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Congrès national de la FSU : La direction, avec le soutien de la majorité de la tendance École émancipée, fait un pas de plus vers le « syndicalisme rassemblé » à la sauce Thibault
Le 6e congrès de la Fédération Syndicale Unitaire (F.S.U.) s’est tenu à Lille du 1er au 5 février dernier. Le contexte d’ensemble est marqué par l’offensive du gouvernement et du patronat pour faire payer la crise aux travailleurs en accélérant les contre-réformes (notamment celle des retraites), les licenciements, le blocage des salaires, etc. C’est en particulier le cas dans l’enseignement : le gouvernement a fait passer l’année dernière la casse du statut des enseignants-chercheurs, la réforme dite de la « masterisation », il vient de publier les décrets de la réforme Chatel du lycée (cf. Au CLAIR de la lutte n° 4 et 5). Parallèlement, le gouvernement a lancé un processus pour imposer une recomposition syndicale par la modification des règles de la représentativité avec l’objectif d’affaiblir ou d’éliminer les organisations les plus combatives au profit de grosses structures dirigées par des hommes et femmes de confiance de la bourgeoisie. Il n’est pas possible de faire un bilan exhaustif du congrès. On s’en tiendra à quatre enjeux : Quelle attitude de la FSU face aux réformes en cours dans ses principaux secteurs de syndicalisation ? Quelle position face à l’offensive globale de Sarkozy-Parisot, en particulier sur les retraites ? Quelle orientation face au processus de recomposition syndicale en cours ? Comment avancer vers un courant lutte de classe unifié et significatif dans la FSU.
Composition du congrès
La F.S.U. regroupe principalement des syndicats de l’enseignement et de la recherche publics, généralement les organisations majoritaires dans leur secteur. Elle a cependant récemment élargi quelque peu son influence, avec notamment l’intégration du SNUCLIAS (Fonction Publique Territoriale) et du SNUTEFI (première organisation syndicale à Pôle Emploi). Le premier syndicat d’enseignants du primaire, le SNUipp, et le premier syndicat d’enseignants du secondaire, le SNES, y disposent d’un poids prépondérant, car ils organisent à eux seuls environ 140 000 des 165 000 adhérents de la fédération.
Elle reconnaît le droit de tendance : les militants peuvent s’organiser en tendance, publier revues et tracts, faire paraître leur positions à intervalles réguliers dans la presse du syndicat et être représentés proportionnellement au nombre de voix obtenues par leur orientation dans les instances des syndicats et de la fédération. Pour éviter l’hégémonie d’un syndicat ou d’une tendance, toute proposition doit obtenir 70% des voix pour être adoptée. En outre, lors du congrès, aucune tendance et aucun syndicat ne peuvent disposer de 70% des délégués, même s’il ou elle dépasse ce chiffre lors des élections internes.
Ainsi, la tendance qui dirige la fédération depuis sa fondation, Unité & Action (U&A, idéologiquement toujours proche du Front de Gauche), a recueilli 73% des voix, mais avait un peu moins de 70% des délégués et par conséquent toutes les tendances minoritaires un peu plus que ce que leur score leur attribuait. La seconde tendance de la fédération, École Émancipée (EE, tendance oppositionnelle historique de la FEN, puis de la FSU, scissionnée en 2000-2001 à l’initiative de la LCR et aujourd’hui largement influencée par le NPA, elle co-dirige depuis cette époque la FSU avec U&A tout en maintenant une posture d’opposition à la direction) a recueilli 18% des voix, lui donnant droit à un peu plus de 150 délégués. La tendance Émancipation (minorité lors de la scission de l’EE, elle est quant à elle restée clairement oppositionnelle à la direction de la FSU) a obtenu 3,8% des voix, soit environ 30 délégués. La tendance Pour la Reconquête d’un Syndicalisme Indépendant (PRSI, tendance du POI dans la FSU) a recueilli 3,2%, soit 25 délégués. Enfin, Front Unique, la tendance des groupes justiens (1) au sein de la FSU, a obtenu 2,2% des voix, soit 15 délégués. Concrètement, cela signifie que toutes les tendances minoritaires réunies avaient le pouvoir de bloquer toute décision contraire aux principes du syndicalisme de lutte de classe et aux intérêts des travailleurs.
La direction apporte son soutien critique à la mastérisation
La réforme dite de la mastérisation est centrale dans le dispositif gouvernemental. Elle modifie le recrutement de tous enseignants du primaire et du secondaire. Pour devenir enseignant, il faudra désormais non seulement réussir le concours, mais en outre obtenir un master d’enseignement. C’est notamment un instrument inouï de précarisation : la réforme permettra au gouvernement de créer des dizaines de milliers de titulaires d’un master non reçus au concours, masse corvéable à merci pour assurer les remplacements dans des conditions toujours plus précaires et pour justifier à terme la suppression des concours. Dans le même temps, les stagiaires seront contraints de faire un service plein dès la première année et seront privés de toute formation professionnelle sérieuse. Les IUFM, quelles que soient leurs limites dans leur forme actuelle, sont menacés de liquidation pure et simple.
Les personnels du supérieur et les étudiants ont lutté avec acharnement contre cette réforme l’année dernière. Sous la pression, la direction du SNESup-FSU a accompagné la lutte, sans jamais chercher à mettre toutes ses forces dans la bataille pour ouvrir la possibilité d’une victoire. La direction du SNES a quant à elle apporté son soutien, à peine critique, à cette réforme au nom de la hausse du niveau de qualification des enseignants et de la revalorisation de leurs salaires. Pourtant, la hausse du niveau de qualification est un leurre : les programmes des concours, qui reposaient sur des standards universitaires, sont au contraire abaissés au niveau des programmes de Terminale. Les représentants de la FSU se sont d’ailleurs honteusement abstenus lors de la présentation des décrets au CNESER. Les rapporteurs sur le thème 1 (éducation, formation et recherche) qui, comme sur tous les autres, appartenaient en majorité à U&A et en minorité à EE, ont soumis une position présentée comme un compromis équilibré entre les positions du SNESup, du SNES et du SNUipp. En réalité, les formulations mûrement pesées visaient à refuser de combattre la réforme tout en donnant l’illusion que la FSU y était opposée. Face aux demandes répétées que le congrès exige l’abrogation des décrets concernés, un responsable du SNES a fini par vendre la mèche : il a expliqué qu’il était impossible d’introduire une telle formule dans le texte, sous prétexte que le SNES est contre l’abrogation de ces décrets, car ceux-ci élèvent le niveau de recrutement des enseignants… Cette prise de position revient donc à soutenir, même avec des critiques, la réforme Sarkozy-Darcos-Pécresse sur le sujet. C’est un pas significatif de la direction de la FSU dans le sens d’une collaboration de classe plus ouverte. En effet, traditionnellement, la fédération a toujours tendu à s’opposer au moins formellement aux principales réformes gouvernementales.
Dans ces circonstances, quelle allait être l’attitude des autres tendances qu’U&A ? Tous les minoritaires ont combattu ce texte, sauf l’EE, qui s’est sur ce sujet (comme sur beaucoup d’autres) divisée en deux. Une minorité de militants combatifs d’EE (liés à la gauche du NPA) ont mené une lutte organisée et déterminée contre le texte ; une frange plus large a voté contre ; mais la moitié des délégués d’EE environ ont voté avec U&A pour le passage concernant la mastérisation, même lorsqu’il a été soumis au vote séparément du reste du texte du thème 1.
Positions formellement correctes sur les retraites, mais refus de rompre les concertations
La FSU a décidé de réaffirmer ses revendications sur les retraites adoptées lors des précédents congrès : le retour au 37,5 annuités de cotisation pour tous pour avoir une retraite complète, avec un taux de remplacement de 75%, le calcul des pensions sur la base des 6 derniers mois de salaire, la défense du Code des pensions pour les fonctionnaires, le refus des fonds de pension et de la retraite par points, etc. Ces positions sont justes et pourraient servir de point d’appui dans la lutte contre la réforme des retraites. Cependant, si la direction de la FSU peut se permettre un tel positionnement, c’est d’abord parce qu’il ne l’engage pas à grand-chose : elle pourra toujours se défausser sur les choix de la direction la CGT et de la CFDT, confédérations au poids décisif dans le rapport de forces sur cette question.
Mais, c’est aussi parce qu’elle n’en tire aucune conséquence pratique : elle a rejeté la demande d’un retrait de la FSU du Comité d’Orientation sur les Retraites (COR). Or, c’est précisément cet organisme associant patronat, syndicats et gouvernement qui va établir un « diagnostic partagé » dont la fonction sera de justifier la réforme en préparation. Il faudrait opposer aux rapports et recommandations de cet instrument de cogestion une enquête et un rapport des organisations ouvrières mettant en évidence devant tous les travailleurs la vérité : les gains de productivité gigantesques font que la hausse de la proportion des retraités dans la population ne rend nullement nécessaire une hausse des cotisations ; mais le capitalisme, en organisant le chômage de masse, couplé à la politique gouvernementale d’aide au patronat français face à la concurrence internationale, vide les caisses de la Sécurité Sociale via les exonérations de cotisations offertes au patronat avec l’argent des travailleurs. Une telle décision aurait mis en difficulté les directions de la CGT et de la CFDT qui sont en train de négocier avec Sarkozy-Fillon les conditions de leur capitulation annoncée. Sur ce point important, la direction de la FSU a reçu le soutien de l’EE.
La direction refuse de proposer un plan d’action capable d’ouvrir une perspective de victoire
Enfin, il s’agit surtout de déclarations platoniques car la FSU n’a pas du tout l’intention de préparer un affrontement sérieux avec le gouvernement, ni sur la réforme des retraites, ni sur quoi que ce soit. La résolution « Action » est l’une des plus plates et des plus insipides qu’on puisse imaginer : son objectif le plus radical consiste à tenter d’obtenir un appel unitaire pour une vague journée d’action sans lendemain… Le mot « grève » n’y figure même pas. La direction a même rejeté une motion (présentée par PRSI) demandant que la FSU soit porteuse de la demande d’un appel à une grève interprofessionnelle de seulement 24h sur la question de retraites. Elle est restée totalement sourde aux critiques émises par un nombre significatif de délégués sur l’inefficacité des journées d’action sans lendemain. Malgré cela, la motion « Action » de la direction a été approuvée à près de 80% des voix, grâce au soutien d’une majorité de l’EE.
Un pas de plus vers le « syndicalisme de propositions »
Un thème entier du congrès était consacré à l’attitude que la FSU devait adopter face à la recomposition syndicale en cours imposée par le gouvernement avec l’aide des directions de la CGT et de la FSU dans l’objectif d’obtenir un syndicalisme encore plus collaborateur (2).
La FSU et la réforme de la représentativité syndicale
Le congrès a confirmé que la FSU ne contestait nullement cette opération de la bourgeoisie pour intégrer un peu plus les syndicats à la gestion de l’État bourgeois. U&A et EE ont rejeté la demande d’Émancipation, de FU et de PRSI que le congrès condamne la loi du 20 août 2008 et des accords de Bercy sur le dialogue social. Pourtant, la signature apposée sur ces accords par la direction de la FSU (et déjà rendue possible par les refus de vote de l’EE au Conseil Délibératif Fédéral National, CDFN, instance suprême entre deux congrès dans la FSU) est particulièrement grave : ces accords prévoient d’étendre le niveau de négociations sur les conditions de travail et les rémunérations à toutes les échelles, instrument de liquidation des conquêtes dans un contexte où la RGPP tend à réorganiser les services (accroissement de « l’autonomie » des universités et des lycées, régionalisation, etc.). Qui plus est, la signature était intervenue au moment même où le gouvernement allait instaurer la loi sur le service minimum dans les écoles primaires.
Il ne fait nul doute que les négociations en cours pour déterminer les seuils de représentativité dans chaque fonction publique et chaque secteur vont être utilisées par le gouvernement comme un instrument de pression sur toutes les organisations syndicales contre toute lutte sérieuse face aux réformes. En effet, si l’on compare avec les seuils adoptés dans le privé, le pôle jaune CFDT/UNSA n’atteindra sans doute pas souvent la barre des 30% requis dans le privé pour signer des accords dits « majoritaires » ; en revanche, avec les mêmes seuils, la FSU risque d’être éliminée des organisations représentatives dans la plupart des secteurs où elle a créé des syndicats récemment (à l’image de ce qui vient d’arriver à la FO et à la CGC à la SNCF au niveau national). La CGT, quant à elle, risque de ne pas être représentative dans l’enseignement, sauf l’enseignement professionnel ; il en va de même de Sud et FO. Dans ces conditions, on entend parler d’éventuels seuils inférieurs dans la Fonction Publique… En contrepartie de quoi ?
La direction de la FSU suit les pas de celle de la CGT
C’est dans cette même logique que la direction de la FSU est engagée depuis des mois dans un travail de rapprochement avec la CGT qui vise à terme à son intégration en son sein, même si elle maintient également des relations avec Solidaires pour donner le change aux militants et satisfaire les demandes de l’EE en ce sens. Bernard Thibault a ainsi été invité à prononcer un long discours devant le congrès dans lequel il a exprimé également de façon marquée son souhait d’un rapprochement avec la FSU.
La Tendance Émancipation a pris l’excellente initiative de saluer celui que l’on est plus habitué à voir désormais sur le perron de l’Élysée aux côtés de Sarkozy qu’avec les travailleurs en grève par une banderole : « Les Conti de la FSU te saluent. » Il s’agissait de dénoncer le choix de la direction CGT de laisser les conflits ouvriers, en particulier contre les licenciements, dispersés et sans perspectives, en se référant à l’une des luttes les plus emblématiques, celle des ouvriers de Continental. Mais il s’agissait aussi de souligner que la direction de la FSU tend à pratiquer de plus en plus la même politique dans son propre secteur, laissant les luttes du primaire, du secondaire et du supérieur cloisonnées et refusant de s’appuyer sur la dynamique d’un départe-ment ou d’un secteur pour ouvrir la voie à un mouvement d’ensemble. Cette initiative, saluée par les autres courants minoritaires, a mis l’appareil de la FSU dans l’embarras : il a tenté de cacher la banderole, puis de recouvrir par un brouhaha l’orateur d’Émancipation qui souhaitait expliquer cette action au congrès.
Plus généralement, bien qu’elle n’ait pas eu besoin de cela pour faire passer ses positions, la direction de la FSU s’est permis de porter un certain nombre de coups à la démocratie pendant le congrès (invalidation de délégués de courants minoritaires sans motif sérieux, organisation de « votes par acclamations », etc.), semblant essayer de tester le terrain pour la remise en cause de l’acquis historique que représente la reconnaissance officielle du droit de tendance. Cela ne peut se comprendre que dans la perspective d’une entrée dans la CGT, dont on voit mal la direction, contestée par la base, accepter que l’une de ses fédérations donne le mauvais exemple à toutes les autres…
L’adhésion de la FSU à la CES : la direction refuse un vote du congrès au profit d’un référendum interne
C’est dans la même logique de ce syndicalisme de proposition rassemblé que la direction de la FSU veut faire adhérer la FSU à la CES. Pourtant, cette entité n’est pas une confédération de confédérations syndicales réformistes, mais une structure intégrée à l’Union Européenne, qui a appelé à soutenir le Traité Constitutionnel Européen (TCE) en 2005, défend la flexibilité, ne revendique qu’un « travail décent » et s’est encore illustrée récemment en approuvant le traité de Lisbonne. Le discours de la direction selon lequel il s’agirait de changer la CES de l’intérieur est totalement illusoire : depuis que la CGT a intégré la CES, cela n’a fait qu’accentuer sa propre politique de collaboration de classes et son intégration à l’État. La direction a reçu le soutien d’une très grande majorité de l’EE pour l’entrée à la CES. Mais, comme un nombre important de sections départementales avaient des mandats de vote contre (soit pour des raisons de fond, soit parce qu’elles estimaient que le débat n’avait pas été mené au sein de la fédération), la direction aurait perdu un vote immédiat (une telle décision ne pouvant être adoptée qu’à 70% des voix). C’est pourquoi elle a fait mine de reculer en proposant l’organisation d’un référendum d’ici à la fin de l’année pour prendre la décision, ce qui lui assure en fait d’obtenir la majorité sans trop de difficultés car ce mode de consultation suppose par définition l’atomisation des adhérents et l’absence de vrais débats, contrairement à un congrès.
Pour une opposition lutte de classe unifiée et capable de représenter une alternative à la direction
La puissance de l’appareil FSU
Le congrès a manifesté la puissance de l’appareil qui dirige aujourd’hui la FSU. Certes, il existe bien sûr à la FSU, comme dans tout syndicat réformiste, des obstacles à l’expression démocratique de la base (faiblesse du débat à la base, faible taux de participation aux votes d’orientation, rareté des tribunes des minorités, décompte de voix parfois contestable, invalidation injustifiée de délégués oppositionnels, etc.). Cependant, toutes choses étant égales par ailleurs, la tendance U&A domine cette fédération (qui syndique en moyenne plus de 20% des enseignants) sans avoir besoin de recourir à de nombreux coups de forces : son orientation, qui correspond globalement sur le plan syndical à celle du Front de Gauche sur le terrain politique, est hégémonique dans l’organisation. Comment le comprendre ? Bien sûr, il y a des raisons générales. Les unes relèvent de la sociologie de la FSU : globalement les fonctionnaires, et notamment les enseignants, même si leurs conditions de travail et leur rémunération ont tendance à se dégrader, constituent une couche de salariés disposant d’un emploi et d’un salaire stables et qui, travaillant pour l’État, ont souvent l’illusion de servir l’« intérêt général ». Ils sont donc spontanément poussés par leurs conditions actuelles d’existence dans la voie du réformisme. Les autres causes sont plus politiques : dans l’enseignement, une partie significative des syndiqués FSU le sont plus pour les services proposés par le syndicat que pour des raisons politico-syndicales, d’autant plus depuis la défaite de 2003 qui a conduit beaucoup de syndiqués à perdre confiance envers les vertus de la lutte. Enfin, les plus radicalisés ont eu tendance à quitter peu à peu la FSU soit pour arrêter tout investissement syndical, soit dans une moindre mesure pour rejoindre d’autres syndicats (Sud, CGT et parfois FO) ; cela a fortement contribué à empêcher la constitution d’un courant lutte de classes important dans la FSU.
EE se présente comme une opposition à la direction, mais elle la soutient le plus souvent
Cependant, il y a aussi des raisons politiques internes à la FSU qui expliquent la faiblesse de l’opposition. L’EE, le plus puissant des courants minoritaires (18% des voix), se présente et apparaît souvent à la base comme un courant oppositionnel à la direction, mais dans sa majorité la direction de l’EE participe à la direction de la FSU et apporte presque toujours son soutien à U&A, en particulier dans les moments critiques. Cela s’est vérifié de façon éclatante lors de ce congrès. Les textes finaux présentés par les rapporteurs (équipes U&A et EE) sur les 4 thèmes en débat ont obtenu tous plus de 90% des voix, à l’exception du texte « Action ». Traduction : seuls Émancipation, PRSI, FU (à eux trois, ces tendances pesaient environ 9% des voix) et une toute petite minorité d’EE ont voté contre ou se sont abstenus. Mieux : la nouvelle secrétaire générale de la FSU, Bernadette Groison (issu du SNUipp) a été élue avec les voix des représentants de l’EE au CDFN ! Dans ces conditions, des militants votent à la base en pensant envoyer des délégués critiques, qui en réalité marchent main dans la main avec la direction. Au sein de l’EE, on trouve un petit nombre de militants qui défendent des positions réellement oppositionnelles à la direction. Cependant, ils ne pèsent pas globalement sur cette tendance, qui est largement dominé par des gens qui se sont intégrés de fait à l’appareil supérieur ou intermédiaire de la FSU. Prise globalement, EE constitue un obstacle sérieux à la cristallisation d’une véritable tendance oppositionnelle dans la FSU qui puisse acquérir une audience significative.
Les petites tendances : points d’appui et limites
FU (2,2%) soutient souvent des positions justes, mais c’est un courant sectaire. Il ne cherche jamais chercher à fédérer sur ces positions au-delà de ses rangs. En outre, ce courant est relativement peu actif sur le terrain des luttes, en raison d’une conception déformée du combat pour le front unique ouvrier, qu’il réduit à une activité (certes indispensable) d’interpellation des directions syndicales, sans la combiner avec des initiatives concrètes et sans participer aux mouvements réels, comme par exemple celui qui s’est coordonné dans l’AG Île-de-France en février-mars. Enfin, cette tendance syndicale est la projection mécanique d’un courant politique lui-même dominé par le sectarisme. Tout cela rend impossible sa progression et son activité est malheureusement peu efficace pour rassembler les militants lutte de classe de la FSU.
Quant à la tendance PRSI (3,2%), elle adopte une attitude à géométrie variable, mais le plus souvent oppositionnelle à la direction de la FSU, comme ce fut globalement le cas pendant ce congrès. Mais c’est aussi la simple projection d’un courant politique, le POI, et comme telle elle cherche rarement un travail profond en commun avec les autres oppositions. De plus, elle ne se bat pas pour un plan de lutte axé sur la convergence des luttes et le combat pour la grève générale, mais s’est contentée au congrès de proposer une « grève de 24h » contre la réforme des retraites, sur la même ligne que la confédération réformiste FO. Enfin, comme ceux de FU, les militants de PRSI ne participent pas aux efforts pour étendre la grève à la base et la coordonner tels que ceux réalisés par les enseignants du 93 et l’AG Île-de-France en février-mars.
Enfin, Émancipation (3,8%) est une tendance réellement oppositionnelle à la direction de la FSU, souvent active dans les luttes, diverse dans sa composition politique, toujours ouverte à des fronts communs avec d’autres courants ou groupes de délégués. Lors du congrès, elle a défendu dans l’ensemble de façon cohérente des positions de classe et même souvent des positions révolutionnaires, avec une délégation en bonne partie rajeunie. Mais laissée exsangue par la scission de l’École Émancipée de 2001, elle peine à se reconstruire et est trop petite pour constituer à elle seule une opposition solide à la direction, même si elle en sera nécessairement l’un des pivots.
Comment dans ces conditions intervenir pour aider à l’émergence d’un tel courant ? Vu le poids des enseignants dans le NPA, ces questions mériteraient un débat politique sérieux. Il est sidérant que des adhérents de notre parti, qui a inscrit dans ses principes fondateurs le combat pour en finir avec le capitalisme, puissent voter avec les réformistes style Front de Gauche qui dirigent la FSU et ainsi leur apporter un soutien décisif. Cela scandalise nombre de camarades du NPA comme de la base d’EE - même si certains croient pouvoir à terme changer le courant EE de l’intérieur. Il ne fait pas de doute qu’il s’agit ici d’un prolongement du débat stratégique engagé au départ sous l’angle du caractère admissible ou inadmissible des alliances avec le Front de Gauche lors des élections. Il devient urgent que notre parti clarifie sa position par rapport à la direction de la FSU, donc aussi d’EE. Il faut ouvrir le débat sur les meilleures voies pour avancer, avec d’autres militants syndicaux oppositionnels, notamment ceux d’Émancipation, dans la mise sur pied d’une tendance lutte de classes ayant un poids significatif dans la FSU et capable de regrouper, par delà leur appartenance politique particulière, toutes celles et tous ceux qui veulent réellement que le syndicat soit un outil au service de la lutte des classes.
1) Groupes qui se réclament du combat de Stéphane Just (1921-1997), ancien dirigeant de l’OCI avec Pierre Lambert, exclu par celui-ci en 1984 et fondateur alors du groupe Combattre pour le socialisme, qui après sa mort a explosé en plusieurs morceaux.
2) Pour une analyse de l’accord d’avril 2008 entre le MEDEF et les directions de la CGT et de la CFDT sur la réforme de la représentativité syndicale, cf. http://courantintersyndical.free.fr/post.php?ID=332