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Chapitre 1.6: « La Révolution citoyenne dans les médias »
La Tendance CLAIRE a décidé d’ "appeler à voter pour Jean-Luc Mélenchon tout en menant bataille contre les impasses réformistes de son programme" (https://tendanceclaire.org/article.php?id=1705). C’est pourquoi nous proposons une analyse critique du programme de l’Union populaire.
Billets précédents :
1. 6) « La Révolution citoyenne dans les médias »... oui, mais cela restera un vain mot sans la collectivisation des moyens matériels et techniques, et sans la prise du pouvoir par les professionnel-le-s et les usager/ère-s
Le premier chapitre de la première partie du programme AEC se termine avec la question des médias : « L’information doit être libre et pluraliste ; c’est une exigence démocratique que nous garantirons. L’argent et les monopoles ne peuvent dominer le monde de l’information. La Révolution citoyenne concerne aussi notre droit à être informés honnêtement : l’alignement politique et la soumission financière des médias nuisent au pluralisme et à la liberté d’expression. » Mais les propositions, tout en étant progressistes, ne sont pas à la hauteur de la « révolution » à laquelle elles prétendent ! Le programme AEC promet d’« adopter une loi anti-concentration dans les médias et engager leur démocratisation ». Mais les mesures plus concrètes restent bien vagues ou insuffisantes.
Bien sûr, à l’heure où le gouvernement harcèle les journalistes qui rendent publics des agissements qu’il cache, il faut absolument « assurer une protection des sources et des lanceurs d’alertes, sans les obliger à saisir leur employeur en premier lieu » – mais le programme AEC ne dit pas comment, alors qu’il est élémentaire d’exiger l’immunité des journalistes qui font leur travail d’information comme les citoyen-ne-s qui exercent leurs droits civiques, et de protéger les un-e-s comme les autres s’ils/elles sont menacé-e-s.
En revanche, il est peu probable que l’on puisse réellement « protéger le secteur des intérêts financiers et politiques par un durcissement du statut juridique des rédactions, l’introduction d’une charte déontologique dans la convention collective et donner un droit d’agrément aux rédactions face à l’entrée d’un nouvel actionnaire » : cela revient à laisser les médias dans les mains des grands groupes capitalistes, tout en essayant de limiter un peu leur emprise sur les contenus, au lieu de prendre le mal à sa racine. De même, le programme AEC promet de « favoriser les coopératives de journalistes et de lecteurs/spectateurs/auditeurs, [d’]attribuer des fréquences aux médias locaux et associatifs », mais il ne dit pas comment on fera et surtout il est utopique de croire que des mesures se contentant de « favoriser des coopératives » puissent vraiment entamer le pouvoir énorme des trusts médiatiques. Le programme AEC veut aussi « réserver les aides publiques à la presse aux médias d’information », mais cela revient à accepter qu’on continue à financer des médias privés actuels, pour la plupart capitalistes, avec des fonds publics. Quant à la proposition d’« élire au Parlement les Présidents de France Télévisions et Radio France », elle est certes meilleure que son actuelle nomination bonapartiste par le gouvernement, mais elle revient à laisser ce pouvoir hors d’atteinte des premier/ère-s concerné-e-s, c’est-à-dire les professionnel-le-s du secteur et les usager/ère-s.
Car c’est bien là que réside la principale faiblesse du programme AEC : alors qu’il prétend vouloir une « révolution citoyenne dans les médias », il ne propose rien qui donne réellement le pouvoir aux citoyen-ne-s. Il est pourtant évident que, si l’on veut combattre réellement le pouvoir des capitalistes et de l’État, il faut leur enlever le pouvoir des médias et le remettre à l’alliance de ceux/celles qui les font et de ceux/celles qui s’en servent ! Cependant, le programme AEC propose, en passant, de « mutualiser les outils de distribution (imprimerie, serveurs, distribution) » (mais il ne développe pas) et il veut « transformer le "Conseil de déontologie des médias" en véritable contre-pouvoir citoyen ». Dans la version antérieure du programme AEC, un encadré précisait que « ce conseil devrait être composé de représentants des usagers des médias et de représentants des journalistes, y compris les précaires et pigistes. Ainsi, les citoyens disposeraient d’un recours pour faire respecter leur droit à une information objective. » Ce sont en effet ces pistes qu’il faut creuser, en allant beaucoup plus loin, c’est-à-dire en mettant en œuvre une politique d’expropriation ou d’asphyxie des capitalistes du secteur. Pour assurer l’égalité d’accès à l’information et à l’expression, il faut d’abord et avant tout mettre en commun les moyens matériels et techniques de l’information, de la communication et de la distribution, et les rendre accessibles librement à des associations de journalistes et de professionnel-le-s des médias, regroupé-e-s par spécialités et/ou par opinion : c’est ainsi seulement qu’ils/elles deviendraient réellement indépendant-e-s des milieux d’affaires et des policien-ne-s. Ces moyens collectifs seraient pris aux trusts capitalistes actuels des médias, qu’on exproprierait par nationalisation, et le financement de leur fonctionnement serait assuré par des fonds publics et/ou des cotisations sociales payées par l’ensemble des entreprises et unités de production (sur le modèle de la Sécurité sociale), sans contrôle étatique sur l’usage qu’en feraient les professionnel-le-s. Les professionnel-le-s définiraient ensemble leur ligne éditoriale et éliraient les responsables de leur média comme leurs représentants en général (notamment pour établir et faire appliquer une charte déontologique). Quant aux usager/ère-s, ils/elles choisiraient de lire, voir et entendre les médias qu’ils/elles souhaiteraient selon leurs goûts thématiques et leurs opinions : leur accès aux médias serait assurée par un droit similaire à celui que nous donne la Sécurité sociale pour les soins et les médicaments (au moins pour un bouquet forfaitaire gratuit). Les usager/ère-s pourraient aussi élire leurs représentants à la Mutuelle des moyens techniques (pour participer au contrôle de leur bon usage par les professionnel-le-s), au Conseil chargé de veiller au respect de la déontologie et enfin à la direction des médias de leur choix (ces propositions s’inspirent en partie du système proposé, notamment, par Pierre Rimbert dans Le Monde diplomatique de décembre 2014)