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Face à la crise sanitaire, politique, économique, quelle orientation pour le NPA ?
Le confinement allégé de l’automne puis le couvre-feu national à 18 heures n’ont pas permis d’éradiquer le taux de reproduction et de réduire significativement les contaminations. Il s’est formé ainsi un plateau haut d’où pouvait reprendre l’épidémie lors du retour des conditions favorables. Les nouveaux variants du virus, en particulier les variants britannique et sud-africain, sont bien plus contagieux notamment chez les enfants et circulent ainsi dans les établissements. On estime ainsi à 10% au 28 janvier la proportion du variant britannique parmi les contaminations en région Ile-de-France. Plus de 2000 patient.e.s chaque jour sont atteint.e.s par le variant britannique a annoncé Olivier Véran lors de sa conférence de presse du 28 janvier 2021. Il y a toujours environ 20000 contaminations quotidiennes, ainsi que plusieurs centaines de décès.
L’AGGRAVATION DE LA CRISE SANITAIRE VA INTENSIFIER LA CRISE POLITIQUE:
A la différence du printemps dernier, le confinement n’emporte pas l’adhésion d’une aussi grande partie de la population. La conviction que le gouvernement a privilégié les profits à la santé a fait du chemin et fait aujourd’hui l’objet d’une adhésion populaire. L’ouverture des lieux de travail, avec en outre l’entassement dans les transports en commun chaque jour, pour maintenir la production alors que dans le même temps, tous les loisirs et lieux de socialisation sont interdits, en est une illustration. Selon les périodes, la population a été culpabilisée et les médias. Le gouvernement a fait reporter la responsabilité des contaminations sur les comportements individuels, masquant ainsi les facteurs structurels liés à l’organisation de la production et des échanges. Macron et ses ministres obéissent de cette façon au Medef.
Les reculs de notre camp social, les difficultés de nos organisations politiques (au premier rang le NPA) et syndicales, l’intégration des directions syndicales au « dialogue social », ouvrent un boulevard au renforcement des courants réactionnaires, et en fin de compte, au renforcement de l’extrême droite. La crise a favorisé ainsi l’émergence de courants anti-scientifiques, anti-vaccins dont le documentaire Hold-up illustre bien le discours. En France, il est possible qu’un tel phénomène profite à Marine Le Pen et au RN en 2022, surtout si la crise économique explose.
LA CRISE SANITAIRE VA AGGRAVER LA CRISE ÉCONOMIQUE:
En 2020, il y aurait eu selon l’INSEE environ 700 000 destructions d’emplois, dont 600 000 emplois salariés. Alors que l’emploi salarié a crû d’environ 400 000 au troisième trimestre, il a de nouveau plongé au quatrième trimestre (– 300 000). L’estimation de l’INSEE est sans doute largement en dessous de la réalité : l’OFCE évalue à 790 000 les destructions d’emplois salariés en 2020. Surtout, celles-ci se poursuivent en ce début d’année.
Les emplois détruits sont d’abord des non-renouvellements de CDD, une chute de l’intérim, des non-remplacements de départs à la retraite. Néanmoins, les plans sociaux (PSE) sont trois fois plus importants qu’en 2019. Entre mars et décembre 2020, on a cumulé 763 PSE initiés qui concernent 80 000 ruptures de contrats. On enregistre également dans le même temps 5 824 autres procédures de « petits » licenciements collectifs (dans les entreprises de moins de 50 salariéEs ou pour un licenciement de moins de 10 salariéEs).
La reprise du chômage technique depuis l’automne limite l’ampleur des destructions d’emplois : alors qu’il n’y avait « que » 1,3 million de salariéEs en chômage technique en septembre, le chiffre a grimpé à 1,8 million en octobre et 2,9 millions en novembre (16 % des salariéEs du privé). Beaucoup d’entreprises « zombies » sont maintenues artificiellement en vie par la prise en charge des salaires par l’État ou par les prêts garantis par l’État, mais elles ne sont pas viables. Un grand nombre d’entre elles feront faillite à moyen terme (l’OFCE estime que les faillites d’entreprises vont entraîner environ 200 000 suppressions d’emplois en 2021), et ce sont les contribuables qui devront rembourser les emprunts contractés.
Le scénario qui se dessine est le suivant : le gouvernement va continuer à subventionner massivement les entreprises pour limiter le nombre de faillites, et il fera payer l’addition aux travailleur.euse.s. Le mandat de la commission sur « l’avenir des finances publiques » lancée par le gouvernement est très clair : l’objectif est de rétablir l’équilibre budgétaire, en baissant les impôts des entreprises et sans augmenter les impôts (notamment ceux des plus riches). La commission est donc mandatée pour proposer une baisse historique et massive des dépenses publiques, notamment des dépenses sociales. Les salarié.e.s qui perdent leur emploi en seront notamment les victimes, avec des conditions d’indemnisation revues à la baisse.
C’est donc une « économie de guerre » qui se met en place pas à pas : l’État mobilise les ressources publiques pour prendre en charge une grande partie des coûts des entreprises afin de soutenir leur taux de profit. Et comme il n’y a pas d’argent magique, il doit en contrepartie couper les prestations sociales et démanteler les services publics utiles à la population, tout en conservant des ressources pour financer l’appareil répressif indispensable pour contenir la colère des travailleur.euse.s paupérisé.e.s.
QUELQUES LUTTES MALGRÉ TOUT
Malgré des difficultés pour s’organiser et se réunir liées à l’état d’urgence sanitaire, des manifestations et des mobilisations ont tout de même lieu.
Depuis plusieurs mois, des manifestations ont lieu partout en France contre le projet de Loi Sécurité Globale et ont rassemblé plusieurs centaines de milliers de personnes à l’appel du Collectif Stop Loi Sécurité Globale. Au-delà de cette loi, c’est le refus de la dérive autoritaire, raciste et liberticide du macronisme, c’est le rejet du renforcement sécuritaire qui mobilise. L’enjeu de taille est d’arriver à étendre la mobilisation au-delà des milieux militants habituels.
Depuis le début de la crise sanitaire, le secteur de l’Éducation nationale est poussé dans ses retranchements afin de maintenir l’ensemble des conditions nécessaires à la continuité stable de l’accumulation du capital. Contrairement au premier confinement, les enfants restent pris en charge toute la journée par l’Éducation Nationale pour que les parents puissent continuer à travailler pour les capitalistes sans travail reproductif domestique (garde, cuisine, aide aux devoirs, équilibre psychique…) supplémentaire. Cela est particulièrement vrai pour les crèches, et les écoles primaires en premier lieu mais également pour les établissements du secondaire. C’est pourquoi les premières seraient les premiers à fermer si le gouvernement décidait de fermer des établissements. Mais globalement, la fermeture des établissement aurait un impact indirect sur la production : elle ferait baisser la productivité horaire des travailleur-ses, et/ou leur pouvoir d’achat s’ils et elles sollicitent des services de garde payants, et serait potentiellement source de mécontentement supplémentaire dans les entreprises, la charge de travail habituelle étant ressentie comme plus lourde lorsqu’elle s’ajoute à une charge mentale importante.
Le choix de maintenir ouverts les établissements scolaires est juste en soi, car c’est une priorité de ne pas sacrifier l’instruction des enfants et des jeunes, tout en limitant l’impact de l’épidémie sur le creusement des inégalités. Cependant, les conditions dans lesquelles les établissements ont été maintenus ouverts sont contestées à juste titre par les personnels, à la fois en raison des insuffisances sur le plan sanitaire (notamment le refus de dédoublements dans le secondaire) et à cause du manque de personnels, de locaux, de matériel… Les AED, AESH, parmi les personnels les plus précaires de l’Education Nationale se retrouvent en première ligne, face à des protocoles sanitaires insuffisants dans les collèges et lycées. Tel qu’écrit dans un communiqué, «La grève du 1er décembre a été une première expression des revendications d’un métier maltraité, dont l’initiative aura été portée par la base des AED de Marseille, forçant la CGT à poser un préavis de grève nationale. En ce sens, c’est une grève qui va plus loin qu’une simple journée pour la reconnaissance du métier mais dénote une réactivité qui va à l’offensif pour aboutir ses revendications puisque il s’agit d’un des secteurs les plus précaires de la fonction publique, grandement composé des mêmes jeunes et précaires qui subissent de plein fouet la crise économique actuelle.» Une structuration nationale se construit, au travers d’une coordination nationale des AED qui a regroupé 25 collectifs d’AED de différents départements le 4 janvier dernier. Cette coordination s’appuie également sur le groupe facebook AED en détresse avec 4 600 membres et 80 collectifs recensés dessus. Le 26 janvier, journée de grève et de mobilisation dans l’Education Nationale a été marquée par un taux de grévistes de 30 % dans le primaire selon le SNUIPP, et des cortèges rassemblant des dizaines de milliers de personnes.
Au mois d’octobre, les salariéEs du groupe TUI (Look Voyages, Marmara, Nouvelles Frontières), confronté.e.s à un plan de licenciements massif (600 postes supprimés sur 900) avaient lancé un appel national pour se « regrouper les forces et frapper ensemble » contre les licenciements et les suppressions d’emplois. Plusieurs réunions nationales ont eu lieu depuis, qui ont abouti à une manifestation nationale samedi 23 janvier rassemblant environ 2000 personnes à Paris. Parmi les manifestant.e.s se trouvaient les raffineur.euse.s de Total à Grandpuits mobilisé.es contre la fermeture de leur raffinerie et la tentative de greenwashing du groupe Total. Une convergence intéressante a commencé à se faire entre salarié.es et mouvement écologiste. Partout dans les départements et les villes, le NPA doit être à l’initiative de cadres de regroupements d’équipes syndicales et militantes, de collectifs contre les licenciements. Construire ces cadres doit être un des axes fondamentaux du NPA dans les prochaines semaines et les prochains mois.
Une journée d’action interprofessionnelle aura lieu jeudi 4 février à l’appel des directions syndicales. Celles-ci avaient pourtant bien pris soin d’organiser l’isolement des travailleurs en lutte contre les licenciements (en s’abstenant de soutenir la manifestation du 23 janvier et en ne prenant aucune initiative pour coordonner les boîtes en lutte). Elle apparaît comme une journée d’action sans perspective. Elle ne pourra pas mobiliser notre classe. Nous avons besoin d’un plan de bataille concret et conséquent, avec des revendications précises et des moyens sérieux pour les satisfaire. Il faut pour cela affronter les bureaucraties syndicales et leur logique de sectorialisation des luttes qui sert la stratégie de concertation sociale du gouvernement : elles ne manqueront pas de s’engouffrer le Grenelle de l’Education comme elles se sont engouffrées dans le Ségur de la Santé en juin, qui n’avait pas abouti à la satisfaction des besoins du secteur.
CE QUE NOUS DÉFENDONS:
Le confinement est malgré ses lourdes conséquences à court terme la seule solution pour diminuer drastiquement la circulation du virus. Nous défendons un confinement non-sécuritaire avec plus de libertés dans les sorties, les promenades et l’activité physique individuelle en extérieur. Sur le plan économique, nous défendons un confinement avec arrêt des productions non essentielles et maintien de l’ouverture pour les entreprises de l’alimentation, la santé, l’éducation nationale, les services d’électricité, de gaz, d’eau, de télécommunications, etc.
Pour les entreprises fermées par le confinement, nous soutenons la continuité intégrale des salaires et des indemnités pour les indépendants, et le financement dès maintenant de ces dépenses par des taxes spéciales sur les profits des grandes entreprises qui continuent d’en faire, les revenus du patrimoine rentier et les grandes fortunes.
Nous défendons le maintien des établissements scolaires et, dans les universités, la réouverture partielle des facs (avec demi-groupes, protocoles sanitaires), la validation de l’année et le maintien des bourses.
Mais au-delà, nous ne pouvons plus continuer à vivre au rythme des confinements et des déconfinements, des couvre-feux, des stop and go perpétuels, qui ne nous protègeront ni contre la crise sanitaire ni contre la crise économique sans une campagne de vaccination de masse. Nous revendiquons ainsi la réquisition des outils industriels du pays à commencer par les laboratoires pharmaceutiques comme Sanofi pour augmenter la production des doses. Nous revendiquons l’ouverture de lieux publics (salles polyvalentes, gymnases, locaux municipaux, etc.) pour favoriser cette campagne de vaccination de masse. C’est la seule solution pour freiner et stopper l’épidémie. Nous exigeons la transparence sur les contrats passés avec les laboratoires concernant les vaccins, et refusons les brevets sur ceux-ci. Ils relèvent du bien public.
Parce que le libre marché et l’état-plateforme à son service échouent à répondre aux enjeux sanitaires, nous revendiquons également la réquisition de toutes les entreprises qui ont un rôle à jouer face au virus, que ce soit les cliniques privées; les fabricants de masques, de tests, de respirateurs, de bouteilles d’oxygène et de frigos médicaux; les laboratoires pharmaceutiques. Nous revendiquons un financement public massif des hôpitaux (avec réouverture de lits et embauche de personnel formé) et de la recherche publique.
Alors que la paupérisation de masse touche des populations entières et aggravent leurs situations (étudiant.e.s, indépendant.e.s, précaires, etc.), que les files d’aide alimentaire n’ont jamais été aussi longues, les grandes fortunes se portent bien. Certains coronaprofiteurs se font par ailleurs de bons bénéfices sur le dos de la misère. Nous revendiquons une taxe spéciale sur les grandes fortunes et les coronaprofiteurs pour répondre aux besoins immédiats (aides d’urgence, santé mentale, etc.) de ces populations les plus fragilisées. Nous revendiquons la suspension des loyers pour celles et ceux qui ne peuvent pas les payer.
Nous nous opposons aux subventions publiques aux grands groupes capitalistes. Si ces grands groupes ne sont plus capables de fonctionner sans ces aides, ils doivent être nationalisés sans indemnité sous contrôle des travailleurs/ses. De la même façon, les entreprises qui suppriment des emplois doivent être nationalisées. La seule façon de garantir les emplois et les revenus, le droit au salaire à vie des travailleurs/ses, est de rompre avec la logique capitaliste, et donc de s’attaquer à la propriété capitaliste.
Nous revendiquons la possibilité pour chaque salarié.e susceptible d’avoir été exposé.e au virus de s’isoler en quarantaine sans perte de revenu.
Toutes ces mesures ne pourront se faire sans associer la population à la prévention et à la gestion de la crise. Elles remettent en question le système capitaliste dans ses fondements même et posent la question du pouvoir, du gouvernement des travailleur.euses.