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Panorama de la crise et des plans d’austérité dans la zone euro
L"économie mondiale au ralenti et la zone euro à nouveau en récession
Après le plongeon de 2009 et le retour poussif d'une croissance très faible en 2010 et 2011, la zone euro est à nouveau en récession depuis la fin de l'année dernière. Les pays de l'Europe du Sud (Grèce, Espagne, Portugal, Italie) sombrent dans la dépression, alors que la France connaît une croissance nulle selon l'INSEE et une décroissance selon l'OCDE. Pour parachever le tableau européen, l"Allemagne est également en récession depuis cet été selon l"OCDE. Pour l'ensemble de la zone euro, l'indice « PMI composite », qui reflète l'état des commandes et des attentes dans l'industrie et les services, s'est replié à 45,9 points ce mois-ci, contre 46,3 points en août. Il s'agit de la plus forte contraction en plus de trois ans.
Dans le même temps, les États-Unis ne sont pas en récession, mais ils ont une croissance faible, et le taux de chômage stagne à un haut niveau ; la production industrielle a chuté de 1,2% en août par rapport au mois précédent.
Surtout, les « réserves de croissance » se tarissent partout dans le monde. Les pays « émergents » les plus dynamiques ralentissent sensiblement :
- le gouvernement brésilien a revu ses prévisions de croissance à la baisse pour 2012 (2% contre 7,5% en 2010 et 2,7% en 2011) ;
- le FMI prévoit une croissance de 8% en Chine en 2012 (contre 10,4% en 2010 et 9,2% en 2011) et la croissance au 2e trimestre a été de 7,6%, la plus basse depuis 3 ans ;
- en Inde, le PIB a augmenté de 5,5% au 2e trimestre, le taux le plus bas depuis 10 ans ; le gouvernement a décidé d’ouvrir la grande distribution et l’aviation civile aux investisseurs étrangers pour tenter de relancer la croissance.
La réalité a contraint le FMI à annoncer une prochaine révision (le 9 octobre) à la baisse de ses prévisions de croissance. Le FMI prévoit actuellement une croissance mondiale de 3,5% en 2012 et 3,9% en 2013, mais ces chiffres sont d'ors et déjà caducs.
France
Dans une intervention télévisée le 9 septembre, Hollande a annoncé un plan de rigueur historique :
- une hausse d"impôts de 20 milliards : 10 milliards d'impôts touchant les ménages (surtout les plus aisés nous promet-il), 10 milliards touchant les entreprises (surtout les grosses promet-il)
- une réduction des dépenses publiques de 10 milliards
Il a par ailleurs réduit considérablement l'impact de la taxe à « 75% » sur les revenus supérieurs à 1 million : les revenus du capital (plus-value, dividendes, intérêts) seront exonérés alors qu'ils constituent la plus grande partie des revenus des super riches, et la CSG et la CRDS seront déduites, si bien que le taux réel de la taxe sera de 67%. Cette taxe ne toucherait qu'environ 2 000 personnes.
Mais Hollande et le gouvernement ont surtout mis sur la table deux grandes réformes pour créer un « choc de compétitivité » (traduction : baisser massivement le "coût du travail" pour les patrons et donc les inciter à embaucher) – expression d'abord utilisée par Gallois (qui va rendre en octobre un rapport sur la compétitivité) puis reprise par Ayrault :
- la fiscalisation du financement de la protection sociale en baissant massivement les cotisations sociales et en augmentant la CSG (1)
- une réforme du marché du travail afin de mettre en place la « flexsécurité », c"est-à-dire la possibilité de licencier plus facilement pour les patrons contre un petit peu d'accompagnement (formation, etc.) pour les salariés. Sapin a d'ores et déjà envoyé un premier document aux « partenaires sociaux » pour qu'ils commencent à discuter en vue de conclure un « compromis historique »
D’ores et déjà, le gouvernement a fait voter (y compris par les députés du Front de gauche, qui sont bien apparus pour l’occasion comme ses flancs-gardes) les « emplois d’avenir », c’est-à-dire des contrats précaires pour les jeunes subventionnés à 75% par l’État. Les « contrats de génération » seront également votés avant la fin de l’année : ils permettront aux entreprises qui maintiennent un « senior » (plus de 57 ans) en poste tout en embauchant un jeune (moins de 25 ans) de bénéficier d’allègements de charge. Contrairement à ce qu’avait annoncé Hollande pendant sa campagne, ces allègements s’ajouteront aux allègements existants, qu’il n’a plus l’intention de remettre en cause. Le patronat peut applaudir !
La feuille de route est toute tracée : malgré la taxe à 75% pour amuser la galerie et les quelques hausses d'impôts pour les salariés les plus aisés, Hollande s'apprête à mettre en place deux contre-réformes structurelles visant à abaisser massivement le « coût du travail » et à donner plus de pouvoir aux capitalistes.
Il est en outre plus que probable que le nouveau plan de rigueur de 30 milliards ne sera pas le dernier. D’ores et déjà, un économiste proche de Hollande, Philippe Aghion, indique que « le respect des 3% avec 0,8% de croissance va coûter beaucoup plus que 30 milliards ». De son côté, Artus prévoit – si les choses devaient en rester là – un déficit public de 4% du PIB en 2013 et il incite Hollande à aller encore plus loin dans les attaques contre le prolétariat, compte tenu du manque de compétitivité de l’économie française : perte de la moitié des parts de marché depuis l’an 2000, faible rentabilité des entreprises industrielles, baisse de gamme de l’ensemble de l’économie, etc. En effet, la France a un « déficit de compétitivité » et elle doit combler son retard sur ses concurrents (l’Allemagne a déjà fait son « choc de compétitivité » dans les années 2000 grâce au « social-démocrate » Schröder, et les pires mesures se succèdent en Espagne, Portugal, Grèce, etc.).
Depuis le 1er janvier 2009, 1 132 sites industriels de plus de 10 salariés ont fermé contre 786 créations, soit un solde net négatif de 346 usines. Depuis le début de l’année 2012, on recense 208 annonces de fermetures (50% de plus qu’en 2011 sur la même période de l’année) pour 130 ouvertures.
Espagne
Le dernier plan d'austérité, annoncé en juillet 2012, afin de respecter les engagements de réduction du déficit public (le faire passer de 8,9% en 2011 à 6,3% cette année, 4,5% en 2013 et 2,8% en 2014) comprenait les mesures suivantes :
- augmentation de trois points de la TVA
- baisse des cotisations sociales de 1 point en 2013 et de 1 point en 2014
- baisse du salaire des fonctionnaires d'environ 7% (qui s'ajoute à la baisse de 5% sous Zapatéro) avec la suppression du 14e mois
- baisse des allocations chômage : à partir du sixième mois d"inactivité, au lieu de recevoir 60% du subside, les chômeurs ne percevront plus que 50%
- nouvelle vague de privatisation des entreprises publiques
Un nouveau « plan de réformes » se discute avec les officiels européens (la Commission suggère de repousser l’âge de départ à la retraite, qui a déjà été porté de 65 à 67 ans en 2011) et sera annoncé le 28 septembre ; le ministre de l’économie a d’ores et déjà indiqué qu’il fallait s’attendre à de « nouveaux et indispensables sacrifices ».
Pendant deux mois (juin et juillet), les mineurs des Asturies ont fait grève contre la fermeture programmée des mines. Leur mouvement, qui s'est terminé sans aucun résultat, a été isolé et trahi par les bureaucraties syndicales (l"UGT proche des « socialistes » et les CCOO proche des « communistes »)
Samedi 15 septembre, des centaines de milliers de manifestants (selon RFI) ont défilé à Madrid contre l’austérité (mais le gouvernement n’a annoncé que 65 000 manifestants).
Portugal
La récession est importante : - 3,3% au 2e trimestre 2012 et le taux de chômage dépasse les 15%, si bien que le gouvernement ne pourra pas atteindre l’objectif de baisser le déficit public à 4,5% du PIB cette année (et à 3% en 2013). La « troïka » (FMI, UE, BCE) l’a admis, tout en maintenant la pression sur le gouvernement.
Suite au rejet par le Tribunal Constitutionnel de la suppression en 2013 des 13e et 14e mois de salaires des fonctionnaires, le gouvernement a annoncé le 7 septembre de nouvelles mesures d’austérité et de cadeaux au patronat : la hausse de 11% à 18% du taux de cotisations salariales (ce qui équivaut à la perte d’environ 1 mois de salaire), et la baisse du taux de cotisations patronales de 23,75% à 18%, une ponction équivalente à une mois de salaire.
Ces mesures s'ajoutent aux mesures d'austérité prises précédemment : hausse du taux de TVA de 13% à 23% (et de 6% à 13% pour le taux réduit) ; coupes de 800 millions dans le budget de la santé ; suppression de 4 jours fériés et de 3 jours de congé ; réduction des indemnités de licenciement ; etc.
Samedi 15 septembre, des manifestations impressionnantes contre l'austérité ont eu lieu dans les principales villes, avec notamment plus de 100 000 manifestants à Lisbonne. Alors qu'un nouveau rassemblement est appelé à Lisbonne le 29 septembre, le gouvernement a décidé le 22 septembre de ne pas appliquer les mesures annoncées le 7 septembre, et d'étudier des mesures « alternatives ».
Italie
La récession est importante (-0,7% aux 2e et 3e trimestres 2012) et malgré les déclarations optimistes de Monti, la Banque centrale d'Italie prévoit une poursuite de la récession en 2013.
Depuis juillet 2012, de nouvelles mesures d'austérité se sont ajoutées aux plans précédents :
- diminution du nombre de fonctionnaires de 10%
- suppression des concours de la fonction publique jusqu'en 2015
- économies de 20% à 60% sur les fournitures utilisées dans l'administration ; par exemple les ministères devront diviser par deux leurs dépenses en papier
- baisse de 5 à 8 milliards d'€ de budget pour les hôpitaux et la santé : suppression massive de lits d’hôpital voire de cliniques entières.
Grèce
La Grèce n’en finit pas de sombrer avec 5 années de décroissance. Le PIB a reculé de 6,9% en 2011, de 6,5% au 1er trimestre 2012 et de 6,2% au 2e trimestre 2012. La « troïka », de retour en Grèce, presse le gouvernement d’agir plus vite et plus fort contre les travailleurs. Les privatisations s’accélèrent et un nouveau plan d’austérité de 11,5 milliards a été annoncé par le gouvernement d’union nationale entre la Nouvelle démocratie, le PASOK et de la Gauche démocratique ; ses modalités sont toujours en cours de négociation avec la troïka. Le FMI insiste notamment pour que les salaires des fonctionnaires (qui ont déjà baissé de 25 à 40% depuis 2010) soient à nouveau diminuer, ainsi que pour un nouveau report de l’âge légal de départ à la retraite (de 65 à 67 ans). L’enjeu des négociations est le déblocage d’un versement de 31,5 milliards, nouvelle tranche du prêt de 130 milliards accordé en février.
Les manifestations reprennent de la vigueur après la mise en place ,du nouveau gouvernement et la pause estivale. 30 000 personnes ont manifesté à Salonique le 8 septembre. Les deux centrales syndicales grecques appellent à une « grève générale » de 24h le 26 septembre.
1) Cf. http://tendanceclaire.npa.free.fr/contenu/autre/artpdf-396.pdf pour une analyse plus approfondi des enjeux de la fiscalisation de la Sécurité sociale