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De quoi Benalla est-il le nom ?

Par Lakhdar Bouazizi, Tonio Álvarez (28 février 2019)
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L’affaire Benalla n’a cessé de défrayer la chronique depuis les violences commises par le conseiller du président Marcon contre des manifestant-e-s, le 1er mai dernier. Ce mardi 19 février, la commission d’enquête sénatoriale a fait paraître son rapport à ce sujet, qui se révèle explosif.

Un président soucieux du respect de la loi ?

Macron, comme ses prédecesseurs, justifie généralement la répression qui frappe les gilets jaunes en avançant sa volonté de faire respecter « la loi ». Comment comprendre alors qu’un président si soucieux de « la loi » ait gardé parmi ses collaborateurs très proches un homme, Benalla, qui a si manifestement violé les lois ? Le rapport du Sénat énumère la liste des infractions : violences volontaires sur des manifestants le 1er mai, permis de port d’armes irrégulier, passeports diplomatiques non annulés après son licenciement, conservés et utilisés à de multiples reprises, violation du contrôle judiciaire,…

Pourtant, Macron, au courant dès les jours suivant le 1er mai des violences volontaires sur les manifestants, se borne à mettre à pied 15 jours Benalla, sans transmettre les faits au parquet comme il aurait dû le faire. Dans le même temps, sur instruction de l’exécutif, des Gilets Jaunes se retrouvent en garde à vue pour la simple détention d’un masque ou de lunettes de piscine, ou condamnés sans preuve pour de supposé jets de projectile sur les forces de l’ordre, ou même comme Dettinger placés en détention préventive (alors même qu’il prétendait toutes les garanties de représentation), puis condamné à 1 an de prision ferme.

Pire, Macron et LREM ont tout fait pour protéger ce délinquant en costume cravate. Ils n’ont pas hésité à profiter de la majorité de LREM à l’Assemblée Nationale pour empêcher la constitution d’une commission d’enquête parlementaire. Mais au Sénat ils n’ont pas la majorité…

L’entourage de Macron, des délinquants en col blanc, protégés par le Président et le Procureur ?

En outre, les investigations de Médiapart - un des très rares média qui ne soit pas la propriété de grands groupes capitalistes -, ont révélé peu à peu l’ampleur de l’affaire. Et l’opposition parlementaire, en phase avec Macron sur l’essentiel, a néanmoins vu un intérêt politicien à dévoiler l’ampleur de l’affaire.

Pourtant, même après la révélation par Médiapart de la violation de son contrôle judiciaire par Benalla, le procureur de la République, nommé par Macron, n’a ouvert aucune enquête préliminaire contre ce dernier. En revanche, il a commandité une perquisition à Médiapart pour essayer de découvrir ses sources…

Dans le même temps, Castaner a tenté de minimiser l’affaire pointant l’entourage du président et par là le président lui-même, en déclarant que ce n’était pas une affaire d’État, mais l’histoire d’ « un bonhomme qui a fait n’importe quoi » (France Inter, 10 février 2019)

Soupçonnant des faux témoignages, la commission d’enquête sénatoriale a saisi le parquet des cas d’Alexandre Benalla et de Vincent Crase, mais également du secrétaire général de l’Élysée Vincent Kohler et du directeur de Cabinet Patrick Stzroda. Alexandre Benalla a été placé en détention provisoire pour violation de son contrôle judiciaire, mais dans un quartier aménagé pour les hautes personnalités de la prison de la Santé. Même derrière les barreaux de la prision, les privilèges des riches et de leurs hommes de main ne disparaissent pas dans cette société. Le 19 février, Crase et Benalla, convoqués par la justice ont même été placés dans le même box ce qui leur a permis de se rencontrer et de discuter alors que leur contrôle judiciaire leur interdit de se rencontrer ! Évidemment la justice a décidé la remise en liberté de ces deux voyous le 26 février. Quelle honte que cette décision faisant à nouveau deux poids deux mesures !!!  La détention provisoire est une mesure attentatoire à la liberté puisqu'elle consiste à incarcérer des personnes alors même qu'elles sont encore présumées innocentes. Certes, dans certains cas très précis, cela peut être inévitable, par exemple pour protéger une victime, pour éviter la fuite de la personne poursuivie ou la destruction de preuves. Mais dans la pratique la détention provisoire a pris une extension gigantesque et constitue une façon d'emprisonner des gens avant même d'avoir prouvé leur culpabilité : plus de 28% des détenus actuellement sont soit en prison préventive, soit en attente de résultat de la procédure d'appel. Les cas récents les plus emblématiques de cette politique ont été les rappeurs Kaaris et Booba (suite à leur bagarre), ainsi que Christophe Dettinger. L'argument avancé contre eux avait été : on ne sait jamais, ils pourraient récidiver ! Dans le cas de Benalla et Crase, la même logique, avec bien plus de fondement, aurait dû conduire à leur maintien en détention provisoire. En effet, il était soumis à une mesure de contrôle judiciaire - interdiction de se rencontrer - , une mesure qui vise à préserver les conditions de manifestation de la vérité sans recourir à la détention provisoire. Or, tout laisse à penser que Benalla et Crase ont violé cette obligation au moins une fois et il existe des soupçons de destruction de preuves. Mais il est vrai que Benalla n'est pas n'importe qui, c'est un des intimes du président de la République, pas un rappeur noir, ou manifestant opposé à la politique du pouvoir...

Une question de personnes ou un problème de régime politique ?

L’axe principal du rapport concerne des « dysfonctionnements majeurs » ayant affecté la « sécurité du président de la République ». Les treize recommandations finales proposent de mettre quelques rustines sur l’actuel fonctionnement de gestion de la sécurité du président. Comme toujours, les sénateurs PS et LR, prétendent nous faire croire qu’avec la modification de quelques règles et mettant des gens « honnêtes », tout ira mieux. C’était d’ailleurs le discours de Macron : avec nous, c’est promis, plus de manquement à l’éthique. 

Les conclusions factuelles du rapport intéressent néanmoins toute la population, car elles mettent en évidence que le prétendu « Etat de droit » n’en est pas un et que le contrôle démocratique sur le président et le gouvernement est extrêmement faible.

Les présidents successifs de la Ve République ont systématiquement entretenu, de manière dissimulée au public, des barbouzes et autres « hommes de l’ombre » pour imposer leur politique dans les coulisses des institutions républicaines. Emmanuel Macron perpétue cette tradition. Remplacer Mitterrand par Chirac, Chirac par Sarkozy Sarkozy par Hollande, Hollande par Macron, n’y change rien, même si chacun à son tour, jure qu’il ne fera pas comme ses prédécesseurs, avant d’être à chaque fois pris la main dans le sac. C’est bien le régime lui-même qu’il faut remettre en cause.

L’Élysée a balayé ce rapport d’un revers de la main, le présentant comme une simple manœuvre politicienne. Philippe a même prétendu l’écarter au nom de « la séparation des pouvoirs ». Une façon d’expliciter le fond de la pensée de ses commis du MEDEF : pour eux, le Président, le Premier Ministre et son gouvernement auraient le droite de faire absolument tout ce qu’ils veulent sans aucun contrôle. Les Gilets Jaunes exigeant au début de la crise que les échanges avec le Premier Ministre soit diffusé en direct n’avaient-ils pas raison ? N’est-ce pas sous le contrôle permament de la population qu’un gouvernement devrait travailler dans une démocratie digne de ce nom ? N’est-ce pas le peuple, et par là les classes exploitées et opprimées, qui devraient pouvoir imposer leurs besoins et leur volonté ? 

Des liens étroits entre l’Etat et les milieux d’affaires

En outre, le rapport illustre également les liens entre le pouvoir politique et les milieux d’affaires. C’est bien cela qui est visé par la dénonciation de « conflits d’intérêt majeurs et graves » qui découlent des contrats avec l’oligarque russe Iskander Makhmudov. Le rapport indique que ces conflits sont susceptibles de porter préjudice aux intérêts de la population. S’agit-il d’un cas isolé, d’un simple accident ?

Il y a bien des raisons d’en douter. D’une part, les déclarations du secrétaire général de l’Elysée et du directeur de cabinet de Macron semblent avoir eu pour but de protéger Benalla. Ce n’est donc pas un individu égaré, une brebis galeuse, mais bien l’ensemble des plus proches collaborateurs de Macron qui sont impliqués, et donc par là inévitablement Macron lui-même. Dans ses conversations téléphoniques, Alexandre Benalla se vante même à plusieurs reprises du soutien du « patron », autrement dit du président en personne. D’autre part, dès sa campagne électorale, Macron a obtenu des dons de la part des plus grandes fortunes du pays, ainsi qu’un soutien d’une majorité des chefs des grandes entreprises.

Ce n’est donc pas un hasard s’il s’attaque aux droits et aux conditions de vie des travailleur-e-s de France, s’il affiche son mépris pour les prolos qui n’arrivent pas à boucler les fins de mois et sa haine contre les gilets jaunes.

Pour un gouvernement des travailleur-se-s eux-mêmes/elles-mêmes

En exigeant le RIC, première forme de contrôle – très limitée et manipulable - de la population sur les décisions du pouvoir ou le rétablissement de l’ISF, c’est au fond contre l’ensemble de ce régime que le mouvement des gilets jaunes a commencé à se dresser.

C’est bien à ce régime autoritaire qui protège les intérêts du grand patronat et des 10% les plus riches contre le reste de la population qu’il faut mettre fin. Pas pour le remplacer par un autre régime où des politiciens professionnels au service du patronat et des plus riches continueront à diriger pour leurs amis. Mais pour le remplacer par un gouvernement pour des travailleur-se-s, privé-e-s d’emploi, et des jeunes, en somme des exploité·e·s du système capitaliste. Un tel gouvernement n’est pas un gouvernement comme les autres, il ne peut être que bâti sur une vraie démocratie. Nous pouvons nous organiser, organiser des assemblées, des conseils de quartiers, où nous débattons, et nous prenons les décisions collectivement, et lorsqu’il est nécessaire de se coordonner à une échelle plus large, alors il faut que les représentant·e·s soient élu·e·s, mandaté·e·s et révocable. Le contrôle démocratique de tou·te·s, à tous les étages de la société, est une condition nécessaire pour encadrer la démocratie, et ne pas laisser le pouvoir à une minorité décidante qui s’autonomise du reste de la société.

L’Assemblée des Assemblées de Gilets Jaunes, tenue à Commercy, donne une première idée de ce que pourrait être un pouvoir s’appuyant partout sur la volonté des exploité-e-s regroupé-e-s en comité sur leurs lieux de travail et d’habitation. Popularisons cette expérience riche et qui peut stimuler la réflexion partout dans le pays ! Organisons nous dans nos AG de Gilets Jaunes en mimant ce fonctionnement pour un vrai mouvement démocratique et non récupéré par les politiciens professionnels !

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