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    Tribune libre: Liberté pour le prisonnier politique russe Alexeï Gorinov !

    Par ( 2 octobre 2022)
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    Le 19 septembre 2022, le député municipal moscovite Alexei Gorinov a été condamné en appel à six ans et onze mois de rétention, accusé d'avoir enfreint la récente loi dite "contre les fakes",  qui interdit la diffusion de fausses informations à l'égard de l'Armée russe et instaure de facto la censure militaire dans le pays. En mars 2022, Gorinov s'était opposé à l'organisation d'un concours de dessin pour enfants dans sa municipalité, en affirmant que la priorité de l'agenda politique, à toute échelle, devait être la cessation immédiate de la guerre en Ukraine. Nous traduisons ici les dernières paroles de Gorinov lors de son procès en appel (source : https://meduza.io/feature/2022/09/19/nam-ezhednevno-vnushayut-chto-voyna-radi-mira).

    France Simulacre

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    « Sept ans de privation de liberté : est-ce long ou court ? La lumière solaire atteint la Terre en huit minutes. L'onde d'un rayon de projecteur dirigé vers le ciel atteindra l'étoile la plus proche du Soleil en un peu plus de quatre ans : presque deux tiers de ma peine auront été écoulés. Il faudra deux millions d'années environ pour que cette lumière touche la constellation la plus proche de nous, la galaxie d'Andromède.

    Un temps inimaginablement long ? Mais rappelez-vous combien de personnes ont été touchées par la guerre en Ukraine qui leur a enlevé des années de vie paisible et normale – et à certain-e-s, la vie même ! –  et multipliez ces nombres. Efforcez-vous de sentir, de comprendre l'ampleur universelle des événements dont il s'agit ici. Une responsabilité de la même ampleur repose sur chacun-e d'entre nous, y compris sur moi-même. Le moindre de ce que je peux faire est d'appeler les choses par leur nom.

    Me faudrait-il sept ans – ajoutons-y le reste de mon vécu – pour me rééduquer de pacifiste en "faucon" [ce terme désigne une catégorie d'agents du Service Fédéral Pénitentiaire russe] ? Pour ne plus voir dans "l'opération militaire spéciale" un conflit militaire, une guerre – mais une action à visée antimilitariste, qui apporte la paix aux gens ? Pour apprendre à nier la mort des civils, y compris des enfants, au cours de cette "opération"? Pour appeler à poursuivre les actions militaires, au lieu de les cesser ? On verra bien…

    On verra bien également s'il faudrait sept ans aux dirigeants politiques de la Russie pour comprendre vers quelle catastrophe internationale, économique et morale ils ont mené notre pays.

    Il y a des destructions que l'on n’a jamais vues dans un pays européen depuis la Seconde Guerre mondiale. Des dizaines et des dizaines de milliers de morts et de blessés des deux côtés. Des millions de réfugiés. Pourtant, on nous persuade à longueur de journée que cette guerre est pour la paix. On nous accoutume à l'idée que nous tuer les uns les autres est juste et normal.

    Dans une seule séquence d'infos, on montre avec exaltation des lancements mortifères de projectiles et de fusées, dont chaque décharge coûte un million de roubles ! Ensuite on montre la livraison des aides humanitaires aux survivant-e-s, dans les territoires que l'on a "libérés" d'eux/elles-mêmes. Après, on nous propose de faire un don pour une énième opération coûteuse à un enfant malade.

    Non ! Ça n'est pas normal. Ça ne peut sembler normal que dans une vision pervertie du monde, présente à l'esprit d'une seule ou de quelques personnes qui détiennent le pouvoir absolu et tous ses leviers, et qui se sont coupées de la société civile, du peuple.

    Je veux plaider coupable. Coupable devant le peuple continuellement souffrant de l'Ukraine et devant toute la communauté internationale. Coupable, car en tant que citoyen de mon pays, je n'ai pu ni faire quoi que ce soit ni empêcher cette folie qui continue à durer. Je demande également pardon, étant donné que je ne pourrais sans doute plus faire grand-chose pour qu'elle cesse. Je parle aussi au nom de mes concitoyen-ne-s opprimé-e-s par la peur des répressions, qui m'envoient de nombreuses lettres de soutien. 

    À l'heure actuelle, il incombe aux pays économiquement développés et à leurs gouvernements de maintenir la paix sur Terre ainsi que d'assurer la vie et le progrès technologique sans les guerres. La Russie a déjà sacrifié un nombre incalculable de victimes durant la guerre civile, dans la folie de la collectivisation et de la Grande Terreur, dans les deux guerres mondiales et de nombreux conflits locaux ; mais elle n'a pas encore réussi l'examen qui consiste à assumer sa part de responsabilité.

    Conscient de l'illégalité de ses actes, l'exécutif confère une partie du poids de sa responsabilité aux instances de justice, en fourrant frénétiquement dans les prisons et les camps des citoyens dont la seule culpabilité est d'avoir parlé, d'avoir exprimé leur opinion et leurs convictions. La possibilité même des poursuites judiciaires comme la mienne au XXIsiècle et du procès d'aujourd'hui est une honte pour notre pays. Tout cela s'est déjà produit dans son histoire.

    Compte tenu des leçons de notre passé commun et au vu des événements futurs qui adviendront inévitablement en Russie, je suis déjà acquitté. »

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