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Où va Mélenchon ?
Jean-Luc Mélenchon a tenu des propos inacceptables lors d’une séance du 5 juillet du Parlement européen.1 En partant d’une dénonciation de l’Union européenne du dumping social que nous partageons, il pointe du doigt les travailleur-se-s détaché-e-s :
« Je crois que l’Europe qui a été construite, c’est une Europe de la violence sociale, comme nous le voyons dans chaque pays chaque fois qu’arrive un travailleur détaché, qui vole son pain aux travailleurs qui se trouvent sur place ».
Venant d’un vieux routard de la politique comme Mélenchon, il ne s’agit pas d’un dérapage. Il a d’ailleurs assumé totalement ses propos, affirmant que « voler le pain » est une « expression très classique qui n’est pas connotée ».
Il n’y a aucun doute à avoir sur le fait que Mélenchon cherche à ratisser plus large que son électorat traditionnel, et ce n’est pas nouveau. Nous avions vu lors des présidentielles de 2012 des affiches « la France, la belle, la rebelle » et en préparation de 2017, nous avons vu fleurir les visuels de « la France insoumise » (cette fois en bleu-blanc-rouge). Le tweet de Raquel Garrido est aussi très explicite : « La question #patriotique et de la définition de notre #nation sera au coeur du débat en 2017. »2 Mélenchon est aussi un habitué des discours plus qu’ambigus entre la critique de Merkel et la germanophobie. Sans oublier son instrumentalisation du match France-Allemagne lors de l’Euro…3
Mélenchon sait ce qu’il fait. Il tire un certain bilan de ses tentatives de faire revivre l’étiquette « gauche » (après avoir appelé à un PS plus à gauche, avoir impulsé le Parti de gauche et représenté le Front de gauche, etc.) et il évolue vers un discours « ni droite, ni gauche ». Bien évidemment, c’est sur l’électorat de Marine Le Pen qu’il essaie de mordre ainsi que sur les «dégouté-e-s» des partis. Et bien évidemment, cela ne fait pas de lui un équivalent de l’extrême droite. Mais la façon dont Mélenchon essaie de récupérer une audience large est pour nous une impasse.
Nous ne pensons pas qu’il faut absolument mettre en avant « la gauche », qui ne signifie plus grand-chose aujourd’hui : principalement des « valeurs » une façade, qui permettent au PS de représenter une fraction soi-disant plus humaniste que les Républicains… mais les deux partis du pouvoir écœurent autant les travailleur-se-s. Et même plus, le PS, au pouvoir, prend les décisions pour la classe des possédants, et ainsi mène la même politique que l'UMP, en particulier concernant les migrant-e-s, et tape même plus fort avec l'état d'urgence et la répression ! De ce point de vue, il est clair que la politique du PCF est catastrophique : en s’obstinant à ramper devant le PS, à se mettre dans le même sac de « la gauche » que lui, il ne peut que couler avec lui. Les critiques de quelqu’un comme Pierre Laurent à Mélenchon ne sont pas synonyme de radicalité, mais de soumission. Pierre Laurent n’est pas plus « internationaliste » quand il est lance ses tartes à la crèmes comme « une autre BCE », « une autre Europe », etc. Il est au contraire encore plus institutionnalisé. Et pour cette raison nous ne sommes pas d’accord avec certains camarades qui assimilent toute position pour le Brexit ou pour la sortie anticapitaliste de l’Union européenne à une « pente glissante » menant vers le nationalisme.
Mais à cette gauche tiède, ce n’est pas la nation ou le populisme qu’il faut opposer, c’est la lutte de classe
On ne peut pas se référer tel quel au terme de Nation, qui fait croire artificiellement à une France-bisounours où l’exploitation serait moins pénible entre compatriotes… Par son exigence de « souveraineté populaire », Mélenchon fait croire que « le peuple » subit la domination de Bruxelles et Merkel. Alors que les dirigeants de la France ont totalement choisi la situation actuelle, et se sont largement enrichis grâce à l’Union européenne.
Mélenchon est un populiste parce qu’il ne désigne pas clairement qui il veut opposer à qui. Quand il dit le « le pouvoir au peuple » (2012) et « le peuple souverain », est-ce qu’il englobe le fameux Dassault, ce « grand capitaine d’industrie » ? Ou est-ce que son peuple comprend en fait tout le monde sauf une « finance » assez obscure (sans visage ?). Il nous faut développer un discours tranchant, sans concession vis-à-vis des parasites capitalistes et de tous les connards en costard comme Macron. Et en même temps il nous faut tracer clairement la ligne de démarcation : celle entre les exploiteurs et les exploité-e-s. La « violence sociale » qu'il y a dans le travail détaché, ce sont les eurocrates et le MEDEF qui la mettent en place. Pour avoir la force de nous retourner contre eux, il faudra arriver à unir tou-te-s ceux et celles de notre classe. Cette unification n'aura pas lieu si l'on désigne comme « voleurs » une partie de cette classe.
1Qu'on retrouve dans son contexte ici : https://www.youtube.com/watch?v=0bMoXv8Ru_A ; sur le même thème, voire aussi : https://www.youtube.com/watch?v=YwNIx8zO7Dw
2 https://twitter.com/RaquelGarridoPG/status/753295227037900805?lang=fr
3 http://www.huffingtonpost.fr/2016/07/08/melenchon-france-allemagne-message-tres-politique-candidat-presidentielle_n_10876186.html