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    Bilan et perspectives après le 49e Congrès de la CGT

    Par Gaston Lefranc (20 janvier 2010)
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    Un congrès anti-démocratique...

    Le congrès d’une organisation ouvrière devrait être un grand moment de démocratie où les militants se réunissent à la base, prennent le temps de faire le bilan, de discuter de l’orientation future, et de mandater sur cette base leurs délégués. Et pourtant... la direction bureaucratique de la CGT a fabriqué un ersatz de congrès, piétinant tous les principes de la démocratie syndicale pour s’assurer une majorité automatique qui valide son orientation.

    Pour être délégué au congrès, il ne suffisait pas d’avoir été choisi démocratiquement par son syndicat de base. Il fallait également que ce choix soit validé par une fédération ou une Union Départementale, et ce en dehors de tout contrôle des syndiqués de la base. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que, dans beaucoup de sections syndicales, les militants n’aient même pas discuté du 49e Congrès tellement celui-ci leur était étranger.

    Ce congrès ne pouvait donc pas être représentatif. On notera par exemple l’absence des délégués des entreprises en lutte, excepté un militant de Molex. La CGT à la pointe du combat était grossièrement sous-représentée.

    Ajoutons à cela le fait que la direction confédérale s’est octroyée le droit de refuser des candidatures aux instances de direction ... Et que dire aussi de la fausse sortie de J.-C. Le Duigou, écarté du Bureau confédéral… pour mieux réapparaître comme « conseiller personnel » de Thibault. Il va donc continuer à sévir en étant encore plus à l’abri du regard et du contrôle des militants.

    Ce congrès s’annonçait donc comme une sinistre face où la direction choisit les délégués, qui ne peuvent alors que valider les choix de la direction.

    ... où malgré tout la contestation de l’orientation confédérale a pu s’exprimer

    Malgré ce filtrage et une stricte maîtrise des prises de paroles, la contestation de l’orientation confédérale s’est exprimée au congrès.

    La popularisation de la candidature de Jean-Pierre Delannoy (dirigeant des métallos du Nord Pas-de-Calais) avant le congrès (1) – plus de 2 000 structures syndicales et militants ont pris position pour sa candidature – a permis au syndicalisme de lutte de classe de devenir « visible », et a contribué à libérer la parole au congrès. La direction confédérale n’a pas pu empêcher l’expression d’une opposition à la ligne collaboratrice et pleinement intégrée à l’Etat bourgeois de la direction CGT.

    Par exemple, Alexis, délégué de Molex au congrès, a affirmé : « J’ai été frappé par l’absence totale des boîtes en lutte contre leur fermeture, et par l’incapacité du congrès à prendre la mesure de la répression qui frappe de plus en plus les syndicalistes » (interview publié dans L’Émancipation syndicale et pédagogique, revue de la tendance syndicaliste-révolutionnaire de l’enseignement, de janvier 2010).

    La direction de la CGT a montré à quel point la candidature de Delannoy la dérangeait en l’empêchant de tenir un point presse dans la salle de presse, en sermonnant la presse d’avoir gâché son opération de communication : « Les medias ont déjà choisi comme porte-parole un simple responsable de structure », ou encore en prolongeant les débats du mercredi à 20h30, le jour où le comité « CGT lutte de classe » de soutien à la candidature Delannoy organisait une réunion publique (80 camarades y ont participé).

    La direction de la CGT n’a pas pu empêcher le camarade Delannoy d’intervenir dans la salle du congrès (2), mais elle a ensuite orchestré une mise en scène, en faisant entrer des camarades sans-papiers, pour couper court à tout débat. Daniel Prada au nom de la direction confédérale, a déclaré, de façon complètement démagogique, que la meilleure réponse aux détracteurs avait été donnée par les sans-papiers eux-mêmes au cours du débat !

    Alors que les représentants de la CES et de la CSI ont été conspués par une partie du congrès, la contestation était telle que Thibault a paniqué et a décommandé la venue de son ami Chérèque (3), « parce que vu l’évolution du congrès on ne pouvait garantir les conditions de son accueil et qu’il ne voulait pas donner cette occasion aux perturbateurs ».

    On notera également (pour les nostalgiques du stalinisme…) que Thibault a pu compter sur le soutien de son prédécesseur Séguy (qui a dirigé la CGT entre 1967 et 1982) : « J’ai été aussi attentif au fait qu’il y a eu de l’opposition, du dénigrement envers la CGT et son secrétaire général. Je retrouve les temps anciens où certaines personnes m’accusaient de trahir la classe ouvrière parce que j’acceptais de discuter avec le gouvernement Pompidou. Le 49e congrès de la CGT positif et le 50e sera encore meilleur » (4) (extrait de L’Humanité du 11 décembre). La solidarité entre bureaucrates est très touchante…

    Le congrès confirme sans surprise l’orientation confédérale

    La visibilité de la contestation interne n’a pas empêché la direction d’imposer son orientation. Alors que des délégués ont demandé à soumettre au congrès des amendements (comme la critique de la tactique des journées d’action dispersées) non retenus par la « commission des mandats et des amendements », ce droit élémentaire leur a été refusé : la direction intégrait ou non les amendements qui lui plaisaient — en les déformant le cas échéant —, et les délégués n’ont donc pu se prononcer que sur un texte global que la direction.

    Sur le dossier brûlant des retraites, beaucoup de délégués ont contesté la position de la direction confédérale, en mettant en avant le « retour aux 37,5 années de cotisation ». Clarisse, du syndicat Mine énergie des Hauts-de-Seine, a plaidé pour que la CGT dise qu’il n’y a pas de problème pour financer cette mesure, puisqu’il y a quarante milliards d’exonération pour les patrons. Mais la direction n’a pas plié. Tout juste a-t-elle ajouté la phrase suivante : « La CGT entend arrêter la spirale de l’allongement de la durée de cotisation que prévoit la Loi Fillon. » Mais Thibault a affirmé, dans Le Monde, que « les 37,5 années de cotisation ce n’est plus la position de la CGT depuis deux congrès ».

    La direction confédérale a donc fait valider son bilan et ses « revendications » anti-ouvrières :

    • « maison des régimes de retraite » (au moment où le gouvernement veut justement unifier par le bas les différents régimes) au lieu de la défense des acquis et le retour des 37,5 ;
    • « sécurité sociale professionnelle » pour accompagner les plans de licenciement (désarmant ainsi les travailleurs qui s’y opposent) ;
    • promotion du « dialogue social » avec le « partenaire » patronal, l’ami des bureaucrates et l’ennemi des travailleurs.

    Quant aux perspectives concrètes… la seule avancée pour les prochains mois est une nouvelle journée de mobilisation sur l’emploi, les salaires et les retraites... le 24 mars prochain à l’appel de la CSI (Confédération Syndicale Internationale, organisation d’accompagnement du capita-lisme) !

    La direction confédérale mérite bien les compliments de la bourgeoisie ! Le sarkozyste Alain Minc a ainsi chaudement félicité Thibault et sa clique : « Je constate qu’au printemps, leur sens de l’intérêt général a été impressionnant pour canaliser le mécontentement. L’automne a été d’un calme absolu. » (5)

    Pourtant, malgré le verrouillage de plus en plus accentué, il y a un recul du soutien à la direction (environ 5% de votes pour en moins pour rapport d’activité et 3% en moins pour le rapport d’orientation, par rapport au dernière congrès confédéral) : les rapports d’activité et d’orientation ont ainsi été adopté avec respectivement 70,82% et 72,07% de pour (et environ 20% de contre, 10% d’abstention et de refus de vote).

    Les candidats de la direction à la Commission exécutive ont tous été élus, mais il est symptomatique que les moins connus soient ceux qui aient obtenu le plus de voix...

    Dans son discours de clôture, Bernard Thibault a déclaré qu’« à la CGT, il ne peut y avoir par principe une opposition et une majorité (...). Il n’y a pas une "ligne" de la direction confédérale, mais une orientation définie par les syndicats et qui représente la feuille de route de la direction confédérale et des organisations de la CGT. » Ce bureaucrate en chef bat décidément tous les records de l’hypocrisie, en niant l’évidence. La direction confédérale a bien entendu une ligne, votée par des « délégués » désignés le plus souvent par la direction.

    Structurer et organiser un courant lutte de classe : une nécessité vitale !

    L’unité qui s’est faite autour de la candidature Delannoy doit se prolonger et s’étendre après le congrès. Il est nécessaire que les différents collectifs travaillent ensemble au sein du « Comité national pour une CGT de lutte de classe ». Les militants CGT du NPA doivent s’organiser et s’investir à fond pour faire du Comité national un pôle d’organisation des militants CGT lutte de classe qui combattent l’orientation de la direction confédérale.

    Il est inacceptable que la direction du NPA soit restée « neutre » et n’ait pas appuyé la candidature Delannoy, contrairement à de nombreux militants NPA, dont ceux de la Tendance CLAIRE. L’opposition à la direction confédérale ne peut pas rester abstraite : pour être concrète, elle doit s’incarner, matériellement, dans un courant rassemblant tous les militants CGT qui veulent mener des combats de classe. Il est temps que la direction du NPA prenne position et appelle ses militants à s’investir dans le Comité.

    La prochaine réunion du « Comité national pour une CGT de lutte de classe » aura lieu le 26 janvier à Paris. Sur la base du bilan très positif de la candidature Delannoy et des progrès de l’opposition dans la CGT, le Comité a une responsabilité majeure pour avancer vers la constitution d’un grand courant intersyndical lutte de classe et antibureaucratique.


    1) Cf. notre précédent numéro.

    2) On peut lire son intervention sur le site des camarades du blog Où va la CGT ? : http://ouvalacgt.over-blog.com/article-intervention-de-jean-pierre-delannoy-au-49eme-congres-confederal-40914581.html

    3) Chérèque a déclaré (sur challenges.fr) : « Ma venue au congrès de la CGT à Montpellier, en 2003, s’est bien passée. À Lille, en 2006, je me suis fait siffler. Et aujourd’hui, à Nantes, je ne peux pas y aller. Ça s’aggrave. »

    4) L’Humanité, 11 déc. 2009.

    5) Le Parisien, 27 décembre 2009.

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