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Grève générale en Guadeloupe et en Martinique
Contribution de la Tendance CLAIRE du NPA (2 mars 2009)
Le MEDEF refuse de céder, mais Sarkozy essaie de mettre fin à la grève générale par quelques concessions, car il n’a pas réussi à la briser et il craint son extension en France
C’est le moment de se battre pour la grève générale en France !
Les travailleurs d’ici soutiennent les grèves générales antillaises, car leurs revendications convergent et leurs principaux ennemis sont les mêmes : le MEDEF et Sarkozy !
Comme en Guadeloupe et en Martinique, les directions du mouvement ouvrier en France doivent établir une plate-forme revendicative unifiante, préparer et appeler dans les plus brefs délais à la grève générale, seule solution pour que soient satisfaites les revendications d’ici et des colonies, tout en empêchant la répression
En Guadeloupe et Martinique, il appartient aux grévistes de décider des suites de la grève. Mais l’attitude du MEDEF et de Sarkozy prouve que la véritable satisfaction de leurs revendications est impossible sans radicalisation de la lutte : la responsabilité du LKP et du Mouvement du 5 février est d’appeler les travailleurs à occuper les entreprises, à prendre eux-mêmes le contrôle de la production et à constituer partout des comités de grève élisant des délégués mandatés et révocables pour un comité central de grève !
Alors que l’État français colonialiste est discrédité, le LKP et le Mouvement du 5 février ont la confiance des masses : ils sont légitimes pour se porter candidats au pouvoir, pour faire des gouvernements au service des travailleurs, appuyés sur la mobilisation, expropriant sans indemnités ni rachat les grandes entreprises, assurant le droit à l’autodétermination !
La grève générale de six semaines en Guadeloupe et de quatre semaines en Martinique est une leçon pour tous les travailleurs. Elle repose sur la combativité des travailleurs sous la direction du LKP et du Collectif du 5 février, fronts d’organisations syndicales, politiques et culturelles. La grève générale s’est développée et maintenue grâce à des piquets de grève nombreux et bien organisés, permettant la paralysie totale de l’activité, des marches de grévistes allant convaincre les autres travailleurs et de nombreuses manifestations massives (1).
Le gouvernement et le patronat, l’UMP et le PS s’efforcent par tous les moyens d’en finir avec la grève générale
Après avoir tenté de privilégier l’arme de la répression contre les travailleurs guadeloupéens les 16 et 17 février, l’État colonial français a dû reculer temporairement face au renforcement de la grève générale, à la multiplication des barrages routiers, à la riposte armée des jeunes, qui menaçait de faire exploser la situation, et à la mort d’un syndicaliste tué par balles dans des conditions encore obscures, dont le gouvernement français porte la responsabilité.
Sarkozy est intervenu en personne le 18 au soir pour annoncer la reprise des négociations avec le LKP. Si cela a permis de désamorcer provisoirement le risque d’une explosion généralisée, ce n’est en aucun cas une solution : aujourd’hui encore, le MEDEF refuse toujours de céder quoi que ce soit, tandis que le gouvernement, s’appuyant sur une partie du petit et du moyen patronat, essaie de mettre fin à la grève générale tout en préservant les intérêts des capitalistes. Certes, la proposition d’accord est d’augmenter les salaires de 200 euros pour ceux compris entre 1 et 1,4 fois le SMIC (soit 45 0000 — la majorité — des salariés), de 6% pour les salaires compris entre 1,4 et 1,6 fois le SMIC et de 3% pour les salaires supérieurs). Mais, pendant trois ans, les patrons ne paieront qu’une part mineure de ces augmentations (50 euros par salarié) : les collectivités territoriales financeront 50 euros supplémentaires par des cadeaux fiscaux aux patrons et l’État prendra en charge les 100 euros restants par des exonérations de « charges », donc sur le dos de la Sécurité sociale. L’accord en cours en Martinique a un contenu analogue. De plus, en Guadeloupe, le projet d’accord n’est signé que par une minorité de patrons, employant environ 17 000 salariés sur 85 000, car le MEDEF et la CGPME le refusent ! Le LKP a donné son accord de principe, mais les négociations avec le préfet et les patrons se poursuivent : c’est pourquoi il appelle à la poursuite de la grève générale, en exigeant l’extension de l’accord aux autres salariés et en annonçant sa volonté d’aller d’entreprise en entreprise pour imposer aux patrons de signer. En Martinique, le Collectif du 5 février se divise entre ceux qui veulent signer tout de suite et ceux qui veulent continuer la grève ou en tout cas consulter les grévistes…
Le MEDEF reste ferme car il sait qu’une vraie victoire des travailleurs antillais ouvrirait la voie à une radicalisation de la mobilisation dans les autres colonies et en France même. Le gouvernement, quant à lui, essaie de briser la grève générale en divisant les grévistes et essaie de donner du grain à moudre au LKP pour qu’il appelle à la reprise du travail des salariés couverts par l’accord, puis secteur par secteur. Le gouvernement espère ainsi préparer l’« opinion publique » à accepter la répression contre les militants du LKP qui veulent aller d’entreprise en entreprise chercher la signature des patrons : le préfet a annoncé le déploiement de gendarmes mobiles pour les empêcher d’entrer dans les entreprises, ce qui annonce des affrontements violents. Cette fermeté du patronat et du gouvernement est fondée sur leur analyse lucide de la situation en France. En effet, les travailleurs se sont puissamment mobilisés le 29 janvier, la grève reconductible des enseignants-chercheurs dure depuis le 2 février et est rejointe par un nombre croissant d’étudiants qui commencent à bloquer les universités, la mobilisation des hospitaliers contre la loi Bachelot promet d’être puissante le 5 mars et la colère des travailleurs monte dans tout le pays, comme en témoignent, selon les sondages eux-mêmes, les 78% de la population de France qui soutiennent la grève antillaise — et même 90% des sympathisants de gauche. En un mot, une véritable défaite du patronat et du gouvernement en Guadeloupe et en Martinique ferait surgir très concrètement le spectre d’une grève générale qui toucherait au cœur le capitalisme français et aurait dès lors, au moment où le monde s’enfonce dans une crise de plus en plus violente, d’énormes conséquences internationales. Mais, s’ils ne trouvent aucun accord avec le LKP et le Collectif du 5 février, ils prennent le risque d’un durcissement de la grève générale, car les travailleurs ne peuvent pas accepter d’avoir fait quatre à six semaines de grève générale pour rien. Or, plus la grève dure, plus le risque de contagion à la France est grand, malgré la politique délibérée des directions syndicales pour laisser nos frères des Antilles isolés en repoussant la prochaine journée d’action au 19 mars et en ne lui donnant aucune perspective.
C’est cette situation extrêmement dangereuse pour la bourgeoisie française qui explique la fébrilité et les divisions mêmes du patronat et du gouvernement, mais aussi l’intervention d’une Ségolène Royal exigeant (de façon si peu habituelle !) que le patronat guadeloupéen octroie les 200 euros d’augmentation pour les salaires les plus bas (le président du MEDEF guadeloupéen a failli s’en étrangler de rage, lui demandant de « se casser »). Le PS, en effet, dirige la « région » Guadeloupe et a donc bien conscience que la poursuite de la grève générale risquerait de mettre en cause son propre pouvoir, identifié à juste titre par les travailleurs et le peuple comme une simple variante « de gauche » de la politique coloniale mise en œuvre depuis toujours par l’État français (2). De plus, le PS représente ce secteur de la bourgeoisie qui, pour éviter la grève générale en France et sauver le capitalisme, demande à Sarkozy d’appliquer son prétendu « plan de relance » en faisant un peu plus de concessions aux travailleurs et un peu moins aux banques. Son soutien aux revendications salariales des travailleurs les plus pauvres ne relève donc que d’une divergence tactique avec Sarkozy.
La résistance du patronat et de l’État colonial à six semaines de grève générale montre que les travailleurs ne peuvent remporter une véritable victoire qu’en radicalisant la grève et en commençant à poser la question du pouvoir
L’intervention du PS montre donc bien, à sa façon, que c’est bien la question du pouvoir qui commence à se poser en Guadeloupe et en Martinique. En effet, le mépris dont a fait preuve Sarkozy depuis le début de la grève générale, son refus de satisfaire les revendications et le début de la répression policière ont achevé de discréditer l’État français. La légitimité de l’État colonial, ouvertement au service des patrons et des « békés », est déjà contestée depuis longtemps par une partie importante des travailleurs et du peuple, comme le prouve depuis des années le succès de l’UGTG, syndicat indépendantiste, et des organisations autonomistes ; mais il était parvenu à entretenir jusqu’à présent l’illusion d’un lien entre sa présence et les acquis sociaux dont bénéficient les travailleurs des colonies — alors que ces acquis ont en réalité été imposés à la bourgeoisie et à son État par la lutte de classe en France et dans les colonies, notamment de l’après-Seconde Guerre mondiale — les travailleurs des colonies y ayant sans doute perdu le plus de sang. Or, en démantelant les acquis sociaux depuis des années, en laissant se développer un chômage et une misère considérables dans les colonies, en refusant aujourd’hui de satisfaire des revendications élémentaires, l’État français achève de se discréditer totalement et de déchirer le voile « républicain » qui masquait sa tutelle coloniale.
De plus, si les dirigeants réformistes du LKP et du Collectif du 5 février ont conçu la grève générale comme une grève essentiellement économique, centrée avant tout sur les revendications immédiates, la profondeur, la durée et la dynamique de la grève tendent à déborder ce cadre trop étroit. En particulier, les grévistes sont obligés, pour limiter les privations des masses et ne pas perdre leur soutien, de décider au cas par cas la production et la distribution de certains biens et services, notamment de l’essence, du gaz, de l’électricité… C’est donc la logique de la production et de la distribution contrôlées par les travailleurs eux-mêmes qui est en train de se faire jour spontanément. De même, les marches grévistes et les piquets de grève organisés d’une main de fer par les dirigeants et cadres du LKP et du Collectif du 5 février incluent par eux-mêmes une logique d’auto-organisation, même si les dirigeants font tout pour éviter le débordement du cadre qu’ils ont fixé.
En effet, les principaux dirigeants du LKP et du Collectif du 5 février sont combatifs, mais non moins réformistes (3) . C’est pourquoi ils cherchent une « sortie de crise » a minima. Les travailleurs et le peuple de Guadeloupe et de Martinique accepteront-ils de mettre fin à une puissante grève générale de quatre à six semaines pour un résultat aussi maigre ? C’est à eux de le décider, mais rien n’est moins sûr, comme l’ont montré les 17-18/02 les premiers débordements par les jeunes et certains grévistes du cadre fixé par le LKP, les émeutes en Martinique le 26/02 ou les 30 000 manifestants qui, réunis le 1er mars à Pointe-à-Pitre pour entendre les dirigeants du LKP, ont exercé une pression telle que ceux-ci n’ont pas pu annoncer leur signature de l’accord sans garanties du préfet. De plus, l’appel à la grève générale sur l’île de la Réunion pour le 5 mars, qui sera massivement suivie, ouvre la possibilité d’une reconduction qui pourrait suivre la voie antillaise, débordant le cadre sans perspective fixé par les dirigeants du front réunionnais. Et, en France même, les travailleurs sont de plus en plus nombreux à vouloir leur emboîter le pas…
En Guadeloupe et en Martinique, la preuve est faite désormais que la véritable satisfaction des revendications est impossible sans radicalisation. En effet, le refus de céder du MEDEF et du gouvernement montre mieux que de longs discours l’impasse du réformisme : même une grève générale de six semaines ne suffit pas pour imposer la satisfaction des revendications les plus élémentaires ! Il appartiendra aux travailleurs de décider la poursuite ou non de la grève si le LKP et le Collectif du 5 février appellent à la reprise du travail. Mais il est clair que la seule façon de gagner vraiment est d’aller plus loin, de radicaliser la grève générale et l’auto-organisation. C’est pourquoi il faut, en s’appuyant sur la puissance même de la grève générale, proposer aux travailleurs de continuer, mais sur la base d’un nouveau plan de lutte, avec de nouvelles méthodes et en exigeant des directions du LKP et du Collectif du 5 février qu’elles les reprennent et les mettent en œuvre :
- Pour la mise en place d’Assemblées générales dans toutes les entreprises en grève, élire des comités de grève et les fédérer à tous les niveaux, par des délégués mandatés et révocables (syndiqués ou non par ailleurs), jusqu’à un Comité central de grève réalisant la démocratie ouvrière combattante. C’est la condition pour que les grévistes puissent contrôler leur propre grève, décider eux-mêmes ce qu’ils sont prêts à accepter de la part de l’État et du patronat et notamment comment ils vont poursuivre leur mouvement, qui ne doit de toute façon pas s’arrêter car la plupart des revendications ne seront évidemment pas satisfaites par le patronat et Sarkozy.
- Pour que les AG et les comités décident d’occuper les entreprises et de les faire fonctionner eux-mêmes pour satisfaire les besoins de la population, en décidant ce qui doit être produit et distribué et comment cela doit l’être. C’est la condition pour empêcher le pourrissement de la grève générale, garder le soutien de la population et développer le sens ultime, révolutionnaire, de l’auto-organisation.
- Pour combattre de façon centrale pour le retrait de toutes les forces de répression de l’État français, dont la présence même est une menace pour toute poursuite du mouvement. Pour leur faire face, les travailleurs et le peuple en lutte ne peuvent compter que sur eux-mêmes et doivent donc développer les moyens de leur autodéfense : c’est la seule solution pour imposer collectivement un rapport de forces dissuasif aux forces de répression, pour éviter le piège d’initiatives isolées et pour limiter les effets incontrôlables de la profusion des armes de contrebande, innombrables dans les Antilles.
Il n’y a pas d’autre solution pour que la grève générale se poursuive et se revigore, en débordant le cadre du réformisme et en évitant le piège de la division tendu par le gouvernement. C’est ce que les révolutionnaires doivent expliquer aux travailleurs, en toute indépendance à l’égard des dirigeants réformistes qui veulent mettre fin à la grève alors que les revendications ne sont pas satisfaites. C’est ce que devraient dire clairement, en particulier, les dirigeants de Combat ouvrier, groupe lié à LO et qui joue un rôle dirigeant dans la CGTG, ceux du CERCASOL et du GRS (liés au NPA) et ceux de Travayé é Péyizan et de l’Alliance ouvrière et paysanne (liés au POI et occupant des postes importants dans plusieurs syndicats, dont FO et l’UGTG). En même temps, la situation montre elle-même clairement qu’une grève générale ne suffit pas, mais se heurte à la question centrale du pouvoir politique. Face à l’État colonial français et à ses valets de l’UMP et du PS, qui ont toujours servi les « Békés » et tous les gros patrons des Antilles, il n’y aura en dernière analyse pas d’autre solution que la prise du pouvoir par les travailleurs eux-mêmes. À ce stade, les travailleurs antillais ne formulent pas encore consciemment cet objectif, mais ils vomissent depuis longtemps le pouvoir colonial, l’UMP et le PS et font confiance au LKP en Guadeloupe et au Collectif du 5 février en Martinique. C’est pourquoi il est légitime d’exiger des dirigeants ouvriers de ces fronts qu’ils se déclarent candidats au pouvoir et se battent pour constituer un gouvernement provisoire alternatif à celui, discrédité, de l’État français, de ses forces de répression, de ses préfets, de ses conseils régionaux et généraux et de tous ses représentants.
Cela provoquerait évidemment la rupture avec les partis ouvertement bourgeois qui participent à ces fronts, mais qui sont marginaux. Mais la majorité des travailleurs et du peuple appuieraient un tel gouvernement pour la satisfaction de leurs revendications sociales et démocratiques. Ce gouvernement aurait à exproprier sans indemnités ni rachat les grandes entreprises et les grandes fortunes des Békés, à centraliser la planification de la production et de la distribution contrôlées par les travailleurs eux-mêmes. Pour mobiliser toutes les catégories de travailleurs (ouvriers et employés du privé et du public, mais aussi petits paysans, commerçants et artisans, étudiants…) et pour assurer le droit à l’autodétermination du peuple guadeloupéen opprimé depuis des siècles par l’État français colonial, un tel gouvernement aurait à convoquer une Assemblée constituante des travailleurs et du peuple opprimé, qui décideraient ainsi librement du statut du pays, de ses structures, de ses lois, et notamment de la redéfinition radicale, sur une base égalitaire, de ses liens avec la France. Il établirait librement les relations qu’il jugerait utiles avec les pays voisins, notamment Cuba et les autres îles des Caraïbes, le Venezuela et les pays d’Amérique centrale. Enfin, un tel gouvernement devrait s’adresser aux travailleurs et aux peuples des autres colonies et aux travailleurs de France même pour les appeler à le soutenir et engager la même lutte contre l’État français.
Pour soutenir la lutte des travailleurs des Antilles et pour nos propres revendications, combattons pour l’extension de la grève générale en France
Mais il ne s’agit évidemment pas d’attendre ou de rester spectateurs : c’est tout de suite que nous, les travailleurs de France, devons nous montrer solidaires avec les travailleurs et les peuples de Guadeloupe et de Martinique. Ce ne doit pas être une solidarité abstraite, mais la meilleure aide concrète que nous puissions leur apporter immédiatement, c’est de combattre pour l’extension de la grève générale en France. Car c’est la seule solution pour créer un rapport de forces obligeant le patronat et Sarkozy à renoncer à la répression dans les colonies et à céder sur les revendications là bas comme ici. (…) [Suivent les propositions de la Tendance CLAIRE reprises et développées ci-dessus.]
1) Cf. la première contribution (20 février) sur la grève générale en Guadeloupe de la Tendance CLAIRE, http://tendanceclaire.npa.free.fr
2) Cf. le portrait au vitriol de Victorien Lurel, membre du secrétariat national du PS, président de la « région » Guadeloupe, valet du patronat et de l’État colonial, dressé par P. E. Rouyard dans un article publié sur le site de l’UGTG, « De quoi Lurel est-il le nom ? », http://ugtg.org/article_758.htmll
3) Le soutien à une lutte et même à ses dirigeants quand ils ont victimes du mépris ou de la répression des patrons et du gouvernement ne doit nullement empêcher la critique de leur orientation. En l’occurrence, la plate-forme revendicative du LKP, qui regroupe presque tous les syndicats, des partis politiques réformistes (comme le PCG) et d’« extrême gauche » (notamment Combat ouvrier, lié à LO), mais aussi bourgeois (comme Les Verts), ainsi que des associations culturelles, contient une longue liste de revendications élémentaires très justes, notamment sur les salaires, l’embauche des contractuels, les transports, les conditions de vie, le droit à la formation, le droit syndical, la défense des identités culturelles, etc., mais aussi un grand nombre de revendications très contestables, car typiquement réformistes, qui constituent une impasse dramatique pour les travailleurs et le peuple guadeloupéens. Par exemple, le LKP justifie ainsi la revendication de hausse des salaires non par les besoins vitaux des salariés, mais par une prétendue nécessité de relancer « la demande ». Il se prononce pour la « participation des représentants des salariés dans les instances dirigeantes de l’entreprise avec voix délibératives », c’est-à-dire pour l’association des syndicats à la mise en œuvre des stratégies patronales. Il ne se prononce pas pour l’interdiction ou même pour empêcher les licenciements et les fermetures d’usines, mais pour un « plan social » en cas de licenciements, avec « reclassement et formation obligatoire ». Il ne se prononce pas contre les aides publiques aux entreprises privées, mais seulement pour leur « remboursement (…) en cas de licenciement économique ». Il ne se prononce pas contre le travail du dimanche ou même seulement contre son extension, mais pour l’« obligation d’un Accord de Branche ou d’Entreprise avant toute autorisation de travail le dimanche » Alors que la lutte contre les « masters d’enseignement » se développe en France, le LKP demande un « moratoire de 4 ans en ce qui concerne la réforme du recrutement des enseignants, le temps de permettre la mise en place par l’U.A.G. [Université des Antilles-Guyane] des masters de professionnalisation et les sorties des premières promotions ». Il se prononce unilatéralement pour l’« exonération de la taxe foncière au profit des exploitants agricoles sur l’ensemble du territoire », sans distinguer entre les gros et les petits paysans. Il ne se prononce pas pour l’expropriation sans indemnités ni rachat des grandes entreprises, mais ne revendique presque rien au sujet de celles-ci et se prononce pour le « rachat par les Collectivités du patrimoine foncier de Kalenda en vue de la création d’une unité hôtelière de luxe et du reclassement des salariés licenciés d’Anchorage et Kalenda » — alors que ces entreprises se sont enrichies par le pillage et la surexploitation et ont en outre licencié massivement ! Enfin, il ne dit rien contre l’État français et ne se prononce pas pour le droit à l’autodétermination du peuple guadeloupéen, alors même que l’UGTG, syndicat indépendantiste, est la force hégémonique du LKP, dont le porte-parole, Élie Domota, est son secrétaire général. Mais, au-delà de compromis imposés par le cadre d’un front, l’UGTG elle-même, malgré son orientation anti-colonialiste et par là progressiste, est une organisation réformiste. C’est ce que prouve son soutien à l’UNSA-Police, dont elle publie sur son propre site un communiqué qui, sous prétexte de protester contre les faveurs dont bénéficient, de la part des chefs de la police en Guadeloupe, les migrants clandestins riches, se livre à un vibrant hommage… aux « fonctionnaires de la Police aux Frontières » dont l’« action contre l’immigration clandestine est sans exclusive, parce qu’ils sont des professionnels respectueux des lois de la République » (http://ugtg.org/article_759.html)