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    Faire front ne signifie pas faire l’impasse sur les méthodes : il est nécessaire de démocratiser la France Insoumise pour gagner !

    Entre l’annonce de la constitution du Nouveau Front Populaire lundi 10 juin et le dépôt des candidatures dimanche 16 juin, nous avons vu s’imposer des réflexes bureaucratiques de la direction de LFI ainsi que le recyclage de tou·te·s les opportunistes du PS, en particulier l’ancien président de la République François Hollande. Si l’union face à l’extrême droite dans le cadre d’un accord électoral est nécessaire dans les circonstances qui nous sont imposées et si nous apportons un soutien critique au Nouveau Front populaire, nous n’apportons aucun soutien à Hollande, Glucksmann et autres opportunistes Macron-compatibles. Mais nous critiquons aussi les méthodes utilisées par la direction de LFI, qui montrent que le chemin est encore long pour la constitution d’un outil collectif capable de viser la conquête du pouvoir sur des bases fermes mais saines.

    L’autoritarisme ne renforce pas le mouvement

    L’aile « droitière » de LFI, regroupée autour de Ruffin, Autain, Corbière et Garrido, Davi et Simonnet, a fait les frais de la direction structurée par Manuel Bompard et, officieusement, par Jean-Luc Mélenchon. C’est par un communiqué de presse, la veille de la clôture du dépôt des candidatures, que les sortant·e·s ont appris avoir été purgé·e·s, se voyant interdit·e·s de se présenter sous l’étiquette NFP. La méthode est déjà inadmissible en elle-même : elle ne résulte d’aucun processus démocratique, que ce soit en interne de LFI ou auprès des électeurs et électrices qui avaient élu ces député·e·s en 2022, et ceux/celles-ci n’ont pas pu se défendre. La justification est la suivante : ces député·e·s sortant·e·s, qui demandent notamment une démocratisation de l’organisation, auraient souhaité créer un nouvel appareil dans le but de torpiller la direction montante depuis 2022. Selon une interview de Manuel Bompard à la télévision, ils/elles auraient refusé de s’engager à siéger dans le groupe de la France Insoumise. Ils et elles auraient pris part à des dîners secrets, financés par l’homme d’affaires Olivier Legrain, dans le but de torpiller l’hégémonie de Mélenchon dans LFI. Politiquement, leur ligne social-démocrate est éloignée de la rupture revendiquée par la nouvelle génération, avec des impasses importantes concernant l’antiracisme, la lutte contre l’islamophobie et, depuis le 7 octobre, l’anti-sionisme et le soutien à la résistance du peuple palestinien. Cependant, comme LFI n’est pas un vrai parti, comme il n’y a donc pas de démocratie en son sein, il n’a jamais été possible de discuter collectivement de ces positions et de prendre des décisions à la majorité.

    À la place de ces historiques, ce sont des figures du mouvement social et syndical qui ont été investies. Si l’on peut s’en féliciter pour partie (on pense notamment à Amal Bentousi, porte-parole du collectif Urgence Notre Police Assassine, ou Sabrina Ali Benali, médecin-urgentiste militante contre la destruction de l’hôpital public), tout en émettant de sérieuses réserves quant à la candidature de la bureaucrate de la CGT Céline Verzenetti (qui n’a, par exemple, jamais appelé à la grève générale, ou exigé de la direction de la CGT qu’elle y appelle, pendant le mouvement contre la réforme des retraites), la ficelle est trop grosse pour passer inaperçue. En effet, le point central que met en lumière ce changement brutal est le pouvoir absolu des dirigeant·e·s LFI dans tous les aspects de la politique du mouvement, qu’il s’agisse des orientations, de la communication ou encore de l’intervention. Comme en 2022 au moment de la création de la NUPES – qui a eu, à juste titre, un effet repoussoir pour de nombreux/euse·s militant·e·s sincères qui s’étaient investi·e·s dans la campagne présidentielle –, les décisions ont été prises sans aucune consultation des bases, dont certaines étaient actives dès 2017. Ce sont des dizaines de militant·e·s qui se sont retrouvé·e·s dépouillé·e·s de leur droit à s’exprimer sur les choix tactiques de leur organisation.

    Ce fut déjà le cas, là encore, en 2022, suite à la gestion à huis clos de « l’affaire Quatennens » qui (tout en étant largement instrumentalisée par les ennemis politiques de LFI) a contribué à délégitimer en partie la sincérité des engagements du programme de LFI en matière de lutte contre les violences sexistes et sexuelles et, par extensions, de son combat pour l’émancipation des femmes (voir la prise de position de la TC à l’époque : https://tendanceclaire.org/article.php?id=1839). En réinvestissant Quatennens sans jamais émettre l’hypothèse que cette candidature puisse susciter un tollé, LFI a montré, à l’échelle nationale, que les proches et les fidèles du carré dirigeant seront toujours protégé·e·s, à l’inverse des oppositionnel·le·s qui seront évincé-e-s. Bien que Quatennens ait, à juste titre, retiré sa candidature, il n’en demeure pas moins que l’image renvoyée est celle d’un parti autoritaire et inconséquent sur les violences sexistes. Or cela fait évidemment obstacle à sa capacité de convaincre plus largement et à sa crédibilité comme mouvement pour l’émancipation.

    Le renouveau du PS grâce à l’erreur stratégique de LFI en 2022

    La répartition des investitures, close dimanche 16 juin, a donné un avantage au PS. Le parti est passé de 70 investitures à 175 (parmi lesquelles ont trouve des candidat·e·s issu·e·s du groupe de Raphaël Glucksmann Place Publique, dont l’ancien ministre macroniste Aurélien Rousseau) alors que LFI passe de 323 candidat·e·s en 2022 à 229. EELV perd 8 investitures (passant de 100 à 92), le PCF stabilise ses 50 circonscriptions et le NPA en gagne une, où Philippe Poutou sera candidat. Grâce au rapport de forces favorable à l’issue des élections européennes, le PS à réussi à redevenir incontournable, en réinvestissant François Hollande et en recevant le soutien des ténors très droitiers du parti, comme Anne Hidalgo, Carole Delga ou encore Jean-Marc Ayrault.

    Dans cette situation, Mélenchon a déclaré que l’investiture de Hollande, pourtant ennemi central des travailleurs et des travailleuses (lui qui a mis en place l’état d’urgence, fait passer au forcing la loi travail avec un saut répressif sans précédent depuis mai-juin 1968, voulu faire adopter la déchéance de nationalité…), était une bonne chose, au prétexte de l’« unité » nécessaire pour gagner. Surtout, il a déclaré que le PS investissait qui il souhaitait, déclarant en filigrane qu’il en était de même pour LFI. En un mot : si le PS fait ce qu’il veut sans que LFI n’ait son mot à dire, il doit en être de même dans l’autre sens. Cela semble juste, mais c’est naïf. Mélenchon présente la situation comme s’il s’agissait simplement d’un accord d’appareils, entre gens de bon sens et de la même famille. Il fait croire que les positions de fond (sur l’Union Européenne, le social, la police, la politique internationale, le génocide à Gaza, le racisme et l’islamophobie d’État, etc.) ne sont finalement que « des rancunes » qui doivent être « jetées à la rivière ».

    C’est grâce à cette posture de vieux sage qui fait mine de prendre de la hauteur que l’aile droite du PS, encore très forte dans le parti malgré sa défaite relative en 2022, a pris toute sa place dans le NFP, sans pour autant taire ses critiques contre LFI et surtout contre la ligne de Jean-Luc Mélenchon. Comment pourrait-il en être autrement ? En mettant de côté les désaccords politiques de fond, après lui avoir permis de se refaire une santé avec la NUPES en 2022, Mélenchon relégitime un parti pourtant largement discrédité depuis Hollande et même agonisant comme parti national depuis son double fiasco de 2017 et de 2022 à la présidentielle. Pire : il contribue potentiellement à lui redonner le pouvoir, alors que les travailleurs et les travailleuses les en avaient largement écartés. En jouant la carte du rassembleur court-termiste au-delà de ce qui est nécessaire pour battre l’extrême droite, Mélenchon participe de fait à la confusion générale, rompant avec ce qui a fait son identité : une voix ferme, de rupture, qui fait appel à l’investissement de chacun·e dans les affaires publiques pour se débarrasser des vieux appareils sclérosés.

    Ne pas se tromper d’ennemis

    Les listes sont dorénavant closes et la campagne est engagée. Nous appelons à voter pour les candidatures des différents partis du NFP dans le cadre de l’accord passé entre eux, malgré nos désaccords profonds avec le PS, EELV et le PCF et malgré toutes nos critiques envers LFI. Cela inclut de voter pour les candidatures officielles de LFI (y compris face aux candidatures dissidentes et droitières de Corbières, Garrido, Simonnet et Davi), pour assurer la victoire du mouvement et du NFP. Nous soutenons celui-ci, de manière critique, face à l’urgence de la situation. Nous soutenons pleinement les mesures progressistes qui sont annoncées (abrogation de la réforme des retraites, augmentation du SMIC...) et qui auront un impact positif direct sur la vie de millions de travailleurs, de travailleuses et de jeunes. Mais nous soutenons aussi que ce programme ne pourra pas être réalisé sans leur intervention massive, par la mobilisation dans la rue et par la grève. En effet, dans le cadre du capitalisme en crise et après 7 années de macronisme, la bourgeoisie française n’acceptera pas pacifiquement de revenir sur ses nombreux acquis. Au contraire, elle fera tout pour empêcher l’application du programme, même minimal, du NFP, particulièrement si elle peut compter sur l’appui de centaines de député.e.s RN, LR et macronistes (voire aile droite du PS, de Place publique ou même d’EELV et du PCF – une reconfiguration du bloc central après les élections paraît envisageable, notamment en cas d’absence de majorité absolue). Ne pas se tromper d’ennemis, c’est marcher sur les deux jambes : battre le RN sur le terrain électoral en soutenant et en participant activement à la campagne, en particulier celle des député.e.s FI ; et insister, comme nous l’avons toujours fait, sur la nécessité de l’auto-organisation des travailleurs et des travailleuses et des luttes.

    De plus, c’est par la démocratie interne que les militant·e·s FI pourront élaborer des positions politiques et définir des majorités au sein du mouvement, mais aussi encadrer et mettre fin au pouvoir absolu des dirigeant·e·s. La période que nous vivons est une grave crise politique qui exacerbe les clivages. Pour y faire face, nous avons besoin d’un outil démocratique, qui accepte en son sein les minorités et qui tranche les désaccords par des congrès, des plateformes et par la voix au chapitre de toutes et tous. La démocratie interne, acquis trop souvent oublié du mouvement ouvrier, doit être l’élément central de toute organisation qui prétend être en capacité de prendre le pouvoir, quelle que soit sa taille actuelle. La démocratie interne est ce qui garantit notamment la légitimité de sa direction, l’unité d’action dans les périodes les plus critiques. C’est par la formation assidue et la participation consciente des militant·e·s aux activités du parti qu’on le renforce, pas en les faisant taire. Le contrôle démocratique des élu·e·s, des portes paroles, de la presse ainsi que des décisions collectives sur l’orientation et le programme garantissent la pluralité dans les discussions et l’unité dans l’action.

    Nous ne soutenons pas les positions droitières des député-e-s « purgé·e·s », mais nous soutenons leur droit de défendre ces positions, comme nous soutenons les nôtres et comme Mélenchon et ses proches soutiennent les leurs. Il faut garantir l’égale liberté d’expression des militant-e-s et leur souveraineté dans les décisions. Leur dénier ce droit fondamental, c’est dénier leur capacité d’analyse, de réflexion et de notion du bien commun. Autrement, nous n’arriverons jamais à gagner plus massivement les classes populaires, à faire progresser la politisation et l’envie d’agir des centaines de milliers de travailleur/se·s et de jeunes qui regardent du côté de LFI. De plus, lorsqu’il faudra s’investir dans une lutte encore plus concrète contre l’extrême droite et contre les futurs projets néo-libéraux, nous aurons besoin de militant·e·s discipliné·e·s, prêt·e·s à faire face au danger et engagé·e·s consciemment dans l’affrontement, ce qui suppose une compréhension politique nourrie de la discussion la plus libre possible. Si cela n’est pas le cas, le risque est de voir l’appareil se déliter, ce qui serait synonyme de défaite.

    • Soutien critique au Nouveau Front Populaire !
    • Démocratisation de la France Insoumise pour permettre l’investissement conscient des milliers de travailleurs, de travailleuses et de jeunes dans l’organisation !
    • Pour un contrôle par la base des élu·e·s, de l’orientation et de l’action du mouvement !

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