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Vers une nouvelle guerre froide ?
Par petites touches, certains événements qui s’additionnent montrent que les rapports de forces entre grandes puissances sont en train de changer, avec une montée des tensions entre elles, notamment entre les États-Unis et leurs alliés, d'une part et ce qui pourrait être un bloc Russie-Chine de l'autre. Certains commentateurs parlent même de « nouvelle guerre froide ».
Après la chute de l’URSS, la Russie a été durablement affaiblie, et la Chine a semblé centrée sur sa forte croissance économique et son intégration progressive au marché mondial. Parmi les anciennes « démocraties populaires », l’influence des États-Unis et de l’Union européenne a grandi au gré des « révolutions de couleur » (Serbie 2000, Géorgie 2003, Ukraine 2004, Kirghizistan 2005).
Mais la Russie de Poutine a retrouvé une forte croissance dans les années 2000, a clairement affirmé son statut de grande puissance, et a commencé par rebâtir son influence sur sa périphérie1. L’économie russe souffre de nombreuses faiblesses (retard technologique, manque d’internationalisation…) qu’elle compense partiellement par ses ressources naturelles importantes. Comme en Chine, l’État concentre une grande partie du capital et limite les investissements étrangers. De son côté la Chine est également devenue une puissance majeure.2 Avec par exemple une agressivité politico-économique contre Taiwan toujours renouvelée notamment via l'accord ultra-libéral CSSTA qui a déclenché en 2014 la grève la plus massive de l'histoire de l'île.
La Russie hérite de l’armée soviétique et maintient des dépenses militaires parmi les plus élevées au monde (en valeur absolue mais aussi en pourcentage de son PIB). Selon les analystes 3, il s’agit de la 2e puissance militaire, et la Chine, la 3e.
Bien sûr les armées russe et chinoise sont beaucoup moins déployées à l’international. Les vieux pays impérialistes (EU, UE, Japon) dénoncent hypocritement chacune de leurs excursions, tandis qu’eux ont le rapport de force militaire et idéologique pour les cerner. C’est symptomatique : les lignes de tensions sont autour des frontières de la Chine (en « mers de Chine ») et de la Russie (Europe de l’Est, Caucase), et les tentatives de les exporter aux portes de l’Amérique semblent scandaleuses4, comme lors de la crise des missiles de Cuba.
Mais au lieu de s’atténuer, les « incidents » et les oppositions se multiplient :
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Le projet d’installation de boucliers anti-missiles en Europe de l’Est qui avait été lancé par G. W. Bush a été repris par Obama (élu en 2008), et a été positionné en Roumanie (opérationnels depuis mai 2016)5. En réaction, la Russie a placé des missiles dans son enclave européenne de Kaliningrad.6 En 2014, l’Ukraine est déchirée entre un Ouest pro-occidental et un Est pro-russe, et la Russie annexe la Crimée.
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En 2011, Obama a annoncé le basculement du centre de gravité de la stratégie états-unienne vers le pacifique. Les « mers de Chine » connaissent notoirement une montée des tensions entre la Chine, ses voisins (Japon, Philippines, Vietnam) et implicitement les États-Unis.7 Ceux-ci continuent d'occuper militairement l'Asie, notamment les îles Ryûkyûs, ou un projet d'agrandissement des bases militaires est en projet.8 La Chine cherche à agrandir au maximum ses eaux territoriales, y compris en construisant des îlots artificiels pour les réclamer, tandis que les États-Unis cherchent à sécuriser une ceinture autour d’elle. En juin 2016, des navires militaires russes et chinois sont entrés dans la zone des îles Senkaku/Diaoyu (contrôlées par le Japon).9
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Des incidents et/ou provocations ont lieu régulièrement entre les aviations/marines russe et états-unienne en particulier en mer Baltique10 mais aussi jusqu’à la Manche.11 Sous l’Atlantique, des sous-marins russes et ceux de l’OTAN se « croisent » souvent…12 On se souvient également de la crise de 2015, quand la Turquie a abattu un avion russe qui survolait son territoire. C'est la première fois qu’un État membre de l’OTAN abat un appareil russe depuis la guerre de Corée (1950).
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Déjà lors de l’intervention russe en Géorgie de 2008, certains ont commencé à parler de « nouvelle guerre froide »13, le terme revenu ensuite régulièrement14. En février 2016, ce sont les termes qu’emploie le premier ministre russe lui-même.15
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Plus récemment, lors du sommet de l’OTAN des 8 et 9 juillet 2016, la question d’une grande guerre contre la Russie était à l’ordre du jour …16
Cette accentuation des tensions peut-elle aller jusqu’à une résurgence de conflits armés entre grandes puissances ? À une troisième guerre mondiale ? C’est malheureusement un risque que nous fait courir le capitalisme. On doit éviter deux écueils. On ne peut pas se contenter de répéter la formule de Lénine suivant laquelle nous serions depuis 1914 dans « l’époque des guerres et des révolutions », sans expliquer pourquoi il n’y a pas eu de guerre mondiale depuis 1945. On ne peut pas non plus sauter à la conclusion que cette situation est un « nouveau stade » et rester aveugle aux tensions qui émergent17.
Pendant la guerre froide, les principales puissances capitalistes (EU, UE, Japon), déchirées par leurs rivalités pendant la première moitié du 20e siècle, se sont fortement rapprochées. Rapprochés d’abord par l’alliance diplomatique et militaire, puis par l’interpénétration croissance de leurs intérêts économiques, facilitée par la forte croissance qui permettait à chaque bourgeoisie d’en sortir globalement gagnante.
À partir des années 1990, il pouvait sembler que l’accélération de la mondialisation allait étendre et pérenniser cette domination conjointe du monde : création de l’APEC18 en 1989, adhésion de la Chine à l’OMC en 2001 et de la Russie en 2012… On peut aussi souligner les facteurs d’interdépendance économique, surtout entre la Chine et les autres pays (via les exportations chinoises vers la Triade19, les nombreuses devises de la Triade détenues par la Chine…).
Mais comme évoqué plus haut, cette mondialisation est étroitement contrôlée par les États russe et chinois et n’empêche des tensions de plus en plus fortes. La Chine et la Russie, en revanche, semblent se rapprocher de plus en plus20 : création de l’Organisation de coopération de Shanghai en 2001 (dont les États-Unis et le Japon sont tenus à l’écart21), d’une agence de notation financière commune22, positions communes à l’OMC, à l’ONU (soutien à l’Iran, la Libye, la Syrie…)...
Bien sûr, il n’est pas certain que les intérêts communs entre Chine et Russie l’emportent sur leur rivalité, et le schéma « puissances émergentes » contre « anciennes » n’a rien d’automatique. Après tout, au début du 20e siècle lorsque les impérialismes des États-Unis, de l'Allemagne et du Japon émergent aux dépens du Royaume-Uni, au lieu de voir apparaître un camp des « nouveaux », les États-Unis se sont retrouvés alliés au Royaume-Uni, contre l’Allemagne et le Japon. Les alliances peuvent parfois être assez imprévisibles, comme l’ont encore montré les années avant la Seconde guerre mondiale. Par ailleurs, contrairement à l’époque de la guerre froide, le monde est moins bipolaire et davantage de puissances régionales ont émergé (Turquie, Iran, monarchies du Golfe, Brésil…), et tentent de jouer leur propre jeu. La fin de la guerre froide signe d'ailleurs la fin par exemple du « pré-carré français » en Afrique, et le continent voit se jouer aujourd'hui un grand nombre de tensions à l'échelle continentale entre la Chine, la France, et les USA chacun souhaitant sa part du gâteau africain.
Quoi qu’il en soit, c’est actuellement sur cette logique de blocs que la course aux armements est en train de s’intensifier. Pour ne pas attendre impuissant-e-s ce que l’avenir capitaliste nous réserve, il est urgent de développer partout la lutte de classe contre les gouvernants, et l’internationalisme des gouverné-e-s. Soutenir les travailleur-se-s contre le Parti « communiste » chinois et contre les oligarques russes, faire tomber nos propres généraux, sortir de l’OTAN, de l’UE, et du capitalisme.
1 Par exemple avec l’Union douanière et monétaire proposée aux anciens satellites en 2009
2 Tendance CLAIRE, Reconnaître que la Chine est une puissance impérialiste, 10 septembre 2015
3 http://www.globalfirepower.com/countries-listing.asp
4 Newsweek, Chechnya Threatens to Arm Mexico if U.S. Sends Weapons to Ukraine, 26 mars 2015
5 France 24, Le nouveau système antimissile américain est opérationnel en Roumanie, 12 mai 2016
6 Le Point, La Russie confirme avoir déployé des missiles à Kaliningrad, 16 décembre 2013
7 SciencesPo, Les conflits en mer de Chine méridionale, septembre 2014
8 Tendance CLAIRE, Soutien à la population des îles Ryukyus! A bas l’impérialisme américain et le colonialisme japonais !, 30 juin 2016
9 The Financial Times, Japan spooked by naval mystery in East China Sea, 22 juin 2016
10 France24, Un avion militaire américain intercepté par un chasseur russe au-dessus de la mer Baltique, 17 avril 2016
11 Le Figaro, 2 avions russes interceptés dans la Manche, 8 mars 2016
12 Zone militaire, Des sous-marins russes près des côtes américaines?, 21 novembre 2012
13 Le Monde Diplomatique, Géorgie-Russie, les enjeux de la crise, 15 août 2008
14 Atlantico, La Guerre froide n'a-t-elle en fait jamais cessé ?, 21 août 2012
15 Les Echos, A Munich, le Premier ministre russe évoque « une nouvelle guerre froide », février 2016
16 The Nation, The United States and NATO Are Preparing for a Major War With Russia, 7 juillet 2016
17 Au risque de répéter l’erreur de « l’ultra-impérialisme » des social-démocrates des années 1910.
18 Forum de libre-échange entre les pays bordant le Pacifique (dont la Chine, la Russie, le Japon et les Etats-Unis).
19 La Triade désigne les trois pôles qui dominaient l'économie mondiale dans les années 1980 : l’Asie orientale, l'Europe occidentale et l'Amérique du Nord.
20 Le Monde, La Chine et la Russie célèbrent leur rapprochement, 27 juin 2016
21 The Guardian, Shanghai surprise, 16 juin 2006
22 Les Echos, La Russie et la Chine s'associent afin de créer une agence de notation commune, 9 juin 2014