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Le capitalisme à la retraite et sans pension !
La réussite économique, c’est une question de classe...
De nombreux prétendus experts passent en boucle à la télévision pour nous parler des sacrifices à faire pour « relancer la France », pour l’avenir, etc. Ils s’appuient souvent sur l’exemple de pays « modèles » en mettant en avant des indicateurs essentiellement liés aux intérêts de la bourgeoisie. L’augmentation des inégalités sociales et le fait que la richesse des uns se fait toujours en dernière analyse sur le dos des autres ne comptent pas pour eux. Mais les révoltes dans certains pays rappellent combien leurs lunettes ne leur donnent qu’une vision partielle et partiale des réalités sociales.
À Stockholm, en Suède, dans la nuit du 20 mai, des émeutes se sont déroulées suite à une bavure policière qui a entraîné la mort d’un immigré portugais. Au cours des cinq nuits suivantes, les émeutes se sont propagées à d’autres quartiers de Stockholm. 300 voitures, un commissariat et deux écoles ont été brûlés.
Certains journaux bourgeois ne veulent voir dans ces actes qu'une façon de tromper l’ennui. On voit bien ce qu'une telle interprétation, politiquement neutre, a de rassurant pour eux : l'idée d'avoir à faire face à une contestation sociale ne leur plaît certes pas ! Il est vrai que cela obligerait par exemple à reconnaître la défiance croissante vis-à-vis de « l’ordre établi ».
On peut dès lors légitimement penser que cette caractérisation négative trouve ses racines dans les disparités sociales qui frappent la Suède, remettant en question le modèle « scandinave » et ses « compromis sociaux ». La Suède n’a en effet pas échappé aux privatisations et au démantèlement de l’État « social », avec une forte croissance des inégalités depuis les années 90. En 2007, 1% des ménages contrôlaient 29 % de la richesse du pays et 10% des ménages les plus riches en possédaient 72% (1).
Depuis le 31 mai en Turquie,le soulèvement qui était au départ un mouvement de contestation contre la transformation d’un parc en centre commercial à Istanbul s’est propagé à d’autres grandes villes du pays suite à la répression policière. Depuis plusieurs années, le pouvoir turc a procédé à de nombreuses privatisations de lieux publics afin d’en faire des lieux dévolus au business et aux capitalistes (zones résidentielles, commerces de luxe...). Dans le même temps, les pauvres et la classe ouvrière ont été poussés hors du centre d’Istanbul. Le refus de voir le capitalisme enlaidir et déshumaniser le cadre de vie est un élément politique de la lutte. Mais la répression policière avec ses centaines d’arrestations et de blessés et même ses morts a amplifié le caractère politique de ces luttes. À Izmir, les manifestants ont mis le feu aux bureaux du parti islamiste au pouvoir, l’AKP. La démission du Premier Ministre Recep Tayyip Erdogan est aujourd’hui demandée par de nombreux manifestants. Le 4 et 5 juin, la Confédération des syndicats des travailleurs du public KESK a appelé à une grève contre la « terreur d’Etat ». La Confédération des syndicats révolutionnaires de Turquie DISK avait quant à elle appelé ses membres à rejoindre les manifestations quelques jours avant. Avec l’engagement des syndicats dans la bataille, le caractère de classe de cette lutte devient de fait plus marqué.
En France : des tensions sociales à la mort de Clément Méric
Le refus de voir le capitalisme saccager le cadre de vie est également mobilisateur comme au Bois du Tronçais ou à Notre-Dame-des-Landes malgré la répression policière et gouvernementale. Le gouvernement est mis en difficulté et cherche une porte de sortie qui pourrait être une victoire pour notre camp social.
De façon générale, il n’y a plus de doutes sur la continuité de la politique de Hollande avec celle de Sarkozy. Depuis un an, le gouvernement Hollande fait porter le poids des contraintes du capitalisme en crise sur les catégories populaires et en particulier sur les salariés. En France, une estimation fait état de 1000 chômeurs de plus par jour alors que les cadeaux aux patrons continuent. Le vote de l’Accord National Interprofessionnel à l’Assemblée Nationale le 26 avril leur permettra notamment de licencier plus facilement.
Si on ajoute les promesses trahies de s’attaquer à la finance ou de limiter le salaire des patrons dans le privé, on peut penser que la confusion entretenue par le PS provoque la désillusion ou le dégoût qui conduit certains à renier en bloc les valeurs traditionnellement attachées à la « gauche ». Il est difficile de déterminer la contribution de ce dégoût dans la croissance vraisemblable de l’intérêt pour les idées d’extrême droite, mais elle existe assurément. La question du mariage a favorisé la médiatisation des organisations d’extrême droite,des groupuscules décidant de passer à un niveau supérieur de violence. Clément Méric, militant antifasciste, a payé de sa vie son engagement, frappé à mort par des néonazis. Sa mort renforce notre détermination à lutter contre les causes profondes du fascisme, notamment en proposant une réelle alternative au capitalisme que les fascistes prétendent combattre mais qui, plutôt que de s’attaquer aux patrons et remettre en question la propriété privée des moyens de production, s’attaquent aux immigré-e-s, aux homosexuel-les, aux militant-e-s d’extrême gauche. Sa mort renforce notre détermination à construire une force alternative aux partis institutionnels qui n’ont d’ailleurs pas hésité à récupérer l’événement pour mettre en avant la défense de leur modèle républicain. La mort de Clément met également à l’ordre du jour la construction de collectifs antifascistes unitaires dans toutes les villes et dans tous les quartiers, et de services d’ordre capables de défendre physiquement toutes les personnes auxquelles s’attaquent les fascistes.
Préparons le combat pour les retraites
Jusqu’ici, Hollande n’a pas eu affaire à un mouvement social d’ampleur mais le sujet des retraites est traditionnellement très mobilisateur. S’attaquer à la retraite, c’est s’attaquer à l’horizon des jours meilleurs pour des salariés qui parfois supportent l’insupportable en se raccrochant à cette perspective. Et c’est s’en prendre à un droit fondamental des travailleurs/ses, pilier de la protection sociale depuis 1945.
Au moment de la parution de notre bulletin, la Commission sur l’avenir des retraites qui avait prévu de donner ses conclusions en juin ne les a pas encore diffusées, mais, sur la base du cahier des charges discuté avec les « partenaires sociaux » et des travaux du Conseil d’Orientation des Retraites, nous pouvons avec une quasi certitude affirmer que le projet de contre-réforme de Hollande-Ayrault consistera en :
- La « désindéxation » qui consiste à faire augmenter les retraites moins vite que les prix et diminue ainsi le pouvoir d’achat des retraité-e-s.
- L’allongement de la durée de cotisation : en 1993, on avait une retraite à taux plein après 37,5 ans de cotisation ; aujourd’hui, c’est 41,5 ans. Le gouvernement parle de 43 ou 44 ans. En ayant commencé à travailler à 20 ans, on pourrait avoir une retraite à taux plein au mieux à 65 ans. Mais si on a commencé plus tard ou si on a eu des périodes de chômage, comme ce sera le cas pour une majorité de salariés, cela sera 70 ou 75 ans ! Autant dire que les gens partiront ou seront licenciés avant, mais avec une retraite amputée : c’est le but principal du projet.
- Diminution du salaire moyen servant de base de calcul au montant de la pension pour les fonctionnaires. Au lieu de le calculer sur le traitement des 6 derniers mois, ce serait sur les 10 dernières années.
- La hausse de la CSG qui serait soi-disant une mesure plus juste car la CSG toucherait tous le revenus, même ceux du capital. Mais 87% de la CSG est payée par les salariés et les retraités alors que l’imposition de certains placements ne représente que 12% des recettes. De plus, faire financer les retraites par un impôt, c’est aggraver l’intégration du budget de la Sécurité sociale dans celui de l’État, donc le soumettre au gré des décisions d’austérité du Parlement.
- La hausse des cotisations salariales, qui consiste à prélever une part plus grande sur le salaire brut, diminuant d’autant le montant du salaire net, effectivement disponible sur le compte en banque. L"augmentation de la CSG pour les retraités diminuera quant à elle le montant net de leurs pensions. C’est ce que Sarkozy avait fait contre les fonctionnaires en 2010 (passage de 7% à 10%).
Ce qu’il faut défendre, c’est le retour aux 37,5 annuités et un financement du système à 100% par les patrons et non par la fiscalisation qui reporte sur les salariés une part toujours plus grande du financement de leurs retraites !
Depuis 1993, cette réforme sera la sixième censée sauver le système des retraites mais tant que la manne d’argent du système par répartition ne sera pas aux mains du secteur privé, il y a fort à parier que les jongleries comptables feront toujours apparaître ce système en déficit. La fabrique du consentement s’est d’ailleurs encore mise en marche : une seconde Conférence sociale du gouvernement où seront conviés les « partenaires sociaux » doit être orchestrée les 20 et 21 juin afin de préparer les esprits. La novlangue est également de sortie : cette réforme aurait pour objectif de « sécuriser » les retraites. La stratégie de division n’est pas en reste : les salariés du privé sont opposés aux fonctionnaires ou aux régimes spéciaux, soi-disant privilégiés. Mais cette stratégie profite en fait aux vrais privilégiés : grands patrons, ministres, députés et autres grands journalistes qui ne font pas leur travail en ne mettant par exemple pas en parallèle les cadeaux faits aux patrons et les soi-disant déficits des caisses de retraite. Il manquerait en effet 20 milliards dans les caisses de retraites en 2020 mais la somme des exonérations fiscales dont bénéficie le patronat s’élève à 172 milliards. Et les profits des 40 entreprises les plus riches de France se sont élevés l’année dernière à 53 milliards d’euros, le remboursement de la dette aux banques à 65 milliards... Alors que ces chiffres sont connus, le plus pénible à supporter est de voir les syndicats participants au COR entériner l’existence d’un déficit qui nécessiterait des réformes structurelles du système de retraite. L’intégration des directions syndicales aux logiques gouvernementales et patronales est un des rouages du mécanisme, mais elle est de plus en plus poussée au fur et à mesure des contre-réformes.
C’est pourquoi, il est crucial de nous battre dans nos syndicats pour que leurs directions rompent les pseudo-négociations et autres participations aux Conférences sociales. Et, sans attendre, nous devons échanger et nous organiser sur nos lieux de travail afin de préparer les travailleurs/ses au combat contre la contre-réforme annoncée et de créer des liens avec les autres établissements ou entreprises. Pour préparer le mouvement, des militant-e-s de nombreuses organisations Rennaises (CLAR, MCPL, UNEF, Solidaire 35, SLB, NPA, GA, PG, AL) ont par exemple déjà créé un comité contre l’austérité et pour la défense des retraites : c’est la voie à suivre partout ! Les actions et grèves de l’automne prochain devront déborder les journées d’actions éparses orchestrées par les directions syndicales. En s’appuyant sur leurs syndicats et en permettant au plus grand nombre de décider des revendications et des actions par des assemblées générales, il faudra exercer un pouvoir contraignant sur ceux qui tiennent les rênes de l’économie : les patrons et les politiciens. La meilleure et la plus puissante de ces contraintes, ce qu’il s’agit de mettre en discussion dès maintenant, c’est la grève générale !