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Une semaine en France, dans une atmosphère toujours plus étouffante
À la sidération aurait succédée l’« importation du conflit en France » (L'émission 28 Minutes d'Arte en a fait son titre principal le 10 octobre, CNEWS le lendemain, Emmanuel Macron vendredi 12). C’est ce qu’on entend de toutes parts. En quelques jours, les chaînes de radio ou de télévision ont commencé à dénombrer les nombres d’actes antisémites sur le territoire métropolitain. D’une trentaine au début de la semaine, on est passé à 189 samedi 14 octobre (Voir l'Express, France Info, 20 Minutes, BFM). Il n’y a jamais d’explications, ni de contextualisation : les actes antisémites augmentent en France, apparemment à cause de la situation à la frontière de Gaza, mais sans qu’on sache qui en sont les auteurs ni comment ils sont comptabilisés. Ces derniers temps, rappelons-nous que de nombreux actes antisémites ont eu lieu à l’initiative de l’extrême droite et ont été bien documentés par les antennes des éditions régionales de France 3 (Tracts et courriers antisémites distribués dans le Béarn, en Côte-d’Or, dans le Finistère, dans le Jura ou encore dans les Côtes d’Armor, où des tags antisémites et néonazis ont été inscrits sur un monument de mémoire de la Seconde Guerre mondiale). Le Parisien, dans son article du 9 octobre, laisse entendre que le fait de brandir un drapeau palestinien a pu être pris en compte comme acte antisémite. Le ministère déclare que des gardes à vues ont lieu, nous en saurons probablement plus, plus tard. Comprenons bien : il ne s’agit pas de douter que la situation en Palestine puisse donner lieu à une recrudescence des actes antisémites, et ceux-ci sont tous, sans la moindre réserve, absolument condamnables ; c’est la façon volontairement indigente avec laquelle le gouvernement évoque ces faits qui est en cause. Ce qui résonne dans la séquence est l’appel du président à faire nation, à faire corps, ensemble, dans ce moment particulier ; mais en même temps, Macron a choisi sans sourciller son camp, celui d’Israël – non pas seulement celui des victimes des crimes de guerre perpétrés par le Hamas, qui méritent effectivement toute notre compassion, mais bien celui de l’État colonial au moment même où il commet d’autres crimes de guerre contre les Gazaoui·e·s.
Faire nation, c’est être unis face à l’adversité : « le bouclier de l’unité ». Mots si dérisoirement répétés le lendemain, alors qu’un attentat terroriste touche une nouvelle fois l’école. Le crime est insupportable et ne peut qu’inspirer le plus profond dégoût. Les enseignant·e·s sont une nouvelle fois pris pour cible, attaqués au couteau de cuisine, presque trois ans jour pour jour après l’assassinat de Samuel Paty. Le choc est immense, la communauté éducative est à juste titre prise de spasmes, sans oublier les élèves ainsi que leurs parents. Dans les jours qui suivent, le musée du Louvre, le château de Versailles, la gare de Lyon sont évacuées après des alertes à la bombe ; le plan « alerte urgence attentat » est déclenché. Le climat est inquiétant, et nous ramène immanquablement aux traumas du Bataclan, des terrasses attaquées, du stade de France… Or, comme si la situation n’était pas assez étouffante, l’instrumentalisation et le chantage à l’unité derrière le gouvernement s’imposent aussitôt. Qui ne se rallie pas à la politique d’Israël soutient au fond le terrorisme, et doit donc être en quelque façon complice de la mort de Dominique Bernard. Résumons à grands traits : c’est un tchétchène musulman, fiché S, qui a commis l’attentat terroriste : au fond, il doit bien être dans le camp palestinien, ce qui prouve bien que le soutien à la résistance palestinienne, c’est déjà un peu le soutien aux attentats qui ont lieu en France… Et puis, si la France était moins laxiste en matière d’immigration, si elle avait expulsé autant d’étrangers qu’elle aurait dû, les attentats n’auraient pas lieu : ce qui prouve bien qu’il faut durcir le contrôle de l’immigration… L’appel à faire nation prend tout son sens : il s’agit de faire front contre une large population de « décivilisés ». L’extrême droite prospère toujours sur de tels malheurs. Le lendemain du meurtre de Dominique Bernard sont proclamés les résultats des élections de parents d’élèves : 3500 sièges vont être occupés par les Parents Vigilants (qui ont avancé masqués sous l’étiquette de la PEEP ou de la FCPE, les deux grandes fédérations de parents d’élèves), pointe avancée du zemmourisme dans l’éducation nationale. Des francs-tireurs, soutenus par ailleurs par des profs d’histoire réactionnaires qui circulent de plus en plus sur les plateaux TV, comme Kevin Bossuet.
Dans ce contexte, l’interdiction des expressions de soutien à la Palestine dans la rue, en plus du quasi-blocus imposé dans les médias – rares sont ceux qui peuvent tenir publiquement un autre discours que celui du ralliement à Israël sans être suspecté de complaisance avec le terrorisme islamiste – traduit une volonté de coercition de toute la frange de la population qui se trouve choquée par l’injustice de la situation suivante : d’un côté, on fait passer pour un droit à la légitime défense ce qui relève d’une volonté de vengeance particulièrement féroce ; de l’autre, on réprime le soutien au droit des Palestinien·ne·s de vivre et de résister à un État colonial. Le camp de l’ordre, autoproclamé « arc républicain », refuse à tout prix la possibilité d’exprimer un discours qui va à l’encontre de son programme politique profondément raciste. L’arc est maintenant décidé à laver l’affront qu’a représenté d’une part la démonstration de force de la FI qui, pour la première fois depuis des années, a donné une consistance nationale à une gauche combative, et d’autre part le surgissement par la manifestation, et donc médiatiquement, des millions de travailleurs/euses décidé·e·s à s’engager dans une bataille. Cette défaite a eu un impact important sur le moral des travailleurs/euses mobilisés.
Troisième élément et pas des moindres, les révoltes dans les quartiers populaires ont montré tant leur puissance que leurs faiblesses, et l’été a finalement pu se dérouler tranquillement, quoiqu’il ait fait un peu trop chaud. La rentrée scolaire était placée sous le signe de la menace de l’abaya ; l’agenda politique, à l’aube des premières vacances, s’annonce saturé par la lutte contre le terrorisme islamiste.
Ce samedi 14 octobre, Israël a conseillé aux Gazaoui·e·s de partir le plus vite possible de l’enclave. C’est particulièrement cynique : la bande de Gaza est une prison dont personne ne peut s’échapper. Les gens sont invités à partir, car une opération terrestre est prévue, dans les heures qui viennent. Finis les bombardements d’immeubles, place aux combats corps à corps et à l’entrée de l’armée sur ce bout de territoire qui restait aux mains des Palestinien·ne·s. À l’heure actuelle, on dénombre 2215 victimes à Gaza, dont 725 enfants. L’eau est coupée, de même que l’électricité et, depuis peu, internet. Espérons que les caméras des journalistes iront documenter l’invasion, car nous ne pourrons pas compter sur les réseaux sociaux. De quoi devenir paranoïaque.