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    Analyse et perspective après le premier tour des élections municipales

    Par Gaston Lefranc, Juno Smith (27 mars 2014)
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    Un taux d’abstention record chez les jeunes et les classes populaires

    Avec un taux d’abstention de 36,5%, le niveau record de 2008 est dépassé de 3 points. L’abstention est plus que jamais clivée socialement et générationnellement[1] :

    • elle est de 60% chez les 18-24 ans et de 15% seulement chez les plus de 65 ans
    • elle est de 50% des chez les ouvriers et de 35% chez les cadres supérieurs

    Cette abstention n’est pas neutre : 39% des abstentionnistes l’ont fait pour manifester « leur mécontentement à l’égard des hommes politiques en général » et 22% « leur mécontentement à l’égard du gouvernement ». Seuls 13% déclarent s’être abstenus parce que ces élections ne les intéressaient pas.

    Contrairement à une idée propagée par les aficionados du gouvernement, les sympathisants du PS ne se sont pas plus abstenus que les autres. 32% de ceux-ci se sont abstenus, alors que 40% des sympathisants du FN n’ont pas voté. Le gouvernement se fait de douces illusions en pensant qu’un surcroît de participation lui aurait profité. Si elle avait dû s’exprimer, la colère des abstentionnistes aurait probablement amplifié la déculottée de la gauche au pouvoir.

    Une droite stable, un PS qui s’effondre, et un FN qui monte en flèche

    Dans les villes de plus de 10 000 habitants :

    -          la droite recueille 45,9% des voix contre 45,5% en 2008

    -          la gauche rassemble 41,4% des voix contre 48% en 2008

    -          l’extrême-droite obtient 9,2% des voix contre 0,7% en 2008

    Bien sur l’augmentation du FN tient en partie au nombre plus important de listes qu’il a pu constituer. Mais la percée du FN est incontestable, et le FN fait globalement des pourcentages voisins à ceux de la présidentielle là où il était présent, malgré un faible ancrage local (qui le handicape lourdement dans ce type d’élection). On note également une participation particulièrement forte dans les villes où le FN était en position de gagner ou de peser sur l’élection, qui lui permet le plus souvent d’améliorer ses scores de la présidentielle. Cela tend à prouver qu’une partie des abstentionnistes est prête à basculer dans le vote FN, et que le FN a des réserves de voix. On pourra le mesurer dimanche prochain dans la capacité du FN à augmenter ses scores quand il est en position de gagner.

    Malgré l'impopularité abyssale du gouvernement, l'UMP n'augmente pas ses scores. Elle s'apprête à gagner des mairies par défaut. Mais pour beaucoup d'électeurs, et notamment les catégories populaires, l'UMP et le PS sont mis dans le même sac et ne suscitent plus aucun espérance. Ainsi, selon l'Ifop, 45% (58% des ouvriers) ne souhaitent ni une victoire de la gauche, ni une victoire de la droite ; seuls 24% (13% des ouvriers et 15% des employés!) souhaitent une victoire de la gauche, et 31% une victoire de la droite.

    Un PCF qui continue à décliner

    Le PCF ne profite pas du rejet populaire du gouvernement. Et pour cause ! Dans la très grande majorité des villes, le PCF fait liste commune avec le PS. Les listes d’union dirigées par le PCF en pâtissent directement. Quand le PCF se présente seul, il ne progresse pas non plus, et il poursuit son lent déclin. Il n’incarne plus aujourd’hui un vote utile pour les travailleurs pour exprimer leur colère face au gouvernement ou plus largement face au « système ».

    Le PCF devrait perdre au minimum une bonne douzaine de villes de plus de 10 000 habitants, principalement en Seine-Saint-Denis (cette fois-ci au profit de la droite, et pas du PS), ou encore dans le Morbihan (Auray, Hennebont), en France Comté (Saint Claude), en PACA (Aubagne, Brignoles), ou dans le Rhône (Vaulx-en-Velin, Pierre-Bénite). Il ne peut en espérer en reconquérir que deux ou trois sur le PS ou les Verts, comme Aubervilliers ou Montreuil.

    Quelques succès pour la nouvelle alliance entre le Parti de gauche et les Verts

    Contrairement au PCF, le Parti de Gauche a cherché à monter des listes concurrentes à celles du PS dans un maximum de villes. Selon les configurations, il s’est présenté seul ou allié tantôt aux Verts, tantôt au NPA, ou aux deux à la fois (Poitiers, Pré Saint Gervais, Montauban, Miramas).

    Dans la plupart des endroits, le PG ne perce pas. A Paris, les listes de Simonnet sont sous la barre des 5%, bien en retrait des scores de Mélenchon dans la capitale.

    Dans quelques endroits, principalement quand il est allié aux Verts, le PG réalise de bons scores : le cas emblématique est Grenoble où la liste PG-Verts réalise 29,4% contre 25,3% à la liste PS-PCF. Mais ces bons résultats sont principalement obtenus grâce à l’implantation locale des Verts, sur une orientation floue, vaguement anti-austérité, et pas anti-gouvernemental. Il est assez vraisemblable que ce type de profil attire avant tout un électorat de cadres, sensibles à certaines thématiques écologistes et vaguement critiques du gouvernement.

    NPA : un manque de cohérence qui ne permet pas de construire le parti

    La direction du NPA n’a pas cherché à construire des listes de travailleurs sur la base d’un programme anticapitaliste clairement délimité des forces antilibérales (Front de gauche) qui gèrent dans l’austérité des dizaines de communes, tout en discourant contre l’austérité ou pour la justice sociale. Elle a au contraire cherché à diluer l’identité du parti dans des listes citoyennes avec des composantes du Front de gauche.

    Résultat des courses : le NPA s’est présenté seul dans 30 communes, a dirigé des listes unitaires dans 10 autres, et a servi de force d’appoint pour le Front de gauche dans 44 autres. Dans 4 villes, le NPA s’est même présenté sur des listes avec les Verts, qui participent au gouvernement. Tout ceci concourt à une invisibilisation du NPA, à un brouillage idéologique, qui n’a pu que desservir les camarades du NPA qui ont construit des listes anticapitalistes en rupture avec le système.

    Les résultats du NPA sont très variables, même s’ils sont généralement en retrait par rapport aux scores de 2008. Néanmoins, des listes NPA font des scores remarquables dans un contexte difficile, comme à Saint Etienne du Rouvray, ville ouvrière à proximité de Rouen, avec 15% des voix.

    Lutte ouvrière avait réussi à constituer beaucoup plus de listes que le NPA, environ 200. Mais les résultats sont décevants, globalement en retrait par rapport aux scores de 2008, et inférieurs à ceux du NPA. Le discours routinier et atemporel de LO est assez désespérant. LO réalise ses meilleurs scores dans le Nord et l'Est. Signalons néanmoins l'excellent score de LO (22%) à Frouard, petite ville ouvrière de Meurthe et Moselle où LO affrontait une liste PS-Front de gauche.

    Pas une voix pour le PS, l’UMP et le FN au second tour !

    Comme l'indique le NPA Paris (et malheureusement pas le NPA national), « Nous ne choisirons pas entre l’austérité de droite et l’austérité de 'gauche'. Nous ne donnerons pas notre voix à ceux qui défendent le « pacte de responsabilité », à ceux qui font la guerre au Mali et en Centrafrique après avoir bloqué le développement ces pays pendant des dizaines d’années, à ceux qui expulsent chaque année des dizaines de milliers de sans-papiers, à ceux qui mettent en place la réforme des rythmes scolaires »[2]. En outre, il est faux d'appeler à battre le FN électoralement, quand cela implique d'appeler à voter pour l'UMP ou le PS, qui sont des partis de la bourgeoisie.

    Le NPA participe à des listes qui sont en position de fusionner avec d'autres listes. Malheureusement, certaines d'entre elles ont fusionné avec le PS, quelques fois en négociant de futures places dans l'exécutif municipal. Nous condamnons ces accords politiciens présentés souvent comme « techniques ». Alors que les catégories populaires rejettent massivement le PS, c'est une erreur dramatique de se compromettre avec eux : cela ne peut que nous décrédibiliser, jeter un doute sur la sincérité de notre combat anticapitaliste, et faire le jeu du FN qui cherche à se présenter comme le seul parti anti-système.

    Combattre le gouvernement, l'UMP et le FN en reprenant la rue et en incarnant une alternative politique à l'ensemble des partis du système

    Comme l'indique ici encore le NPA Paris, « La montée du FN et de la droite est à la fois le résultat de la politique du gouvernement et de la stratégie du mouvement ouvrier qui se refuse à préparer l’affrontement face au pouvoir socialiste ». C'est pourquoi il est important de réussir la manifestation du 12 avril à Paris contre la politique d'austérité du gouvernement. Nous manifesterons avec les différentes composantes du Front de gauche, mais sur nos propres bases. Nous estimons que le NPA s'est une fois de plus fourvoyé en signant un appel « unitaire » avec le Front de gauche, qui ne s'oppose pas clairement au gouvernement, qui ne dit pas un mot contre les plans de licenciements, et qui n'inscrit pas la manifestation du 12 avril dans un plan d'ensemble pour mettre en échec le gouvernement.

    Pour préparer la montée en masse à Paris le 12 avril, nous cherchons à construire des collectifs locaux avec ceux qui veulent en découdre avec le gouvernement et qui cherchent à construire un mouvement d'ensemble contre le gouvernement. Si les réformistes conçoivent le 12 avril comme une journée de mobilisation en vue des élections européennes (avec Tsipras en invité vedette de la manifestation), nous voulons mettre au cœur de cette manifestation des revendications concrètes (refus de tous les licenciements, expropriation et nationalisation sous contrôle des travailleurs des entreprises qui licencient, retrait de l'ANI, etc.) et les moyens de les satisfaire (la construction de la grève générale). Cela nécessite de penser une politique pour affronter celle des bureaucraties syndicales. Il faut condamner les politiques des directions du mouvement ouvrier et les interpeller pour qu'elles rompent avec la politique de dialogue social promue par le gouvernement, tout en prenant des initiatives pour développer l'auto-organisation.

    Il faut également que le NPA incarne un projet de rupture avec l'ordre établi, clairement délimité de celui du Front de gauche. Dans la campagne européenne qui s'ouvre, il ne faut pas laisser à l'extrême-droite le monopole du combat contre l'Union européenne. Nous voulons rompre avec l'UE, avec l'euro (tout comme avec les institutions républicaines nationales) parce que nous voulons rompre avec l'ensemble des institutions que se sont données les forces capitalistes pour nous exploiter. Avoir un discours de classe (et pas un discours citoyen), abandonner les chimères keynésiennes (que la direction de notre parti relaie en signant tous ces appels unitaires gluants), défendre ouvertement un programme anticapitaliste mettant au centre la nécessité d'exproprier les grands groupes capitalistes pour en finir avec l'exploitation et les licenciements. Voilà le cap que nous devrions avoir : cela nous éloignerait à coup sur des petites nomenklaturas de la gauche antilibérale, mais cela pourrait nous permettre de trouver l'écoute des travailleurs écœurés qui cherchent une voie pour sortir de la nasse.

    Gaston Lefranc, Juno Smith

     

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