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La crise d'hégémonie des élites néolibérales : quand les travailleurs/ses font sécession et cherchent une représentation politique
Le monde est plongé dans une longue dépression économique depuis 2008. Les gouvernements de « gauche » et de « droite » mènent la même politique, car il n'y a qu'une politique possible dans le cadre d'un capitalisme en crise : une politique d'austérité et d'attaques contre les acquis sociaux. Aussitôt élus, ces gouvernements oublient leurs promesses et sont rejetés par les populations qui subissent une dégradation de ses leurs conditions de vie. Mais ce sont aussi leurs institutions internationales, armes politiques contre les travailleurs (Union européenne, traités de libre-échange, etc.), qui sont rejetées. La classe dominante subit donc une crise d'hégémonie politique sans que sa domination sociale soit pour le moment menacée. Les modalités actuelles de domination du capitalisme le « néolibéralisme » et les partis de centre droit ou de centre gauche qui en sont porteurs sont massivement rejetées. L'incapacité à obtenir le consentement actif des populations explique les tendances autoritaires de plus en plus accentuées des gouvernements qui mettent en place des attaques historiques contre le monde du travail. La démocratie est de plus en plus limitée, la répression multiforme est de plus en plus forte et des fonctions fondamentales (telles par exemple la politique monétaire) sont soustraites de toute forme de contrôle populaire (même indirecte) via des institutions (comme l'UE) sur lesquelles se dirigent à juste titre la colère populaire.
Dans une grande partie de l'Europe, les partis « sociaux démocrates » sont en crise. Les travailleur/se-s rejettent ces partis qui ne séduisent plus que les « gagnants » de la mondialisation du capital, les cadres supérieurs qui ont le « cœur à gauche » et le portefeuille bien à droite. En Grèce, en Espagne, en France, ou encore tout récemment en Islande, les partis « sociaux-démocrates » s'effondrent. Au Royaume-Uni, la victoire du Brexit a été sociologiquement un vote de classe contre les principales composantes du système (élites financières, médiatiques, politiques, etc.) qui ont fait une campagne acharnée pour défendre leur Union européenne.
Aux États-Unis, Clinton incarnait l'oligarchie corrompue. Trump a bénéficié d'un vote massif des classes moyennes déclassées et des ouvriers blancs, peu diplômés, appauvris, frappés par la crise, avec environ 40 points d'avance sur Clinton dans cette catégorie de la population. Beaucoup d'autres se sont réfugiés dans l'abstention, tout particulièrement les Hispaniques. Les régions de la « ceinture de la rouille », traditionnellement démocrates, ont basculé du côté de Trump. Quand la « gauche » fait la politique de Wall street, cela fait le jeu de la droite la plus extrême.
Après la victoire du Brexit, l’élection de Trump est une manifestation spectaculaire de la crise d’hégémonie politique des élites néolibérales. Les catégories populaires décrochent massivement des « partis de gouvernement », notamment des partis de gauche qui recueillaient auparavant massivement leurs suffrages. Ce rejet bénéficie partiellement à une gauche contestatrice du néolibéralisme, avec Sanders aux USA, Corbyn au Royaume-Uni, Podemos en Espagne, ou Mélenchon en France. Mais ce décrochage profite le plus souvent aux partis et aux démagogues populistes d’extrême-droite, qui orientent la colère populaire sur le terrain du racisme et de l'accentuation de l'autoritarisme. Beaucoup de travailleurs votent pour les populistes de droite et d'extrême droite, mais leur vote n'est pas cristallisé. Aux USA, des ouvriers blancs se sont tournés vers Sanders, puis vers Trump pour exprimer leur rejet de l'oligarchie. Des possibilités importantes existent pour les anticapitalistes, et il n'y a aucune fatalité à ce que cette polarisation profite à l'extrême-droite.
Le succès de ces populistes tient en partie à l’incapacité de la gauche anticapitaliste à incarner une alternative possible alors que l’extrême-droite fait croire qu’elle a des solutions. Alors que nous vivons une crise historique du capitalisme, la gauche anticapitaliste est sur la défensive, aligne ses mesures d'urgence, sans parvenir à se démarquer des réformistes antilibéraux, qui pour certains radicalisent leur discours et cherchent eux à donner une cohérence d'ensemble à leur programme. Il faut en tirer aujourd'hui toutes les conséquences pour notre campagne.
En France, c'est d'autant plus à l'ordre du jour que le mouvement contre la loi travail, première grande mobilisation frontale contre le gouvernement Hollande, a mis en évidence la combativité persistante d'une partie importante de la jeunesse et de la classe ouvrière, qui a rompu avec toute illusion envers le PS. Ce sont ces militantes et ces militants, ces manifestant-e-s contre la loi travail, que nous pouvons gagner en priorité – tout en nous adressant à l'occasion de la campagne à tou-te-s les travailleur/se-s, aux jeunes et aux opprimé-e-s. Ils/elles cherchent des réponses politiques au-delà du mouvement, en termes d'alternative au système capitaliste et anti-démocratique. Nous ne pouvons pas seulement les appeler à lutter alors qu'ils/elles l'ont fait pendant des mois, continuent ou continueront de le faire dès que l'occasion s'en présentera. Nous devons au contraire leur proposer à la fois de lutter ensemble et de porter un programme révolutionnaire, en les associant à son élaboration. Sinon, ce sont les réformistes qui les gagneront.
Réorienter la campagne Poutou : un programme concret de rupture avec le système capitaliste et pour une alternative communiste
De fait, de façon superficielle, mais néanmoins réelle, Mélenchon radicalise sa campagne et suscite un engouement certain. Il a refusé de négocier avec les frondeurs du PS et le PCF et il s'oppose plus frontalement qu'en 2012 à l'Union européenne. Et notre campagne est très faible quand nous expliquons (comme Philippe Poutou lors du meeting de Lyon) que nous étions très proches de Mélenchon en 2012 mais qu'aujourd'hui nous divergeons avec lui sur l'internationalisme et l'immigration. Cela sous-entend que nous partageons les mêmes orientations sur les questions économiques et sociales.
Nous devons bien évidemment ne rien céder sur notre internationalisme et notre défense des migrants. Mais nous devons intégrer ces mesures (comme les autres) dans un programme d'ensemble expliquant comment ces mesures peuvent être mises en place. Sinon, nous apparaitrons comme des gens sympathiques, avec des bons sentiments, mais sans aucune crédibilité politique, et nous serons complètement balayés.
Jusqu'à présent, notre campagne manque de souffle et ne permet pas d'enthousiasmer celles et ceux qui aspirent à une autre société. Le NPA dénonce mais n'apporte pas de solutions. Nous devons oser mettre sur la table un programme transitoire qui articule nos revendications avec la nécessité d'en finir avec le capitalisme, d'un pouvoir des travailleur/se-s à tous les niveaux. Nous devons expliquer qu'une autre société est possible, et expliquer comment elle pourrait fonctionner. Nous devons assumer d'être des communistes et des révolutionnaires. Le capitalisme en crise est de plus en plus barbare et nous devons expliquer qu'il n'y a pas d'alternative antilibérale aux politiques d'austérité, que ce système n'est pas réformable ; l'expérience Syriza en a fait la démonstration. Mélenchon sème des illusions. C'est tout un système et ses institutions qu'il faut abattre. Voilà ce que devraient être l'axe et le profil de notre campagne.
Contre les licenciements et le chômage de masse, mettre au centre la question de l'expropriation des capitalistes, de l'autogestion dans l'entreprise, et du salaire à vie
Contre les plans de licenciement, il n'est pas suffisant de dire qu'il faut partager le travail et interdire les licenciements. Et il est erroné de marteler que les profits sont « faramineux » et qu'il suffirait de piocher dans les profits des patrons pour maintenir les emplois. C'est faux. Ce système est bel et bien en crise, et il faut rompre avec la propriété privée capitaliste pour garantir les emplois et le salaire des travailleurs/ses. C'est pourquoi nous devons systématiquement mettre en avant la nécessité d'exproprier les groupes capitalistes qui suppriment des emplois, d'imposer leur nationalisation sous contrôle des travailleurs/ses et la garantie des débouchés.
Au pouvoir patronal sur l'économie, nous ne devons pas dire qu'il faut « prendre sur les profits », une « autre fiscalité », « développer les services publics » et « saisir les banques ». Ces axes sont peu ou prou ceux des réformistes, c'étaient ceux de Mitterrand en 1981, ce sont ceux de Mélenchon aujourd'hui et ils ne constituent pas une rupture avec l'ordre capitaliste. Nous devons opposer la nécessité d'exproprier les grands groupes capitalistes (et pas seulement les banques et quelques secteurs), la socialisation des moyens de production, la planification démocratique de l'économie pour satisfaire les besoins, en rupture avec le productivisme destructeur de la planète. Nous expliquons qu'il n'y a pas d'alternative à l'austérité et à la destruction de nos acquis sociaux sans rupture avec les institutions capitalistes, tant nationales qu'européennes. Nous devons prendre le contrôle des moyens de production et de la monnaie. Nous devons rompre avec les marchés capitalistes internationaux.
C'est dans cette configuration où la propriété capitaliste aura été éradiquée que nous pourrons garantir un salaire à vie à chacun, et que les travailleurs/ses pourront décider collectivement des grands choix d'investissement (via la gestion de fonds d'investissements socialisés) et pourront autogérer leurs unités de production, dans le cadre d'une planification démocratique globale.
Contre l'ensemble des oppressions, pour l'unité de notre classe !
Il ne suffit pas de décréter l'unité de notre classe face aux capitalistes pour qu'elle se concrétise. En effet, des rapports sociaux d'oppression frappent les femmes, les racisés, les LGBTI, et des combats spécifiques doivent être menés, en articulation avec le combat contre l'exploitation capitaliste. Notre parti doit faire de ces combats spécifiques une priorité, en premier lieu le combat contre l'islamophobie.
L'objectif des campagnes islamophobes d'État est de chercher à creuser un fossé entre travailleur/se-s selon l'origine ou la religion, pour mieux asseoir la domination des capitalistes. L'État français désigne aujourd'hui les musulman-e-s comme des corps étrangers à la nation, sommés de prouver qu'ils/elles sont de « bon-ne-s français-e-s » sous peine d'être désigné-e-s comme ennemi-e-s intérieur-e-s. En retour, cette islamophobie d’État nourrit les courants politico-religieux réactionnaires (financés par les régimes réactionnaires du Golfe, de Turquie, etc.), ennemis mortels du prolétariat et de tout projet d’émancipation socialiste-communiste, auxquels il ne faut faire aucune concession politique. Ces campagnes islamophobes se font parfois en instrumentalisant des valeurs progressistes, comme les droits des femmes et la laïcité. Face à cela, nous expliquons que la laïcité ne consiste pas à interdire le port de signes religieux dans l'espace public : elle consiste à séparer l’État de toutes les institutions religieuses pour permettre la liberté de conscience de chacun. Nous dénonçons l’instrumentalisation des droits des femmes et défendons le droit des femmes à disposer librement de leur corps contre tous ceux qui veulent les forcer à se couvrir ou à se découvrir.
Contre nos forces de répression, contre notre impérialisme !
Nous devons avoir un point de vue clair sur les manifestations sauvages de flics armés et masqués, tolérées par le gouvernement. Bien sur, la souffrance au travail des flics est réelle. Mais notre candidat a eu tort de dire que ce sont les syndicats de flics qui les poussent à se couper de l'ensemble de la population. Non : c'est leur fonction qui empêche la convergence de leurs revendications avec celles du mouvement ouvrier. Et ce mouvement exprime au contraire une contestation par rapport aux scrupules des directions syndicales à porter des revendications ouvertement réactionnaires. Il est donc totalement illusoire de rêver à une convergence des luttes entre celles du mouvement ouvrier et celles des flics.
A l'opposé d'un Mélenchon qui crie son amour des flics et défend leur « mission de service public », nous expliquons que la police est avant tout un instrument de répression aux mains de la classe dirigeante. C'est pourquoi nous sommes pour le désarmement de la police, et que nous voulons en finir avec cet appareil répressif de l'État bourgeois, qui réprime les manifestants ou harcèlent les femmes qui portent un burkini ou un foulard.
Le capitalisme en crise entraîne une multiplication des guerres impérialistes, et donc une guerre contre les populations des pays dominés pour servir les profits des grands trusts capitalistes. Nous exigeons le départ de toutes les troupes françaises et nous opposons à toute forme d'intervention de l’État français (bombardements aériens, conseillers militaires, livraisons d'armes, etc.) en Afrique et en Orient. Nous exigeons l'arrêt des exportations d'armes. Notre campagne doit être l’occasion d’exprimer un soutien sans faille aux droits des peuples à disposer d'eux-mêmes, notamment les Palestiniens et les Kurdes, et le renforcement des liens avec les forces révolutionnaires dans tous les pays.