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Gilets Jaunes: bilan d’étape et éléments pour une stratégie révolutionnaire
La lutte des Gilets Jaunes montre une réelle ténacité. Même si, en une période difficile (fêtes de fin d’année, hiver), elle semble avoir marqué le pas – mais beaucoup moins que ne le souhaiteraient le gouvernement et les médias aux ordres – la mobilisation se poursuit. Schématiquement les Actes I à IV de la mobilisation (du 17 novembre au 8 décembre) ont été marqués par une montée en puissance, un approfondissement et à une radicalisation, forçant le gouvernement à reculer, et obligeant même un « Jupiter » tout contrit mais néanmoins roublard à présenter des excuses au bon peuple pour l’avoir mal compris et blessé. Devant les caméras de télévision, le président des riches avait certes l’air d’avoir avalé son chat, mais cela ne l’a pas empêché de tenter d’embobiner les gens en lutte, en particulier avec une « augmentation » de 100€ du SMIC qui n’en est pas une. Les Actes V et VI révèlent des GJ dont la colère n’est pas retombée mais le mouvement parait être à la recherche d’un second souffle, tandis qu’en de nombreux endroits les débats s’approfondissent parmi les personnes en lutte. Pour les GJ, débattre des objectifs et des perspectives est une nécessité.
Pour les militant.e.s révolutionnaires aussi, ce moment semble propice pour tirer quelques leçons, et dresser une sorte de bilan d’étape, en tentant de saisir les éléments de force et de faiblesse de la lutte des GJ. Nous commencerons par énumérer les principales caractéristiques de ce mouvement, puis nous tenterons de comprendre en quoi et pourquoi il vient percuter le mouvement ouvrier « organisé ». Nous verrons ensuite que cette lutte est aussi à la recherche d’une démocratie supérieure à ce que peuvent offrir le macronisme et la Ve République. A partir de ces différents points, nous tâcherons de définir quelques éléments pour l’orientation de militant.e.s révolutionnaires, en faisant ressortir des perspectives stratégiques pour la suite.
Formes nouvelles de lutte de notre classe
Un mouvement massivement prolétarien
Celles et ceux qui discernaient avant tout, dans le mouvement des GJ, la main de l’extrême-droite et d’une partie du patronat se sont clairement trompé.e.s. Dès le début, on notait la prépondérance très marquée de la province sur Paris et sa région. Rapidement aussi, il est devenu clair que malgré une fraction minoritaire des GJ qui relèvent de secteurs de la petite bourgeoisie non salariée (entrepreneurs individuels, artisans, petits commerçants…), la composition sociale de ce mouvement social est massivement prolétarienne, regroupant des salarié.e.s souvent mal payé.e.s et/ou précaires, jeunes ou moins jeunes (bon nombre de retraité.e.s), bref une France qui ne parvient pas à joindre les deux bouts même si elle se lève tôt. C’est en partie la non-prise en compte ou, au moins la relativisation, de cette réalité sociologique de base qui a conduit une partie des analystes – notamment dans l’extrême-gauche – à se tromper sur la nature du mouvement et l’attitude à adopter face à lui.
Des revendications qui s’élargissent et se multiplient
Certes, la lutte contre la hausse des taxes sur les carburants n’a rien en elle-même d’anticapitaliste, et elle peut facilement donner lieu à des tentatives de récupération de la part de la droite et de l’extrême-droite ; elle est aussi de nature à intéresser les patrons du transport routier. Mais le combat mené par des centaines de milliers de personnes appartenant essentiellement à des couches prolétariennes défavorisées, et les débats qui nécessairement allaient l’accompagner, tout cela portait d’emblée des potentialités de dépassement du strict cadre de la lutte contre la hausse du gazole. Logiquement, lorsque des masses travailleuses se mettent en lutte, c’est l’ensemble de leur condition qui est discuté et il n’est pas étonnant que les fins de mois difficiles conduisent à remettre en cause l’injustice de la politique menée (injustice fiscale avec la suppression de l’ISF, mais aussi des salaires trop bas). De fil en aiguille, le mouvement en est vite venu à remettre en cause l’ensemble de la politique du gouvernement ainsi que l’arrogante figure présidentielle elle-même, la démission de Macron étant vite devenue une exigence unificatrice des GJ. Graduellement, mais finalement assez vite, on a ainsi vu grandir un mouvement qui s’attaquait objectivement aux intérêts du capital, même si une large fraction de ses acteurs/trices n’en avait pas clairement conscience.
Des nouveaux/elles venu.e.s à la lutte sociale
Un autre élément qui a semblé déboussoler plus d’un.e militant.e sincère à gauche est le fait que c’est précisément un secteur jusqu’ici inorganisé, sans expérience vécue dans la sphère politique ou syndicale, qui s’est mise en mouvement. Un certain dogmatisme, et/ou une certaine forme de purisme élitiste d’une certaine (extrême) gauche, alliés à une bonne dose de paresse intellectuelle face à un phénomène nouveau, en a poussé beaucoup, dans la mouvance de la gauche, « radicale » ou pas, à rejeter les thèmes portés et les formes de mobilisation utilisés par ces « gueux » qui occupaient les ronds-points. D’où par exemple, l’utilisation du terme « jacquerie » par certain.e.s militant.e.s, en particulier au début du mouvement : une jacquerie est une forme de révolte précapitaliste, paysanne, d’un style assez « bouseux » finalement !... Une fraction importante des militant.e.s de gauche ou d’extrême gauche faisait aussi la fine bouche devant une masse jugée un peu rustique, voire rustre, et qui véhiculait des pensées ou propos racistes, xénophobes, homophobes, sexistes, anti-écologiques… Et le soutien empressé de politicien.ne.s situés à l’extrême-droite a contribué à faire basculer dans une grave erreur d’analyse les mêmes « puristes » d’une gauche dite radicale. Car c’est une sérieuse erreur de méthode de confondre les chefs politicien.ne.s chauvin.e.s et racistes, et des travailleurs/euses pauvres qui s’organisent pour la première fois de façon autonome pour entrer en lutte, car les un.e.s et les autres n’ont pas les mêmes intérêts. Et le marxisme nous invite précisément à observer en premier lieu les intérêts de classe en jeu.
Or il est inévitable que quand des secteurs jusqu’ici inorganisés de notre classe font irruption sur la scène politique, une partie au moins de ces nouveaux/elles acteurs/trices sociaux/ales charrient toutes sortes d’illusions (par exemple sur la nation, la république, etc.) et des préjugés (racistes, sexistes, LGBTI-phobes, etc.) et que cela transparaisse dans certains mots d’ordre ou symboles mis en avant. Les symboles que représentent la Marseillaise ou le drapeau bleu-blanc-rouge, bien sûr porteurs d’ambiguïtés et d’illusions nationalistes, en ont ainsi trompé plus d’un.e sur la signification de ce mouvement social. Car les GJ n’ont eu recours ni aux symboles du mouvement ouvrier (Marseillaise et non pas Internationale, drapeau français et non drapeau rouge), ni à ses cadres habituels (appels au départ spontané sur les réseaux sociaux et non pas dans un cadre syndical, voire même associatif de gauche), ni même (du moins au début) aux revendications traditionnelles du mouvement ouvrier (salaires, emploi, temps et conditions de travail).
Symboles, cadre organisationnel et objectifs de lutte
Mais est-ce tellement étonnant ? A propos des symboles, rappelons que ce sont des partis de la gauche et du mouvement ouvrier qui ont redonné leurs lettres de noblesse à la Marseillaise et au bleu-blanc-rouge (de la SFIO au PCF, et jusqu’à la France Insoumise plus récemment). D’autre part, les deux symboles que sont la Marseillaise et le drapeau tricolore sont liés, pour commencer… à l’histoire de la Révolution française. Une révolution, précisément... Or c’est sans doute l’esprit « sans-culotte » qui domine dans le mouvement des GJ, et le maniement des deux symboles en question doit avant tout être saisi, selon nous, comme des signes d’une rébellion populaire, voire même d’une révolution qui a commencé. Pour ce qui est du cadre, il n’est pas difficile de percevoir que le mouvement ouvrier organisé n’a pas remporté la moindre victoire depuis le retrait du CPE en 2006, et que la stratégie des directions syndicales majoritaires, fondées d’une part sur le dialogue social avec le Medef et les gouvernements, et d’autre part sur les tristes ritournelles des grèves et journées d’action saute-mouton, sectorielles ou interprofessionnelles, dans une large unité syndicale ou bien dans un cadre plus restreint, n’ont servi qu’à accompagner les attaques sociales menées avec opiniâtreté par les pouvoirs politiques successifs au service de la bourgeoisie. Quant aux revendications, tout le monde comprend que le prix du carburant n’a finalement été avant tout qu’un déclencheur de la colère populaire. Et à travers un mouvement social d’ampleur comme celui-ci, les questions plus traditionnelles portées par le mouvement ouvrier soit se posent de façon explicite (salaires, pouvoir d’achat, services publics), soit sont présentes en filigrane et pourraient surgir dans une phase ultérieure de la mobilisation populaire, si celle-ci en venait à s’ancrer dans les entreprises (temps et conditions de travail).
Finalement, à travers sa révolte contre la hausse des taxes sur les carburants, brandissant l’étendard tricolore et chantant la Marseillaise, c’était bien un secteur de notre classe, le prolétariat (ainsi que des secteurs exploités et opprimés d’autres catégories populaires) qui poussait un cri de colère et qui allait se mobiliser assez massivement pour déstabiliser la Macronie à partir du 17 novembre. Les GJ nous rappellent ainsi des principes et leçons du marxisme, qui sont d’une part que les classes sociales, quelles que soient les influences idéologiques qu’elles subissent, se mobilisent fondamentalement en fonction de leurs intérêts matériels immédiats, et d’autre part, que c’est au feu de la lutte que la conscience de classe du prolétariat progresse.
Le mouvement ouvrier « organisé » percuté de plein fouet
Précisément, tant le choix des symboles brandis par les GJ que le cadre de leur mobilisation et que les thématiques et mots d’ordre mis en avant, heurtent de plein fouet les syndicats mais également la gauche politique dans ses diverses composantes.
Une rude leçon pour la gauche et les syndicats.
C’est une leçon assez sévère qui est ainsi assénée à tou.te.s les militant.e.s de la gauche politique, syndicale et associative. Le fait qu’un secteur du prolétariat et des couches populaires, censé être représenté par les organisations syndicales, les associations et partis de gauche, non seulement fasse irruption sur la scène sociale et se mette en mouvement dans la durée et avec détermination, mais refuse très largement la récupération politique et syndicale et prenne nettement ses distances par rapport aux partis et syndicats est sans doute largement une nouveauté de la période, mais ce fait doit donner beaucoup à réfléchir. De nombreux/ses militant.e.s et cadres intermédiaires du mouvement syndical l’ont compris et cherchent, avec bon sens et raison, à se lier aux GJ de la façon la mieux adaptée possible. Du côté des directions syndicales, par contre, l’attitude adoptée très majoritairement – à part Solidaires qui a longtemps tergiversé avant d’appeler à rejoindre les GJ le 15 décembre – est celle de l’isolement mâtiné par un certain mépris pour le mouvement social en cours. Le même mouvement de rejet global de la mobilisation populaire actuelle en conduit certains (la direction confédérale CGT en particulier) à se placer avant tout en position de concurrence vis-à-vis des GJ, tandis que d’autres se contentent de les ignorer et les mépriser, toujours prêts à signer des accords sanctionnant des reculs sociaux avec le gouvernement et le patronat.
Les directions syndicales presque toutes unies… pour stabiliser la situation au bénéfice de Macron
La déclaration intersyndicale du jeudi 6 décembre, signée, à un moment où Macron était en extrême difficulté, par toutes les confédérations sauf Solidaires, est un monument de veulerie bureaucratique et de trahison de classe. On y lit notamment : « Le gouvernement, avec beaucoup de retard, a enfin ouvert les portes du dialogue. Nos organisations s’y engageront, chacune avec ses propres revendications et propositions, en commun chaque fois que cela sera possible (…) Le dialogue et l’écoute doivent retrouver leur place dans notre pays. C’est pourquoi nos organisations dénoncent toutes formes de violence dans l’expression des revendications ». Il s’agit là, clairement, d’un acte d’allégeance à Macron, visant à l’aider à se sortir d’un mauvais pas, et censé permettre aux corps intermédiaires que sont les bureaucraties syndicales de retrouver leur rôle privilégié de « partenaires sociaux » dans la routine d’un « dialogue » où il n’y a rien à gagner et où les négociations ne portent que sur l’ampleur des reculs que la bourgeoisie veut infliger aux classes populaires.
Acceptant comme une évidence l’idée que le président et le gouvernement en place doivent y rester – ça serait ça la démocratie ! –, les chefs syndicaux nous ressortent donc le même sempiternel jeu de dupes du dialogue social, en prenant un peu plus les travailleurs/ses pour des imbéciles : peut-on sérieusement penser que le gouvernement a ouvert les portes du dialogue, alors qu’il a reculé – avec du retard et le moins possible – en tentant encore de maintenir l’essentiel de sa politique, à commencer par l’ISF qu’il se refuse obstinément à rétablir à ce stade ? Participer au dialogue, sur la base de quel rapport de forces, alors que les directions syndicales majoritaires ne veulent pas d'une convergence avec le mouvement des GJ et qu’elles ne voulaient même pas appeler à une journée de grève le 14 décembre ? Visiblement, l’orientation de ces naufrageurs du mouvement syndical, consistant à participer à des gentilles causettes polies avec tous les exploiteurs, tous les casseurs des conquêtes sociales, prédomine toujours et encore. Cette orientation calamiteuse, représentée depuis longtemps par la direction de la CFDT, semble s’étendre, comme par osmose, et faire de plus en plus d’émules aux sommets des autres appareils syndicaux. Car qui peut croire – ou faire semblant de croire – que sans rapport de forces il soit possible de gagner quoi que ce soit ? Dialogue ? Écoute ? Ce serait comique si ce n’était scandaleux !
C’est aussi une authentique trahison de classe que de ne rien dire de la répression et de la violence dont le pouvoir politique fait usage. Pas un mot sur l’utilisation, souvent dans des conditions illégales, des flash-balls et des grenades de désencerclement ! Pas la moindre condamnation de la répression policière et judiciaire, des arrestations massives et des gardes à vue contre les GJ ! Rien non plus pour dénoncer les blessés graves dans le mouvement lycéen ! Pas la moindre critique de la violence mise en œuvre par l’État bourgeois ne sort de la plume cette bande de félons, censés représenter le monde du travail. Pas un mot non plus pour dénoncer la violence sociale, gouvernementale et policière. Comme si la violence était du côté de celles et ceux qui luttent et avancent des revendications, et rien que de ce côté-là !
Les directions syndicales et la contestation qui monte parmi les syndicalistes
Les signataires de ce texte, pris collectivement, représentent sans doute ce qu’il existe de pire dans le mouvement social français : des relais à peine honteux de la politique de casse sociale des gouvernements bourgeois successifs. Ces directions syndicales confirment une fois de plus qu’elles représentent un obstacle majeur sur la voie d’une mobilisation victorieuse, du tou.te.s ensemble pour battre Macron et ses pairs. Pire : l’isolationnisme des directions confédérales majoritaires, fondé sur un mélange, variable dans ses proportions, de mépris, d’arrogance et de méfiance vis-à-vis de cet OVNI du mouvement social que représentent les GJ – au point de lire des prises de positions syndicales où ces derniers ne sont même pas nommés – contribue, peut-être d’une façon décisive, à éloigner encore plus du syndicalisme les secteurs du prolétariat les plus vulnérables, particulièrement. Au point que c’est la place du syndicalisme dans le capitalisme français qu’il faut interroger. La volonté de la direction confédérale CGT de reprendre la main sur le mouvement social, non pas avec, mais contre les GJ, et en particulier d’allumer une sorte de contre-feux le 14 décembre (après le fiasco du 1er décembre) s’est soldée par un échec piteux mais guère surprenant. L’attitude majoritaire des directions syndicales, prise comme un tout, pèse donc dans le sens d’un fractionnement renforcé de l’organisation de notre classe et d’une distance croissante de secteurs massivement exploités par rapport à l’outil collectif de défense de classe que devrait être le syndicalisme.
Mais les conséquences au niveau de chacun des appareils confédéraux seront sans doute très différentes et il importe d’en tenir compte, de saisir avec précision les tendances, et de tenter de peser au maximum sur les différenciations qui s’opèrent. Dans le monde syndical, c’est sans doute dans les structures CGT (syndicats, unions locales, départementales ou régionales, et dans certaines fédérations) que ça branle le plus dans le manche. Les prises de positions de structures cégétistes contestataires, ainsi que l’attitude tardivement (à partr du 15 décembre) assez bienveillante et constructive de Solidaires vis-à-vis des GJ, et des positionnements allant dans le même sens dans FO et dans la FSU contribuent sans doute à sauver en partie l’image du syndicalisme, mais il faudra voir avec un peu plus de recul ce qui prédominera dans les leçons tirées par les GJ et par les travailleurs/euses qui en sont solidaires voire s’y identifient : la position des directions syndicales majoritaires ou celle des syndicalistes de terrain ou intermédiaires misant sur la convergence des colères et des luttes.
Des enjeux cruciaux pour le mouvement ouvrier
Il faut également saisir que si, depuis le 17 novembre, l’instabilité sociale et politique initiée par le mouvement des GJ a permis une évolution globale du mouvement social vers la gauche, il est encore trop tôt pour que les évolutions dans la sphère politique soient cristallisées. On peut en particulier s’attendre à un brutal retour du pendule des oscillations idéologiques de la société française, vers la droite la plus réactionnaire, si au final les GJ sortaient battus de cette lutte, c’est-à-dire si les avancées sociales exigées par les personnes mobilisées, ne trouvent pas de réponse à la hauteur et si le désespoir et le désenchantement par rapport à l’action collective devaient finalement prédominer. Cela dépendra aussi du positionnement des forces politiques de l’ensemble de la gauche et de l’extrême gauche. Mais le moins que l’on puisse dire c’est que tout ne va pas pour le mieux à ce niveau. Et c’est aussi pour cette raison que les choix de positionnement des directions syndicales majoritaires sont graves et irresponsables.
Une lutte en quête de démocratie
Les GJ, en construisant un mouvement social original dans ses formes et très déterminé dans ses exigences, est nécessairement confronté à la question de la démocratie. Et les questionnements induits par cette lutte portent aussi bien sur l’organisation démocratique de celle-ci que sur les questions démocratiques plus générales, en particulier sur les institutions et le fonctionnement de l’État.
La question des porte-paroles et la structuration démocratique du mouvement
Pour ce qui est de la structuration démocratique des GJ, les acteurs/trices du mouvement eux/elles-mêmes ont été très vite confronté.e.s à la question de leur représentation par des porte-paroles. En tout premier lieu, on a pu constater que des politicien.ne.s réactionnaires (notamment Laurent Wauquiez, Nicolas Dupont-Aignan et Marine Le Pen) ont immédiatement cherché à mettre la main sur la mobilisation qui s’organisait sur les réseaux sociaux pour lutter contre la hausse des taxes sur les carburants. Puis, dès avant le 17 novembre, le mouvement des GJ naissant voyait, ici ou là, surgir, à son pourtour ou en son sein, un certain nombre de « grandes gueules » dont certain.e.s allaient vite s’autoproclamer porte-paroles. De façon non surprenante, une bonne partie de ces porte-paroles autoproclamés étaient encarté.e.s politiquement, et il est à noter que, majoritairement, les GJ ont réagi avec méfiance et ont refusé celles et ceux qui voulaient parler en leur nom. Deux faits assez saisissants, révélateurs de la difficulté pour le mouvement de se doter d’une représentation – une difficulté liée aussi à sa grande hétérogénéité politique et idéologique – méritent d’être notés. Le premier est tout bonnement que parmi les huit « porte-paroles » que devait recevoir Édouard Philippe, sept n’ont pas pu faire autrement que de refuser cette rencontre, tandis que le huitième s’y est rendu, mais en est vite reparti lorsqu’il lui a été refusé que l’entretien soit enregistré et divulgué publiquement. Le second fait significatif est le cas de Benjamin Cauchy, qui s’était déclaré porte-parole pour le Sud-ouest. Refusé par la base des GJ, ce politicien réactionnaire, soutien de Dupont-Aignan, défend une ligne molle, de compromis avec Macron, et son rejet en tant que porte-parole l’a conduit à créer « son » petit mouvement, baptisé « GJ libres », sans doute très peu représentatif de l’ensemble du mouvement. Néanmoins, cet entrepreneur politique opportuniste a été souvent et très complaisamment invité dans les médias dominants, notamment sur l’inénarrable BFMTV. La tendance des médias capitalistes à « faire » des porte-paroles n’est certes pas nouvelle. On la constate depuis des décennies, à chaque fois qu’un mouvement avec une forte dose d’auto-organisation surgit.
C’est qu’à ce niveau précis, le pouvoir politique en place est confronté à une difficulté : il lui faut trouver – ou fabriquer – des interlocuteurs/trices à la fois suffisamment malléables et disposant d’une certaine autorité face à la masse des GJ. C’est une nécessité, du point de vue gouvernemental, de passer un accord avec la représentation d’un mouvement social complexe et protéiforme, dont les exigences vont en s’élargissant, en même temps qu’une forte tendance à la radicalisation est observable. Or toutes les tentatives gouvernementales en ce sens jusqu’à ce jour ont été assez vaines. Le pouvoir est en face d’un mouvement spontané, d’où n’émerge aucune direction incontestable, et donc il est très difficile pour Macron et sa bande de savoir précisément à quel niveau de satisfaction des revendications le mouvement s’arrêtera et quand le calme pourra revenir sur les routes et les ronds-points.
Face à cette nécessité, pour le pouvoir, de trouver des interlocuteurs « fiables », la réponse donnée par les GJ de Commercy nous semble la bonne, dans sa simplicité et sa radicalité : les GJ n’ont pas besoin de porte-paroles du moins tant que les conditions pour en désigner ne sont pas réunies. Refuser l’envoi de porte-paroles est sans doute à ce stade ce qui est le plus à même de gêner Macron et Philippe dans leur tentative de « gérer » le mouvement populaire actuel. L’idée sous-jacente à Commercy est au moins double. D’une part, l’essentiel pour les GJ est de débattre de façon ouverte, égalitaire et démocratique, de façon à construire au plan local, et partout, un véritable pouvoir populaire, un contre-pouvoir qui définisse collectivement et sans autolimitation les besoins et les exigences et commence à y répondre. D’autre part, expliquent les GJ de Commercy, si le pouvoir politique en place veut des porte-paroles pour négocier, ce n’est pas pour répondre aux exigences, c’est à fin de les manipuler et de limiter leur radicalité, de les édulcorer pour parvenir à n’en satisfaire que des bribes. Trouver des interlocuteurs capables de faire accepter au peuple en lutte des miettes du festin des riches, en quelque sorte ! Nous soutenons le second appel des GJ de Commercy (https://tendanceclaire.org/contenu/autre/Commercy.pdf) qui appelle à la tenue d’Assemblées populaires partout, et à la réunion d’une première coordination avec des délégués de toute la France samedi 26 janvier. Face à un pouvoir centralisé et organisé, il est nécessaire de s’organiser en face pour être efficace et déjouer les offensives du camp adverse.
L’appel de la Zone portuaire de St Nazaire va aussi dans le sens de la nécessité pour les GJ de se structurer de manière démocratique, pour faire émerger un pouvoir populaire, par en bas.
L’État, les institutions et la « démocratie »
Les débats parmi les GJ ont conduit assez vite à demander la « démission » de Macron. Le président des riches est si massivement haï qu’une figurine le représentant a même été symboliquement décapitée en manifestation à Nîmes samedi 8 décembre ou à Angoulême le 21 décembre (ce qui a entraîné trois mises en examen de GJ !). Au-delà de l’odieux personnage qui trône à l’Élysée et la volonté de le chasser qui unit les participant.e.s au mouvement, les débats qui animent celui-ci ont vite permis de mettre en cause le caractère autoritaire et monarchique d’une Ve République dont les sommets décident de tout en étant totalement coupés du peuple, de sa vie et de ses besoins. De plus, l’abstention croissante aux élections, le fait que Macron n’a obtenu que les suffrages de 18% de l’électorat au premier tour, et les conditions dans lesquelles il a été élu au second, tout cela fait forcément jaser et délégitime profondément la politique menée par Macron pour les riches et contre le peuple, avec arrogance et sans la moindre volonté de compromis. Il est donc logique que les GJ remettent en cause le « déficit démocratique » – un charmant euphémisme souvent rencontré pour évoquer les institutions qui permettent à la tyrannie du capital de se perpétuer – et que le peuple en mouvement cherche à peser davantage sur les décisions politiques qui touchent sa vie quotidienne. C’est ainsi que les GJ en sont venus à avancer des revendications non seulement économiques, mais aussi politiques.
L’exigence montante du référendum d’initiative citoyenne (RIC)
L’exigence de la démission de Macron est bien sûr une revendication politique. La dissolution de l’Assemblée Nationale en est une autre. Nous y reviendrons un peu plus loin. Plus récemment, la volonté des GJ de faire évoluer dans un sens plus démocratique des institutions leur apparaissant comme extérieures, sourdes et autoritaires, a convergé autour de l’exigence du RIC (référendum d’initiative citoyenne). Que penser de cette idée ?
A travers cette revendication, on saisit une vraie volonté des GJ de s’emparer de la sphère politique en disposant d’un outil permettant de légiférer en fonction des besoins et des exigences de la base. En soi, il est très réjouissant de constater que le peuple veut se mêler de ce qui touche à ses propres intérêts. Cette volonté du peuple de décider par lui-même est tout à fait positive et porteuse d’avenir.
Cela dit, cette forme de démocratie par en bas ne représente pas une avancée proprement révolutionnaire : elle existe dans des sociétés capitalistes fort conservatrices, comme en Suisse par exemple. Ensuite, selon les sujets, en fonction des situations économiques et sociales diverses et de l’état de l’opinion publique à un instant donné, le RIC peut sans doute aboutir à des avancées mais aussi à des reculs sociaux et/ou démocratiques. Dans la mesure où un large débat démocratique précède un vote sur RIC, on peut espérer des avancées. Ainsi, il serait intéressant de procéder à la mise en place d’un RIC sur le rétablissement de l’ISF par exemple… Macron obligé par la volonté populaire d’imposer à nouveau les grandes fortunes pour lesquelles il dirige le pays, cela serait assez cocasse ! Mais on peut aussi s’inquiéter des résultats auxquels pourraient aboutir des RIC sur l’immigration. De manière assez schématique, on peut supposer que l’organisation de RIC sur la base d’une forte mobilisation des travailleurs/ses pourrait permettre certains progrès sociaux ou démocratiques, tandis que de tels référendums en période d’apathie populaire et de réaction pourraient avoir des conséquences détestables. En fait, c’est l’état de la mobilisation populaire et la capacité des travailleurs/ses de défendre leurs intérêts de façon autonome qui est la clé de la dynamique qui pourrait s’enclencher autour de RIC.
Cela dit, le principal problème que pose l’organisation de RIC dans cette société capitaliste, avec ses institutions, ses politicien.ne.s professionnel.le.s etc. est la place excessive que le principe du RIC laisserait à ces dernier.e.s. De deux choses l’une, au fond. Soit le RIC émane d’un nombre suffisant de citoyen.ne.s qui défendent leurs intérêts et cherchent à satisfaire de vrais besoins, et alors le problème réside dans la quasi-certitude de ce que, une fois le référendum lancé, c’est la « classe politique » professionnelle qui ne manquera pas de prendre la main, car ce sont les appareils des partis institutionnels qui disposent des ressources financières et des leviers pour les mobiliser, au-delà du monopole qu’ils possèdent de la représentation politique des citoyen.ne.s. Soit le RIC émane de citoyen.ne.s déjà encarté.e.s dans des partis, et alors le problème est d’emblée le fait que les appareils monopolisent l’action politique, au détriment du peuple.
Finalement, au-delà des avancées que peut permettre l’institutionnalisation du RIC, ce qui en limite le caractère démocratique et la portée mobilisatrice est le cadre général dans lequel les référendums se tiendront : sans remettre en cause le pouvoir des capitalistes et la professionnalisation de la politique, le RIC apparaît surtout comme un moyen de pression et un outil permettant quelques avancées démocratiques. Une amélioration de l’existant, et non pas un saut vers une démocratie réelle et profonde. Dans une société socialiste libre et autogérée par contre, le RIC ne ferait que renforcer la participation de tout.e.s les citoyen.ne.s dans un cadre déjà bien plus juste et bien plus populaire.
Faut-il exiger la démission de Macron ? La dissolution de l’Assemblée Nationale ? Pour remplacer Macron par qui ? Par quel.le autre politicien.ne défendant peu ou prou les intérêts de l’oligarchie capitaliste ? Comme pour le RIC, on ne peut guère attendre de changement profond et souhaitable tant que l’on en reste à une société capitaliste où une minorité de richissimes actionnaires prennent au quotidien des milliers de décisions au détriment de la vie même du plus grand nombre, où des politicien.ne.s grassement rémunéré.e.s et donc intéressé.e.s au maintien du statu quo monopolisent la parole et prennent les décisions concrètes dans l’intérêt des premier.e.s., et où des médias aux ordres racontent une « vérité alternative » qui correspond largement aux besoins des deux catégories précédentes. Si Macron démissionne et que l’on en reste aux institutions actuelles (la Ve République), nous serons invité.e.s aux urnes et nous aurons peut-être le choix entre Mélenchon et Marine Le Pen. Sans nul doute, la victoire du premier n’aurait ni le même sens, ni les mêmes conséquences que celle de la seconde : quelques avancées sociales mais aussi une forte résistance et un sabotage économique du patronat, et donc peut-être une dynamique de lutte sociale assez favorable dans le premier cas ; des reculs massifs des libertés, pas de progrès – mais au contraire des reculs sociaux – pour les travailleurs/ses et la chasse aux immigré.e.s dans le second cas. Cependant, au nom de la défense d'objectifs raisonnables ou d'une moindre dégringolade sociale, rien ne permet d'écarter l'hypothèse selon laquelle Mélenchon se conduirait comme Tsipras en Grèce et empêcherait le mouvement social de se développer. On en resterait toujours, dans un cas comme dans l’autre, à la tyrannie du capital, et tant que les capitalistes détiendront les moyens de production, le pouvoir n’appartiendra pas au peuple. Elire des gens qui, de bon ou de mauvais gré, n’auraient pas d’autre choix que d’appliquer les décisions des capitalistes, est-ce un devenir satisfaisant ?
On n’échappe pas au système capitaliste et à sa logique globale autrement qu’en le remettant en cause radicalement, comme un tout structurel. Ce sont donc des questions fondamentales d’orientation, de stratégie et de programme qui sont posées par les GJ et auxquelles les révolutionnaires doivent tenter d’apporter des réponses.
Quelques éléments (orientation, stratégie, programme) pour avancer
A partir de ce qui précède, il semble que pour aider la situation à évoluer dans un sens favorable pour notre classe, les révolutionnaires marxistes devraient s’efforcer d’agir de façon concomitante dans plusieurs directions.
Être parmi les GJ, aider à structurer le mouvement
Macron et Castaner débloquent routes et ronds-points tout en détruisant les cabanes servant d’abris et de lieux de débat et de décision aux assemblées de GJ. Mais dans de nombreux endroits les GJ veulent poursuivre la lutte et trouvent des lieux de remplacement. Il semble fondamental que les assemblées démocratiques qui se sont développées ces dernières semaines continuent à se réunir. Le rôle des révolutionnaires, partout où ils et elles sont, c’est d’abord de participer à ce mouvement et d’aider à sa construction démocratique, dans le but de bâtir un contre-pouvoir, un pouvoir populaire embryonnaire radicalement indépendant de celui de l’État. Ces assemblées ont vocation à prendre toute une série de décisions pour favoriser la mobilisation tout en inscrivant le mouvement dans la durée. Elles doivent exprimer des exigences et des revendications sur tout ce qui conditionne la vie des travailleurs/ses et du peuple, et chercher les moyens de leur mise en œuvre.
Il semble qu’il sera nécessaire, si ce mouvement des GJ se pérennise, de l’aider à se coordonner régionalement, et nationalement. Des assemblées et des congrès de GJ élu.e.s et révocables, est-ce une utopie lointaine ? Cela dépendra beaucoup de la capacité du mouvement de s’inscrire dans la durée. Sa capacité à se maintenir à un niveau très visible, malgré la répression très dure et les fêtes de fin d’année, porte à l’optimisme.
Le RIC peut permettre des avancées, mais il faut aller au-delà. Voyons plus large, plus ambitieux, plus radical, que le cadre nécessairement étriqué et piégeur que nous offre le système. Battons-nous surtout pour construire la démocratie à la base. Appuyons-nous sur les appels des GJ à St Nazaire, à Commercy. Œuvrons à renforcer la structuration démocratique du mouvement, à développer construire des lieux de débats et de contre-pouvoir. La multiplication de tels organes de pouvoir populaires, avec un fonctionnement libre et démocratique, et autogéré, et leur coordination sur tout le territoire national, seraient le meilleur antidote à des récupérations politiciennes et à des issues fâcheuses. Le développement, face à l’ordre capitaliste et à ses institutions, d’un tel contre-pouvoir, populaire et démocratique, aiderait à débusquer plus facilement les démagogues et les carriéristes politiques – porte-paroles autoproclamés ou non – cherchant à profiter du mouvement. Il permettrait surtout de bâtir une alternative dans les formes de pouvoir même, à ce système injuste et à bout de souffle.
Se battre aussi dans et avec le mouvement ouvrier organisé
Malgré toute sa vigueur et son opiniâtreté, le mouvement des GJ peut bloquer de nombreux carrefours, des routes et des centres commerciaux, mais la répression se développe, qui brise des blocages dont beaucoup étaient en place depuis le 17 novembre. Bloquer c’est bien, bloquer totalement c’est beaucoup mieux. Bloquer toute l’économie, tel est le but ! Il faut empêcher le capital d’engranger ses profits, pour le mettre à genoux et l’obliger à céder, à commencer par les principales revendications (salaires, emploi, conditions de travail…). Pour cela une grève générale (pas d’un jour, mais reconductible et démocratiquement sous contrôle des travailleurs/ses) est indispensable. Et pour y parvenir, le mouvement ouvrier organisé est incontournable, malgré la veulerie et la traîtrise de ses directions bureaucratiques majoritaires.
Un des enjeux centraux aujourd’hui, au lieu de déserter le syndicalisme comme certain.e.s nous y invitent, c’est de faire en sorte que les travailleurs/ses se le réapproprient, lui donnent une nouvelle vie démocratique, et jettent dans les poubelles de l’histoire ces directions qui déshonorent des organisations dont certaines ont plus d’un siècle d’existence. L’ignominieuse déclaration intersyndicale du 6 décembre ne doit pas rester sans réponse. La lutte contre la collaboration de classes doit prendre une tout autre ampleur. Les syndicats dignes de ce nom doivent reprendre le flambeau de la lutte non seulement pour virer Macron mais pour en finir avec son monde et aider les travailleurs/ses à prendre le pouvoir.
Pour les révolutionnaires, cela implique dans tous les syndicats où ils et elles sont présent.e.s de dénoncer la politique des confédérations majoritaires, d’exiger des directions syndicales qu’elles coopèrent avec les GJ pour construire une mobilisation d’ensemble des travailleurs/ses et du peuple, faisant converger les colères et les revendications, matérielles et démocratiques. La meilleure façon d’aider le mouvement des GJ sur ce plan, c’est de construire une grève générale illimitée, pour en finir, d’abord, avec l’austérité, les bas salaires, le chômage et la précarité. Tou.te.s les révolutionnaires doivent œuvrer en ce sens, pour faire enfin advenir cette convergence des luttes, convergence dont les GJ sont le point de ralliement effectif depuis le 17 novembre. Les salarié.e.s des différents secteurs ne sont pas tou.te.s au bord de la grève générale, loin de là – dans certains secteurs un important travail d’explication est encore nécessaire – mais c’est clairement cette perspective stratégique qu’il faut mettre en avant et qui doit guider l’action des révolutionnaires.
Cela implique des tâches sans doute différenciées pour les militant.e.s des diverses confédérations. Laissons de côté les centrales qui agissent avant tout comme sections salariées du Medef. Deux cas sont assez remarquables et méritent d’être mentionnés ici. Dans la CGT, la priorité des révolutionnaires doit être de multiplier les prises de position pour la convergence des luttes et la construction d’une grève générale reconductible, ainsi que la collaboration concrète avec les GJ. Il s’agit d’amplifier encore la fronde qui s’est levée dans la confédération, et de pousser fort pour que ces exigences se concrétisent au sommet de la centrale. Dans les syndicats de l’Union Solidaires, il ne semble pas compliqué de développer les actions en lien avec les GJ ; il n’est pas difficile de faire de la propagande générale pour la convergence des luttes ou le tou.te.s ensemble ou la grève générale. La difficulté et le challenge pour les militan.te.s révolutionnaires consiste plutôt à faire évoluer Solidaires vers une position où ce regroupement syndical n’attend pas de voir ce que font les autres (CGT, FO, FSU) pour savoir quoi faire. Solidaires doit en revenir à son radicalisme original et, sans rejeter l’action intersyndicale, ne pas systématiquement calquer les autres directions syndicales. Le refus de signer le texte ignoble du 6 décembre est un bon début. Faisons en sorte que ce ne soit qu’un début.
Construire et propager un programme révolutionnaire
En fin de compte, les anticapitalistes croient trop souvent qu’un programme révolutionnaire actualisé viendra des luttes elles-mêmes. Il faut au contraire actualiser le programme marxiste révolutionnaire existant, l’enrichir dans de nombreux domaines – écologie, féminisme, lutte antiraciste, contre la LGBTIphobie – afin de le faire vivre dans les luttes existantes, pour offrir des perspectives mobilisatrices.
La révolution n’est plus un mot tabou pour beaucoup de GJ. Proposons leur un programme, une stratégie, faisons-les vivre concrètement, afin de faire en sorte qu’une vraie révolution adaptés à notre temps, c’est-à-dire une révolution communiste autogestionnaire, devienne un rêve mobilisateur pour notre classe. Un rêve qui donne envie aux travailleurs/ses de prendre le pouvoir et de choisir leur destin. Ce destin libre, égalitaire et fraternel passe par la construction d’un pouvoir populaire réellement démocratique et par l’expropriation des capitalistes. Ce ne sont pas des détails. Mais la réalisation de ce rêve collectif passe par là et il ne faut surtout pas oublier de l’expliquer.
Crédit photo : Martin Noda