Mobilisation contre la réforme des retraites : que faire ?
Une attaque
de très
grande ampleur contre le prolétariat
Dans un
contexte aussi favorable pour lui, le gouvernement ne s’est pas
privé de durcir la contre-réforme prévue :
- Relèvement
progressif, à raison de 4 mois par an (au lieu de 3 prévus
initialement) à partir de la génération née en 1951, de l’âge
légal auquel on peut prendre sa retraite :
les salariés qui sont nés en 1951 ne pourront partir qu’à 60
ans et 4 mois, ceux qui sont nés en 1953 ne pourront partir qu’à
61 ans et ceux qui sont nés en 1956 ne pourront partir qu’à 62
ans (en 2018). Les régimes spéciaux sont également touchés par
le relèvement de l’âge légal, à compter de 2017.
-
Parallèlement,
l’âge
de départ à la retraite, qui permet automatiquement de toucher une
pension à taux plein (1)
(quelle que soit la durée de cotisation), sera progressi-vement
porté de 65 à 67 ans.
-
Nouvelle
augmentation de la durée de cotisation
« en
fonction de l’allongement de l’espérance de vie » :
durée de cotisation portée à 41 ans en 2012 (prévue par la
réforme de 2003), puis à 41 ans et 3 mois en 2013, et 41 ans et
demi en 2020
-
Hausse
du taux de « cotisation salariale » des fonctionnaires
de 7,85 % à 10,55 % en 10 ans. Cela
revient à baisser de 3 % le salaire net !
-
Pour
les fonctionnaires : à compter de 2012, fermeture du
dispositif de départ anticipé sans condition d’âge pour les
parents de trois enfants ayant 15 ans de service.
-
Et
pour couronner le tout, le nouveau « droit » octroyé
par le gouvernement : la retraite à 60 ans pour les salariés
qui, du fait d’une « situation
d’usure professionnelle constatée »
(maladie profes-sionnelle ou accident du travail), ont une
incapacité physique supérieure ou égale à 20 %. Autrement
dit, il faut être invalide (et promettre de mourir rapidement ?)
et prouver que cette invalidité est liée au travail pour voir
reconnu son travail « pénible ».
Ce
sont donc les travailleurs qui vont payer la contre-réforme et
permettre au gouvernement de faire des milliards d’économies sur
notre dos. Le gouvernement a en outre l’indécence d’annoncer de
nouvelles
exonérations de cotisations patronales
(c’est-à-dire une baisse de la partie socialisée de notre
salaire) pour les patrons qui embaucheraient des privés d’emploi
de plus de 55 ans… veillant donc à creuser à l’avenir le trou
de la Sécurité sociale… pour justifier de nouvelles attaques
contre nos droits !
Pour
tenter de faire passer la pilule, voire de présenter la réforme
comme « juste », le gouvernement a annoncé une hausse
des prélèvements sur les revenus des plus riches et sur le capital
de 3,7 milliards en 2011. Il s’agit principalement de la création
d’un prélèvement d’1 % sur la dernière tranche de
l’impôt sur le revenu (hors bouclier fiscal), de l’augmentation
d’un point des prélèvements sur les plus-values de cessions
mobilières et immobilières et du prélèvement forfaitaire
libératoire sur les dividendes et les intérêts, ainsi que d’un
prélèvement accru sur les stock-options. Cet écran de fumée ne
doit pas nous faire perdre de vue que cela représente bien peu
(moins d’un cinquième) par rapport aux économies que le
gouvernement s’apprête à faire sur le dos des travailleurs.
Le
gouvernement peut se permettre d’attaquer violemment nos acquis
parce qu’il a bénéficié en amont de la collaboration des
directions syndicales
Dans une
situation où la bourgeoisie est obligée de procéder à des
attaques brutales contre le prolétariat pour surmonter la crise, où
la popularité de Sarkozy est au plus bas, les meilleurs alliés de
Sarkozy sont les directions syndicales et les partis de la gauche
bourgeoise et réformistes. Les directions syndicales acceptent de
« jouer le jeu » en participant aux concertations et aux
groupes de travail mis en place par le gouvernement. Elles
participent notamment au Conseil d’Orientation des Retraites
(COR), organisme mis en place par Jospin en 2001 pour préparer et
légitimer les contre-réformes.
Si on
avait encore des doutes sur la fonction du COR, sa dernière
production est sans ambiguïté. Mardi 11 mai, le COR a sorti ses
nouvelles projections avec « trois variantes » :
l’allongement de la durée de cotisations, le report de l’âge
légal de départ à la retraite et une combinaison de ces deux
leviers. Pour le COR, l’augmentation des cotisations patronales
n’est même pas envisageable et ne mérite même pas d’être
modélisée ! Dans un passage, ils expliquent que, au nom de la
« compétitivité », il est hors de question d’augmenter
le taux de cotisation patronale. Comme chacun peut le constater, le
COR a très bien préparé le terrain au gouvernement…
D’ailleurs,
dans son document d’orientation du 16 mai, le gouvernement
s’appuie longuement sur le COR (présenté comme une instance
« neutre » puisque les syndicats y participent et
valident les rapports) et son dernier engagement est... de
poursuivre la concertation avec les syndicats jusqu’à l’adoption
du projet de loi !
De façon
honteuse mais malheureusement logique, les bureaucrates continuent à
siéger et à donner leur caution à des rapports dont la fonction
est plus que claire. À l’intérieur des syndicats, nous devons
combattre pour obliger les directions à cesser toute concertation
avec ce gouvernement (dans le cadre du COR ou dans les groupes de
travail que Woerth a mis en place) et à cesser de jouer double jeu
(en faisant mine de vouloir mobiliser tout en accompagnant la mise
en place des contre-réformes).
Que
comptent faire les directions syndicales après l’annonce du
projet gouvernemental ?
L’intersyndicale
(CGT-CFDT-FSU-UNSA-Solidaires) refuse
d’exiger le retrait
Dans leur
communiqué du 17 juin, l’intersyndicale refuse de se
prononcer pour le retrait de l’ensemble du projet de loi. C’est
d’ailleurs la position officielle de la CGT qui demande simplement
la « réécriture » du projet, tout comme le PCF. Avant
l’annonce du projet de loi, l’intersyndicale refusait de se
prononcer contre tout recul, ne mettant en avant que la défense de
l’âge légal à 60 ans, donnant ainsi son aval implicite à
l’allongement de la durée de cotisation et à la hausse du taux
de cotisation salariale. Ce refus de combattre sur une base claire
permet au gouvernement de poursuivre les discussions avec les
syndicats jusqu’en septembre. Ainsi Woerth a-t-il annoncé qu’il
discuterait avec les syndicats sur les questions de la pénibilité
et des carrières longues, ouvrant la voie à de possibles
aménagements. En revanche, le gouvernement a dit clairement qu’il
ne reviendrait pas sur ses principales mesures (l’âge légal, la
durée de cotisation et la hausse des cotisations salariales pour
les fonctionnaires).
Le plan
d’« action » des bureaucrates est limpide : une
journée d’action le 24 juin ; quelques actions cet été
(pique-nique, rassemblements…) pour faire mine de continuer la
mobilisation et une ou deux (au grand maximum) journées de
mobilisation en septembre. Puis les bureaucrates nous expliqueront
que leurs journées d’action auront au moins permis d’obtenir
quelques « avancées » sur la pénibilité ou les
carrières longues.
Chérèque
(CFDT) et Thibault (CGT) à la
manifestation du 24 juin à Paris. Source :
http://www.phototheque.org
Ainsi,
dans son intervention au CCN de la CGT du 8 et 9 juin, Thibault nous
explique son plan. Il évoque la possibilité de deux temps forts en
septembre : celui incontournable de la journée d’action
européenne du 29 septembre à l’appel de la CES (2)
et celui éventuel du 7 septembre, jour de l’ouverture des débats
à l’Assemblée nationale : « Il
peut donc se poser la question d’une initiative dès l’ouverture
du débat à l’Assemblée le 7 septembre. »
Cependant, Thibaut semble trouver cela très, voire trop ambitieux :
« C’est
peut être un peu délicat de prétendre à une manifestation
nationale début septembre et une manifestation européenne fin
septembre. Je ne suis pas sûr que d’un point de vue matériel et
d’un point de vue militant, nous puissions tout faire. Mais entre
faire deux manifestations nationales à ce stade et rien, il y a
sans doute d’autres modalités possibles. »
Il faut le
dire clairement aux travailleurs, maintenant et pas simplement après
la bataille : Thibault et ses compères proposent sciemment un
plan de (dé)mobilisation qui aboutira à une défaite certaine.
Notre responsabilité est donc de populariser un plan alternatif et
de prendre des initiatives pour tenter de le concrétiser (cf. ci
dessous).
Le congrès
de la CFDT valide le refus de la direction de combattre
l’allongement de la durée de cotisation
Chérèque
sort renforcé du dernière congrès de la CFDT. Son rapport
d’activité a été approuvé à 87 % et il est parvenu à
faire entériner ce qui avait été rejeté par le congrès de
2006 : l’acceptation « conditionnelle » de
l’allongement de la durée de cotisation. En 2006, les délégués
du congrès de Grenoble avait rejeté à 54,5 % un amendement
soutenu par le bureau national qui subordonnait l’allongement de
la durée de cotisation à la réduction de celle-ci pour les
personnes ayant été exposées à la pénibilité du travail. En
2010, les délégués ont voté à 58,9 % le
choix d’un allongement de la durée de cotisation à condition
d’obtenir un « partage
des gains d’espérance de vie et d’une possibilité de choix
renforcée des
contreparties »…
— conditions tellement floues que cela donne carte blanche à
la direction pour faire ce qu’elle veut.
En outre,
les délégués se sont prononcés à 79 % en faveur de
l’unification des régimes public et privé alors qu’un des
objectifs du gouvernement est justement d’aligner (par le bas) le
régime des fonctionnaires sur celui du privé.
Seul
anicroche pour Chérèque : le congrès a voté à 56 %
contre la référence à
« l’ajustement
à la hausse ou à la baisse »
des effectifs publics, ce qui revenait à accepter les suppressions
de postes dans la fonction publique.
FO cherche
à apparaître comme plus radicale, mais s’inscrit également dans
le cadre des journées d’action dispersées
Force
ouvrière a quitté l’intersyndicale en mettant en avant des
désaccords sur les revendications et les actions à entreprendre.
De façon correcte, FO dénonce le refus de l’intersyndicale de
mobiliser pour le retrait du projet gouvernemental et a justifié
son refus de participer aux journées du 27 mai et du 24 juin pour
cette raison. FO a également dénoncé les journées saute-mouton,
en leur opposant des « grèves carrées » (c’est-à-dire
de 24 heures)… Au-delà des différences de vocabulaire, cela
revient au même ! En outre, FO accepte le principe d’une
augmentation de la CSG, c’est-à-dire que les travailleurs paient
leur protection sociale en amputant leur salaire direct.
Mardi
15 juin, FO a réussi à mobiliser à Paris autant de monde que
l’ensemble des autres syndicats le 27 mai à Paris : 23 000
selon la police et 70 000 selon FO. Toutefois, il s’agissait
d’une montée nationale, où l’appareil de FO a mis le paquet
pour faire monter ses militants en régions. Il n’en reste pas
moins que FO a recueilli un écho certain auprès des travailleurs
en mettant en avant des revendications claires. Dans le cortège,
très dynamique et déterminé, on pouvait entendre les slogans
suivants : « Grève
générale jusqu’à satisfaction », « À bas le plan
Chérèque-Sarko », « Contre les manifs saute
moutons »...
À l’heure
où nous écrivons, FO prépare son retour dans l’intersyndicale,
et il est probable que, comme en 2009, la direction se mette
d’accord avec les autres directions pour un plan de journées
d’action dispersées en septembre.
Le
Parti ouvrier indépendant couvre totalement la politique de la
direction de FO
Le POI mène une campagne
dynamique (attirant à ses réunions de nombreux travailleurs)
autour de mots d’ordre juste (aucun recul !) bien que
limités, tout en dénonçant le refus des organisations (celles de
l’appel de Copernic) de mener campagne pour le retrait du projet
gouvernemental. Toutefois, le POI s’aligne totalement sur la
politique de la direction de FO, en refusant de critiquer clairement
la tactique des journées d’action dispersées et de se battre
pour l’auto-organisation des travailleurs afin d’imposer les
conditions de la grève générale. En outre, fidèle à son
sectarisme habituel, le POI refuse de mener le combat à l’intérieur
des collectifs unitaires, d’y faire venir les travailleurs qu’il
influence, pour imposer l’unité la plus large autour d’une
plate-forme minimale. Le POI renonce ainsi à mener une politique
offensive de front unique et fait donc le jeu des bureaucrates qui
n’ont pas beaucoup de mal à garder la main sur les collectifs
unitaires.
Par exemple, à Orsay, ils ont
refusé de signer un tract unitaire correct qui se prononçait pour
le retrait du projet de loi… sous prétexte que ce tract appelait
à manifester le 24 juin et qu'un tel appel relevait des
prérogatives syndicales ! En fait, ici encore, le POI s'aligne
sur la direction de FO.
Regarder la
réalité en face
et
comprendre pourquoi les journées d’action ne mobilisent pas
davantage
Dans
« Retraites : l’épreuve de force » (Tout
est à nous !, hebdomadaire
du NPA, 3 juin), Sandra Demarcq affirme que la journée du 27 mai a
été « réussie » et que la grève a été « bien
suivie ». C’est se voiler la face : les manifestations
ont regroupé 395 000 personnes selon la police et 1 000 000
selon les organisateurs. C’est trois fois moins que le 19 mars
2009 (1 200 000 selon la police et 3 000 000
selon les organisateurs) et deux fois et demi moins que le 29
janvier 2009 (1 080 000 selon la police et 2 500 000 selon les
organisateurs). C’est à peine plus que le 23 mars dernier
(380 000 selon la police et 800 000 selon les
organisateurs), alors que le gouvernement a dévoilé depuis les
grands axes de son projet de loi. En outre, les taux de grève sont
particulièrement faibles, encore davantage que le 23 mars :
selon les chiffres du gouvernement, 13,8 % de grévistes dans
la fonction publique d’État (contre 18,9 % le 23 mars),
8,9 % dans la fonction publique territoriale (contre 11,1 %
le 23 mars), 7,67 % dans la fonction publique hospitalière
(contre 7,9 % le 23 mars). La mobilisation a donc été faible,
surtout si on la met en rapport avec la gravité des attaques :
réforme des retraites, baisse de 10 % sur trois des dépenses
de fonctionnement et d’intervention de l’État, poursuite et
accentuation des coupes des effectifs de la fonction publique, etc.
Jeudi
24 juin, les manifestations ont regroupé deux fois plus de monde
que le 27 mai : près de 2 millions selon les organisateurs et
800 000 selon la police. Les taux de grève sont plus élevés
que le 27 mai, mais ils restent faibles par rapport à 2009 ou
2003 : 18,71 % des agents de la fonction publique d'État
(contre 57 % en 2003), 13 % de ceux de la fonction
publique territoriale, et 12,5 % de la fonction publique
hospitalière. On recense 29 % de grévistes à France
Telecom
et plus de 40 % à la SNCF.
Si les
travailleurs ne se mobilisent pas plus massivement, c’est :
- d’une
part parce qu’ils se rendent compte que ces journées d’action
ne permettront pas d’arrêter les attaques du gouvernement. Ils en
ont de plus en plus marre de perdre des journées de salaire pour
rien (d"où le fait que de plus en plus de travailleurs prennent des
RTT ou des journées de congé pour venir manifester… ce qui
explique que le nombre de manifestants soit important, alors que le
nombre de grévistes est bien plus faible qu'en 2003 et 2009). Ils
en ont marre d’être pris pour des cons, sans toutefois entrevoir
la moindre alternative. Ainsi, selon un sondage BVA publié le 10
juin, 58 % des personnes interrogées pensent que l’action des
syndicats n’aura pas d’impact. 20 % seulement pensent que
les manifestations à répétition sont le moyen le plus efficace
pour peser sur la réforme des retraites, alors qu’ils sont 67 %
à penser que c’est la grève générale qui est le moyen le plus
efficace ;
-
mais
c’est aussi parce que les reniements et les trahisons successives
des directions syndicales entraînent une crise de la conscience de
classe elle-même. Par habitude, beaucoup de travailleurs ne se
sentent pas brimés par l’organisation bureaucratique parce qu’ils
sont maintenus dans l’incapacité (théorique) de saisir
pleinement la logique capitaliste qui les asservit. Quand les chefs
syndicaux utilisent de plus en plus la novlangue du pouvoir,
refusent non seulement de combattre mais simplement de désigner
l’ennemi de classe (le capital), cela produit un dépérissement
dramatique de la culture et de la conscience de classe.
La tâche
des révolutionnaires est de tout faire pour politiser le
mécontentement et pour que le ras-le-bol ne se transforme pas
(comme aujourd’hui) en désespérance et en repli sur soi :
il faut « oser » offrir une alternative crédible à la
stratégie des bureaucraties syndicales, ce qui nécessite de les
affronter clairement et de s’en donner les moyens.
Se battre
pour réunir les conditions de la grève générale implique de
cesser de demander aux bureaucrates des journées d’action !
Dans la
propagande du NPA, la grève générale est une incantation, une
abstraction, et aucune politique concrète n’est esquissée pour
nous y conduire. Dans les faits, la direction du NPA appelle
mécaniquement à participer à toutes les journées d’action,
comme si cela allait de soi et comme si cela pouvait suffire à
enclencher une dynamique nous conduisant vers la grève générale.
Pourtant, il ne suffit pas d’appeler les travailleurs à
participer massivement aux journées d’action pour que cela
culmine en grève générale ! Au bout d’un moment, la
répétition des journées d’action ne peut qu’épuiser et
lasser les travailleurs et il arrive forcément une période où le
mouvement décline. C’est ce qu’on observe systématiquement, en
France en 2009 et en Grèce aujourd’hui, malgré l’ampleur des
attaques.
Dans la
manifestation du 24 juin à Paris. Source : http://www.phototheque.org
À l’issue
d’une journée d’action, nous ne devons en aucun cas quémander
aux bureaucrates une autre journée d’action pas trop éloignée
dans le temps… La question n’est pas de savoir si la prochaine
journée d’action viendra dans un ou deux mois, mais de réunir
les conditions pour rompre avec ce cadre des journées d’action
qui mènent systématiquement les travailleurs dans le mur ou qui
les désespèrent.
Or,
dans les Infos
du CE du 7 avril,
après la journée d’action du 23 mars, la direction du NPA nous
explique qu’« il
faudrait œuvrer dès maintenant à un maximum de mandatements
syndicaux pour un appel à une journée interpro de grève avant la
mi-mai »… Est-ce
en faisant pression sur les bureaucraties syndicales pour qu’elles
appellent à une journée d’action début mai plutôt que fin mai
(ce qu’elles ont fait) qu’on progressera sur la voie de la grève
générale ? Certainement pas. C’est au contraire s’inscrire
dans le cadre des bureaucraties syndicales, en essayant de le
gauchir à la marge, avec des journées d’action plus rapprochées.
C’est se mettre à la remorque des bureaucraties syndicales, et
refuser de mener la bataille publique contre elles devant les
travailleurs. C’est se priver de la possibilité de faire
progresser d’un iota la conscience des travailleurs.
Et
quand la journée du 27 mai a été décidée par les bureaucraties
syndicales, la direction du NPA (Infos
du CE du 7 mai)
a maintenu le même cap : « Cette
journée doit donc être une réelle réussite et nous devons tout
faire pour que les équipes syndicales à la base, intermédiaires
poussent les directions à ce que cela ne soit pas la dernière
avant septembre. »
Se battre, une fois de plus, pour demander aux directions syndicales
une nouvelle journée d’action avant septembre… « Grande
victoire » : les directions syndicales ont appelé depuis
à la nouvelle journée d’action du 24 juin, et elles ne l’ont
pas fait sous la pression des masses, mais tout simplement parce que
c’est leur politique : canaliser le méconten-tement par des
journées d’action, dont la fréquence est déterminée par
l’ampleur de la mobilisation.
Ce
que nous devons exiger des directions syndicales, ce n’est pas une
journée d’action supplé-mentaire, mais qu’elles cessent
immédiatement les concertations avec le gouvernement (via
par exemple leur participation au COR et aux groupes de travail mis
en place par le gouvernement), qu’elles définissent une
plate-forme revendicative minimale qui refuse de négocier le
moindre recul et qu’elles appellent, sur cette base, à la grève
générale jusqu’à satisfaction des revendications. Bien entendu,
il ne s’agit pas de se contenter de marteler ce que les directions
syndicales devraient faire si elles voulaient défendre les intérêts
des travailleurs. Nous devons, de façon indissociable, œuvrer
patiemment à l’auto-organisation des travailleurs, qui seule
permettra de faire sauter le verrou mis en place par les
bureaucrates, et nous diriger vers la grève générale.
Lutte
ouvrière : donneuse
de leçons… mais
toujours aussi attentiste !
Lutte
ouvrière appelle
les travailleurs à « montrer leur force » le 24 juin,
en croisant les doigts pour que cette journée serve de tremplin à
des actions plus dures. « Il
faudra des grèves, des actions répétées et de plus en plus
massives, assez puissantes pour affecter les profits des
bourgeois »,
a-t-il été dit lors du Cercle
Léon Trotsky du
18 juin. Oui, mais concrètement, LO n’a strictement rien à
proposer aux travailleurs, si ce n’est de participer une nouvelle
fois à la journée d’action convoquée par les bureaucrates.
Ainsi, les grandes leçons
d’orthodoxie données par LO au NPA (notamment lors du débat à
la dernière fête de LO) ne se traduisent pas sur le terrain par
une orientation différente. Le programme maximum est agité de
temps à autre pour rassurer les militants, mais LO ne met, pas plus
que le NPA, en avant sur la place publique un programme de
transition, et ne prend aucune initiative pour influer sur le cours
des évènements.
Quelle
politique devons nous défendre dans les collectifs unitaires ?
Tout
d’abord, la direction du NPA n’aurait pas dû faire une telle
publicité à l’appel ATTAC/Copernic et appeler à constituer des
collectifs unitaires sur la base de cet appel. En effet, même s’il
contient des éléments positifs (juste dénonciation de la logique
des réformes du gouvernement), cet appel ne définit aucun objectif
revendicatif et en appelle à une mobilisation citoyenne plutôt
qu’à une mobilisation des travailleurs pour défendre leurs
acquis. De façon ridicule, lors du meeting « unitaire »
du 7 juin à Marseille, un représentant d’Attac s’est
enflammé :
« C’est en faisant un grand débat, dans toute la société,
que nous paralyserons l’appareil productif de ce pays »,
confondant
visiblement la grève générale et le grand débat citoyen. L’appel
de Copernic ouvre « naturellement » la voie à la
bataille pour un référendum, relayée notamment par la direction
de la CGT, Mélenchon ou le pathétique Piquet (3),
qui lui aussi s’est enflammé lors de ce même meeting du 7 juin :
« Nous
pouvons gagner le référendum qui permettra d’emporter cette
bataille de civilisation. » Mais
c’est bien sûr ! D’ailleurs la mobilisation citoyenne
contre la privatisation de La Poste a prouvé toute son efficacité…
Surtout, ne changeons pas une méthode qui perd !
En bref,
cet appel ne définit pas un cadre de front unique, à savoir un
cadre où nous cherchons à imposer aux directions traîtres du
mouvement ouvrier de mobiliser les travailleurs sur des
revendications minimales. Aujourd’hui, nous devons clarifier notre
politique dans ces collectifs : le NPA doit batailler pour que
les collectifs adoptent les objectifs les plus ambitieux (abrogation
des réformes Balladur et Fillon, et donc retour aux 37,5) et
élargissent leur champ à la question des licenciements et des
salaires directs. Cependant, il ne s’agit pas d’être sectaire
et de refuser de signer des tracts qui ne reprendraient pas
l’intégralité de nos mots d’ordre. Alors que le projet du
gouvernement est connu, nous ne pouvons pas signer des tracts qui
refuseraient le combat (au nom de l’unité sans condition avec les
bureaucrates et les réformistes) pour le retrait pur et simple de
l’ensemble de la réforme, c’est-à-dire le refus de tout
nouveau recul.
Le front
unique est une politique de combat et nous ne pouvons pas nous
contenter de mettre en avant la « défense de la retraite à
60 ans ». La base minimale est non seulement le maintien de
l’âge légal à 60 ans, mais aussi le refus de tout allongement
de la durée de cotisation, le refus de tout recul sur le salaire de
référence qui sert de base au calcul des pensions et le refus de
toute augmentation des cotisations salariales. Il faut exiger une
hausse de notre salaire indirect ou socialisé, sans baisse du
salaire direct, c’est-à-dire une hausse des cotisations
patronales, pour satisfaire nos besoins.
Dans la
manifestation du 24 juin à Paris. Source : http://www.phototheque.org
Cette
bataille doit être menée sur la place publique. Nous devons
dénoncer la politique d’accompagnement des directions syndicales
et du parti socialiste qui refusent de mettre en avant cette base
minimale qui est pourtant la condition sine qua non d’un combat
victorieux. Nous devons faire la démonstration que nous cherchons
l’unité sur des bases minimales (et non l’intégralité de
notre programme) et regrouper l’ensemble des organisations et des
travailleurs qui veulent se battre sur ces revendications. Diffuser
notre matériel NPA tout en diffusant du matériel insipide qui est
un obstacle à la mobilisation des travailleurs pour la défense de
leurs acquis, ne définit pas une politique cohérente.
Enfin,
nous devons nous battre pour faire venir les travailleurs dans les
collectifs, pour ne pas nous retrouver en tête à tête avec les
chefs bureaucrates et réformistes qui n’ont, eux, aucun intérêt
à faire venir les masses.
Face à
l’obstacle
des
bureaucraties,
se donner
les moyens organisationnels
de les
affronter
Nous ne
sommes pas des commentateurs : il ne suffit pas de parler de la
grève générale ou de dénoncer la politique des bureaucraties
syndicales. Ce n’est pas en appelant abstraitement à la
convergence des luttes que celle-ci pourra s’opérer. Il faut se
donner les moyens de regrouper et d’organiser les travailleurs
pour combattre la politique des directions syndicales, même si cela
ne plaît pas à Thibault et ses compères.
Alors
que les bureaucrates sont organisés, à l’intérieur des
syndicats, pour défendre leur ligne de collaboration de classe et
d’accompagnement des contre-réformes, les militants du NPA
doivent aussi intervenir de façon organisée à l’intérieur des
syndicats et disputer la direction aux bureaucrates. Aujourd’hui,
ce n’est pas le cas. Ainsi, par exemple, il existe seulement une
liste Internet des militants du NPA syndiqués à la CGT, qui permet
de faire circuler certaines informations, mais cela ne va pas plus
loin, parce que la direction du NPA refuse de prendre les
initiatives qui s’imposent pour se donner les moyens d’affronter
la bureaucratie syndicale. Chacun combat donc dans son coin, ce qui
ne peut que démoraliser et décourager les militants les plus
combatifs, alors que le parti devrait justement leur permettre
d’inscrire leur combat dans un cadre collectif.
Pourtant,
le NPA a les forces et l’audience pour prendre des initiatives
visant à regrouper l’ensemble des syndicalistes lutte de classe
dans un courant intersyndical de combat. Rien n’est fait
aujourd’hui, alors que la situation l’exige plus que jamais, et
que de plus en plus de travailleurs cherchent les moyens du « tous
ensemble », c’est-à-dire de la grève générale. Pire,
suite à une rencontre avec la direction confédérale de la CGT, la
direction du NPA a donné les gages que Thibault attendait :
« Le
NPA a tenu à dire à la CGT que sa crainte de construction d’ un
courant NPA dans la CGT, était sans fondement » (4) !
Des
regroupements « lutte de classe » existent à l’intérieur des
syndicats : le « Front syndical de classe » impulsé par le
PRCF, « Continuer la CGT » impulsé par l’URCF, « Où va la CGT
» impulsé par VP Partisan, Le Collectif CGT lutte de classe
impulsé notamment par des militants NPA (sans le soutien du parti)
qui cherchent à fédérer et qui a mis en avant la candidature
Delannoy lors du dernier congrès confédéral CGT. Aujourd’hui,
force est d’admettre que ce sont principalement des petites
organisations « marxistes léninistes » issues du PCF qui mènent
principalement ce combat, avec toutes leurs limites (5).
Alors que la candidature Delannoy a recueilli un large écho à
l’intérieur de la CGT, la direction du NPA s’en est largement
désintéressée. Il est temps aujourd’hui de rompre avec cette
politique attentiste et de prendre des initiatives fortes pour
organiser notre travail dans les syndicats.
Cortège
des ouvriers de PSA-Aulnay le 24
juin. Source : http://www.phototheque.org
Que devons
nous faire pour réunir les conditions d’une mobilisation
victorieuse ?
Face aux
journées d’action convoquées par les bureaucrates, nous sommes
pragmatiques : il serait opportuniste et suiviste de toujours y
appeler ; il serait gauchiste de ne jamais y appeler. Tout
dépend de l’analyse concrète que nous faisons de la situation :
- Soit
les perspectives de mobilisation et de débordement du cadre des
bureaucrates sont faibles, et dans ce cas il est contre-productif
d’encourager les travailleurs à perdre une journée de salaire
pour rien. Ainsi, le 13 juin 2009, il aurait été faux de pousser
les travailleurs à faire grève, alors qu’il n’y avait plus
aucun espoir d’amplifier la mobilisation ;
-
Soit
il existe des possibilités de s’appuyer sur une forte
mobilisation pour remettre en cause le cadre fixé par les
bureaucrates, et dans ce cas il faut jeter ses forces pour
contribuer au succès de la journée d’action en la concevant
comme point de départ d’un véritable mouvement.
Le
24 juin, après
l"annonce du contenu exact de la contre-réforme, qui a provoqué
une prise de conscience et de la colère chez beaucoup de
travailleurs, il était juste d'inciter les collègues à participer
à la journée de grève et de manifestations. Même si les
directions syndicales refusent quant à elles d'exiger le retrait du
projet de loi et continuent à négocier, il fallait montrer au
gouvernement que les travailleurs ne sont pas prêts à se laisser
faire. Mais,
au delà du 24 juin, nous devons centrer notre message sur la
nécessité d’un plan de bataille pour début septembre, en
rupture avec la tactique des journées d’action. Partout, il faut
inciter les militants NPA à se battre dans les syndicats pour
interpeller les directions confédérales pour qu’elles appellent
à la grève générale jusqu’au retrait en septembre, pour
refuser de façon explicite qu’il y ait une succession de journées
d’action et de « temps forts » en septembre.
Aujourd'hui, il faut diffuser un message clair : nous ne
voulons pas d’une ou même de deux nouvelles journées d'action en
septembre, nous voulons un appel à la grève générale jusqu'au
retrait de la contre-réforme. Il faut populariser, par exemple,
l’appel de la CGT Goodyear au blocage reconductible de l’économie.
Il faut tout faire pour que les travailleurs s’auto-organisent et
prennent eux-mêmes en main la discussion sur les revendications
comme sur les moyens d’action. Toute l’intervention du NPA doit
être sur cet axe, dans les collectifs unitaires et sur les lieux de
travail.
1) Il
ne faut pas confondre le « taux plein » et la « retraite
pleine ». Toucher une retraite « à taux plein »
signifie qu’on touche une retraite proportionnelle au nombre
d’années de cotisation. Cette retraite est « pleine »
uniquement si on a cotisé le nombre d’années requis (40 ans et
demi en 2010).
2) La
CES appelle à se mobiliser pour « développer
davantage la gouver-nance économique européenne », « des
politiques industrielles durables », « un protocole
social dont l’objectif est d’assurer un meilleur équilibre
entre le marché unique et les droits sociaux », « la
mise en place de mesures efficaces de régulation financière ».
Il n’y a aucune revendication mise en avant, mais toujours les
mêmes formules floues qui n’engagent à rien : « salaire
décent », « meilleures retraites », etc.
3) Ancien
dirigeant de l’aile droite de la LCR, il a quitté le NPA pour
fonder son petit groupe (« Gauche unitaire ») qui a pu
négocier quelques postes d’élus en échange de son soutien sans
faille aux dirigeants du PCF.
4)
Communiqué du NPA du 02/10/09 :
http://www.npa2009.org/content/communiqu%C3%A9-du-npa-rencontre-npa-cgt
5) Les
militants PRCF de la FSU (qui forment une sensibilité au sein du
courant majoritaire) ont par exemple refusé de mener un combat
frontal contre la direction de la FSU.
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