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    Plan d’urgence 93 : une mobilisation qui montre la voie à suivre

    Par Tristan Daul (18 mars 2024)
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    Depuis le 26 février, jour de la rentrée dans l’académie de Créteil et du 93, de très nombreux établissements scolaires sont mobilisés pour un Plan d’Urgence 93, mais aussi contre le choc de savoir et les groupes de niveaux au collège. En effet, les collègues de collèges sont à la pointe de la mobilisation, ce qui se comprend vu la hauteur des attaques pour mettre fin au collège unique. Or, malgré une mobilisation d’ampleur, avec une intersyndicale large poussée et contrôlée sur sa gauche par des assemblées générales de grévistes régulières et un soutien dans l’action des parents, la perspective d’une victoire même partielle semble difficile à obtenir. Nous proposons ici quelques éléments de réflexion qui pourraient permettre de franchir un seuil et augmenter le niveau de la conflictualité.

    Le ministère veut conduire le mouvement dans l’impasse et mise sur la résignation des collègues

    L’intersyndicale a été reçue au ministère vendredi 15 mars, après une journée de mobilisation, par la grève et la manifestation, encore très suivie. Une chose est sûre : les collègues du 93 sont très investi·e·s pour obtenir satisfaction. Or ce n’est pas la ministre, Nicole Belloubet, qui a reçu les organisations syndicales, mais des adjoint·e·s ainsi que le DASEN (Directeur académique des services de l’éducation nationale). Ils ont déclaré que c’était Bercy qui avait la main sur les budgets et que le ministère de l’Éducation Nationale ne pouvait rien faire. Dans la foulée, après le recadrement de Belloubet par Attal (elle avait déclaré que les groupes de niveaux allaient être ajustés en fonction des établissements, ce que le Premier Ministre a démenti), le décret officiel est paru : c’est la confirmation de la politique d’Attal et Macron. Les attaques contre l’école publique se multiplient, sur deux fronts : le collège et les lycées professionnels, avec la réforme de l’année de terminale. On le voit : le poste de ministre de l’Éducation est directement contrôlé par le Premier ministre et Belloubbet, pas plus que Ndiaye quelques mois plus tôt, n’a aucune de marge de manœuvre.

    Le gouvernement affirme donc une politique très dure, malgré la mobilisation locale et malgré la colère des parents qui comprennent que le choc des savoirs signifie dans la réalité la sélection de leurs enfants selon des critères inégalitaires. Le message du gouvernement est clair : tant que la mobilisation est locale, malgré le niveau d’engagement, rien ne bougera. Même pas quelques ajustements.

    Le 93 est un bastion qui, pour gagner, doit entraîner largement autour de lui

    L’intersyndicale du 93 (dans laquelle FO va et vient de façon assez opportuniste, et où l’UNSA et la CFDT sont absentes depuis le début) dirige en partie le mouvement, tout en étant contrôlée par les assemblées générales. Ce sont les AG qui dictent le tempo, en particulier les « moments forts », en plus des actions locales qui visibilisent et engagent de plus en plus de monde. Les AG de ville permettent de faire connaître les problématiques aux parents qui s’engagent dans les actions « établissements morts » (soutenues et encouragées largement par la FCPE 93), les piquets de grèves sont parfois tenus de concert avec des lycéen·ne·s qui organisent les blocus, sans oublier la communication propre via les réseaux sociaux qui font caisse de résonance (on pense notamment à la vidéo des élèves et des collègues du lycée Blaise Cendrars, qui est dans un état déplorable, à Sevran). Les manifestations de ville (comme samedi 16 mars à Aubervilliers, Montreuil, Aulnay-sous-Bois…) ancrent la lutte au cœur des territoires, permettant de montrer aux habitant·e·s la réalité de la conflictualité qui s’étend. Cette convergence d’intérêts dans la lutte (intersyndicale – assemblées générales – parents – élèves) permet au mouvement d’inscrire le rapport de force à un degré élevé. La mise en place de la caisse de grève intersyndicale est une bonne chose et un signe qui montre que l’objectif est de rentrer dans une grève forte. Mais il faut largement la remplir : quelques dizaines de milliers d’euros ne peuvent pas suffire à soutenir les milliers de collègues engagé·e·s dans la lutte, et les milliers qu’il faudra encore convaincre.

    (Photo prise à la manifestation jeudi 14 mars)

    Face à cette situation, le ministère et le rectorat répondent, logiquement, par la pression. D’abord, ils balayent de la main les revendications et répondent que c’est Bercy qui prend les décisions budgétaires. De plus, depuis le début de la semaine dernière, les consignes ont été envoyées aux personnels de direction : il faut reprendre en main les établissements pour canaliser dès maintenant la colère. Des collègues apparaissant sur la vidéo mentionnée plus haut ont été convoqué·e·s individuellement, la participation aux heures d’information syndicale est strictement encadrée, des repésentant·e·s d’enseignant·e·s en grève sont convoqué·e·s pour évoquer « la mobilisation des personnels et des associations de parents d’élèves et les incidences sur l’établissement ». Il ne s’agit pas encore de répression, mais bien de montrer que la direction n’entend pas perdre la main.

    Dès lors, il est nécessaire de ne pas rester isolé·e·s, de ne pas rester une mobilisation strictement locale. Il faut absolument étendre le mouvement. Quelques appels d’organisations syndicales d’Île-de-France ou nationales vont dans ce sens, de même que quelques établissements auto-organisés, et c’est une bonne chose. Mais cela ne peut pas suffire. Il faut, comme le montre le cas du 93, une intersyndicale nationale capable d’entraîner largement les collègues dans la lutte à partir de revendications précises. D’autres départements peuvent être entraînés dans une lutte pour un plan d’urgence sur le même modèle que la Seine-Saint-Denis et surtout, il est possible de s’opposer aux contre-réformes, en particulier celle du collège. En ce sens, l’intersyndicale du collège a une responsabilité très importante : malgré le fait que toutes les académies sont rentrées et malgré les taux de grévistes de plus de 80% dans certains établissements, aucun appel à se mettre en ordre de bataille n’a émergé. L’intersyndicale de l’Éducation nationale appelle bien à se mobiliser mardi 19 mars, journée d’action de la fonction publique, mais sans se lier aux sujets spécifiques qui sont explosifs et sans perspectives réelles. Les mots d’ordres concernent les salaires et les coupes budgétaires annoncées par Bercy. Mais rien n’est fait pour s’engager dans une bataille précise, ce qui revient à laisser isolée la lutte du 93, à éviter qu’elle fasse tache d’huile. Là doit se jouer une bataille : les AG du 93 doivent interpeller les organisations syndicales nationales pour qu’elles s’engagent dans la lutte, sur le modèle du 93 mais à une échelle large. S’il est vrai que l’intersyndicale 93 tente de garder la main sur le mouvement pour un Plan d’Urgence, en ayant parfois quelques pratiques antidémocratiques, il est nécessaire de faire la part des choses : la responsabilité du cloisonnement provient d’abord de ceux qui font comme si notre mobilisation était seulement locale.

    Une semaine décisive pour l’élargissement

    La semaine qui démarre s’annonce conflictuelle : l’Assemblée Générale inter-établissements du 93 appelle à une grève reconductible à partir de mardi 19 mars. Certaines organisations syndicales de l’éducation appellent à faire de même. L’enjeu est donc de faire franchir un seuil et d’inclure plus largement encore les différentes composantes du secteur, en particulier les écoles élémentaires qui ont un rôle bloquant très important. De plus, deux éléments sont nécessaires pour augmenter le niveau de conflictualité : l’investissement des parents et celui des élèves. La présence d’élu·e·s (conseillers et conseillères municipaux/ales, maires, député·e·s…) permet aussi un relais médiatique et politique.

    La perspective doit être celle de la satisfaction des revendications du plan d’urgence ainsi que le retrait du plan gouvernemental « choc des savoirs ». Mais soyons réalistes: pour cela, la conflictualité devra franchir plusieurs paliers et s’étendre très largement. Nous ne pourrons pas faire céder un gouvernement qui met un point d’honneur à détruire le service public et pour qui l’éducation est la chasse gardée du Premier ministre. Nous avons des atouts non négligeables : à l’échelle locale, de nombreux lycées professionnels ont réussi à stopper l’augmentation des effectifs en classe (classes de secondes dont les effectifs devaient passer de 24 à 27 élèves). Nous avons de plus réussi, par la mobilisation du 1er février, en plus du scandale médiatique, à contraindre une ministre impopulaire à quitter notre ministère : quel autre corps social à réussi une telle prouesse récemment ?

    La lutte du 93 est un modèle par sa composition et son fonctionnement. Étendue largement, cette lutte peutêtre puissante voire victorieuse. C’est la raison pour laquelle nous devons interpeller largement les organisations syndicales nationales pour qu’elles s’engagent dans un rapport de force à la hauteur des attaques Attal/Macron.

    Pour un Plan d’Urgence du 93 et contre le « choc des savoirs », tou.te.s en grève le 19 mars et les jours suivants !

    Pour que les directions syndicales nationales appellent à une mobilisation d’ensemble contre la politique de destruction de l’école publique menée par le duo Attal/Macron !

    Assemblées générales dans tous les établissements, les quarties et les villes !

    Pour une école égalitaire, émancipatrice et ouverte à toutes et tous !

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    L'assemblée générale, investie depuis le 26 février dans le mouvement pour un plan d'urgence 93 et contre le choc des savoirs:

    - demande aux organisations syndicales de l'EN d'appeler à une mobilisation d'ampleur des collègues, au niveau national,  par la grève  et la manifestation pour  exiger le retrait du choc des savoirs et de la logique de tri social que cela implique ainsi que la destruction de l'éducation générale

    - s'engage à poursuivre la mobilisation pour un plan d'urgence 93, jusqu'à satisfaction des revendications, par la grève et les actions de terrain

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