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    Colombie : La Révolte de la Dignité

    La Colombie, pays de 50,34 millions d’habitant-e-s et 1,143 millions de km2, est gouvernée par Alvaro URIBE et son ventriloque, Ivan DUQUE, actuel président. La Colombie est aussi gérée de façon officieuse par Luis-Horacio ESCOBAR, cousin de URIBE et personnalité de l’ombre du monde de la drogue. Récemment, Riano BOTIA, ex-agent du CTI, services secrets colombiens, actuellement exilé au Canada, a déclaré devant la Cour Pénale Internationale que URIBE et son cousin ESCOBAR sont à l’origine de l’exportation de 10 tonnes de cocaïne vers les États-Unis et le Mexique et responsables d’au moins une centaine d'assassinats. Ce duo de mafieux exerce le monopole du pouvoir depuis 2002 à la tête d’un État paramilitaire dans lequel les institutions (le procureur général, la police, les services de renseignements, l’armée, le parlement et la Cour Suprême de justice) sont infiltrées et corrompues par l’argent sale.

    Dans ce contexte, où la justice ne peut pas être juste, on peut comprendre qu'énormément de Colombien-ne-s voient comme seule alternative pour juger leur tortionnaire, l’intervention des cours internationales, mais surtout la solidarité des peuples du monde.

    Le narcotrafic et le conflit interne dans le pays ont obligé le déplacement de plus de 5 millions de paysan-ne-s vers les villes, avec les conséquences que cela implique. En 2018, un quart de la population vivait sous le seuil de pauvreté monétaire (revenu mensuel inférieur à 70€) et 7,2% des habitant-e-s étaient dans une pauvreté extrême (revenu mensuel inférieur à 33€). Le taux de chômage a beaucoup progressé ces dernières années, passant de 9,2% en 2018 à 17,3% en 2021 selon le département national de statistiques. Le secteur informel représente 47% de la population. La pandémie a fait de véritables ravages, parce que les aides de l’État ont été versées principalement aux grandes entreprises et ont été dérisoires pour les familles les plus précaires. Avec la crise, le déficit fiscal colombien et la dette extérieure se sont envolés. Ce déficit fiscal de 7,35% du PIB en 2021, est bien supérieur à celui attendu par MOODY’S1 et une révision de qualification de la dette du pays s’impose. On craint que la classe dominante négocie la dette externe avec nos ressources naturelles, quand la seule issue digne est le refus du paiement.

    La politique gouvernementale fait porter le poids de la crise économique, exacerbée par l'actuelle pandémie, aux catégories sociales les plus précaires avec une politique d'austérité et la mise en place de réformes fiscales, du travail, de retraite et de santé. La réforme fiscale augmente la TVA à 19% et l’applique à tous les produits et services de consommation courante. Elle s’ajoute à une oppression constante et systématique, aux manquements de la justice, à l’assassinat de plus de 1184 leaders du mouvement social et de plus de 6400 civils que l’armée a tué en les faisant  passer pour des membres de la guerilla en plus de 271 ex-guerrilleros qui avaient rendu leurs armes dans le cadre de l’accord de paix2.

    Ce genou appuyé sur le cou de la population a été dénoncé à plusieurs reprises depuis de longues années. Le 28 avril 2021, les organisations syndicales ont appelé à une grève générale nationale d’une seule journée, à reprendre à nouveau le 19 mai, cette stratégie saute-mouton a été largement dépassée par la démocratie exercée dans la rue depuis 7 jours sans interruption. Dès les premières manifestations, l’extrême droite a organisé des actions de vandalisme synchronisées, surtout dans la ville de Cali, épicentre du mouvement, pour provoquer la panique, justifier le couvre-feu et en finir avec la mobilisation. C’est l’effet contraire qui s’est produit et on a vu dans les jours suivants d'énormes manifestations et rassemblements dans tout le pays et la grève générale s’est prolongée et généralisée. On calcule la participation à ce mouvement dans les villes et campagnes entre 7 et 10 millions de personnes. La présence des communautés indigènes est remarquable : leur première action le 28 avril a été de mettre par terre la statue du conquistador Sebastian de Benalcazar à la ville de Cali. Les femmes aussi sont très nombreuses et souvent en tête de cortège. Face à ce mouvement massif et déterminé, la répression a été d'une grande violence. Les forces de police en uniforme et en civil ainsi que des civils armés ont tiré sur la foule. Ils ont mitraillé des maisons depuis des hélicoptères L'armée a été déployée et la direction des villes a été enlevée aux maires, mise sous commandement militaire.

    Le 2 mai, on comptait déjà 21 mort-e-s, 208 blessé-e-s dont 18 lésions oculaires, 42 agressions de défenseurs/ses des droits de l’homme et de journalistes ainsi que 10 cas d’agressions sexuelles. Les forces de police tirent à bout portant sur les civils et incendient les maisons dans lesquelles se réfugient les manifestant-e-s. Malgré la répression et la violence du gouvernement, la mobilisation résiste. Le mouvement bloque l’entrée des grandes villes à la circulation pour faire respecter la grève. Des nouvelles formes d’organisation plus horizontales fleurissent partout comme un début prometteur d'auto-organisation. Les assemblées générales dans les quartiers, les lieux de travail et les universités suivent les formes ancestrales de La Minga Indigena.

    La grève continue après avoir fait reculer le gouvernement sur la réforme fiscale et avoir obtenu la démission des ministre et vice-ministre des finances. Le prix payé est très élevé, aujourd'hui, le 5 mai 2021, on rapporte 50 mort-e-s et 200 disparu-e-s. Le mouvement populaire ne veut pas s'arrêter et exige la destitution du président et de son gouvernement. La bourgeoisie hésite entre un auto-putsch bien relayé par les militaires et un éventuel changement de gouvernement avec la convocation d'une élection présidentielle jouée d’avance. Face à cette menace, la dynamique de la lutte populaire peut continuer, surtout si elle compte avec l'appui des prolétaires du pays et du monde.


    Nous vous invitons à vous informer 

    Suivez sur les réseaux sociaux :

    Nous avons besoin en urgence du soutien de la classe travailleuse de tous les pays ainsi que de l’intervention des organismes des droits de l’homme pour soutenir nos revendications :

    • Démilitarisation immédiate de nos villes et nos campagnes 

    • Arrêt du massacre et abus sexuels sur les citoyen-ne-s et judiciarisation des responsables

    • Démission du président Duque et de son gouvernement 

    • Retrait de tout le paquet des réformes imposé par le néolibéralisme et de la politique antisociale qui nous asphyxie

    • Respect de notre dignité de peuples indigènes et afro-descendants et de notre dignité de femmes

    • Que justice soit fait pour les assassinats commandités par l'ex-président Uribe et ses complices

    Nous vous prions d’envoyer les messages solidaires de vos syndicats et organisations, en français ou en espagnol aux adresses suivantes :


    1 Moody's, officiellement Moody's Corporation, est la holding de Moody's Analytics, un fournisseur de solutions de gestion des risques, et Moody's Investors Service, société active dans l'analyse financière d'entreprises commerciales ou d'organes gouvernementaux.

    2 Voir notre article de 2017 : https://tendanceclaire.org/article.php?id=1155

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