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    Le salaire à vie contre le revenu universel : une conférence fertile animée par Bernard Friot à Brest le 15 mars 2007

    La première pépite concerne la participation à cette conférence ! Bien que non annoncée dans les médias locaux à grande diffusion, environ 150 personnes ont participé à des échanges. La richesse de l'intervention et du débat rend compliquée la réalisation d'un compte rendu exhaustif mais voici quelques points marquants issus de propos directement tenus, d'interprétations et de réflexions :

    • Il faut lutter pour une définition du travail qui dissocie l'utilité de la valorisation du capital. Selon la définition capitaliste : "Le particulier qui tond sa pelouse ne crée pas de richesse, l'entreprise de jardinage si... Quand au fonctionnaire territorial, la réalisation du même travail par ses soins constitue un coût !".

      Se limiter à la définition capitaliste du travail en appelant à une meilleure répartition des richesses est une idée alliénante car elle ne remet pas en question les rapports de production. Penser que l'impôt est le lieu de l'affrontement social est complètement à côté de la plaque : le keynesianisme au feu et les antilibéraux au milieu !

    • Sur les rapports de production, la bourgeoisie n'a pas demandé à être mieux considérée par l'aristocratie lors des révolutions qui ont marqué le passage du féodalisme au capitalisme, les aspirations des capitalistes se sont formulées en termes de prétention d'accession au pouvoir économique et politique.

    • Les révolutions politiques ont été précédées de changements économiques et sociologiques. Il faut prendre garde à caractériser certaines "institutions" comme des trahisons du fait qu'elles s'inscrivent dans un cadre de coexistence avec les capitalistes. Elles peuvent constituer les embryons des futures institutions nécessaires ou au moins utiles à la réalisation d'un basculement qualitatif entre le capitalisme et le communisme.

      L'acharnement de la bourgeoisie à détruire le Salaire et la Sécurité sociale devrait nous mettre la puce à l'oreille sur le fait de défendre ces deux institutions. La volonté pour la bourgeoisie de développer l'auto-entreprenariat constitue en effet une aspiration à s'émanciper du Salariat qu'elle ferait ainsi disparaitre. Pour appuyer l'interprétation du Salariat comme un danger, il faut aussi la considérer comme nécessaire à la construction de la conscience de classe. Pour ce qui est de la Sécurité sociale, il faut y ajouter la nécessité pour un capitalisme en crise de trouver de nouveaux marchés. L'hôpital public présenté comme un coût sera-t-il présenté comme une richesse si les capitalistes arrivent à privatiser l'ensemble du secteur santé ? On peut penser que oui...

      Considérer certaines institutions comme des acquis de la classe ouvrière à défendre n'est pas forcément incompatible avec le fait d'évoquer leur création comme une trahison si on met cette contradiction en persective du contexte historique dans lequel elles ont été créées. Le rapport de force entre la classe ouvrière et les capitalistes lors de leur création permettait-il d'envisager un basculement qualitatif du régime de propriété et du statut du producteur ?

      Si un tel basculement était envisageable, la création de ces institutions, fruit d'un compromis historique entre classes, peut être interprétée comme un facteur de préservation du système capitaliste. Pour celles et ceux qui pensent que les capitalistes ne lâchent que lorsqu'ils risquent de tout perdre, la dénonciation de la création de ces institutions n'est pas aberrante dans la mesure où elles peuvent être interprétées comme des facteurs de stabilisation d'une situation potentiellement révolutionnaire. Ce point de vu implique cependant d'avoir des éléments concrets souvent difficiles à vérifier sur la potentialité de la classe ouvrière à se structurer en classe hégémonique.

      Encore une fois, cela n'empêche pas de considérer aujourd'hui ces institutions comme des éléments constitutifs des processus révolutionnaires à venir.

      Il faut aussi préciser que Bernard Friot parle de "Salaire" et de "salariat" au sujet des formes spécifiques de rémunération, progressistes, mises en place après 1945. Ainsi il parle de défendre et généraliser le salariat, et il considère que les formes les précaires d'emploi ne font pas partie du salariat. Cela peut prêter à confusion avec la définition de Marx, qui parlait d'abolition du salariat, définissant celui-ci comme la condition de prolétaire soumis au marché du travail. La contradiction n'est cependant que dans les termes : si le "salariat" de Friot était généralisé, le marché du travail serait aboli.
       

    • Ces institutions ne peuvent donc revêtir un caractère progressiste que si elles s'inscrivent dans le projet d'un basculement qualitatif de la nature des institutions : de l'Etat bourgeois à l'Etat ouvrier. Pour cela, ces institutions doivent s'inscrire dans une logique de changement du statut du producteur et du régime de propriété : Salaire à vie oui ! Revenu de base non !

      Le Salaire doit être interprété comme issu d'une richesse dont la propriété et la décision de répartition sont communes, le revenu comme ce que le possédant veut bien donner à celui ou celle qui ne possède pas. Si on considère par dessus le marché, dans tous les sens du terme, que la richesse du possédant est créée par celui qui ne possède pas mais travaille au sens capitaliste ou non (enfants etc.), on passe d'une mesure émancipatrice à une mesure au contraire alliénante, bien que pour les deux, il est question d'argent tombant sur le compte "indépendamment" du travail réalisé.

    • La question a forcément été posée lors du débat : "A quoi bon travailler si on est payé sans le faire ?". Bernard Friot a d'abords répondu en sociologue en répondant par la nécessité de s'impliquer dans la vie sociale avec toute la production de valeur utile que cela implique. Il a ensuite attaqué la situation du travail rémunéré aujourd'hui qui, soumis aux intérêts capitalistes, détruit la nature et destructure les liens sociaux. Selon Bernard Friot, il vaudrait mieux aujourd'hui payer un tiers des travailleurs à ne rien faire plutôt qu'à détruire, citant au passage le cas des inspecteurs et inspectrices de l'Education nationale chargé-e-es de faire appliquer les réformes !

    La conférence a constitué un bol d'air frais dans le brouillard idéologique capitaliste actuel. Le temps a par contre manqué pour échanger sur l'organisation nécessaire à la mise en place d'un tel projet. Quelle structuration pour permettre le contrôle des travailleurs et des travailleuses ? Quels points d'appuis aujourd'hui ? Peut on envisager comme il y a 100 ans la mise en place de conseils ouvriers ? Faut il s'appuyer sur la structuration des syndicats ? Que faire alors que les syndicats et la Sécurité sociale sont de plus en plus intégrés à l'Etat capitaliste ? La nécessité de s'émanciper de l'Etat est en tout cas un point partagé pour Bernard Friot, tout comme la responsabilité, pour les syndicats notamment, de créer des cadres de développement de l'autoorganisation des travailleurs !


    Lien pour écouter la conférence : http://www.pikez.space/m-e-p-bernard-friot-conference-revenu-universel-vs-salaire-a-vie/

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