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Chronique de la campagne présidentielle – épisode 5
Chaque week-end, nous publions une chronique de la campagne présidentielle. En commentant les faits marquants de la campagne, de notre point de vue qui est celui de communistes révolutionnaires ayant décidé de faire campagne pour la victoire de Mélenchon en 2022. Vous pouvez retrouver les précédentes chroniques sur le site de la Tendance Claire
Au sommaire ce week-end :
- Le discours de Macron sur la réduction des inégalités s’effondre
- Le programme économique de l’extrême-droite : 100 % patronal
- Le programme de Mélenchon est sorti
- Brèves : le mouvement Akira, sondage sur le confinement des personnes non vaccinées, Macron en campagne permanente, Vers une maison commune des macronards, Jadot est contre la régularisation des sans papiers, Roussel et le pass sanitaire, Bolloré veut prendre le contrôle du Figaro
Le discours de Macron sur la réduction des inégalités s’effondre
Depuis plusieurs jours, les macronards nous expliquaient que la direction générale du Trésor et l’Insee avaient démontré que Macron était le président du pouvoir d’achat, de la réduction des inégalités et de la pauvreté. Il n’en est rien malgré les efforts du DG de l’Insee (à bien distinguer des agents de l’Insee...) pour le faire croire, et de récentes études démasquent l’imposture macronienne.
D’une part, le pouvoir d’achat n’a pas augmenté en 2020. Le meilleur indicateur du pouvoir d’achat (de façon technique le « pouvoir d’achat du revenu disponible brut ajusté par unité de consommation » qui intègre à la fois l’inflation, la croissance démographique et l’ensemble des prestations sociales) a baissé fortement en 2020 : -1,5 %.
D’autre part, une très solide étude de l’Institut des politiques publiques apporte des clarifications nettes et précises :
- Qui a le plus bénéficié des mesures budgétaires de Macron depuis 5 ans ? Les 1 % les plus riches qui ont vu leur niveau de vie augmenter en raison de ces mesures de 2,8 % (contre 1,6 % en moyenne), et plus précisément les 0,1 % les plus riches qui ont vu leur niveau de vie augmenter de 4,1 %.
- Qui a le moins bénéficié des mesures budgétaires de Macron depuis 5 ans ? Les 5 % les plus pauvres qui ont vu leur niveau de vie baisser en raison de ces mesures.
Il faut souligner par ailleurs que cette étude ne prend pas en compte l’impact d’un certain nombre de transferts sur le niveau de vie. Or, ces baisses d’impôts qui augmentent le revenu disponible des ménages auront pour contrepartie une coupe dans les prestations en nature, dans les services publics, ce qui aggravera les inégalités.
Enfin, le rapport annuel du Secours catholique atteste d’une forte augmentation de la pauvreté en 2020. Environ 10 % de la population (jusqu’à 7 millions de personnes contre 2,6 millions en 2009) a eu recours à l’aide alimentaire en 2020. Le rapport pointe notamment l’impact de la fermeture des écoles et des cantines scolaires, qui a contraint certaines familles à solliciter l’aide alimentaire. Cela permet de mesurer également l’importance des services publics, de la restauration collective, pour permettre à une grande partie de la population de ne pas sombrer. Le Secours catholique insiste également sur le fait que beaucoup de personnes ne touchent pas les aides auxquelles elles ont théoriquement droit : voilà le vrai scandale alors que les ordures de la bourgeoisie passent leur temps à vouloir traquer les pauvres qui profitent indument de certaines aides ! De façon bien modeste, le Secours catholique revendique un revenu garanti à 50 % du niveau de vie médian. A notre avis, il faut sortir d’une logique de charité et revendiquer un droit au travail, un droit au salaire, un droit de participer à la direction de l’économie pour chacun et chacune. Cela exige d’en finir avec la propriété capitaliste et les institutions qui la soutiennent.
Le programme économique de l’extrême-droite : 100 % patronal
Les deux candidats d’extrême-droite (Zemmour et Le Pen) n’ont pas de programme, mais leurs propositions économiques apparaissent au fur et à mesure. Alors que Zemmour affiche ostensiblement son libéralisme économique et traite Le Pen de « femme de gauche », le programme de Le Pen sert également les intérêts du patronat. Mais Le Pen avance davantage masquée, et il est donc très important de la démasquer alors qu’elle est aujourd’hui la candidate qui capte le plus d’intentions de votes des ouvriers et employés.
Le Pen prétend vouloir augmenter le pouvoir d’achat des travailleurs/ses, mais elle ne veut pas augmenter le SMIC. Comme Macron, elle veut augmenter la prime d’activité… dans les secteurs en pénurie de main d’oeuvre. Autrement dit, elle est d’accord pour augmenter le pouvoir d’achat des salarié.e.s à deux conditions : que les patrons ne paient pas la hausse des salaires (et donc cela revient à financer la prime d’activité des salarié.e.s par les impôts payés par les salarié.e.s), et que cela se fasse dans les secteurs où les patrons ont du mal à trouver de la main d’oeuvre. Autrement dit, Le Pen pense davantage aux patrons même quand elle prétend défendre le pouvoir d’achat des salarié.e.s !
Par ailleurs, elle veut multiplier les cadeaux aux patrons pour les « inciter » ensuite à augmenter les salaires, exactement la même logique que Macron : baisse des cotisations patronales, exonération d’impôt sur les sociétés pour les jeunes entrepreneurs… Elle veut aussi augmenter le nombre d’apprenti.e.s, demande traditionnelle du patronat. Et bien évidemment, plus question de sortir de l’UE, cela introduit beaucoup trop d’incertitudes sur les profits…
Quant à Zemmour, il assume un libéralisme débridé et un poujadisme digne de Jean-Marie Le Pen. Il faudrait en finir avec les « normes » qui limitent le pouvoir des patrons, il faudrait bien sur diminuer les cotisations patronales, baisser encore davantage que Macron les impôts de production, ou encore supprimer complètement les droits de succession sur les transmissions d’entreprises familiales. Pour les salarié.e.s : rien ! Ils n’ont qu’à attendre que cela ruisselle…
Le patronat ne s'y trompe pas d'ailleurs, puisque les deux candidats d'extrême-droite recueillent près de 30% des intentions de vote des patrons, même si Macron reste bien évidemment leur chouchou
A ces deux figures, il faudrait aussi ajouter l’abject Ciotti (qui concourre à la primaire de LR) qui est désormais clairement à l’extrême-droite, ayant repris à son compte la théorie du « grand remplacement » et affichant sa proximité idéologique avec Zemmour. Sur le plan économique, il prône la fin de l’impôt sur les successions, un taux d’imposition sur le revenu unique de 15 % et la suppression de 250 000 postes de fonctionnaires. Avec lui, Macron apparaît comme un gauchiste...
Le programme de Mélenchon est sorti
Le programme actualisé et complété de l’Avenir Commun est sorti le 18 novembre sous forme de livre papier (pour 3 €) ou sous forme de ebook (pour 2,5 €). Ce week-end, plus de 1 000 points de diffusion sonr organisés pour populariser ce programme.
La veille de la sortie du programme, Mélenchon est passé en interview 5 minutes au 20h de TF1 où il a réaffirmé son opposition au pass sanitaire, revendiqué un moratoire sur les fermetures de lits d’hôpitaux et le rétablissement des tests gratuits. Sur le volet social, il a mis en avant l’augmentation du SMIC (à 1 400 € net), plus une seule retraite en dessous du SMIC, l’allocation d’autonomie de 1 000 € pour les étudiants et les jeunes de l’enseignement professionnel (à condition de ne pas être rattachés fiscalement à leurs parents), la création de 300 000 emplois jeunes payés au niveau du SMIC. Il a également opposé le blocage des prix, le fait de prendre sur les profits, à l’indemnité inflation de Castex. Enfin, il a mis en avant la nécessité de titulariser tous les précaires de la fonction publique, de limiter le recours aux CDD dans le privé, et une loi d’urgence sociale contre la « maltraitance sociale ».
La prochaine grande échéance de la campagne Mélenchon aura lieu dimanche 5 décembre pour un meeting à l’Espace Grande Arche de la Défense à 14h. Le même jour, Zemmour fera un meeting au Zenith, une salle qu’on avait refusé à Mélenchon.
Brèves
En septembre, le mouvement « Akira » a lancé sa candidature fictive et collective à l’élection présidentielle, avec un happening au musée Carnavalet qui a fait un large buzz. Il a suscité la curiosité de plusieurs médias comme Libération, Reporterre ou plus récemment Mediapart. Visiblement proche des milieux autonomes (le site Lundi matin a relayé leur campagne), le discours combine un discours de gauche conventionnel (contre le racisme, le dérèglement climatique, les inégalités…) et une esthétitique de la révolte radicale-chic énigmatique (« rejoins la révolution ») et au final assez creuse par son caractère très abstrait. Akira ne s’abaisse pas à remettre en cause concrètement la propriété capitaliste et ses institutions, et à présenter un programme qui esquisserait une alternative. Cela peut suffire à faire quelques buzz, mais cela ne peut pas mener bien loin…
Un sondage fortement médiatisé indique que 6 Français sur 10 seraient favorables à un confinement des personnes non-vaccinées. Il faut néanmoins avoir en tête la question précise du sondage : « Vous, personnellement, si cette mesure devait finalement être mise en place en France, y seriez-vous favorable ou opposé ? ». L’expression « si cette mesure devait finalement être mise en place » n’est pas neutre, et elle instille l’idée d’une nécessité objective d’une telle mesure… qui pousse naturellement à l’accepter. Ou comment susciter le résultat voulu en formulant d’une certaine façon la question. On notera néanmoins que ce sont les catégories populaires (ouvriers et employés) qui seraient les plus réticentes (à 50 %) à la mise en place d’une telle mesure discriminatoire.
Après son allocution du 9 novembre (une demi-heure sans contradicteurs sous prétexte d’annonces sur la crise sanitaire), Macron va utiliser la présidence française de l’Union européenne pour organiser une conférence de presse début décembre. Encore une fois, il s’agira de faire campagne sans être officiellement candidat (comme Zemmour, un type « qu’il aime bien »). Il s’agira aussi d’occuper l’espace médiatique au moment où les projecteurs seront portés vers le congrès de LR qui devra désigner leur candidat.
Chaque jour, des tractations sont organisées parmi les différents clans de macronards (LREM, Modem, Horizons d’Edoudard Philippe, Agir de Bournazel…) pour se mettre d’accord pour maintenir un semblant d’unité et ne pas se déchirer aux législatives. Macron souhaite aussi mettre au second plan LREM qui est une coquille vide qui a échoué aux élections locales. L’idée est de mettre en place une « maison commune » qui devrait se nommer « Ensemble citoyens », parfaitement représentatif du néant du macronisme, et qui garantirait que les macronards ne se déchirent pas aux législatives. A court terme, cela pourrait aussi permettre d’accueillir des LR qui pourraient créer leur micro parti et trouver leur place dans la « maison commune ». Le lancement de ce machin devrait avoir lieu avant les vacances de Noël.
Alors que Julien Bayou a pris position pour la régularisation de tous les sans-papiers, Jadot s’est prononcé pour une « régularisation au cas par cas ». Concernant Mélenchon, l’Avenir en commun prévoit de « régulariser les travailleurs, étudiants, parents d’enfants scolarisés ». C’est mieux, mais cela reste insuffisant : il faut régulariser tous les sans-papiers, de façon claire. Celles et ceux qui vivent en France doivent vivre en sécurité.
Roussel fait honte aux militant.e.s PCF. Il fait l’apologie des dictatures chinoises ou vietnamiennes, il utilise un vernis « marxiste » tout en prenant Ian Brossat, le caniche d’Hidalgo à la mairie de Paris, comme directeur de campagne. Il multiplie les sorties sécuritaires et sur les reconduites à la frontière. Mais sa campagne honteuse ne porte même pas ses fruits : il plafonne à 2 %. Chez Bourdin le 19 novembre, il a osé défendre le pass sanitaire pour les « manifestations », et il a affiché sa satisfaction d’avoir exigé le pass sanitaire à l’entrée de la fête de l’Huma.
Après avoir élargi son empire médiatique à Europe 1, au Journal du dimanche, à Paris Match (et en mettant des hommes à sa botte), Bolloré veut désormais prendre le contrôle du Figaro, comme le révèle Mediapart ce week-end. Des négociations ont actuellement lieu avec la famille Dassault. Serge Dassault affichait déjà une complicité avec Jean-Marie Le Pen et avait fait prendre un tournant très droitier au Figaro en 2012, en nommant Alexis Brizet (venant de Valeurs actuelles) à la tête da la rédaction du Figaro (à la place de Mougeotte). Une prise de contrôle du Figaro mettrait un nouveau média au service (encore plus clairement) de la droite la plus extrême.