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Un parti de classe et révolutionnaire est plus que jamais nécessaire
Le FN a réalisé une progression importante lors des élections européennes du 25 mai : 24,85%. Depuis 1979, le FN n’avait jamais dépassé 12% à ce type d’élections. Depuis 2009, le FN ne cesse de progresser à chaque échéance électorale pour atteindre aujourd’hui des scores inédits dans son histoire. Environ 40% des ouvriers et employés qui ont voté, notamment parmi les plus jeunes, l'ont fait pour le FN. Le fort taux d'abstention ne doit pas nous induire en erreur : les enquêtes indiquent que le FN est le parti préféré des abstentionnistes.
Certains camarades font un parallèle direct avec le fascisme des années 1930, et donc avec la politique d’auto-défense unitaire que les travailleur-se-s devraient mettre au centre de leurs priorités. Or le succès du FN est pour l’instant électoral, fondé sur une posture anti-système mais s'inscrivant dans le cadre de la république et de la démocratie… Et surtout, la dynamique récente du FN n’est pas basée sur la face anti-ouvrière des Le Pen (déclarations contre les syndicats, fonctionnaires, chômeurs…) mais au contraire sur les voix gagnées parmi les travailleur-se-s les plus exploité-e-s, et notamment beaucoup de jeunes. Mais c’est précisément cette même dynamique qui doit nous bousculer, car elle est le fruit de l’aggravation de la crise d’une part, et de l’incapacité de LO et du NPA à consolider un pôle d’attraction de la radicalisation depuis 1995.
La proposition de résolution d’Yvan Lemaitre comporte des questionnements qui nous semblent pertinents. Et en premier lieu, la nécessité « de porter un regard lucide et critique sur nous-mêmes et le mouvement anticapitaliste et révolutionnaire ». C’est un point de départ important, quand l’extrême gauche se retrouve à son plus bas niveau depuis longtemps. On ne peut pas se contenter de dire que tout est dû à la situation difficile, comme François Sabado et de nombreux camarades du courant Anticapitalisme et Révolution ont tendance à le faire. La conscience de classe est clairement en crise depuis plus de 30 ans, mais ce qui doit nous préoccuper, c’est ce que nous faisons pour y remédier.
Rompre avec le tropisme vers « la gauche »
Notre parti persiste à mettre en avant « l’opposition de gauche » comme formule censée nous tourner vers l’extérieur avec un profil unitaire. Mais cette formule et le contenu que lui donnent nos porte-parole nous donnent surtout un profil tourné vers les appareils de « la gauche ». Il est temps de prendre toute la mesure des changements profonds qui ont eu lieu dans la perception des forces politiques par la classe travailleuse. Il n’y a plus d’association entre vote de classe et vote pour « la gauche ». La majorité de notre classe est déboussolée, écœurée, et en colère. C’est cette colère, dont la cible est pour l’instant mouvante, qui a aidé Sarkozy en 2007 à draguer la « France qui se lève tôt », et qui favorise maintenant Le Pen.
Le discours sur l’opposition de gauche nous fait apparaître comme membres (un peu fâchés certes) d’une même famille avec ce parti pleinement capitaliste qu’est le PS depuis des années déjà. Il minimise aussi la différence entre le Front de Gauche et le NPA. JL Mélenchon est plus qu’ambigu sur la question de la lutte des classes. Ses références à « la République » et à « la France » ne sont pas seulement la manifestation d’un chauvinisme, c’est aussi le reflet du compromis gagnant-gagnant qu’il prétend réaliser avec les « investisseurs ».
Mettre les luttes au cœur de notre politique, et la politique au cœur des luttes
Il est donc temps de dissiper le brouillard entre « front politique » (de gauche) et unité d’action (de classe). C’est par des luttes plus nombreuses, solidaires, et victorieuses que nous pourrons reconstruire la conscience de classe, donc nous devons entraîner les travailleur-se-s et les forces qui les influencent sur le terrain des luttes concrètes, contre les attaques des patrons et du gouvernement. Or tout cela n’est clairement pas une préoccupation centrale pour la direction du NPA. Elle ne mobilise pas dans le soutien à la grève des postiers du 92, alors que cette lutte est menée par nos propres camarades, et qu’il s’agit d’un des rares points d’appui dans la situation actuelle. De même, notre parti n’est pas en ordre de bataille pour pousser la mobilisation potentiellement importante qui se prépare cette semaine chez les cheminots contre la réforme ferroviaire.
Mais la réorientation vers les luttes est indissociable de la clarification du programme. La lutte de classe fait surgir immédiatement des questions politiques : peut-on obtenir des augmentations alors que la compétitivité nous tire tout-te-s vers le bas ? Les licenciements et le chômage ne sont-ils pas des fatalités ? Est-il possible d'exproprier les capitalistes ? Peut-on soutenir des mesures anti-libérales avec Mélenchon sans mettre en perspective la nécessité d'une révolution ? Peut-on engager une rupture avec le capitalisme sans rompre avec l'Union européenne ? En ne répondant pas à ces questions, le NPA incarne une protestation vaine au rouleau compresseur capitaliste alors que les travailleurs-ses cherchent légitimement une issue à la crise.
Le NPA doit répondre, en avançant une alternative globale au système, capable de conforter le parti face aux idéologies pro-capitalistes, de convaincre des jeunes et des travailleur-se-s. C’est important en général pour notre construction, mais c’est également crucial dans les luttes. Nous devons être plus offensifs pour politiser les luttes, même quand elles sont minimes, parcellaires, défensives. Car c’est cela qui permet de les légitimer, d’utiliser tout leur potentiel pour élever la conscience de classe, et ainsi de limiter la démoralisation ambiante qui suit inévitablement chaque défaite.
Par ailleurs, il faut s’attaquer à l’engrenage des défaites sociales, qui n’a rien de fatal. Nous avons un rôle en tant que parti révolutionnaire pour combattre les bureaucraties syndicales. Il est temps également de discuter de ce que nous pouvons faire pour faire émerger un courant intersyndical lutte de classe