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Que faire face au coup de force de Macron ?
Depuis maintenant près de deux mois, Macron refuse de nommer un premier ministre issu du premier bloc au parlement (le Nouveau Front Populaire). Il cherche la martingale pour un gouvernement de « front républicain » qui disposerait d’une majorité et qui prolongerait peu ou prou la politique qu’il mène depuis 2017. De façon scandaleuse et anti-démocratique, un gouvernement « démissionnaire » se maintient, prépare le budget 2025 et s’apprête (parmi d'autres choses) à mettre en place son « choc des savoirs » à la rentrée scolaire. De façon ubuesque, la Constitution de la 5ème République permet à un gouvernement démissionnaire de se maintenir sans limite de durée. Pendant l’été, Macron a multiplié les dîners avec les grands patrons, leur assurant que tous leurs intérêts seront garantis ! Autrement dit, Macron réalise un « coup de force » contre la démocratie au nom des intérêts supérieurs de la bourgeoisie. Face à cela, les forces politiques qui constituent le Nouveau Front populaire ont pour le moment maintenu leur unité et continuent à exiger la nomination de Lucie Castets à Matignon. Mais l’heure est aujourd’hui à la mobilisation !
Défendre la mise en place d’un gouvernement du NFP sans propager l’illusion qu’il pourrait se maintenir durablement
La coalition du NFP est arrivée en tête lors des élections législatives : le refus de Macron de nommer une première ministre du NFP est donc un scandale démocratique. Mais cela n’implique pas de raconter des histoires aux gens : si un gouvernement NFP se mettait en place sur la base du programme du NFP, il ne tiendrait pas longtemps et serait rapidement censuré. Malheureusement, l’ensemble des forces politiques du NFP (France insoumise comprise) fait croire qu’un gouvernement NFP pourrait durablement appliquer son programme en trouvant des majorités à l’assemblée sur les principales mesures. C’est faux, et cela ouvre la voie à des compromissions si l’objectif est d’obtenir des majorités à tout prix à l’assemblée nationale. Un gouvernement Castets ne pourrait se maintenir que si les mesures les plus progressistes étaient abandonnées. En fait, l’intérêt d’un gouvernement Castets est simple : que des décrets soient pris rapidement (hausse du Smic, du point d’indice, blocage des prix, suspension de la réforme des retraites…) qui renforcent notre camp et qui mettent nos adversaires en difficulté. Une fois la hausse du Smic passée par exemple, il est difficile de revenir dessus. C’est d’ailleurs la vraie raison pour laquelle Macron n’a pas nommé Castets. A partir du moment où la rentrée parlementaire n’a lieu qu’en octobre, un gouvernement NFP aurait eu le temps de faire passer toute une série de décrets. C’est ce que Macron voulait à tout prix éviter. S’il avait eu la certitude que Castets pouvait être censurée dans la foulée de sa nomination, il l’aurait nommée pour être ensuite en situation de force pour imposer une autre configuration gouvernementale.
Le plan de bataille de la France Insoumise face à Macron
La France Insoumise s’impose plus que jamais comme la force motrice du NFP, celle qui est déterminée à faire appliquer le programme du NFP et à mobiliser en conséquence. Face au coup de force Macron, Manuel Bompard a défini la stratégie de LFI en clôture des Amfis d’été, en la résumant par le tryptique « censure, mobilisation, destitution » :
- D’une part, il s’agit de s’engager à censurer tout gouvernement qui ne soit pas dirigé par Lucie Castets sur la base du programme du NFP.
- D’autre part, il s’agit d’engager sans attendre la mobilisation dans la rue, d’où l’appel à des manifestations le 7 septembre pour imposer Castets comme première ministre, impulsé par des organisations de jeunesse proches de LFI, l'Union étudiante et l'Union syndicale lycéenne.
- Enfin, il s’agit d’engager la bataille pour la destitution de Macron si celui-ci persiste à refuser le résultat des urnes. En effet, censurer un gouvernement ne suffit pas : Macron pourrait retenter sa chance avec un nouveau gouvernement, et il pourrait même profiter des arcanes de la constitution de la 5ème République pour continuer à appliquer sa politique jusqu’en 2027. En effet, la constitution ne fixe pas de durée limite pour le maintien d’un gouvernement démissionnaire… et un gouvernement démissionnaire ne peut pas être censuré, puisqu’il est censé ne plus exister. Face au forcené de l’Elysée, il est donc tout à fait juste de revendiquer la destitution de Macron, même si celle-ci serait dans les faits très dur à obtenir (puisqu’il faut qu’elle soit votée par 2/3 des députés et 2/3 des sénateurs). La France Insoumise fait d’ailleurs d’ores et déjà une pétition pour la destitution de Macron
Si le cap de la France Insoumise est clair, ce n’est pas le cas des autres forces politiques du NFP, ainsi que des forces syndicales.
Olivier Faure zigzague face aux pressions de l’aile droite du PS pour un gouvernement de « front républicain »
Face au refus de Macron de nommer Castets comme première ministre, l’aile droite du PS (qui représente environ 50 % du parti) affiche sa politique de plus en plus clairement : comme Glucksmann, ils veulent la rupture avec LFI, et donc la fin du Nouveau Front populaire, ainsi que la nomination d’un premier ministre qui pourrait s’entendre avec les macronistes. Ils ont obtenu la convocation d’un bureau national du PS le 26 août. Alors que Faure a signé des textes avec les autres dirigeants du NFP pour soutenir fermement la nomination de Castets, il a du céder du terrain pour éviter d’être mis en minorité : lors de ce BN, il a indiqué que Lucie Castets n’est pas le seul choix possible, et qu’un autre premier ministre de « gauche » ne serait pas censuré a priori. Il faudrait qu’il s’engage à ne pas poursuivre la politique de Macron. C’est suffisamment flou pour ouvrir la porte à un soutien à Cazeneuve qui se dit prêt à imposer une « cohabitation » à Macron. Le 28 août, il s’est dit « prêt à discuter avec toutes les formations politiques républicaines, sur la base d’un projet qui est celui arrivé en tête ». L’inflexion est nette. Delga n’a d’ailleurs pas hésité à rencontrer Macron le 28 août (alors que Faure a refusé de rencontrer à nouveau Macron) pour lui faire savoir qu’elle plaidait pour un gouvernement « républicain » dirigé par un premier ministre de gauche. En revanche, lors du meeting unitaire de l’université d’été du PS le 30 août au soir, Faure a semblé faire un virage en gauche en ironisant sur le funeste destin qui attendrait celui qui irait trahir le NFP en allant copiner avec Macron. Comprenne qui pourra ! Ce qui est sur, c'est le flou est savamment entretenu...
Par ailleurs, alors que Faure se disait abstraitement prêt à manifester, il refuse fermement d’appeler à manifester le 7 septembre, et donc de contribuer à créer un rapport de force face à Macron. Il s’oppose également à mettre en avant la destitution de Macron, si celui-ci persiste dans son coup de force.
Les écologistes sont divisés et cherchent à concilier les contraires
La direction des écologistes n’a pas de colonne vertébrale. Avant le second tour des législatives, Tondelier envisageait avec gourmandise le soutien à un gouvernement d’union nationale. Depuis l'annonce des résultats du second tour des législatives et de la prise de position immédiate de LFI pour un gouvernement NFP, elle défend une ligne unitaire et cherche à incarner le « centre » du NFP. Alors que l’aile gauche des Verts (Sandrine Rousseau) s’est ralliée à la destitution de Macron et à l’appel aux manifestations du 7 septembre, Tondelier a soutenu du bout des lèvres les mobilisations du 7 septembre, tout en continuant de s'opposer à la destitution de Macron.
Mais de plus en plus de secteurs des écologistes mènent campagne pour les manifestations du 7 septembre, comme les Jeunes écologistes
La direction du PCF défend le NFP tout en affichant son hostilité à l’égard de LFI
Fidèle à la ligne rousseliste, le PCF continue à taper sur la France Insoumise dans les émissions les plus abjectes comme celles du groupes Bolloré (chez Hanouna). Deffontaines a même été jusqu’à se prononcer pour la levée de l’immunité de Rima Hassan, harcelée par la macronie et l’extrême-droite. Mais le PCF est pour le moment obligé de rester dans le cadre du NFP, et Roussel s’est prononcé pour l’organisation de manifestations pour imposer Castets. Il a donc été obligé de se rallier aux appels à mobilisation du 7 septembre.
La direction de la CGT fait le service minimum
L’ampleur de la crise politique et l’opportunité d’avoir un gouvernement qui mette en place quelques mesures importantes allant dans le sens de ce que revendique la CGT aurait du pousser la direction de la CGT à mettre les bouchées doubles dès la rentrée. Au contraire, elle freine des quatre fers. Le bureau confédéral du 19 août s’est opposé à toute mobilisation début septembre pour imposer Castets comme première ministre, au nom du partage entre l’action syndicale et l’action politique. Le Comité confédéral national (direction large) du 28 août a confirmé le refus d’appeler aux manifestations du 7 septembre. Néanmoins, la direction de la CGT a du infléchir sa position en évoquant avec bienveillance les mobilisations du 7 septembre dont elle souhaite la réussite. Néanmoins, la CGT n'appelle à se mobiliser… que le 1er octobre. Alors que nous vivons une crise politique aiguë, les bureaucrates de la CGT sont incapables de se mettre au niveau de la situation. Leur hostilité à l’égard de LFI, et leur volonté de ne pas aller trop loin dans la confrontation avec la bourgeoisie, prennent le dessus sur les nécessités de la période. Si la CGT souhaitait vraiment la réussite du 7 septembre, et bien elle y appellerait et y mettrait ses forces : mais nous sommes malheureusement habitués à ces circonvolutions de bureaucrates hypocrites. Néanmoins, des structures CGT commencent à refuser cette ligne attentiste, et appellent à participer aux manifestations du NFP : c'est le cas par exemple de l'Union départementale du 77 :
Quant à la direction de Solidaires, elle est en dessous de tout. On se rappelle que, contrairement à la CGT et à la FSU, Solidaires avait refusé d’appeler à voter NFP mais s’était contenté d’appeler à voter contre l’extrême-droite, refusant de choisir entre les macronistes et le NFP. Aujourd’hui, elle suit comme d’habitude la direction de la CGT en appelant à la mobilisation le 1er octobre, sans même évoquer (contrairement à la CGT) les mobilisations du 7 septembre. Dans Solidaires également, des structures commencent à prendre position en faveur des manifestations du 7 septembre. C'est le cas par exemple de la Fédération Sud Commerce et services
Lucie Castets louvoie et cherche à se positionner au centre du NFP
Lucie Castets cherche à plaire à tout le monde au sein du NFP. Son profil donne des gages à la fois au PS et à LFI : ancienne membre du PS, c’est une haute fonctionnaire qui a travaillé dans la section Tracfin de Bercy (lutte contre la fraude fiscale), avant de devenir conseillère d’Hidalgo, puis sa directrice des finances et des achats à la ville de Paris. Dans le même temps, elle a rompu avec le PS sous Hollande et elle a cofondé le collectif « Nos services publics » en rupture avec le social-libéralisme. Au cours de l’été, elle a pris ses distances avec une partie du programme, notamment les mesures censées être prises immédiatement comme la hausse du Smic à 1 600 € net. Elle a défendu que cela devait être un objectif à discuter avec les « partenaires sociaux ». Recadré gentiment par la France Insoumise, elle a corrigé (plus ou moins) le tir, mais elle insiste beaucoup sur les compromis à trouver au parlement, et très peu sur les mesures immédiates à prendre par décrets.
Dans son intervention au meeting unitaire de l’université du PS, elle a salué l’héritage du gouvernement Jospin qui a bien peu à voir avec une « gauche de rupture ». Sur la mobilisation du 7 septembre, elle a dit qu’elle irait « si elle était disponible » : langue de bois politicienne pour une fois de plus se situer entre le PS et LFI. Elle botte en touche sur la destitution. Enfin, interrogée sur Gaza, elle ne défend pas la ligne offensive de LFI (axée notamment sur les sanctions), et ne polémique pas avec la position de Macron, qui est pourtant une complicité active avec un gouvernement génocidaire.
Deux scénarios possibles pour Macron
Macron va sans doute faire le choix entre deux types de gouvernement :
- Soit un gouvernement dirigé par une personnalité de droite, avec le soutien (ou la non opposition) de LREM et de LR, avec des gages donnés au RN pour qu’il ne censure pas le gouvernement. Ce type de gouvernement prolongerait le rapprochement avec l’extrême-droite sur une ligne néolibérale autoritaire qui s’était matérialisée notamment avec la loi immigration. Dans cette configuration, le PS resterait probablement dans le cadre du NFP.
- Soit un gouvernement dirigé par une personnalité de gauche (comme Cazeneuve), avec le soutien (ou la non opposition) d’une partie de la gauche (hors LFI), de LREM et d’une partie de LR. Macron pourrait être tenté par cette option si il pense qu’elle pourrait faire éclater le NFP avec un nombre significatif de députés de gauche ralliant le gouvernement de « front républicain ».
Dans les deux cas, la même politique économique sera menée : une politique d’austérité très dure puisque la France est sommée par les institutions européennes et internationales de rétablir les comptes publics sans toucher aux cadeaux faits au patronat.
Mobilisation générale !
Nous soutenons le plan de bataille de LFI, qui peut permettre à LFI de se renforcer dans les semaines à venir. En effet, LFI apparaît comme la force motrice du NFP et la plus déterminée à défendre son programme.
Nous appelons à signer la pétition pour la destitution de Macron, et nous appelons à construire la mobilisation du 7 septembre. Il est crucial de mener la bataille dans nos syndicats pour qu’un maximum de structures syndicales appellent à la mobilisation le 7 septembre. Contre la politique des appareils, il faut imposer l’unité pour combattre le coup de force de Macron et pour défendre la mise en place des mesures immédiates du NFP.
Nous entrons dans une phase d’instabilité sans précédent. Face au bloc néolibéral autoritaire, il faut construire un bloc populaire autour de la défense de mesures immédiates de rupture avec l’ordre néolibéral. Il faut construire une mobilisation populaire massive pour empêcher Macron de gouverner et précipiter de nouvelles élections présidentielles (en destituant Macron ou en le poussant à démissionner face à son incapacité à gouverner) pour faire triompher ce bloc populaire. Les communistes révolutionnaires doivent s’investir dans la France Insoumise pour y défendre leur programme.
Un gouvernement du NFP serait immédiatement mis face à ses contradictions : soit il défend ses mesures immédiates face à l’offensive du grand capital et s’engage dans un processus de rupture avec le capitalisme, soit il capitule et gère les affaires de la bourgeoisie. Dans l’état actuel du capitalisme, il n’y a strictement aucune marge de manœuvre pour la mise en place de réformes progressistes significatives en faveur des travailleurs sans toucher à la propriété et aux institutions capitalistes. Le capital, les institutions européennes et internationales mèneront une offensive d'ampleur contre un gouvernement NFP pour le faire plier. Il faudra alors une mobilisation de notre classe très puissante pour les affronter, exproprier le grand capital et entamer une transition vers la mise en place d’un nouveau mode de production communiste.