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Peillon aux assises... de l’Éducation.
Environ 130 syndiqué-e-s SNES se sont réuni-e-s le 12 décembre à Rennes, jour de l'officialisation des premières décisions de Peillon concernant la réforme des métiers. Un mail adressé aux syndiqué-e-s ce 12 décembre et les interventions de Frédérique Rolet (Sécrétaire Générale) à Rennes ont permis de prendre note de la réaction "à chaud" de la direction du syndicat majoritaire des enseignants du second degré. Celle-ci donne quelques éclairages sur la stratégie suivie par cette direction et... nous engage à en proposer une autre...
La stratégie de la direction du SNES
Elle s'est satisfait de la pondération sans seuil de 1,1 des heures d'enseignement1 dans les "établissements difficiles". Tout en reconnaissant que Peillon a reculé, notamment grâce à la mobilisation des CPGE, elle a qualifié certaines autres mesures de non acceptables en l'état : pondération à 1,1 plafonnée à 1 heure en lieu et place de la première chaire, transformation en indemnités de décharges statutaires (laboratoire, effectifs...), inquiétudes sur les dérives possibles engendrées par les missions liées notamment en termes d'augentation du temps de travail, insuffisance de la pondération BTS...
Le nouveau calendrier des négociations devrait repousser à la rentrée 2015 les éléments du projet Peillon qui n'ont pas été actés le 12 décembre. La stratégie annoncée par la direction du SNES consistait à profiter de la temporisation pour créer les conditions d'une mobilisation permettant de "peser sur les discussions".
Une question a été soulevée aux Assises de l'Education de Rennes sur ce qui allait advenir de l'Histoire des Arts. Frédérique Rolet a répondu qu'il n'était pas possible d'ouvrir tous les "chantiers" en même temps car il y avait déjà la question des rythmes scolaires. Cette réponse a illustré les enjeux de la temporisation de Peillon dans la mise en place de ses réformes, et la manière dont la direction du SNES s'y est adaptée. Alors que les prises de positions et la mobilisation se développaient dans les CPGE et les établissements du secondaire en général, il fallait,pour le Ministre, éviter la multiplication des fronts. Peillon a donc reculé pour mieux se concentrer sur la réforme des rythmes scolaires dans le primaire. Rappelons qu'il a annoncé que cette réforme des rythmes devait s'étendre au secondaire...et que le cadre de son projet reste intact sur la possibilité d'annualiser les missions liées à l'activité d'enseignement et les missions complémentaires. Le SNES Créteil ne s'était d'ailleurs pas trompé sur la nécessité de lier les luttes, appelant les enseignants à la grève le 5 décembre avec les collègues du premier degré.
Et celle à adopter pour enfin améliorer les conditions de travail des enseignants ?
Le cadre de discussion sur la réforme des métiers reste donc inacceptable, d'autant plus que Peillon saucissone les réformes qui concerneront au final toutes les catégories de personnels intervenant dans le secondaire. Les métiers de CPE et conseillers d'orientation psychologues (CoPsy) seront par exemple traités à part. Le Ministère aurait par ailleurs lâché que le projet pour les CoPsy était de les transformer en "psychologues du socle". Ce qui nous rappelle que la réforme Peillon n'entend pas revenir sur les questions de socles et de compétences...
Puisque le cadre de la réforme Peillon est sans espoir, il faut se saisir de cette temporisation pour mobiliser à termes toutes les catégories de personnels qui seront touchées de prêts ou de loin par les réformes Peillon, du primaire au secondaire.
Pour ce qui est de la stratégie syndicale à adopter dans le secondaire, la défense inconditionnelle des décrets de 1950 est un axe qui revient souvent. Ce décret et ceux qui y sont associés (1972 et 1992) seront assurément plus favorables pour les personnels que ce qui sortira des discussions avec Peillon. La meilleure stratégie est-elle cependant de se limiter à leur défense et à demander le retrait du projet Peillon ?
Depuis plusieurs années, l'administration impose par la pratique une augmentation du temps de travail : Conseils pédagogiques, suivi "individualisé" des élèves (aggravé par l'augmentation du nombre d'élèves par classe), réunions de mise en place de "projets" etc. Si certaines de ces tâches ne sont pas obligatoires, une écrasante majorité des enseignant-e-s s'y appliquent. Les mécanismes les y poussant sont plus ou moins sournois.
Par exemple, en limitant les effectifs de vies scolaires à leur portion congrue, certains enseignants font de plus en plus de suivi éducatif au détriment du suivi pédagogique. Ne pas le faire peut parfois entraîner une dégradation du climat de travail entraînant une fatigue plus grande que celle demandé pour faire un travail qui n'est pourtant pas le leur. Ce genre de mécanismes s'illustrent également pour l'orientation des élèves avec la pénurie des conseiller d'orientation-psychologues. Parmi ces mécanismes, il en est un qu'a décrit Danièle Linhart, sociologue, lors des Assises de l'Education le 12 décembre. Il consiste à mettre le ou la salarié-e en réapprentissage permanent pour le maintenir en situation d'incompétence. S'en suit une destabilisation et une perte de sens du métier qui pousse les salariés à se raccrocher aux "bonnes pratiques" proposées par les gestionnaires.
Si ces exemples sont plutôt liés à une certaine résignation, d'autres mécanismes aboutissent parfois même à une adhésion idéologique de la part des enseignant-e-s.
De plus, dans un contexte où l'action syndicale et collective est à reconstruire, demander aux collègues de simplement refuser certaines tâches revient donc bien souvent à leur demander d'affronter seul-e-s la pression de l'administration ou des familles, voir à se placer dans des conditions d'exercice du métier encore plus difficiles. Cette action doit être au contraire menée collectivement au quotidien sur l’impulsion du syndicat à tous les niveaux. La direction du SNES se sert du fait que les décrets de 1950 ne sont plus suffisamment protecteurs, comme un prétexte pour justifier les négociations dans le cadre pourri imposé par le Ministère et préparer la profession à accepter des régressions inacceptables. Il est clair que les conditions de travail se sont effectivement dégradées depuis des années et que les personnels ne peuvent s’en satisfaire.
Mais pour Peillon, définir les tâches en dehors de la classe est une manière d’engager l’annualisation du temps de travail, d'obliger les enseignants à travailler encore plus et de permettre une définition locale de ces tâches via les conseils d'administration des établissements notamment, tout en accroissant le contrôle hiérarchique et en trouvant ainsi un moyen de supprimer encore massivement des postes.
A l’opposé, nous devons revendiquer une diminution des maximas hebdomadaires d'heure d'enseignement. Cela permettrait d'éviter la difficile définition et quantification des tâches "hors classe" tout en proposant une organisation permettant de compenser partiellement les alourdissements subis depuis des années. Cette exigence devrait être combiné à la revendication de baisse des effectifs par classe, au rétablissement des dédoublements nationaux, à la titularisation des précaires et au recrutement au statut de tous les personnels nécessaires.
Cette revendication est d'autant plus légitime si on considère que pour établir les décrets de 50, le temps de travail avait été évalué en considérant qu’un-e enseignant-e travaille 1,5 heures chez lui pour une heure devant élève (préparation des cours, évalution les élèves et actualisation des connaissances dans la discipline). Les 18 heures hebdomadaires devant élèves correspondent selon cette considération à 45 heures de travail hebdomadaire2. Si on reste sur cette base de quantification, le passage aux 35 heures devrait se traduire par un maxima de service de 14h pour les enseignants certifiés.
Cette définition pourrait constituer la base, d’une plateforme de revendication intégrant ainsi l’objectif l'unification des corps d'agrégés et certifiés et l'alignement pour tous sur un maxima de service hebdomadaire à 14 heures.
Quelques propositions pour une plateforme de revendications :
-
retrait total et définitif du projet Peillon de casse des statuts
-
pour la réduction du temps de travail dans le cadre de maxima de service hebdomadaires diminués en heure d'enseignement (14 heures pour tous),
-
contre toute annualisation pour tous les personnels,
-
pour la réduction du nombre d’élèves par classe avec la définition de plafonds nationaux (20 dans le primaire et en ZEP, 24 ailleurs) et dans l’immédiat remise en place du cadre national des dédoublements de classes supprimés par la réforme du lycée Chatel maintenue par Peillon,
-
pour l’augmentation du nombre de postes aux concours et la titularisation de tous les personnels précaires sans condition de concours ni de nationalité,
-
pour le recrutement de personnels qualifiés (CPE, Copsy, Educateurs, psychologues scolaires, infirmières avec augmentation de salaire...) formés pour accomplir chacune des tâches spécifiques de l’éducation, ce qui permettrait une meilleure réalisation de ces tâches et un allègement de la charge de travail de chacun par une répartition du travail entre tous,
-
pour une augmentation uniforme de 300 euros pour tous (en points d'indice),
-
pour la suppression des Contrôles Continus de Formation (CCF) et le retour à un examen terminal,
En termes pratiques :
-
obtenir l'arrêt des discussions des directions syndicales avec le gouvernement Peillon, qui ne peut rien faire sans la caution des syndicats, à commencer par le premier d’entre eux, le SNES ;
-
mettre en place des réunions d'échanges entre les différentes catégories de personnels, dont celles ayant été victimes de l'annualisation afin de chacun sache ce que celle-ci implique (TOS, AED, professeurs de l'enseignement supérieur...). Se renseigner également auprès des collègues du premier degré dont le service est défini de manière hebdomadaire, mais également en partie annualisé ;
-
se servir de ces échanges pour mettre en débat la plateforme ci-dessus et établir une plateforme commune ;
-
mettre en discussion la question de la grève pour créer les conditions de sa simultanéité à l'échelle la plus large, car c’est la condition pour imposer les revendications.
Face aux arguments selon lesquels « c’est la crise » et il n’y a plus d’argent, nous répondons que l’ampleur des cadeaux faits par Hollande au patronat montre que les caisses ne sont pas vides, mais qu’il n’est pas possible d’imposer les choix nécessaires à la qualité de l’éducation et à l’amélioration des conditions de travail et de rémunération sans affronter et infliger des défaites au patronat et à son gouvernement et sans combattre le capitalisme.
1Selon ce principe, 1 heure devant élève est rémunérée 1,1 heure.