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    Imposer le gouvernement du Nouveau Front populaire par une grande mobilisation populaire !

    Par Luc Raisse (13 juillet 2024)
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    Près d’une semaine après le résultat du second tour des législatives, qui a vu la victoire du Nouveau Front populaire, la défaite de l’extrême droite, mais aussi de l’ex-majorité présidentielle, Macron n’a toujours pas nommé un nouveau Premier ministre ou une nouvelle Première ministre. Au contraire, il a refusé la démission de Gabriel Attal et, loin de se contenter de gérer les affaires courantes, les ministres de ce gouvernement battu continuent, toute honte bue, d’appliquer les mesures qu’ils avaient décidées (« choc des savoirs » de Belloubet, annonce par Lemaire d’une nouvelle coupe de 5 milliards d’euros dans les dépenses publiques, etc.). Dans sa « lettre aux Français », Macron refuse même de reconnaître la victoire du NFP, en prétendant que personne n’aurait gagné les élections ! Il appelle à la constitution d’une « grande coalition » autour de son camp. Il rompt ainsi avec la pratique habituelle des institutions, qui veut que le président nomme, dès le lendemain des législatives, un Premier ministre issu du parti ou de l’alliance arrivés en tête – que ce soit avec une majorité absolue ou avec une majorité relative (ainsi, la macronie n’avait qu’une majorité relative en 2022, mais cela n’avait pas empêché Macron de nommer immédiatement Borne comme Première ministre).

    Alors que le NFP a gagné les élections, Macron maintient ses sbires au pouvoir !

    Si ce n’est certes pas une violation de la Constitution prise à la lettre, c’est clairement une rupture majeure avec la pratique institutionnelle respectée par tous depuis au moins la IIIe République. Macron utilisait certes déjà à fond les aspects bonapartistes de la Ve République, jusqu’à cette décision insensée de dissoudre l’Assemblée au lendemain des européennes ; mais il est clair qu’il est prêt, maintenant qu’il a perdu les deux consultations électorales successives, à aller plus loin pour garder coûte que coûte le pouvoir. Dans l’immédiat, il espère former une coalition entre son camp, Les Républicains et des gens du PS qui trahiraient le NFP. Mais ses partenaires potentiels se montrent réticents : ils savent que, s’ils trahissaient déjà leurs électeurs et électrices, ils auraient trop à perdre. Mais Macron va tout faire pour y parvenir et il est prêt à recourir à toutes les autres solutions. Il pourra par exemple nommer un gouvernement dit « technique » – c’est-à-dire en fait un gouvernement politique certes limité dans l’initiative de nouvelles lois, mais appliquant les mesures déjà décidées, notamment dans le cadre du budget 2024, et obéissant aux impératifs de l’Union européenne. Macron pourra également mettre sur pieds un commission chargée d’élaborer une nouvelle Constitution encore plus anti-démocratique que celle la Ve République (qui pourrait même, qui sait ?, lui permettre de rester président). Il pourra toujours, si besoin, utiliser l’article 16 de l’actuelle Constitution pour prendre toutes les mesures qu’il voudra, au nom de la défense des intérêts supérieurs de la nation, sans passer par le Parlement. S’il n’est certes pas encore prêt à un coup d’État à ce stade, son objectif n’en est pas moins clair : en tant que valet de la bourgeoisie, il a pour mandat de tout faire pour empêcher un gouvernement du NFP. Car même l’application d’une partie seulement des mesures de ce programme porterait des coups sévères aux intérêts des capitalistes, d’autant plus dans un contexte d'essoufflement  de la profitabilité du capital après la remontée post-covid.

    Le NFP doit pouvoir gouverner

    On peut cependant se demander si, de son côté, le NFP est prêt à gouverner, voire s’il en a la possibilité réelle. D’une part, il y a des tensions importantes entre les partis qui composent l’alliance : alors que la FI, qui a le plus de député-e-s, est légitime pour réclamer le poste de Premier ministre, les autres partis veulent l’en empêcher et le PS, notamment, voudrait lui ravir la place en comptant sur le soutien d’EELV, du PC... et des « dissident-e-s » droitiers de la FI. Le risque est évidemment qu’une hégémonie du PS dans le gouvernement NFP aboutisse très vite à une trahison du mandat par refus d’appliquer le programme, voire par des mesures contraires à celui-ci (on ne sait que trop à quoi s’en tenir avec ce parti de Mitterrand, Jospin et Hollande, celui-ci pouvant même être le pivot de cette nouvelle trahison). D’autre part, même si le NFP fait bloc contre la macronie, en refusant une coalition avec elle, comme c’est le cas pour le moment, il est évident qu’un gouvernement NFP, parce qu’il ne disposerait que d’une majorité relative, serait bien vite renversé par une motion de censure que voteraient ensemble les macronistes, LR et le RN.

    Cependant, il n’en reste pas moins légitime de tout faire pour constituer un gouvernement du NFP et appliquer les premières mesures du programme, quitte à utiliser pour cela toutes les ressources de la Constitution (décrets ministériels, ordonnances...), à mettre le RN devant ses contradictions s’il refuse de voter l’abrogation de la réforme des retraites alors qu’il l’a promise, etc. En effet, même si ce gouvernement ne devait pas rester longtemps en place, c’est l’intérêt de la grande majorité de la population que soient ainsi abrogés les décrets d’application de la réforme des retraites, que soit décidée l’augmentation du SMIC à 1600 euros et des minima sociaux, que soit revalorisé de 10% le point d’indice des fonctionnaires, qu’il y ait un moratoire sur les grands projets inutiles, etc. (voir l’ensemble des mesures promises pour les 15 premiers jours d’un gouvernement NFP : https://tendanceclaire.org/article.php?id=1940). De plus, si un gouvernement du NFP était nommé et a fortiori si les autres forces parlementaires le renversaient au seul motif qu’il appliquerait son programme, cela pourrait déclencher de fortes mobilisations populaires, avec le risque pour la bourgeoisie de perdre plus encore. De ce point de vue, la référence au Front populaire historique est parlante : l’arrivée par les urnes du gouvernement Blum en mai 1936 avait entraîné un immense soulèvement ouvrier en juin, jusqu’à la grève générale et l’occupation des usines, l’obligeant à des mesures qu’il n’avait même pas promises, à commencer par les congés payés et la réduction de la semaine de travail de 48 à 40h. Or la bourgeoisie s’en souvient aussi bien que nous. Bien que la situation soit évidemment différente à bien des égards, les capitalistes craignent cette éventualité et c’est justement la raison pour laquelle ils sont prêts à tout, à travers leurs serviteurs de la macronie et de LR, pour empêcher un gouvernement du NFP. En voulant continuer la même politique, ils préfèrent faire le jeu du RN : battue cette fois, l’extrême droite aura toutes les chances d’arriver au pouvoir si les conditions de vie des gens continuent de se dégrader. Alors qu’une bonne partie des député-e-s macronistes doivent leur élection au désistement des candidat-e-s du NFP (bien plus que l’invere) et aux appels à faire barrage au RN, Macron et ses ami-e-s continuent de mépriser l’électorat populaire en empêchant l’expérience du NFP au pouvoir.

    Une seule solution : la mobilisation populaire, jusqu’à saper les J.O.

    Dès lors, pour que celui-ci soit nommé par Macron (et à plus forte raison pour qu’il se maintienne et respecte son programme), on ne peut pas compter sur le jeu institutionnel. Il est donc nécessaire de faire repasser le centre de gravité de la lutte politique de la logique des urnes à celle de la mobilisation sociale. Si Macron peut se permettre, pour le moment, de ne pas confier le pouvoir au NFP, c’est qu’il pense n’avoir rien à craindre tant que le rapport de forces reste institutionnel. Mais si celui-ci devenait social, par le soulèvement des travailleur/se-s, des jeunes et des opprimé-e-s, il en irait tout autrement. Or la configuration du calendrier fait que nous avons pour cela une occasion en or. Il y a une fenêtre de tir propice à la lutte de classe entre le 18 juillet, jour où l’Assemblée nationale se réunit et les Jeux Olympiques, qui commencent le 26 juillet (et doivent durer jusqu’au 11 août). C’est ce qu’a bien compris la fédération CGT des cheminots, qui appelle à manifester le 18 juillet à 12 heures partout en France, et à Paris au plus près de l’Assemblée nationale (cf. https://tendanceclaire.org/breve.php?id=44847). Elle a été rejointe rapidement par d’autres instances, dont la fédération CGT de la chimie, et elle est désormais soutenue par la confédération CGT dans son ensemble, qui appelle ses structures à participer à ces manifestations pour imposer un gouvernement du NFP (cf. https://tendanceclaire.org/breve.php?id=44850). Ces appels sont extrêmement importants et il faut absolument qu’ils soient relayés partout, que les autres syndicats les reprennent, que les militant-e-s exigent des directions qu’elles entrent sans attendre dans cette mobilisation.

    Mais celle-ci ne suffira évidemment pas si elle reste limitée au 18 juillet. Cette date doit être un levier pour préparer les conditions d’une grève massive désorganisant le pays. Les vacances limitent certes l’impact possible de celle-ci, mais, d’une part, il est déjà arrivé dans l’histoire que de grandes grèves aient lieu pendant cette période, y compris la grève générale de la Fonction publique en 1953, qui avait fait reculer le gouvernement d’alors. D’autre part, cet inconvénient des vacances est largement compensé, cette année, par la possibilité de désorganiser, voire de saper les J.O. L’importance internationale de cet événement, où se joue la crédibilité de Macron et, au fond, de la bourgeoisie française, est considérable. Les travailleur/se-s des transports, de l’énergie, des flux en général, ne sont pas en vacances, mais mobilisé-e-s jusqu’au dernier : leur grève suffirait à bloquer les jeux et une bonne partie du pays. Elle entraînerait un soutien massif de la population, qui prendrait la forme de manifestations, de blocages, de caisses de grève. De plus, les JO reposent sur la mobilisation de « bénévoles » (qui sont en fait soumis à des conditions d’activité et des contraintes proches de celles du salariat : la CGT a fait de nombreux recours pour qu’ils/elles soient reconnu-e-s comme travailleur/se-s, car leurs missions ne relèvent clairement pas de la liberté propre au véritable bénévolat). Or une bonne partie de ces bénévoles ont sans doute voté pour le NFP : au moins 30%, si c’est autant que le reste de la population, mais sans doute bien plus, car les gens de gauche sont certainement plus enclins au bénévolat que les gens de droite... La conviction politique pourrait donc les amener à renoncer à leurs engagements pour saper les J.O., au cas où Macron persisterait dans son refus de nommer un gouvernement du NFP (ou si ce gouvernement était menacé de renversement avant le 11 août).

    L’heure n’est donc pas à relâcher la pression ! Il faut au contraire la démultiplier :

    • Réunissons les instances syndicales, les associations, les groupes, comités et sections des partis du NFP, mettons en mouvement les électeurs et électrices du NFP !

    • Manifestons massivement le 18 juillet partout en France et les jours suivants !

    • Préparons les conditions d’une grève massive dans les secteurs clés, avec le soutien de la population, à partir de l’ouverture des J.O. le 26 juillet !

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