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Congrès du SNES-FSU : contre la politique de collaboration et dedéfaite de la direction, pour un syndicalisme de lutte de classe
Le SNES (Syndicat National des Enseignements Secondaires), affilié à la FSU (Fédération Syndicale Unitaire) est le syndicat majoritaire parmi les enseignants du second degré. Il compte près de 80 000 adhérents et remporte plus de 50% des voix aux élections professionnelles. Son orientation pèse donc fortement sur les enseignants : une bonne ligne peut être un puissant instrument de mobilisation, une ligne de collaboration de classes est un frein considérable au développement des luttes. C’est la raison pour laquelle les militants révolutionnaires de l’enseignement se doivent d’y militer, en combattant pour une orientation de classe réellement indépendante.
Au mois de mars, le congrès du SNES va se réunir. La direction (tendance Unité et Action, historiquement proche du PCF) présente un rapport d’activité qui fait le bilan de son orientation et de son action depuis le dernier congrès (février 2007-décembre 2008). Les syndiqués sont invités à se prononcer par un vote « pour », « contre » ou « abstention ». Le présent article est consacré à un examen des principaux points de ce rapport. La politique de la direction du SNES a-t-elle été pendant ces deux ans un point d’appui pour la mobilisation ou un obstacle ? Faut-il poursuivre avec une telle politique, essayer de l’amender ou combattre pour la rupture avec elle ?
L’attitude du SNES face à la réforme des lycées
La réforme des lycées que Darcos veut mettre en place est un véritable dynamitage de l’enseignement secondaire public : réduction des horaires de cours, mise en place d’une structure modulaire détruisant le groupe classe, attaques contre les disciplines, développement de l’autonomie des établissements contre les programmes nationaux garantissant l’égalité des droits entre les élèves, casse à terme du baccalauréat comme examen national et anonyme, remise en cause du statut des enseignants, etc.
C’est la lutte déterminée des lycéens lançant grève, manifestations, AG en décembre 2008 qui a obligé Darcos à reporter sa réforme, face à la crainte d’une explosion sociale à l’image de ce qui s’était passé en Grèce quelques jours plus tôt. L’occultation du mouvement lycéen de décembre 2008 et de son influence sur le report de la réforme Darcos est donc très frappante. Reconnaître que ce sont les lycéens seuls qui ont imposé ce recul à Darcos, ce serait reconnaître que le SNES n’a pas eu pour orientation de combattre pour son retrait.
Et en effet, les rédacteurs du rapport prétendent que le SNES « n’est pas étranger » à ce recul, mais ne mentionnent pas comment il s’y serait pris. Ils font référence à son départ des concertations avec le ministre sur la réforme… après y avoir participé de mai à octobre ! Mais ils ne remettent pas du tout en cause le choix scandaleux fait par le direction du SNES de signer les 15 points de convergence sur la réforme des lycées. Or la moindre des choses aurait été de poser en préalable à toute discussion la satisfaction de ce qui avait fait le cœur de la mobilisation depuis 2007, c’est-à-dire l’arrêt des suppressions et la restitution des postes. De plus, il était inacceptable de signer avec le ministre un texte fixant les grands axes de la réforme qu’il voulait mettre en place. En effet, non seulement le rôle du syndicat n’est pas de co-élaborer les réformes, mais de défendre les intérêts matériels et moraux des personnels ; mais en outre c’était donner à Darcos la caution du syndicat majoritaire pour mettre en œuvre une réforme qui, vu ce qu’est le gouvernement Sarkozy, ne pouvait être que régressive. Le ministre ne s’est d’ailleurs pas privé de le rappeler à chaque occasion, expliquant avoir l’assentiment des syndicats pour son projet.
En outre, même avoir quitté la table des concertations, et alors que X. Darcos « garde le pied dans la porte » et cherche 100 lycées pour expérimenter sa réforme, le SNES fait savoir qu’aucune discussion ne pourra s’engager sans que soient repris certains éléments comme le maintien du baccalauréat comme premier grade universitaire, le maintien de la voie technologique, l’abandon du « lycée modulaire », l’abandon de la limitation uniforme et unilatérale de l’horaire élève et l’affirmation du maintien de la définition hebdomadaire des services des personnels. Tout en affirmant sa responsabilité d’imposer un « véritable » cadre de discussions, les préalables essentiels ne sont donc toujours pas posés et on peut même s’interroger sur l’interprétation de ceux qui sont mis en avant. En effet, en se prononçant contre un « lycée modulaire », le SNES accepterait-il un lycée partiellement modulaire dans la continuité de la logique d’un « non au tout modulaire » laissant la place à un « partiellement modulaire » ? Si tel est le cas, cette acceptation reviendrait à accepter le cheval de Troie du gouvernement pour supprimer le baccalauréat comme examen national, anonyme et terminal. Pourquoi le maintien effectif du caractère national de ce diplôme n’apparaît-il pas dans les impératifs ? Ces différents éléments poussent à la suspicion vis-à-vis de la politique des dirigeants actuels, car celle-ci prend tous les traits d’une politique capitularde qui chercherait à dissimuler sa vraie nature. C’est d’ailleurs certainement par la prise de conscience de l’étendue du mécontentement parmi les syndiqués et plus largement parmi les enseignants devant cette orientation, que la direction a décidé de quitter les négociations avant les élections professionnelles. Aujourd’hui, le fait que le SNES pose des préalables toujours insuffisants pour négocier plutôt que de refuser catégoriquement le projet expérimental de Darcos accrédite cette thèse. De plus, le ministre a adressé une lettre aux Recteurs dans laquelle il préconise d’associer les élus lycéens à la réflexion sur des « figures imposées inspirées des points de convergence » en vue d’appuyer son projet. Loin de faire reculer Darcos sur sa réforme, ces points de convergence restent au contraire des points d’appui pour la poursuite de son projet. La direction du SNES doit donc au plus vite retirer la signature du syndicat, exiger enfin le retrait pur et simple de la réforme des lycées et combattre contre son application insidieuse via les prétendues expérimentations.
La direction du SNES soutient la casse des concours sous couvert de « masterisation »
Alors que, en termes de revendications, il faudrait être clairs, la direction du SNES cultive l’ambiguïté. Le rapport lui-même reconnaît que la confusion des mots d’ordre en juin 2008, entre autres causes, a rendu illisible la finalité des actions. Mais il n’en tire aucune conséquence. Ainsi, sous prétexte d’une élévation du niveau de recrutement et de reconnaissance, la direction du SNES ne désapprouve pas la masterisation, dont la logique est de remettre en cause le recrutement des enseignants par concours. Le gouvernement veut passer à un système où les étudiants ayant obtenu leur master professionnalisant pour devenir enseignant devraient ensuite postuler pour être recrutés directement par les proviseurs dans les lycées. Dans l’immédiat, il prétend dénaturer les concours, les vider de leur contenu disciplinaire et y imposer comme central un entretien prétendument pédagogique, permettant essentiellement, en réalité, de faire passer un test idéologique aux candidats. C’est précisément pour cela que les étudiants et les enseignants du supérieur en exigent aujourd’hui le retrait par une grève illimitée. Le SNES doit reprendre leur revendication et mobiliser les enseignants du second degré sur cet objectif, car c’est en créant le front le plus large qu’il sera possible d’infliger une défaite au gouvernement.
La direction du SNES refuse toujours de se battre pour la titularisation de tous les précaires
Quand le syndicat majoritaire portera-t-il la revendication de la titularisation de tous les précaires et l’interdiction du recours à l’emploi précaire ? Si ces revendications étaient satisfaites, un précédent serait créé et l’État pourrait craindre de s’attaquer à la revendication qui va de pair : l’impossibilité d’embaucher sous des contrats précaires, sous peine d’être forcé à terme de les titulariser avec un statut décent. L’argument généralement opposé à la titularisation de tous les précaires est qu’une telle mesure irait à l’encontre de la logique de recrutement par concours. Or c’est au contraire le fait de tolérer que des personnels sans statut fassent le même travail que les titulaires qui porte atteinte aux concours et aux statuts : car, du point de vue de l’État, pourquoi recruter des fonctionnaires sur concours si des précaires peuvent faire le même travail ? D’ailleurs, le gouvernement mène une campagne de recrutement parmi les étudiants et multiplient donc les contrats précaires alors que le nombre de postes aux concours a fortement diminué.
Des mots d’ordre seulement catégoriels au lieu d’une plate-forme pour forger l’unité avec les autres salariés
Il faut faire le lien entre les mots d’ordre et la logique d’ensemble de la politique gouvernementale, afin d’éviter la dispersion dans des luttes ayant pourtant la même racine. Les réformes contre lesquelles se battent et s’épuisent les enseignants depuis au moins quatre ans procèdent toutes de la même logique de restructuration destinée à pallier les suppressions massives de postes. En cantonnant de façon corporative la mobilisation à chaque réforme successive (sous Ferry, Fillon, de Robien, Darcos), le SNES n’a pas empêché le gouvernement de représenter par la fenêtre des projets que les enseignants avaient tant bien que mal réussi à mettre à la porte. Ainsi le retrait des décrets de Robien à l’été 2007 a été justifié par Sarkozy fraîchement élu comme préalable à un autre projet qui ferait « mieux » en terme de suppressions de postes. Et en effet, les suppressions de postes, mais aussi les modifications statutaires qu’impliquent les réformes Darcos et Pécresse, sont d’une plus grande ampleur. Pour contrer durablement les projets du gouvernement, il ne faut pas isoler les luttes des enseignants de celles des autres fonctionnaires, ni de celles des travailleurs du privé. L’abrogation de la RGPP (Révision Générale des Politiques Publiques), le combat contre les budgets de pénurie et la défense des services publics devraient donc être au cœur de chaque plate-forme de revendications. Ces revendications « centrales », en plus des revendications salariales, concernent l’ensemble des salariés et permettraient d’unifier les forces nécessaires pour faire reculer le gouvernement. Cette lisibilité suppose aussi de ne pas abandonner les mots d’ordre dès lors qu’une première mobilisation n’a pas permis d’obtenir gain de cause ! En cela, il est inacceptable que le rapport mentionne le problème des pensions de retraite sans parler de la revendication de la retraite à taux plein pour 37,5 annuités de cotisation ! De même, le SNES fait son cheval de bataille de la transformation des heures supplémentaires en heures pour la création de postes. Cette transformation n’est certes pas négligeable mais la justification donnée, tenant dans l’idée que le combat se mènera dans la durée, ressemble plutôt à un engagement qui partirait du principe qu’on ne peut que limiter la casse !
L’appareil cède au chantage à la casse des commissions paritaires
On peut d’ailleurs en voir une illustration dans l’énergie déployée par la direction pour la défense du paritarisme. Le ministère vient de lui porter un nouveau coup très inquiétant au paritarisme, en informant certains professeurs de leur affectation sans passer par les commissions paritaires où les syndicats pouvaient rectifier les erreurs administratives et s’opposer à d’éventuelles affectations arbitraires. De plus, pour l’anecdote, les coups de fils ont été passés par l’intermédiaire d’une plate-forme téléphonique privée… Le rapport d’activité voudrait nous faire croire que le SNES a sauvé les commissions paritaires grâce à son initiative de faire une pétition qui a recueilli 18 000 signatures. Mais, bien évidemment, un gouvernement qui ne recule pas devant des dizaines de milliers de grévistes et de manifestants n’a nullement été effrayé par quelques milliers de signatures ! En réalité, en menaçant régulièrement les commissions paritaires, le pouvoir use avant tout d’un moyen de pression, auquel il sait l’appareil du SNES particulièrement sensible, pour obtenir sa collaboration sur des réformes clés. Les commissions paritaires restent donc bien sûr au menu du gouvernement Sarkozy, qui a déjà commencé son repas, et la signature de la FSU sur les accords pour la rénovation du dialogue social n’a pas non plus empêché cette « agression » gouvernementale… Cette stratégie est assurément consciente pour les membres du gouvernement ; les dirigeants du syndicat le comprennent, comme en témoigne cet extrait : « Dans un contexte difficile, face à un gouvernement qui tend à transformer le poids des organisations syndicales, à les réduire à des négociations sur son terrain... ». Pourquoi les dirigeants continuent-ils à jouer ce jeu ? C’est qu’ils pensent leur stratégie principalement non pour défendre les intérêts des salariés, mais pour défendre l’appareil du syndicat, c’est-à-dire les commissaires paritaires, les représentants en CAP et CTP et les centaines de déchargés, qui assurent presque automatiquement au SNES le maintien de son hégémonie sur la profession.
C’est pourquoi il faut que les syndiqués s’organisent pour construire une alternative à cette gestion et sauver leur syndicat ! Le sens du syndicalisme est en jeu et il est intolérable de mettre celui-ci en danger pour quelques miettes que pourrait lâcher le gouvernement concernant la réforme des lycées ou encore la « masterisation », instrument de casse des statuts et de la formation des enseignants. Alors que le gouvernement Sarkozy est en baisse de crédibilité du fait de l’échec du modèle économique dont il est le serviteur, il ne faut pas rater l’occasion de reprendre la main et ne plus, par exemple, s’en tenir au calendrier des négociations imposé par le gouvernement. Il est inadmissible que les syndicats aient accepté d’attendre la déclaration de Sarkozy du jeudi 5 février pour se prononcer sur les suites du 29 janvier…
La direction accepte le cadre mortifère du prétendu « dialogue social »
Pour continuer sur le chemin du « partenariat social », l’accord du 9 avril sur la représentativité syndicale et le dialogue social, approuvé par la CGT, la CFDT, le MEDEF et la CGPME est qualifié dans ce rapport de texte allant dans le bon sens. Or, non seulement ce texte est scandaleux car il est une position commune avec le patronat sur la représentativité des syndicats, comme si les patrons et les ouvriers pouvaient avoir intérêt aux mêmes règles ; mais en outre il rendra beaucoup plus difficile l’implantation concrète des syndicats combatifs dans les entreprises (1). Les rédacteurs se bornent à dénoncer, comme les chefs de la CGT et de la CFDT, l’ajout qu’a opéré le gouvernement sans concertation lors du passage du texte à la loi : l’augmentation du temps de travail et de la flexibilité, dont le principe était cependant contenu dans l’accord. Aucune analyse n’apparaît sur ce point, qui montre clairement que le gouvernement ne fait que se servir des syndicats pour cautionner sa politique.
Quant à l’accord sur le « dialogue social et la représentativité » dans la Fonction Publique, il a été signé par la FSU, avec l’aval des représentants de la direction du SNES, au moment même où le gouvernement frappait à coups redoublés contre les acquis, passant notamment le nombre d’annuités pour percevoir une retraite complète à 41 annuités et imposant le service minimum aux collègues du primaire. Au même moment, le Sarkozy qualifiait dans Le Monde le prétendu « dialogue social » de « clé du succès des réformes », car c’est grâce à « un partenariat étroit avec les représentants des salariés que les réformes dont notre pays a besoin peuvent être expliquées et menées à bien ». Le rapport ne revient évidemment pas sur le véritable coup de force (2) alors commis par Aschieri au compte d’U&A (tendance majoritaire de la FSU et du SNES) pour arracher au CDFN de la FSU le droit de signer : menaçant de démissionner, il fit changer de position la majorité des élus de la tendance École Émancipée qui, lors du deuxième vote, ont en majorité voté pour signer cet accord (3)...
Certes, le SNES via la FSU, pas plus que les autres syndicats, n’a accepté de signer l’accord salarial de janvier-février 2007. Mais le gouvernement n’a pas revu sa politique concernant le montant des augmentations de salaire, et le SNES comme la FSU n’ont pris aucune initiative pour mobiliser les personnels, comme si parler autour d’une table pouvait permettre d’obtenir quoi que ce soit.
Les rédacteurs acceptent donc pleinement un syndicalisme essentiellement institutionnel, donc impuissant, qui se discrédite vis-à-vis de sa base et se prive alors peu à peu de sa capacité de mobilisation.
De même, le recul de la CFDT, qui a été ces dernières années à la pointe de soutien aux réformes réactionnaires du gouvernement et du patronat, aux élections prud’homales, est mentionné sans être analysé. Ce recul de la CFDT, preuve du désaveu par la base d’une politique qui consiste à accompagner les réformes du gouvernement, n’engage pourtant pas le SNES à s’orienter davantage vers le syndicalisme de lutte ! La politique de la direction du SNES est manifestement déterminée principalement par le souci de la préservation de l’appareil du syndicat. Cependant même cette orientation est enfermée dans un insoluble contradiction, car sans lutter pour les revendications des personnels et donc préserver une capacité de mobilisation, la bureaucratie se prive par sa propre politique des moyens pour maintenir quelque prérogative que ce soit dans le cadre des commissions paritaires et autres instances officielles.
Syndicalisme de collaboration de classe ou syndicalisme de lutte : il faut choisir
Le syndicalisme ne peut restreindre ses luttes au cadre institutionnel sans perdre son sens et donc sans s’affaiblir. Il existe un indice alarmant : le rapport financier mentionne encore une fois une baisse de la syndicalisation. La politique de l’autruche est encore en sursis car l’équilibre financier est malgré tout maintenu du fait du vieillissement et donc de l’augmentation de la cotisation de nombreux syndiqués. Pourtant la direction ne semble en tirer aucune conséquence.
De même, le rapport mentionne l’investissement international du SNES. Il revendique à juste titre la critique les politiques de la Banque Mondiale, de l’OCDE ou encore de l’OMC en matière d’Éducation. En revanche, il reste étrangement silencieux en ce qui concerne le bilan de ses engagements en lien avec la Confédération Européenne des Syndicat (CES) ou avec la Confédération Syndicale Internationale (CSI). Ces liens ont pourtant été à l’origine de débats très forts lors du dernier congrès du SNES, étant donné le manque d’indépendance structurelle et idéologique de ces confédérations vis-à-vis des institutions bourgeoises. Notamment, la CES s’était prononcée pour la notion de SSIG (Service Social d’Intérêt Général) qui, en se substituant à la notion de service public, sert d’instrument pour privatiser tout ce qui est rentable dans les services publics, comme on peut le voir avec les filiales de la SNCF, d’EDF, de GDF, de La Poste, etc. Cela s’accompagne d’une soumission du secteur public aux normes privées (concurrence, augmentation de la productivité, compression de la masse salariale etc.).
Sur le terrain national, la direction du SNES reconnaît formellement que la construction concrète du rapport de force est nécessaire à la satisfaction des revendications. Ainsi le rapport mentionne-t-il indirectement les moyens à mettre en œuvre par le biais des critiques adressées aux confédérations sur leur manque d’investissement ou sur la dissociation des luttes entre les secteurs privés et publics, avec leurs conséquences sur la réussite de l’action. Si on lit entre les lignes, une des tâches pour vaincre est donc la construction concrète de l’unité public-privé et le front uni des organisations se réclamant de la défense des salariés est nécessaire. C’est d’ailleurs cette recette qui a en partie fait le succès de la grève du 29 janvier 2009. Le rapport mentionne le travail du SNES à la constitution de ce front unitaire. Mais il prétend ne pas avoir toujours subordonné ses mots d’ordre et son calendrier à cette unité, ce qui est notoirement faux, car la direction du SNES privilégie toujours l’unité avec les syndicats les plus à droite, UNSA et CFDT, à celle avec les syndicats plus combatifs, comme Sud, sous prétexte que les premiers font un peu plus de voix aux élections professionnelles que les seconds. Dans le même temps, le rapport dénonce au passage l’attitude de l’UNSA et de la CFDT qui se sont prononcées pour la suspension de l’action le 27 mai 2008 sans concertation avec le SNES et la FSU. Hélas, pour le SNES, être plus offensif que la CFDT et l’UNSA ne veut pas dire être offensif de manière conséquente. Et c’est surtout une façon de s’exonérer à bon compte de sa responsabilité écrasante dans les difficultés et surtout dans l’isolement du puissant mouvement des enseignants et lycéens de la région parisienne au printemps 2008.
Concernant l’extension des luttes au-delà de l’Éducation, la nécessité d’engager un mouvement social d’ampleur pour le système de santé et la préservation des principes de la Sécurité sociale est très explicite dans le rapport. Il ne reste donc plus qu’à concrétiser cet engagement. Mais on ne voit pas bien ce que la direction du SNES fait pour aller dans ce sens.
La lutte syndicale implique la construction d’un rapport de force. Pour y parvenir, toutes les forces susceptibles de subir les conséquences d’une réforme doivent être informées et se retrouver dans les revendications. Or, si le SNES participe aux campagnes pour la défense du service public d’Éducation, s’adressant aux personnels mais aussi aux parents d’élèves en les informant par exemple de l’indigence du « plan banlieues » ou encore du projet inacceptable de faire valider certaines épreuves de langues vivantes par des organismes privés, il en fait le trop souvent sa principale méthode d’action, au lieu de l’utiliser comme un point d’appui pour une mobilisation de masse des personnels eux-mêmes, seule à même de créer un rapport de forces. Cela s’est exprimé de façon évidente, lorsque en décembre 2008, la direction du SNES a refusé de lancer un appel aux enseignants à rejoindre le mouvement lycéen et à le renforcer par la grève.
Le rapport donne également comme objectif de convaincre les collègues de la nécessité de l’action collective. Il rend aussi compte de l’échec des « jeudis de l’Éducation » (actions hebdomadaires locales proposées par le SNES) mais ne parle que très partiellement de la nécessité de faire grève. Les jours de grève sont pourtant des occasions privilégiées de tisser les liens nécessaires au développement d’un mouvement par l’organisation d’assemblées générales qui permettent notamment aux différents établissement ou secteurs de se coordonner et de mettre en place des actions concrètes. Malgré tout, les journées d’action non intégrées dans un plan de bataille ambitieux et les manifestations funèbres ne suffiront certainement pas à faire reculer ce gouvernement. C’est pourtant la stratégie mise en œuvre depuis des années par la direction du SNES qui, sur ce point essentiel, ne se distingue en rien des autres directions syndicales. Si la direction du SNES avait une politique plus combative, il ne fait aucun doute que les militants de lutte et de terrain sauront donner des relais concrets à ces appels ! Il pourrait défendre une plate-forme de revendication claire, fixer la perspective de la grève générale dans toute l’Éducation, organiser des stages de formation « lutte et mobilisation », des meetings pour les populariser, de vastes réunions avec les lycéens et les parents d’élèves, etc.
La direction du SNES refuse de rompre avec le gouvernement et de combattre le capitalisme
Enfin, le rapport ne mentionne pas l’absence de relais politique fort, relais qui, par une capacité à s’opposer à la politique gouvernementale, à lutter contre capitalisme et à proposer un modèle de société compatible avec la satisfaction des revendications des salariés, constituerait un point d’appui essentiel pour les mobilisations, car il permettrait de rompre avec une stratégie vaine consistant à demander des changements à un pouvoir qui ne les fera pas. Généralement, la direction rejette une telle orientation sous prétexte de neutralité politique. Il est vrai qu’elle n’affiche plus ouvertement ses liens avec le PCF et le PS. Mais la forme institutionnelle de l’action syndicale qui domine actuellement au SNES implique un respect des institutions actuelles et une prétention à s’appuyer sur les partis politiques institutionnels. Mais il n’est pas plus neutre politiquement de respecter les institutions et d’y limiter ses perspectives que de les contester et de s’inscrire dans la logique du combat pour en finir avec le capitalisme : cela correspond seulement à des intérêts de classe différents, ceux du patronat et de son État d’un côté, ceux des travailleurs et de la jeunesse de l’autre.
Voter « NON » au rapport d’activité et se battre pour unifier toutes les véritables oppositions à la direction
Au vu des différents éléments exposés précédemment, la politique de la direction du SNES ne peut être cautionnée, le vote « contre » le rapport d’activité pour la période de février 2007 à décembre 2008 s’impose pour sanctionner cette politique. Mais il faut surtout agir dès maintenant pour rassembler tous les courants et les sous-courants qui combattent réellement la politique de la direction, car c’est la condition pour pouvoir espérer mener ce combat avec quelque succès. Et il faut bien sûr continuer à construire le SNES, à permettre aux personnels de se saisir de l’outil syndical malgré la politique de la direction et, dès que possible, contre elle.
1) Cf. la déclaration du CILCA, http://courantintersyndical.free.fr/post.php?ID=332
2) Cf. le communiqué commun d’Émancipation, Ensemble et PSL, trois tendances oppositionnelles de la FSU sur le sujet, http://www.emancipation.fr/emancipa/spip.php?article419.
3) Cf. la déclaration du CILCA, http://courantintersyndical.free.fr/post..php?ID=332