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Espagne (Tribune libre) : 4 millions de chômeurs ! Assez de licenciements et de chômage ! Grève générale de 24h et plan de lutte national ! L’UGT et les CCOO doivent rompre leur pacte social avec le gouvernement et le patronat !
Nous publions ci-dessous l’éditorial de Contra la Corriente, le bulletin du groupe Clase contra Clase, section espagnole de la FT-QI (Fraction Trotskyste–Quatrième Internationale).
La barre des 4 millions de chômeurs vient d’être franchie, soit 17,36% de la population active et on se dirige vers les 5 millions. Cela rend obsolète les prévisions du gouvernement (15,9%), de la commission européenne (16,1%) et même du FMI (17,7%) : personne ne s’attendait à une chiffre si catastrophique, même pour la fin de l’année. Cette situation montre clairement que l’État espagnol est entrain d’entrer dans une crise historique, que l’on commence déjà à comparer avec l’une des plus graves connues par un pays d’Europe occidentale au siècle dernier.
Les plus de 800 000 licenciements au premier trimestre ont laissé sans effet le ballon d’oxygène que Zapatero (premier ministre, dirigeant du Parti Socialiste Ouvrier Espagnol, PSOE) voulait se donner avec son remaniement ministériel, a rendu la crise gouvernemental encore plus aiguë et a aggravé l’affrontement avec le PP (Parti Populaire, principal parti de la droite en Espagne). Le remplacement des ministres les plus usés (Solbes, Magdalena Alvarez et la rétrogradation de Garmendia) para d’autres, ayant un profil plus politique, n’était pas une simple opération de maquillage. C’était aussi une confirmation de la stratégie « socialiste » pour sortir de la crise : elle repose sur l’accroissement galopant de la dette publique et sur l’idée d’adapter le rythme des attaques directes contre la classe ouvrière pour qu’il soit compatible avec la collaboration de la bureaucratie syndicale. L’échec de cette stratégie pour d’autres secteurs de la bourgeoisie, regrouper derrière le PP, mais aussi au sein même du PSOE (comme c’est le cas du gouverneur de la Banque d’Espagne), qui sont pour contenir les dépenses publiques et lancer un ensemble de mesures d’ajustement sur le marché du travail, les retraites, etc, renforce les tendances à la crise du régime. Ce dernier a été imposé par la Transition, une contre-révolution démocratique qui a permis à la monarchie de se maintenir, a préservé l’appareil de répression franquiste et a mis en place progressivement une démocratie parlementaire organisée autour de deux grands partis patronaux.
Alors que plus d’un million de familles ont tous leurs membres au chômages, alors qu’un nombre similaire de chômeurs ne touchent aucune allocation, alors qu’un presque 100 000 familles ont perdu leur logement l’année dernière, que fait le gouvernement ? Il continue à faire des milliards de cadeaux aux grands banquiers, aux entreprises les plus importantes et à celles du secteur de la construction.
Alors que le fouet du chômage de masse et la politique criminelle de la bureaucratie syndicale ont empêché jusqu’à maintenant une riposte d’ensemble des travailleurs, la grogne sociale s’accroît et s’est exprimée dans des manifestations, comme celles convoquées par les CCOO (les Commissions Ouvrières, l’une des deux principales centrales syndicales en Espagne, comptant environ 1 million de syndiqués) et l’UGT (l’Union Générale des Travailleurs, l’autre grande centrale syndicale, comptant elle aussi environ 1 million de syndiqués) à Saragosse, à Barcelone et plus encore dans la lutte contre le plan Bologne, les manifestations contre la LEC catalane (la loi d’éducation catalane) ou contre la répression déployée par la Tripartit (nom du gouvernement de la Généralité de Catalogne, composé par trois partis, le PSC (Parti Socialiste de Catalogne), l’ERC (la Gauche Républicaine Catalane) et ICV-IU i A (Initiative pour une Catalogne Verte et Gauche Unie et Alternative)) contre les étudiants. Cette dernière lutte a été très particulière, car les gens sortaient sur les balcons, applaudissaient, frappaient sur des casseroles et saluaient les jeunes en lutte contre la privatisation.
Si pour le moment le gouvernement a principalement recours à un pacte avec la bureaucratie syndicale pour faire retomber la crise sur le dos des travailleurs, il a également fait preuve d’un autre talent. La répression contre les étudiants de Barcelone en lutte contre le plan Bologne n’a pas été un excès de Mossos catalans (de la police de la Généralité de Catalogne). Bien au contraire. Le PSOE et ses alliés « de gauche » cherchent à intimider l’avant-garde et à faire peur de tous ceux qui voudraient se joindre à la lutte.
Les politiques contre les immigrés sont encore plus dangereuses. La campagne de persécution et de déportations et les interventions de la bureaucratie syndicale exigeant l’arrêt des flux migratoires terrorisent la fraction de la classe ouvrière qui souffre le plus fortement du chômage (avec près de 30% de chômage) et préparent le terrain pour les idées racistes et xénophobes. La division des rangs ouvriers entre les nationaux et les étrangers va être exploitée à l’avenir par le gouvernement et le patronat pour faire passer ses plans.
Une grève générale de 24h est nécessaire
Même si, en s’opposant aux propositions du patronat (pour rendre les licenciements moins coûteux, pour mettre en place un contrat unique précaire, privatisations des retraites), la bureaucratie syndicale cherche à se donner un profil « de gauche », son rôle véritable est clairement de gérer la crise provoquée par les patrons. Elle n’a rien eu d’autre à proposer aux 4 millions de chômeurs que la poursuite de sa politique de dialogue et de paix sociale, en demandant simplement l’intégration des Communautés Autonomes au nouveau schéma de discussion. Face au discrédit de ces pseudo-négociations pour des centaines de milliers de travailleurs, Toxo (secrétaire général des CCOO) et Méndez (secrétaire général de l’UGT) veulent maquiller d’une nouvelle manière la table des négociations.
Pour le moment, ils n’ont appelé qu’à quelques manifestations isolées, annoncées dans la presse, à Saragosse, à Barcelone et dans quelques autres villes. Les différentes luttes contre les ERE,s (littéralement « dossiers de régulation de l’emploi », c’est-à-dire des plans pouvant inclure du chômage partiel, des licenciements et d’autres mesures contre les travailleurs, plans qui doivent recevoir l’aval du gouvernement) et les licenciements sont dirigées vers la négociation d’indemnités au lieu de lutter pour imposer le mot d’ordre « pas un seul licenciement ». En outre, Méndez et Toxo proposent un plan répondant véritablement aux besoins des capitalistes, en exigeant plus d’aides pour le patronat et un plan de travaux publics au service des grandes entreprises du BTP, c’est-à-dire prenant en charge les investissements que la bourgeoisie espagnole n’a pas voulu financer avec ses profits des dernières années. C’est à l’opposé de la lutte pour un plan de travaux publics conforme aux besoins des travailleurs et accompli sous leur contrôle permettant de satisfaire les besoins dans le domaine de la santé, de l’éducation et des autres services. Les millions d’argent public offerts aux patrons ne servent qu’à leur permettre de se sauver eux-mêmes et à préparer le paiement des licenciements actuels et futurs, c’est-à-dire à nous condamner.
Comme si tout cela ne suffisait, ces dirigeants prétendent qu’il ne faut pas appeler à une grève générale de 24h dans l’État Espagnol. Le secrétaire à l’organisation et à la communication de l’UGT , Jose Antonio Cubillo, déclarait à El Pais le dimanche 26/04/09 que « le syndicat n’appellera à aucune grève pour ‘affaiblir le gouvernement central’ alors que celui-ci est ‘le meilleur allié des travailleurs’ ». Nous devons imposer à la CGT et aux CCOO la rupture de la paix sociale qu’elles maintiennent avec ce gouvernement anti-ouvrier et l’appel à une grève générale de 24h pour arrêter ces attaques. Un tel appel à une grève générale de 24h serait le premier pas pour lancer un plan de lutte avec des mobilisations, des meetings et des actions de luttes dans toutes les villes de l’État espagnol, afin de garantir que cela ne soit pas une journée de protestation sans lendemain.
L’initiative prise par ELA et LAB (centrales syndicales nationalistes basques) en Euskadi (Pays Basque) d’appeler à une grève générale de 24h le 21 mai, doit servir d’exemple pour commencer à mettre en avant une orientation alternative à la politique criminelle de paix sociale. Il faut exiger publiquement que les CCOO et l’UGT se joignent à cet appel à une journée de lutte au Pays Basque et qu’elles l’étendent à tout le pays. Pour que la grève soit effective, il est nécessaire de reconstruire l’unité des travailleurs dans les usines. Afin d’atteindre cet objectif, il est crucial d’appeler à des Assemblées Générales rassemblant tous les travailleurs (qu’ils soient syndiqués ou non, qu’ils aient un poste fixe ou un CDD, qu’ils soient nationaux ou étrangers…), où l’on puisse discuter de la manière d’en finir avec la politique criminelle de la bureaucratie syndicale.
Les syndicats alternatifs, comme la CGT (centrale syndicale issue d’une scission avec la CNT et toujours marquée par la tradition anarcho-syndicaliste) et les Intersyndicales peuvent jouer un rôle clé dans cette situation, en impulsant une campagne dans les usines et sur les lieux de travail qui donne une réponse au chômage et à la crise. La CGT de Catalgone co-dirige avec ACTUB à TMB (compagnie de bus de Barcelone), est majoritaire dans le métro de Barcelone, etc. L’intersyndicale a un poids important parmi les professeurs et les fonctionnaires. Dans les Asturies, la CSI (Courant Syndical de Gauche) dirige les chantiers navals de Gijon, en Andalousie le SAT (Syndicat Andalou des Travailleurs) a une grande influence parmi les salariés agricoles, à Saragosse la CGT a une implantation chez Opel et dans la métallurgie et l’Intersyndicale dirige le syndicat des transports urbains, la STE’s (Syndicat des Travailleuses et Travailleurs de l’Enseignement) ont une forte implantation chez les employés de l’État avec une forte présence dans quelques régions comme les Canaries, la Catalogne, Madrid ou les Asturies. Ces syndicats pourraient appeler à une réunion de comités d’entreprise, de sections syndicales d’entreprises en lutte et de militants pour réorganiser l’opposition ouvrière à la bureaucratie qui dirige les CCOO et l’UGT et essayer d’imposer la grève générale de 24h par en bas avec des assemblées et des mobilisations. Les organisations étudiantes et les coordinations des assemblées à la tête la lutte contre le plan Bologne peuvent aussi jouer un rôle actif dans cette campagne pour une grève générale de 24h.
Pour un programme ouvrier d’urgence
Il faut mettre en avant un programme ouvrier d’urgence face aux attaques capitalistes :
- Non au ERE’s et assez de licenciements ! Il faut imposer aux dirigeants syndicaux de CCOO et UGT de ne signer aucun ERE et de lutter contre tout licenciement ! Nous ne pouvons pas rester les bras croisés face au licenciement de l’un de nos camarades.
- Contre l’augmentation du chômage qui atteint 4 millions, si l’on en croit les statistiques du gouvernement, il faut lutter pour la répartition des heures de travail entre tous sans baisse de salaire jusqu’à en finir avec le chômage. L’argent pour payer les salaires doit être pris sur les millions d’euros qu’ont gagnés les patrons pendant la dernière décennie et non des aides de l’État au patronat.
- Face aux fermetures d’entreprises, nous devons lutter pour l’occupation et la relance de la production, tout en se battant pour sa nationalisation sous contrôle des travailleurs.
- Contre les expulsions de logements, qui augmentent de jour en jour, il faut mettre en avant le mot d’ordre de « pas une expulsion ! », ainsi qu’exiger que tous les intérêts sur les hypothèques soient annulés et que les mensualités de remboursement ne dépassent pas 15% du salaire. En même temps, nous devons lutter pour la nationalisation du sol, des entreprises de BTP et des logements des spéculateurs, afin d’assurer aux travailleurs des logements à louer qui ne coûtent pas plus de 10% du salaire. Il faut également se battre parmi les travailleurs de la construction et les associations d’habitants des quartiers populaires pour un plan de travaux publics au service des travailleurs et du peuple, c’est-à-dire consiste en des hôpitaux, des garderies, des écoles, des centres sportifs, etc. et non des constructions somptuaires (comme celles pour l’Exposition Universelle) ou des investissements d’infrastructures orientés vers la satisfaction des besoins des patrons. Ces plans publics doivent être financés sur la base d’impôts sur les grandes fortunes et les entreprises les plus importantes.
- En même temps, il faut combattre les tentatives de diviser nos rangs en luttant pour le passage en CDI de tous les CDD et intérimaires, pour la régularisation de tous les immigrants et contre la persécution ainsi que les expulsions dont sont victimes les travailleurs étrangers.
Il nous faut adopter un programme d’urgence comme celui-ci, si nous ne voulons pas que la crise retombe sur notre dos avec une baisse significative de nos conditions de vie. Nous ne devons rien attendre du PSOE ou du PP, ni des alliés « de gauche » de Zapatero, c’est-à-dire de ceux-là même qui ont dirigé la répression contre les étudiants en Catalogne. La lutte pour un programme ouvrier d’urgence fait partie de la lutte pour un gouvernement ouvrier et populaire par lequel les travailleurs donneraient des solutions à leurs propres problèmes et à ceux des autres secteurs comme ceux des travailleurs indépendants, classes moyennes ruinées, des petits commerçants. Un tel gouvernement est le seul capable de changer l’État espagnol à la racine, en expropriant les grandes banques et les entreprises capitalistes qui dominent l’État, seule façon d’en finir avec l’anarchie et la misère capitaliste qui se manifeste aujourd’hui avec tant de férocité.