobilisation, donnant l’impression au contraire que les étudiant.e.s cherchaient à justifier ces actes. De plus, ils ont tenu à filmer des militant.e.s qui avaient explicité leur volonté de ne pas apparaître à l’image, pour des raisons de sécurité, à cause du harcèlement par l’extrême-droite sur les réseaux sociaux.

    La mobilisation à Tolbiac semble donc bel et bien lancée. Des étudiant.e.s de plus en plus nombreux se rendent aux Assemblées générales qui accueillent par ailleurs un nombre grandissant d’enseignant.e.s et de personnel. Malgré tout, les menaces sur le mouvement restent importantes. Il ne faudrait pas que celui-ci soit discrédité par l’amalgame avec les violences antisémites, qui sont au contraire le fait de ses opposant.e.s. L’enjeu principal sera donc la tenue de l’occupation lors du week-end, et sa capacité à se maintenir malgré les tentatives de dissuasion de la part de l’administration, de la police et de l’extrême-droite. Si l’occupation persiste, elle pourra servir à préparer au mieux la journée du 3 avril et la convergence avec les autres secteurs en grève.

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