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    CAP 2022 : en route vers le "paradis" suédois !

    Que se cache-t-il derrière le « modèle suédois » tant vanté par Macron ? La Suède est citée en exemple par les macronistes comme l'exemple à suivre, tant pour la fonction publique que pour les retraites. Un coup de projecteur s'avère à ce titre fort utile : voici ce qui nous guette si Macron parvient à imposer ses contre-réformes.

    La Suède a connu une crise importante au début des années 1990, avec un déficit public qui a atteint 12% au PIB en 1993. A partir de là, les gouvernements successifs ont mis en place des contre-réformes qui ont détruit les acquis sociaux, plongé la social-démocratie dans une crise profonde, et alimenté la montée de l'extrême-droite (cf. notre article sur les élections suédoises : http://urlz.fr/7OuA). Ce sont ces contre-réformes qui inspirent directement le régime macronien. Macron a d'ailleurs nommé un consultant suédois (qui a joué un rôle clé dans ces contre-réformes), Per Molander, dans le comité d'experts qui a commis le rapport « CAP 2022 » publié cet été par Solidaires finances publiques (cf. http://urlz.fr/7OuE)

    Les contre-réformes suédoises peuvent être regroupées en trois catégories :

    • la contre-réforme de la fonction publique

    • la contre-réforme des retraites

    • la contre-réforme fiscale

    La destruction de la fonction publique

    Comme en France, les fonctionnaires bénéficiaient jusqu'au début des années 1990 d'un statut et du salaire à vie. Cela a été supprimé en 1993. La quasi-totalité des agents publics (plus de 90%) sont désormais recrutés avec un contrat de droit privé par les 343 « agences gouvernementales », placées sous la tutelle d’un ministère qui leur octroie un budget et une lettre de cadrage chaque année. Seule une poignée d'agents publics (comme les diplomates) bénéficient du salaire à vie et sont recrutés sur concours.

    Les agents publics ne sont donc plus payés en fonction de leur grade (qui n'existe plus), mais en fonction de leur poste et de l'évaluation faite par leur hiérarchie. Il n'y a plus aucun avancement automatique. Et chaque année, en plus des fins de contrats, 2 000 à 3 000 employé.e.s de l’État sont licencié.e.s dans le cadre de licenciements économiques, soit à peu près 1 % des effectifs concernés.

    Aujourd'hui, il y a 25% d'agents publics en moins par rapport au début des années 1990, et même 50% en moins pour les agents public d’État.

    Dans les années 2000, le service public de santé et d'éducation a été en grande partie privatisée, avec des conséquences catastrophiques : les résultats scolaires ont nettement baissé, et les files d'attente dans les hôpitaux s’allongent. La réforme de la Poste a abouti à la suppression de nombreux bureaux ; l’envoi et la réception de lettres et paquets sont assurés par des petites ou grandes surfaces, des marchands de bureaux, ou des stations d’essence… Le prix des timbres a fortement augmenté.

    Les grandes lignes de la contre-réforme suédois sont reprises (même si de manière atténuée, tellement celle-ci a été violente) dans le rapport Cap 2022 : recrutement massif de contractuels à la place de fonctionnaires (via la transformation de nombreux services administratifs en agences) ; fin de l'avancement automatique par la hausse du point d'indice ; mise en place d'un nouveau management ; baisse du nombre d'agents publics ; etc.

    Les pensions de retraites comme variable d'ajustement

    C'est la réforme suédoise des retraites de 1998 qui inspire directement Macron. Jusqu'en 1998, le système suédois ressemblait au système français, avec un régime de retraites par répartition à « prestations définies » : les pensions de retraites étaient fonction du salaire précédent et ne dépendaient pas des aléas de la conjoncture économique. Les pensions de retraites étaient du « salaire continué ». La réforme de 1998 a mis en place un régime dans lequel les droits à prestations de chaque cotisant.e sont recalculés tous les ans en fonction des cotisations versées au cours de la vie professionnelle, de l’espérance de vie, et de la date à laquelle le cotisant choisira de liquider sa pension. Chacun accumule des « points », qui constituent une « épargne » dont la valeur dépend notamment de la conjoncture économique. On passe ainsi d'un système à « prestations définies » à un système à « cotisations définies » : le niveau de cotisation est connu, mais on ne sait pas ce qu'on recevra ! La pension de retraite devient une variable d'ajustement pour équilibrer le système. En cas de mauvaise conjoncture, pas question d'augmenter les cotisations payées par les patrons pour financer les pensions de retraites ! Ce sont les retraité.e.s qui trinquent. Et les menaces ne sont pas purement théoriques. Par exemple, en janvier 2010, les pensions de base des retraité.e.s suédois.e.s ont été baissées de 3 %.

    Voilà la philosophie de cette contre-réforme : les patrons doivent être sécurisés dans ce qu'ils paient, alors que les travailleurs/ses ne peuvent avoir aucune visibilité sur ce qu'ils toucheront : leur salaire et leur retraite deviennent une variable d'ajustement !

    Prendre aux pauvres pour donner aux riches

    La contre-réforme a été très très violente. La Suède a longtemps bénéficié d'un système de redistribution très avancé. Cela a changé radicalement dans les années 1990. Les taux d'imposition des plus riches ont été fortement baissés (le taux marginal maximum est passé de 87% en 1979 à 57% en 2013), de même que le taux d'imposition des profits des entreprises (60% dans les années 1980, 20% aujourd'hui). Les taux d’imposition sur les revenus financiers ont été uniformisés à 30 %.

    Macron fait exactement la même chose : en 2018, il a baissé l'ISF et il a mis en place une flat tax à 30% (toutes taxes comprises) sur les revenus du capital. L'OFCE vient de chiffrer (cf. http://urlz.fr/7Ov7) précisément les effets des mesures macroniennes sur la fiscalité : allègement de 5 milliards d'impôts pour les plus riches (via la réforme de la fiscalité du capital) et alourdissement de 5 milliards d'impôts pour les plus pauvres (principalement via la hausse des impôts indirects, les plus anti-redistributifs).

    En même temps que les impôts sur les plus riches étaient massivement baissés, les dépenses publiques ont massivement baissé en Suède : de 1993 à 1999, le poids des dépenses publiques dans le PIB a baissé de 12 points. Les dépenses publiques sont passées de 65% du PIB avant les réformes, à 50% aujourd’hui. Parmi les dépenses, ce sont les transferts en espèces qui ont été les plus réduits avec des baisses des droits à prestations maladie, à prestations de retraites, et aux allocations familiales. Les investissements publics ont été également fortement réduits.

    Macron souhaite suivre cette route, certes de façon moins violente, mais il s'est fixé pour objectif de baisser de 3 points la part des dépenses publiques dans le PIB, soit 70 milliards de coupes !

    Le bilan désastreux des contre-réformes en Suède

    Le gouvernement français ose présenter ses réformes comme des réformes alliant justice et efficacité ! Mais les conséquences de ces contre-réformes ne font guère de doute. Le bilan en Suède est désastreux : performances scolaires en baisse, système de santé en péril, et explosion des inégalités. En effet, la Suède a longtemps été un des pays capitalistes les plus égalitaires. Mais cela a bien changé !

    Dans les années 1990 l'écart de revenu entre les 10% les plus riches et les 10% les plus pauvres était de 1 à 4. Il est aujourd'hui de 1 à 6,5 ! Les 1% les plus riches gagnaient 4% des revenus en 1980 et 7% en 2012. Le taux de pauvreté suédois (part de la population disposant de la moitié du revenu médian) est aujourd'hui supérieur à la France : 9,1% contre 8,1% pour la France.

    Défendre une alternative communiste à la barbarie macronienne

    Les inégalités n'ont pour le moment pas explosé en France. La fonction publique et le régime de retraites à « prestations définies » n'ont pas encore été dynamitées. C'est une anomalie, et le pouvoir macronien a pour mission de rattraper le « retard » français.

    En Europe du Sud, des contre-réformes très dures ont été mises en place contre les fonctionnaires suite à la crise. Sans parler de la Grèce, citons les cas espagnols et portugais. En Espagne, entre décembre 2011 et décembre 2013, le nombre d’agents publics a baissé de 340 000 personnes, soit une baisse de 11 % des effectifs ; le temps de travail est passé de 35 à 37,5 heures en 2012. Au Portugal, 53 000 postes ont été supprimés entre 2011 et 2013, ce qui représente près de 9 % des effectifs de la fonction publique. En même temps, le salaire des fonctionnaires a diminué : 10 % en 2013, de 2,5 % à 12 % en 2014. Et le temps de travail est passé de 35 à 40 heures en 2013.

    La feuille de route de Macron est limpide, et elle découle de la logique capitaliste : en temps de crise, il faut détruire les acquis sociaux pour tenter de faire repartir l'économie et rester « compétitifs ». Les réformistes antilibéraux nous font croire qu'ils peuvent mener une politique économique alternative dans le cadre du capitalisme : c'est une imposture. La seule alternative à la barbarie capitaliste qui vient est une alternative communiste, qui implique d'en finir avec le pouvoir des capitalistes sur l'économie. Il faut aujourd'hui tout faire pour bloquer les contre-réformes, accentuer la crise du système, et ouvrir la voie à une issue anticapitaliste à la crise. Il faudra pour cela affronter non seulement Macron et les patrons, mais aussi s'opposer aux stratégies des bureaucraties syndicales et les réformistes. C'est pourquoi nous avons besoin de construire le NPA et de le transformer en un parti communiste du 21è siècle.

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