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    La bourgeoisie grecque peut dire merci aux bureaucrates et aux réformistes

    Par Gaston Lefranc ( 1 novembre 2011)
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    L’intensité de la lutte de classe…

    Le gouvernement grec a perdu la main. Même si les bureaucraties syndicales ont jusqu’ici réussi à empêcher la montée vers la grève générale (canalisant la colère des travailleurs dans des journées d’action), le gouvernement est impuissant face au grand mouvement de désobéissance qui empêche que les mesures votées soient pleinement exécutées. De nombreux collectifs « on ne paie pas » ont été montés ces derniers mois et bloquent la rentrée des recettes fiscales : blocages de péages d’autoroutes, commandos dans les hôpitaux pour inciter les patients à ne pas payer le forfait de 5€ dû à chaque consultation, etc. Les inspecteurs du fisc pratiquent une grève du zèle qui ralentit la perception des impôts.

    Dernier exemple en date : une taxe immobilière a été créée il y a quelques semaines. Elle doit toucher 70% des Grecs (propriétaires de leur maison) et devait rapporter 2,1 milliards d’€ d’ici fin 2012. En l’absence de cadastre, c’est le DEH (l’EDF grec) qui a été chargé de sa collecte via la facture d’électricité, avec la menace de couper le courant aux récalcitrants. Mais le puissant syndicat des électriciens a décidé de suspendre les coupures d’électricité et a occupé le centre informatique de DEH d’où doivent partir les factures. D’ores et déjà, la troïka (Commission européenne–BCE–FMI) ne mise plus que sur une recette d’1,2 milliard pour cette nouvelle taxe (contre 2,1 prévus).

    Avant les deux jours de « grève générale » des 19 et 20 octobre, on avait assisté à une montée en puissance et une radicalisation des grèves sectorielles (1). Notamment une grève des éboueurs, que le gouvernement a cherché à mater en ayant recours à une entreprise privée, mais les grévistes ont été jusqu’à brûler les camions de cette entreprise. L’armée est ensuite intervenue pour nettoyer les rues.

    Sous la pression des travailleurs, les bureaucraties syndicales (celle du privé : GSEE, celle du public : ADEDY) ont transformé leur appel à la « grève générale » de 24h en un appel à une « grève générale » de 48h. Mais elles persistent dans leur stratégie de journées d’action dispersées, qui permettent de laisser exprimer la colère des travailleurs, tout en la canalisant et en sauvant la mise au gouvernement. Cependant, l’auto-organisation se développe depuis quelques semaines, avec la multiplication de comités de lutte, qui organisent des occupations, des AG de quartiers, etc. Mais aucune force politique n’est pour l’instant capable de centraliser cette auto-organisation, ce qui serait nécessaire pour que la direction de la mobilisation échappe aux bureaucraties.

    … contraint la bourgeoisie à acter un défaut important de la dette grecque et plonge le pays dans une crise politique aiguë

    Le constant d’échec du gouvernement grec est sans appel et il a été dressé par la troïka. Ainsi, les membres européens de la troïka ont rendu un rapport alarmant (2) sur la situation. Selon ce rapport, l’application des mesures de discipline fiscale a été « défaillante » et les réformes structurelles engagées avancent à un rythme trop lent : « L’application décidée des réformes structurelles et la remise en cause des positions acquises exigent non seulement la cohésion de l’ensemble du gouvernement mais aussi un consensus entre les principales forces politiques. » La situation est telle que les bourgeoisies européennes ont dû se résigner à acter une décote de 50% (soit environ 100 milliards d’€) de la dette publique grecque détenue par les créanciers privés. C’est un coup dur qu’ils vont s’efforcer de faire payer aux travailleurs des autres pays.

    Quelques informations sur la structure économique et sociale de la Grèce

    La Grèce est un pays de plus de 11 millions d’habitants, qui comprend deux grandes agglomérations : Athènes (4 millions) et Thessalonique (1 million).

    Même si la production agricole est en baisse constante, les agriculteurs composent plus de 12% de la population active (3% en France). Les exploitations agricoles sont de petite taille et peu compétitives ; la viniculture est sinistrée et le pays est désormais importateur net de produits laitiers et de viande.

    L’industrie est peu développée et en perte de vitesse (par exemple les chantiers navals procuraient environ 15 000 emplois directs en 1985 contre moins de 3 000 aujourd’hui), d’où l’important déficit commercial (les produits industriels s’exportent, contrairement à la plupart des services). Elle regroupe 18% de la main-d’œuvre (22% en France et 33% en Allemagne).

    Les services regroupent le reste de la population active (70%). Le principal point fort est le secteur du tourisme, qui représente 15% du PIB. Avec la baisse des salaires et la mise sous tutelle de la Grèce, ce secteur pourrait prospérer et transformer la Grèce en zoo pour touristes.

    La part des salariés dans la population active est très faible : 63,7% (contre 88% pour la France), en raison du grand nombre de petites exploitations agricoles, de petits commerces, d’installations artisanales (à main-d’œuvre familiale).

    Le gouvernement Papandréou a un problème de légitimité : les intentions de vote pour le PASOK ont plongé à 22,5% en octobre (3), sans que cela profite au principal parti bourgeois d’opposition, la « Nouvelle démocratie », qui plafonne à 31,5%. Alors que le premier ministre Papandréou supplie l’opposition de droite de former avec lui un gouvernement d’union nationale, cette dernière refuse, de peur de perdre le soutien qu’il lui reste auprès de la population. Le discrédit des partis de gouvernement (tout juste majoritaires dans les sondages), qui conduit un Grec sur deux à répondre aux sondages qu’il s’abstiendrait en cas d’élections, profite aux forces qui se situent à gauche du PASOK (elles cumulent environ 25% des intentions de vote, les deux principales composantes étant le parti stalinien KKE et la coalition réformiste Syriza) et à l’extrême droite (9% pour le parti LAOS). De façon significative, les deux personnalités les plus populaires sont les dirigeants de Syriza et du LAOS. Pour sortir de la crise politique, trois ministres importants (soutenus par le ministre des Finances Venizelos), ont publié un article appelant le peuple à suivre loyalement les politiques agréées par le FMI et à établir le consentement de la majorité silencieuse contre la soi-disant minorité bruyante qui perturbe le fonctionnement politique du pays. Ces politiciens se font le porte voix d’un secteur important de la bourgeoisie qui pensent de plus en plus à issue autoritaire et anti-démocratique.

    La situation est pré-révolutionnaire : le pays s’enfonce dans la crise, le gouvernement a perdu la main et l’auto-activité des masses se développe malgré l’immense obstacle que constituent les bureaucraties syndicales et les chefs réformistes. Toutefois, une grande partie de la population est désespérée et ne conçoit pas qu’il puisse y avoir une alternative. Pour que la situation devienne révolutionnaire, il faut que l’auto-organisation des masses et la volonté d’une alternative de pouvoir opèrent un saut qualitatif. C’est pourquoi il est crucial qu’émerge une direction révolutionnaire capable de disputer l’hégémonie aux lieutenants de la bourgeoisie au sein du mouvement ouvrier. C’est à cette condition que les masses pourront être convaincues de la nécessité de mettre en place leur propre gouvernement, seul capable de mettre fin à la barbarie d’un système qui les écrase.

    Deux jours de « grève générale » contre un plan d’austérité odieux

    Depuis près de deux ans, les plans d’austérité se succèdent en Grèce, chacun étant plus odieux et brutal que le précédent. Le dernier plan a été exigé par la troïka comme condition pour le versement d’une nouvelle tranche de 8 milliards du plan « d’aide » de 110 milliards d’euros de mai 2010. Les principales mesures de ce plan sont les suivantes :

    • Nouvelle grille de salaire dans la fonction publique qui devrait déboucher sur une baisse des salaires des fonctionnaires d’environ 25% (venant s’ajouter à une baisse de salaires de 20% en 2010) ;
    • Mise en réserve de 30 000 fonctionnaires (qui toucheront 60% de leur salaire) et qui ont un an pour trouver un autre emploi, sous peine d’être licenciés ;
    • Abaissement du seuil d’imposition à 5 000€ annuel (contre 8 000€ aujourd’hui) ;
    • Gel de toutes les conventions collectives, ce qui va permettre au patronat de baisser drastiquement les salaires dans le privé.

    Mercredi 19 octobre, la grève a été presque totale. La participation du privé a été très forte, avec un grand nombre de petits magasins (4) et de petites entreprises fermés. De 70 000 (selon la police) à plus de 200 000 personnes (selon les syndicats) ont manifesté à Athènes. Dans tout le pays, ce sont 125 000 personnes qui ont manifesté d’après la police, des centaines de milliers selon les syndicats. Ce furent les plus grosses manifestations depuis la chute de la dictature en 1973. À Athènes, selon la police, les cortèges se partageaient en trois tiers : un tiers derrière les bureaucraties syndicales (GSEE et ADEDY) liées au PASOK, un tiers derrière le front syndical (PAME) dirigé par le KKE (PC grec) et un tiers derrière les divers groupes de la « gauche radicale » (Syriza, extrême gauche, anarchistes). Lors de la manifestation, des centaines de personnes (pas seulement des jeunes anarchistes, mais aussi des chauffeurs de taxi ou des syndiqués quinquagénaires) ont affronté la police.

    Jeudi 20 octobre, les manifestations ont regroupé à peine moins de manifestants que la veille. La journée a été marquée par les affrontements entre le service d’ordre du PAME (regroupement syndical dirigé par le KKE) et de jeunes anarchistes, ainsi que par la mort d’un syndicaliste du PAME. Le soir, 153 des 154 députés socialistes – sur un parlement de 300 élus – ont voté en faveur de tous les articles de cette loi. Une seule députée du PASOK a refusé d’approuver l’une des principales dispositions du projet (suspension des conventions collectives), l’ancienne ministre du Travail, Louka Katseli. Elle a été immédiatement exclue du groupe socialiste au parlement.

    Autres mobilisations en Europe face à la crise

    Au Portugal, alors que le gouvernement met en place un plan d’austérité très sévère (baisse des salaires des fonctionnaires de 20% avec la suppression des 13e et 14e mois, hausse des taxes, baisse des pensions, etc.), la bureaucratie syndicale se contente d’appeler à une journée de grève… le 24 novembre, un an exactement après leur dernier appel à la grève !

    En Italie, il y a eu des manifestations très importantes (environ 200 000 à Rome), émaillées d’affrontements avec la police, le 15 octobre dernier, jour de mobilisation internationale des « indignés ». Berlusconi vient d’annoncer de nouvelles attaques contre les travailleurs sur injonction de Merkel et Sarkozy : recul de l’âge de départ à 67 ans, 5 milliards de privatisation, réforme du marché du travail.

    En Espagne, il y a eu des manifestations gigantesques dans les principales villes du pays (500 000 à Madrid et 400 000 à Barcelone selon les organisateurs) le 15 octobre. Alors que les allocations chômage ont été limitées à un an, des centaines de milliers de chômeurs risquent de se retrouver sans ressources dans les mois qui viennent.

    Le KKE protège le parlement bourgeois de la colère des travailleurs

    Sur certains points, l’analyse et l’orientation du KKE sont pertinents. Le KKE se prononce pour la répudiation de l’ensemble de la dette publique et critique les organisations réformistes qui distinguent une partie « légitime » et une partie « illégitime » de la dette. Il dénonce également ceux qui veulent réformer les institutions européennes (5). Le KKE dénonce ceux qui font croire que la seule sortie de l’euro permettrait de résoudre la crise dans l’intérêt des travailleurs, imputant à tort (par sectarisme et anti-trotskysme primaire) cette position à Antarsya (6) (coalition d’extrême gauche).

    Le KKE met en avant la perspective du socialisme (« La solution pour les travailleurs, ce n’est pas un retour au passé, au protectionnisme de l’économie capitalisme au niveau national mais avancer vers le pouvoir populaire, le socialisme ») et la nécessité de sortir de l’UE et d’annuler l’ensemble de la dette. Cependant, il maintient le flou sur la nature de ce « pouvoir populaire », se gardant bien de dire qu’il peut s’agir seulement d’un gouvernement des travailleurs, en rupture avec les institutions de la bourgeoisie.

    Si certaines positions du KKE peuvent paraître séduisantes, la politique d’une organisation doit se juger sur sa pratique. Sur ce terrain-là, la nature du KKE ne fait aucun doute : il s’agit d’une organisation typiquement stalinienne qui défend l’ordre bourgeois, s’oppose à l’auto-organisation de la classe et défend la tactique des journées d’action contre la perspective de la grève générale. Malgré un langage anticapitaliste radical, le KKE est hostile au programme de la révolution ouvrière pour renverser le capitalisme grec. Il a même été jusqu’à participer à un gouvernement bourgeois avec la droite en 1989 !

    Depuis des mois, le KKE appelle à des élections anticipées, faisant croire par là même qu’il pourrait y avoir une solution dans le cadre des institutions actuelles, alors même que le rejet du système politique est tel qu’un électeur sur deux annonce son intention de s’abstenir en cas d’élections.

    Quelques jours avant les deux jours de « grève générale », le KKE avait clairement annoncé ses intentions :

    « Je tiens à préciser les points suivants: l’encerclement et le blocus du Parlement qui a été décidée par les syndicats et les autres organisations, une décision que nous soutenons, n’a rien à voir avec le fait d’empêcher des députés d’entrer au Parlement. Il a un seul but : faire qu’autant de députés possibles votent contre le projet de loi. C’est ce qui nous intéresse. Parce que si cette loi est adoptée, il y en aura d’autres. Parce que nous voulons empêcher le désespoir populaire par tous les moyens. C’est le rôle du blocus du parlement. Pour former la plus grande majorité possible pour le "NON". Et de cette façon la chute du gouvernement sera le résultat de la pression du peuple » (7).

    Autrement dit, le KKE annonçait son intention d’encercler le parlement tout en disant clairement que son but n’était pas d’empêcher le vote, et encore moins de marcher sur le parlement, mais de faire pression symboliquement de l’extérieur sur les députés. Il faisait croire que cela pouvait permettre d’obtenir qu’une majorité vote contre le plan d’austérité, voire de faire chuter le gouvernement !

    Alors que, le 19 octobre, il s’en est fallu de peu que l’assaut des manifestants sur le parlement franchisse les barrages policiers, le service d’ordre du KKE (casqué et armé de battes de base-ball) a effectivement entouré le parlement le 20 octobre et a empêché une masse de jeunes révoltés (soutenus par de moins jeunes) d’arriver au parlement. Les affrontements ont été très durs et de jeunes anarchistes ont voulu atteindre le Parlement et donc tenté de percer le cordon des nervis staliniens (notamment en envoyant des bombes incendiaires). Dans un communiqué du jeudi 20 octobre au soir (8), le KKE a stigmatisé les « anarcho-fascistes » (9) tout en n’offrant aucune perspective aux travailleurs après ces deux jours de grève. Dans une déclaration le 21 octobre (10), les staliniens attribuaient la mort du manifestant du PAME aux anarchistes alors que le rapport de l’hôpital indique bien que le manifestant est mort d’un arrêt cardiaque provoqué par l’inhalation du gaz envoyé par les flics.

    Il est clair que les staliniens ont sauvé la mise au gouvernement. Le Guardian écrit ainsi : « Si les militants du parti communiste, immensément disciplinés, n’avaient pas formé une chaîne humaine autour du Parlement, il est probable que la masse humaine bouillonnante aurait tenté de prendre d’assaut le bâtiment dès le début » (11). Non seulement ils n’ont pas cherché à marcher sur le parlement, mais ils ont collaboré étroitement avec la police (allant jusqu’à leur livrer des manifestants) pour éviter tout débordement. L’assemblée populaire de Syntagma du 21 octobre a ainsi déclaré qu’« ils [KKE] ont assuré la bonne garde du parlement et, au lieu de l’encercler, ont agi encore plus sauvagement que la police, brisant des crânes et livrant des manifestants aux forces de répression » (12).

    L’adaptation des principaux courants trotskystes aux réformistes et aux staliniens

    Position de la Tendance Marxiste Internationale (groupe La Riposte en France, courant de gauche du PCF)

    Dans un texte du 17 octobre (13), la direction de la Tendance Marxiste Internationale (TMI) déclare que la situation est sur le point de devenir révolutionnaire, mais affiche ses illusions à l’égard du KKE, en faisant croire qu’il aurait abandonné ses appels à des élections anticipées et que sa décision d’encercler le parlement est un acte fort contre le gouvernement, alors qu’il s’agit de protéger le parlement de l’assaut des travailleurs (14).

    Certes, le 20 octobre, la TMI dresse lucidement le bilan des deux jours de grève : critique des réformistes qui « refusent de soutenir et d’organiser une escalade de la lutte jusqu’à la grève politique » et nécessité d’une direction révolutionnaire « pour transformer cette vague massive de protestation en un mouvement révolutionnaire victorieux ». Et la TMI avance des perspectives intéressantes pour les travailleurs :

    « L’étape suivante, naturelle et nécessaire après cette puissante grève de 48 heures de grève générale, est d’aller vers une grève générale politique, organisée par les syndicats, avec l’élection de comités de grève sur chaque lieu de travail et la mise en place des piquets de grève, d’escadrons de défense, de fonds de grève, de soupes populaires et aussi l’élection d’un comité central de grève à l’échelle nationale avec des représentants des confédérations syndicales et des fédérations, des comités de grève et de ceux des lieux de travail où il n’y a pas de structure syndicale organisée. L’objectif devrait être la suppression immédiate de ce gouvernement, de la troïka qui est derrière lui, et l’élection d’un gouvernement qui s’engage à réaliser les demandes du mouvement, annuler la dette et instituer une économie socialiste, démocratiquement planifiée, à mettre un terme à ce système capitaliste pourri et mettre en mouvement la transformation socialiste de la société comme une étape vers la victoire du socialisme en Europe et dans le monde. »

    Mais l’incroyable apologie de l’attitude du KKE le 20 octobre réduit à néant les déclarations d’intention. Le 22 octobre, la TMI dresse des lauriers à la direction du KKE en affirmant que « les forces organisées du PAME, elles-mêmes basées sur les meilleures traditions du mouvement ouvrier, ont courageusement fait face à des provocateurs et les hooligans » (15).

    Position du Comité pour une Internationale Ouvrière (Gauche Révolutionnaire en France, courant de gauche du NPA)

    Le Comité pour une Internationale ouvrière (CIO) et son groupe Xekinima en Grèce jouent les « monsieur plus » : au lieu d’affronter les directions réformistes, ils leur demandent de multiplier les grèves de 48h (jusqu’à épuisement des travailleurs ?) (16). De façon scandaleuse, le CIO se contente de relater les affrontements entre le service d’ordre du KKE et les « anarchistes », sans prendre position. On peut d’ailleurs comprendre que le cœur penche du côté du KKE puisque les anarchistes sont mis dans le même sac que les « agents provocateurs » (quand sont relatés les affrontements avec la police).

    Position de la Ligue pour la Cinquième Internationale

    La Ligue pour la Cinquième Internationale critique l’attitude du KKE, mais considère que ceux qui les ont attaqués l’ont fait de façon disproportionnée : « Bien que le KKE se considère comme un "propriétaire" du mouvement et que de nombreux manifestants fussent en colère contre leur blocus devant le Parlement, il ne peut y avoir aucune excuse morale et politique pour les anarchistes qui ont attaqué les communistes avec des bombes incendiaires et des pierres. Le sang n’est pas de l’eau, les êtres humains ne sont pas remplaçables. » (17) C’est une position moraliste qui fait l’impasse sur le fond politique : si on considère l’attitude du KKE comme contre-révolutionnaire, nous ne pouvons qu’être solidaires des anarchistes face aux staliniens protégeant le parlement.

    Cela ne signifie pas qu’il était tactiquement juste d’attaquer le service d’ordre du KKE. Pour cela, il aurait fallu réunir deux conditions : que la masse des travailleurs souhaite en découdre avec le SO stalinien et qu’une auto-organisation suffisamment développée puisse l’affronter efficacement. Mais cela supposait tout un développement de la conscience politique et de l’expérience par les masses de ce que sont réellement les directions syndicales réformistes et les staliniens du KKE. On n’en est encore loin malgré la radicalisation et les progrès de l’auto-activité. En l’absence d’organisation révolutionnaire capable d’organiser un secteur important de la jeunesse et des travailleurs, les conditions ne sont pas encore réunies pour vaincre politiquement — et, le cas échéant, par la force — les réformistes et les staliniens. C’est pourquoi la décision des anarchistes était aventuriste.

    Lutte ouvrière est « solidaire »

    Lutte ouvrière se contente d’afficher son soutien à la mobilisation, mais, comme à son habitude, ne propose aucune perspective (18). Elle dit seulement que « les travailleurs grecs ont mille fois raison de refuser de payer une crise dont ils ne sont pas responsables ». Pas un mot sur le rôle des réformistes et des staliniens !

    Le POI dénonce les groupes de « provocateurs » mais couvrent les bureaucraties syndicales

    Dans Informations ouvrières, les envoyés spéciaux du POI relatent les deux jours de grève. C’est intéressant, factuel, mais aucune critique de la politique des directions syndicales n’est proposée aux lecteurs. Pire, les anarchistes qui ont attaqué le service d’ordre du KKE sont traités de « groupes de provocateurs ».

    Le POI nous informe que, après la grève de 48h, les dirigeants de la GSEE ont indiqué : « Nous envisageons une opposition sur le long terme, pour nous assurer que les coupes budgétaires imposées par nos créditeurs ne seront pas appliquées. » Autrement dit, ces bureaucrates renoncent à appeler à la grève générale et déclarent fièrement leur volonté de laisser pourrir le mouvement. Cela laisse stoïque le POI, qui n’a aucune politique à proposer.

    Position d’Antarsya

    Antarsya est une coalition d’extrême gauche qui regroupe notamment la section du « Secrétariat unifié de la IVe Internationale » (OKDE Spartakos) et la section de la Tendance socialiste internationale (SEK) liée au SWP britannique. De façon correcte, les dirigeants de l’OKDE (position relayée par le NPA, qui n’a pas fait de communiqué ou d’article propre) critiquent la tactique des journées d’action et mettent en avant la nécessité d’une grève générale qui bloque le pays :

    « Mais au soir du 19, la seule question à se poser était la suivante : vaut-il mieux refaire une deuxième journée calquée sur la première (l’argument étant d’encercler le Parlement avant son vote de nouvelles mesures assassines) ou décider de bloquer le pays par la grève reconductible et auto-organisée (la fermeture des magasins induisant l’idée du ravitaillement en cas de grève durable) ? Mais telle n’était évidemment pas la volonté des bureaucraties syndicales ou de PAME ! » (19)

    Ils critiquent également l’attitude du KKE lors de la journée du 20 octobre :

    « Il est sûr que l’attitude du KKE en garant de la démocratie bourgeoise ne pouvait que faire réagir bien des manifestantEs qui aimeraient justement faire tomber au plus vite cet outrage à la démocratie que représente le gouvernement Papandréou. »

    De façon très juste, le dernier communiqué de l’OKDE (20) met clairement en avant la nécessité d’un gouvernement ouvrier révolutionnaire pour sortir de la crise.


    1) On pourra consulter un site en anglais qui liste et actualise ces grèves : http://livingingreece.gr/strikes/

    2) http://www.lesechos.fr/economie-politique/monde/actu/0201705526191-grece-les-membres-europeens-de-la-troika-rendent-un-projet-de-rapport-au-ton-alarmant-237029.php?xtor=RSS-2053

    3) http://www.publicissue.gr/en/category/indices/

    4) Les envoyés spéciaux du POI à Athènes indiquent que plusieurs magasins avaient affiché le texte : « Nous fermons aujourd’hui pour ne pas fermer pour toujours » (Informations ouvrières, semaine du 27 octobre au 2 novembre, http://www.luttedeclasse.org/tribune/IO172_2.pdf).

    5) « Les positions de Synapsismos [principale composante de Syriza] et du Parti de la gauche européenne (PGE) [qui regroupe les principaux partis "communistes" européens] concernant la division de la dette publique entre une partie légitime et une autre illégitime ainsi que sur la possibilité d’une transformation de l’UE dans les intérêts du peuple sont lourdement erronées. Ces positions laissent la porte ouverte à ce que le peuple paye la crise et la plus grosse partie de la dette publique "légitime" dont il n’est aucunement responsable. Les positions concernant une transformation dans les intérêts du peuple de l’UE et une fédération européenne dissimulent le contenu de classe qui est objectivement celui de l’alliance inter-étatique impérialiste qu’est l’UE. Indépendamment de la forme que l’UE prendra, sa stratégie réactionnaire contre les travailleurs et son engagement dans les interventions et guerres impérialistes ne changeront pas. » (http://fr.kke.gr/news/news2011/2011-09-20-crise)

    6) « Diverses fractions de Syriza et d’Antarsya défendent la sortie de la zone euro et l’annulation de la dette, en laissant intact le pouvoir du capital, comme une solution favorable au peuple et un point d’appui pour un rassemblement anti-capitaliste. En outre, certaines forces "nationales-patriotiques" parlent de laisser tomber la zone euro et de rester dans l’UE. Ainsi, la hausse de la dette publique et l’entrée dans la zone euro sont présentées de façon trompeuse comme les principales causes de l’offensive contre le peuple. Or, la casse des droits des travailleurs à la fois dans les États de la zone euro, tels que la Suède et la Grande-Bretagne, et dans une Allemagne qui n’est pourtant pas lourdement endettée prouve que le principal responsable est la voie capitaliste de développement dans son ensemble. La ligne de lutte que le courant opportuniste défend est en fait une forme alternative de gestion dans le cadre du système, ce qui – dans le meilleur des cas – peur contribuer à une relance temporaire de la rentabilité capitaliste. Néanmoins, même si la restauration d’un taux de croissance capitaliste plus élevé est réalisée, cela n’ira pas de pair avec l’amélioration des conditions populaires, mais cela ira au contraire contre elles. Les exemples de l’Argentine et de l’Équateur prouvent que la cessation des paiements et la dévaluation monétaire ont été suivis de nouveaux sacrifices pour les travailleurs afin de renforcer la compétitivité de l’économie et de stimuler les exportations. »

    7) http://inter.kke.gr/News/news2011/2011-10-18-apergia1 (traduit par nous).

    8) http://inter.kke.gr/News/news2011/2011-10-202mera/

    9) Déjà en 1973, le KKE dénonçait comme « provocateurs » les étudiants qui occupaient l’école polytechnique, symbole de la lutte contre la dictature.

    10)0 http://inter.kke.gr/News/news2011/2011-10-21-murdenous-attach

    11) http://www.guardian.co.uk/business/blog/2011/oct/19/european-debt-crisis-shares-rally

    12) http://www.ventlibertaire33.com/article-resolution-de-l-assemblee-populaire-de-la-place-syntagma-87163165.html

    13) http://www.marxist.com/greece-situation-becoming-revolutionary.htm

    14) « La direction stalinienne du KKE pour la première fois, et après la pression des travailleurs, a abandonné ses appels à des élections anticipées et a, au contraire, décidé d’organiser un encerclement spectaculaire sur le bâtiment du Parlement ce jeudi. L’occupation de la zone en face du bâtiment du Parlement que nous avons vu au cours de l’été à l’initiative de l’Assemblée populaire de la place Syntagma avait un caractère spontané et amateur. Un encerclement organisé par le PAME (fraction du KKE à l’intérieur des syndicats) et le KKE sera totalement différente. Il sera organisé avec la participation de "bataillons lourds" de la classe ouvrière, les ouvriers du bâtiment, les ouvriers des chantiers navals, etc. Cela signifie que le conflit cette fois-ci impliquera un nombre beaucoup plus grand et sera également beaucoup plus organisé. »

    15) http://www.marxist.com/greece-fist-death-millions-in-struggle.htm

    16) http://www.socialistworld.net/doc/5360

    17) http://www.fifthinternational.org/content/greece-october-20-second-day-48h-general-strike-clashes-between-demonstrators (traduit par nous)

    18) http://www.lutte-ouvriere.org/notre-actualite/communiques-44/article/vive-la-lutte-des-travailleurs-17232

    19) http://www.npa2009.org/content/gr%C3%A8ce-la-mobilisation-monte-d%E2%80%99un-cran%E2%80%89

    20) http://okde.org/keimena/OKDE_271011.pdf

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    Inflation : la comprendre, la combattre

    Dans ce nouvel épisode, on revient avec Gaston Lefranc, économiste et militant de la TC, sur la poussée inflationniste qui touche les grands centres de l'accumulation capitaliste depuis la guerre en Ukraine. On analyse la structure de l'inflation en France, on présente les principales théories économiques de l'inflation et on essaie d'en proposer une analyse marxiste, qui reconnaît notamment dans la baisse des gains de productivité les racines structurelles de la dynamique inflationniste. L'inflation est encore une façon de faire payer aux travailleurs/ses la crise du capitalisme : on envisage donc pour finir certaines réponses politiques par lesquelles ces derniers/dernières peuvent se défendre contre cette nouvelle offensive.

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    Economie

    Elections en Argentine : du peso au dollar ?

    Les Argentins voteront aujourd’hui aux élections législatives, les deux partis traditionnels étant affaiblis par la succession de multiples crises économiques et défiés par un outsider libertarien, Javier Milei.

    L’actuel président Alberto Fernández, du mouvement péroniste de centre-gauche, a choisi de ne pas se présenter à l’élection présidentielle après près de quatre ans au pouvoir. L’ancienne présidente et actuelle vice-présidente Cristina Fernández de Kirchner, leader de l’aile gauche la plus radicale du péronisme, est également absente du scrutin. Au lieu de cela, le candidat péroniste est le ministre de l’Economie Sergio Massa qui est positionné à droite.
     

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    International

    Les élections législatives en Grèce et la faillite de Syriza

    Les élections législatives grecques du 21 mai ont été largement remportées par le parti de droite Néa Demokratía (Nouvelle Démocratie). Pour l’opposition, en particulier pour Syriza, la défaite est cinglante. ND arrive largement en tête en recueillant 40,79% des suffrages, soit plus du double de Syriza, qui n’obtient que 20,07%. Le parti de Mitsotákis manque de peu la majorité absolue (146 sièges obtenus sur les 151 requis). Les sondages prédisaient certes la victoire de ND, mais pas un tel triomphe : la quasi-totalité des enquêtes évoquaient un écart de moins de 10 points entre les deux partis, avec ND entre 32% et 36%, et Syriza entre 25% et 33%.

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