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    Congrès de la FSU: la direction veut aller encore plus loin dans le «dialogue social»!

    Par Nicolas Faure (14 janvier 2013)
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    La Fédération Syndicale Unitaire est la deuxième organisation de la fonction publique d'Etat. Elle est également implantée dans les fonctions publiques territoriale et hospitalière. Elle revendique 163 000 adhérents. Cette fédération se présente comme une organisation syndicale de "transformation sociale". En conséquence, elle assume des prises de positions politiques en lien avec les intérêts des salariés et elle affirme par ailleurs son attachement au principe d'indépendance entre les organisations politiques et syndicales (1). La FSU, en assumant une orientation politique, peut alors en principe rendre les coups aux politiques qui s'attaquent aux intérêts des salariés tout en proposant des alternatives économiques et sociales permettant de pérenniser leurs acquis, voire de les développer.

    La FSU est également organisée en tendances. Ce qui a le double avantage d'enrichir parfois les différentes orientations entre elles, mais aussi de favoriser la démocratie interne, notamment en permettant une expression critique et organisée de la direction.

    Un congrès national de la FSU se tiendra du 11 au 15 février 2013. Ce congrès sera justement l'occasion de faire le bilan de la direction sur les trois dernières années et de mettre en œuvre les grandes lignes de l'orientation pour les trois années à venir. Cet article n'a pas pour but de balayer l'ensemble des enjeux du congrès mais de pointer quelques axes stratégiques à la croisée des chemins entre politique et syndicalisme.

    Refus de dénoncer et combattre le gouvernement Hollande

    La stratégie des gouvernements de casse sociale qui se succèdent depuis des années consiste notamment à annoncer des mesures tellement rétrogrades du point de vue des salariés que le soi-disant “compromis” trouvé ensuite avec les "partenaires sociaux" permet aux directions syndicales de revendiquer des victoires alors qu'ils constituent toujours un recul. Pour ceux qui ont identifié le manège, il est difficile de considérer ces "partenaires sociaux" comme des forces à même de mener le combat dans la guerre sociale déclarée par les capitalistes et leurs institutions.

    On ne peut pas dire que la FSU ait été une organisation d"accompagnement du sarkozysme, mais elle s'est inscrite dans le cadre du dialogue social et le bilan de cette stratégie est négatif. Dans le rapport d'activité de ces trois dernières années présenté par la direction, celle-ci s'efforce malgré tout de montrer sa combativité… dans le “dialogue” : “La FSU a défendu l"emploi..., a pris à bras le corps..., a dénoncé une loi qui attise les tensions sociales..., a combattu diverses dispositions, demande..., exige une vraie...”

    Mais quels sont les résultats ? Nous n'en trouvons pas trace dans le rapport. Par exemple, la FSU assume avoir signé les accords de Bercy sur la "représentativité" tout en combattant certaines dispositions, mais sans faire le bilan de ce qui a été obtenu... Il y a de quoi penser que la rhétorique politicienne est contagieuse et, tout en espérant que cette stratégie cessera au plus vite, conseiller aux camarades rompus à la concertation de se protéger à l"avenir.

    Hélas, il semble qu'il soit déjà trop tard pour ceux qui discutent avec le gouvernment Hollande : la maladie conractée semble pour le moment en être au stade du soutien critique. Ce soutien critique est par ailleurs mis en lumière par les professions de foi des différentes tendances au sein de la Fédération. Alors que l"expression des courants de pensée montre que la date de publication aurait permis de faire une critique factuelle du gouvernement Hollande, rien de frontal n'émerge dans le rapport d"activité de la direction : ni contre le même acharnement contre les Roms que le gouvernement Sarkozy, ni contre la programmation d'un nouveau train de contre-réformes en collaboration avec le MEDEF (réforme du droit du travail, modification du financement de la Sécurité Sociale), ni contre la confirmation de 22 000 suppression de postes dans la Fonction Publique (FP) pour 2013 ou encore contre le vote à l'Assemblée Nationale du TSCG...

    L"ommission de ce qui aurait du être dénoncé se double d'une certaine confusion quant aux "fondamentaux" même de la FSU. Ainsi, la fédération a exigé l'application de la loi Sauvadet qui instaure le recrutement en CDI dans la FP. Pourtant, si l"application de cette loi constitue une avancée pour des précaires de la Fonction Publique, elle ne concernera qu’une minorité d’entre eux/elles et rejette à l'arrière-plan une revendication beaucoup plus juste dans la mesure où elle permettrait aux précaires d"acquérir un vrai statut et ne constituerait pas un cheval de Troie pour s'attaquer au statut de fonctionnaire : leur titularisation pure et simple (2).

    Abstention de la direciton sur la “refondation de l’école” à la sauce Peillon

    La stratégie de la direction vis-à-vis du projet de “refondation de l'école” proposé par le nouveau gouvernement et Vincent Peillon, ministre de l'Education, est également inquiétante. La FSU s"est en effet abstenue sur ce projet lors des votes au Conseil Supérieur de l'Éducation (CSE) et au Comité Technique Ministériel (CTM). Pourtant, les nombreuses contradictions entre ce projet et ce que défend la FSU aurait dû en toute logique déboucher sur un vote contre ! En effet, la "refondation Peillon" s'inscrit par bien des aspects dans la continuité des réformes de l'ancien gouvernement : socle commun synonyme d'éducation à plusieurs vitesses ; évaluation par compétences au détriment de la reconnaissance des diplômes nationaux ; transfert des compétences de l'État aux régions concernant l'orientation... Bref, de nombreuses mesures cohérentes avec l'objectif de plier les enseignements aux besoins locaux du patronat et en contradiction avec la conception d'une éducation commune permettant de limiter les inégalités sociales et territoriales produites par le capitalisme. Les personnels également subiront les conséquences des inégalités territoriales dans la mesure ou leurs statuts et obligations de service pourront être adaptés en fonction des endroits. Ce qui fait apparaître un double problème inacceptable pour une organisation syndicale de lutte : la possibilité de voir des personnels désavantagés par rapport à d'autres et des difficultés supplémentaires pour mettre en oeuvre des mobilisations d'ensemble. C"est d'autant plus inadmissible qu'il ne peut échapper à personne qu'un des axes stratégiques des casseurs sociaux consiste à entretenir ou créer des inégalités pour ensuite décider sous ce prétexte un nivellement par le bas des conditions de travail, de rémunération, etc. Cette stratégie concernant l'Education est à rapprocher du projet de décentralisation qui touchera l'ensemble des personnels de la fonction publique et des usagers des services publics.

    Cette abstention de la direction de la FSU au CSE a eu un point positif : celui de montrer la réactivité de pans entiers de l"organisation. En effet, plusieurs sections départementales ont fait connaître leur désaccord avec cette abstention. La section départementale de Corrèze a notamment pointé le fait que ce vote de la FSU ne correspondait ni aux mandats de l'organisation, ni aux attentes des personnels. S"appuyant carrément sur l'adhésion de la CFDT et de l'UNSA au projet, Vincent Peillon s'est quant à lui félicité de l'avis largement favorable du CSE, qui témoignerait de l"adhésion de la communauté éducative aux priorités de la refondation.

    En 2009, l'abstention de la FSU sur la masterisation (3) avait également suscité des réactions vives au sein même de l"organisation. Si les conséquences négatives se sont faites immédiatement sentir pour les enseignant-e-s en formation, la revalorisation attendue en contrepartie pour l'ensemble de la profession se fait toujours attendre. Notons que rien n'est développé sur ce sujet dans le rapport d'activité de la direction...

    Le "dialogue social", produit d’une idéologie seulement “anti-libérale”

    Le "dialogue social" est une expression à ajouter au dictionnaire de la “novlangue” (4) qui nécessite d'être décortiquée en s'intéressant à quelques interlocuteurs de ce "dialogue". On y retrouve notamment le MEDEF. La relation avec la principale organisation patronale dépend du modèle de société défendu à long terme. Les patrons font-ils partie de ce projet ? A terme, doit-on réguler le pouvoir patronal, ou doit-on viser la disparition de la propriété privée des moyens de production et passer du capitalisme au socialisme ?

    Les textes préparatoires du congrès et particulièrement le thème 3 ("En France, en Europe et dans le monde, pour des alternatives économiques, sociales et écologiques, pour les droits et libertés" (5)) sont de type “anti-libéral”, comparable à ceux du Front de gauche. Il y est certes mentionné que la crise actuelle est une crise systémique du capitalisme qui devrait déboucher sur la volonté d'en finir avec les fondements de ce système. Pourtant, lorsqu'il est question de décrire plus précisément cette crise, les textes ne font mention que des conséquences néfastes du libéralisme, en accord avec les solutions avancées qui proposent une autre répartition des richesses et l'intervention d'institutions existantes ou nouvelles comme l'ONU sans le Conseil de Sécurité, une Union Européenne plus démocratique et plus axée vers le social et l'écologie. D'autres instruments de régulations sont proposés au niveau national : une Banque Publique sous l'égide du Parlement sur le plan national ou encore des outils de planification souples à développer avec des structures de prévision et d'analyses stratégiques… Bref, tout un arsenal institutionnel pour réguler les intérêts contradictoires de ceux qui ont une place et des intérêts différents au sein du système capitaliste. En mentionnant que "nous avons connu, durant cette période (Sarkozy), une remise en cause des valeurs et principes fondant notre démocratie" ou en proposant d"accroître les ressources des régies de retraites de 4 à 5 points du PIB d'ici 2050 par une hausse des cotisations ou une taxation des revenus du patrimoine, la FSU met en avant le modèle d'une bonne République où les institutions permettraient une juste répartition des richesses entre classes sociales aux intérêts contradictoires. Si la FSU parle d'émancipation vis-à-vis de toutes les formes d'exploitation, notamment celle du travail par le capital, l'expropriation des capitalistes n'est pas envisagée... Le projet social en toile de fond est donc un capitalisme régulé.

    En revanche, si on considère que les capitalistes ne peuvent pas se passer des salariés mais qu'un système peut fonctionner sans propriétaires des moyens de production et si on considère que les institutions d'une société capitaliste seront toujours en priorité soumises aux intérêts des capitalistes, nous ne pouvons que défendre l'indépendance du syndicat vis-à-vis des patrons et de leurs institutions.

    La preuve par la CES et la CSI

    Vient alors un des points conflictuel du prochain congrès : l"adhésion de la FSU à la Confédération Européenne des Syndicat (CES) et à la Confédération Syndicale Internationale (CSI). Si le projet de tisser et structurer des liens internationaux est une position juste de la FSU, cette construction ne peut s'appuyer sur des structures "syndicales" liées aux institutions capitalistes comme la CES par l'UE ou la CSI. Rapportons par exemple que la CES s’était prononcée pour la notion de SSIG (Service Social d’Intérêt Général) qui, en se substituant à la notion de service public, sert d’instrument pour privatiser tout ce qui est rentable dans les services publics (filiales de la SNCF, d’EDF, de GDF, de La Poste, etc.). Cela s’accompagne d’une soumission du secteur public aux normes privées : concurrence, augmentation de la productivité, compression de la masse salariale... en contradiction avec les principes affichés par la FSU. Dans les textes de congrès, la CES est pourtant présentée comme une organisation d'opposition dans la mesure où elle s'est exprimée en défaveur de la ratification du Traité sur la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance. Rappelons que le TSCG a été directement ratifié à l"Assemblée Nationale (comme le traité constitutionnel européen rejeté par référendum en 2005 puis passé en force au Parlement). Dès lors, quelle est la sincérité de l’opposition de la CES à la ratification de ce nouveau traité dont le passage en force dans les différents pays était prévisible ? S"est-elle acheté une couverture de combativité à bon compte ? Cette question se pose d"autant plus que la CES et la CSI collaborent à la mise en place de la politique d'austérité en Grèce (6). La CSI est pour faire simple au syndicalisme international ce que la CES est au syndicalisme européen, imbriqué dans des institutions comme l'Organisation Mondiale du Commerce avec qui l'issue du "dialogue" ne se conçoit que dans le cadre du libéralisme économique.

    Rompre le cercle vicieux du "dialogue social" : pour une ligne lutte de classe !

    Des points d'appuis existent pour sortir la FSU de son orientation funeste. Après plusieurs années à suivre la logique du "dialogue social", la FSU et bon nombre de ses syndicats n'ont pas du tout permis de mieux défendre les acquis et moins encore d’en obtenir de nouveaux. La Fédération a d'ailleurs perdu des voix aux élections professionnelles de 2012. Mais ce n'est pas le plus grave : certains syndicats de la FSU perdent des militant-e-s de terrain. Les positions des directions de syndicats de la FSU et de la FSU elle même mettent en effet parfois en porte-à-faux les militants avec la combativité de certain-e-s collègues : après avoir par exemple dénoncé les dangers du socle commun ou de la masterisation, ils/elles se retrouvent dans l'impossibilité d'expliquer comment de tels dangers n'entraînent pas d'opposition pure et simple du syndicat. Ce type d'ambiguïté accrédite les sentiments anti-syndicaux selon lesquels les syndicats créent et canalisent la contestation afin d’obtenir des avantages pour l'appareil au détriment des salariés.

    Continuer dans la logique du dialogue social, c'est continuer d"alimenter un cercle vicieux. Plus l'appareil s'engage dans le dialogue social, plus la base du syndicat doit déléguer son pouvoir aux négociateurs plutôt que de se mobiliser elle-même. Moins les "négociateurs" sont liés à une base mobilisée, moins ils ont de rapport de force dans les négociations et plus ils doivent lâcher du terrain. Plus ils lâchent de terrain, moins ils sont crédibles auprès des forces combatives réelles et potentielles. Si la FSU continue dans cette voie, elle se retrouvera acculée à l'intégration institutionnelle, servant encore plus à éviter l'explosion sociale pour que perdure l'exploitation capitaliste.

    C’est pourquoi les militant-e-s anticapitalistes et révolutionnaires de la FSU doivent se battre pour que la FSU rompe avec le “dialogue social”, pour mettre en échec l’orientation de la direction et développer une ligne lutte de classe permettant de combattre frontalement le gouvernement Hollande-Ayrault et ses réformes. Nous reviendrons dans un prochain article sur les différentes minorités de la fédération (École émancipée, Front unique, URIS, Émancipation). Rappelons seulement ici que la principale tendance minoritaire, École émancipée, à laquelle participent encore un certain nombre de camarades du NPA sur une ligne contestataire, est dirigée majoritairement par la Gauche Anticapitaliste (courant droitier issu du NPA et parti au Front de gauche) et collabore depuis des années avec la direction de la FSU sur la base d’une sorte de “soutien critique”. En revanche, la tendance Émancipation articule articule clairement la satisfaction pérenne des revendications et la nécessité d'en finir avec le capitalisme. Elle se positionne également en rupture avec la logique de dialogue social tout en proposant des alternatives pour les formes de luttes. Elle prône la grève interprofessionnelle et l"auto-organisation, ainsi que l'unification du syndicalisme sur une base anticapitaliste et lutte de classe.


    1) Textes : http://w3.fsu.fr/IMG/pdf/Congres_Poitiers_theme4POUR.pdf (p. 5, ZOOM "Syndicalisme et politique").

    2) C"est à dire le statut de fonctionnaire.

    3) Voir un de nos article à ce sujet : http://tendanceclaire.npa.free.fr/article.php?id=171

    4) https://fr.wikipedia.org/wiki/Novlangue

    5) http://www.fsu.fr/IMG/pdf/Congres_Poitiers_theme3POUR.pdf

    6)  http://www.rougemidi.org/spip.php?article4766

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