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Pour un regroupement communiste révolutionnaire DANS l’Union populaire
Le Comité politique national (CPN) du NPA a décidé de convoquer le congrès du NPA pour décembre. La discussion est donc ouverte dans une situation politique marquée par les suites d’une séquence électorale inédite et plus généralement par les phénomènes de crise internationale multiforme (réchauffement climatique, guerre en Ukraine, stagnation économique, inflation...).
Le CPN a mis en évidence, comme d’habitude, mais sous une forme renouvelée par les modifications des rapports de forces entre les courants politiques institutionnels, l’opposition entre deux orientations principales dans la direction du NPA. Et, comme d’habitude, nous ne nous retrouvons pour notre part dans aucune de ces deux orientations... Nous sommes cependant ouvert-e-s à la discussion, sur des plans différents, avec les un-e-s et les autres, notamment en vue des implications principales du congrès. D’où cette première contribution (en trois parties) dont l’axe est le suivant : pour un programme révolutionnaire alternatif à celui des réformistes ET pour la participation tactique à l’Union populaire.
La majorité du NPA (autour de la plateforme U du précédent congrès) défend sa ligne classique d’une « gauche de combat » qui entretient la confusion entre la question de l’unité dans l’action (1), la question programmatique (2) et la question de la forme organisationnelle (3). Mais, tout en refusant la ligne de la majorité au nom du refus (juste en soi) de la compromission avec les réformistes, les principales tendances minoritaires (A&R, FLO et DR) entretiennent en fait, en miroir, la même confusion. D’une part, en effet, elles croient que la défense d’un programme révolutionnaire (dont elles ne sont d’ailleurs pas toujours les partisanes cohérentes, mais c’est une autre histoire !) rendrait en soi incompatible la participation à une organisation ou un regroupement commun avec les réformistes (semblant ignorer des pans entiers de l’histoire du mouvement ouvrier et notamment du trotskysme, dont elles sont pourtant censées se réclamer). Et, d’autre part, au motif de s’opposer à toute compromission avec les réformistes (ce qui est juste du point de vue du programme, mais n’a rien à voir avec la question de l’unité), elles passent sous silence la question du front unique, sous quelque forme que ce soit :
- la FLO estime que « les militants qui souhaitent construire un parti révolutionnaire n’ont rien à gagner à se lier à une gauche politique et syndicale » (« ne se lier » avec personne, d’une quelconque façon, n’est-ce pas une belle définition du sectarisme ?) ;
- DR ne parle, de façon totalement lunaire (sans le moindre point d’appui dans la situation), que de rassembler... les révolutionnaires (c’est-à-dire en fait le NPA et LO – alors que les tensions sont maximales en ce moment et, de fait, DR ne propose rien de concret...) ;
- et A&R, tout en semblant redécouvrir dans de nombreuses et longues contributions les classiques du marxisme, n’a apparemment rien retrouvé sur le front uni (ni sur la participation tactique de Mandel ou d’autres trotskystes historiques dont ils/elles se réclament à des partis réformistes pendant des années...) et continue donc de croire que la seule « unité » et même la « discussion large » (!) ne sont possibles qu’avec... « notre milieu » !
Pour notre part, nous voulons en revanche bien distinguer les différentes questions :
1) Sur la question (atemporelle) de l’unité d’action et du front uni
En ce qui concerne d’abord la question de l’unité d’action, elle est largement hors sujet dans la discussion sur la ligne à adopter à l’égard de l’Union populaire, dans la mesure où elle est assez atemporelle. Il est évident en effet qu’il faut tout faire pour renforcer les liens non seulement avec les militant-e-s et les groupes de l’UP, mais aussi avec les syndicats, les associations féministes, antiracistes, antifascistes, etc., notamment sur le plan local. Ces liens sont nécessaires pour préparer et mener les luttes que nous impose la situation, mais aussi (contrairement à ce que croient les gauchistes) pour exiger et œuvrer autant que possible à l’indispensable front uni des organisations, de la base au sommet, avec des revendications précises et des objectifs clairs de mobilisation et de convergence des luttes pour mettre en échec la politique de Macron. Mais cela est vrai de tout temps et non spécialement lié à la situation immédiate – à part que celle-ci rend nécessaire (comme le souligne à juste titre la majorité) de combattre la tendance de l’UP, renforcée par son poids plus grand au Parlement et par son alliance néfaste avec le PS, EELV et le PCF, à faire des institutions le centre de gravité de son combat, au détriment des mobilisations.
Mais ce n’est pas vrai que la nécessité de « poursuivre l’action unitaire » justifie en elle-même de « proposer la mise en place de Parlements populaires locaux (réunissant les forces politiques composant la NUPES qui le souhaitent, en l’ouvrant à d’autres courants politiques dont le nôtre, et à des militantEs ou groupes de la gauche sociale, syndicale, associative), de collectifs unitaires, avec des débats et des actions communes ». Ici, il y a une confusion entre la question du front uni (collectifs unitaires, actions communes) et celle de la politique à l’égard de la NUPES (car les « parlements populaires locaux » y font clairement référence). Cela ne veut pas dire qu’il ne faille pas participer à des « parlements populaires locaux », voire les préconiser, mais il est faux de les considérer comme des cadres de front uni pour l’action unitaire : ce ne peuvent être que des cadres pour une organisation commune ou une fédération commune d’organisations différentes, forcément au service d’une politique précise : celle de l’UP, voire de la NUPES (il y a en fait une autre confusion sur ce point). Dès lors, participer à de tels cadres ne peut relever, pour des révolutionnaires (et surtout pour la tradition trotskyste dont nous nous réclamons pour la plupart au NPA), que d’une tactique très précise : non pas bien sûr une manœuvre secrète, mais une participation assumée, en tant que courant(s) révolutionnaire(s) organisé(s), à un parti ou d’un mouvement commun avec les réformistes. Dans la conjoncture actuelle marquée par une forte dynamique autour de l’UP, nous estimons pour notre part qu’une telle participation est tactiquement juste ; mais, d’une part, la majorité du NPA ne semble pas prête à la mener de façon cohérente car elle tient à conserver le NPA comme parti séparé ; et surtout, d’autre part, cette tactique suppose d’avoir un programme révolutionnaire alternatif à celui des réformistes, au lieu d’entretenir la confusion entre l’unité dans les luttes et l’unité programmatique. Selon nous, la tactique d’un regroupement communiste révolutionnaire dans l’UP implique une indépendance programmatique que néglige la majorité, mais non le maintien du NPA comme parti séparé, si cela signifie ne pas être partie prenante de l’UP et surtout du parti ou du mouvement qu’il faut construire à partir d’elle et ses électeurs/électrices.
2) Sur la question (principale) du programme
Quand on discute de l’UP, la question principale est évidemment, ici comme ailleurs, programmatique. Le point de départ devrait être de rappeler qu’il y a des divergences majeures entre les révolutionnaires et les réformistes (sur ce point, nous pourrions être d’accord avec A&R, FLO et DR, notamment avec les rappels de la politique désastreuse menée par la « Quatrième Internationale – Comité international » dans Syriza en Grèce, Podemos dans l’État espagnol, etc., où la participation a signifié compromission, puis capitulation devant les réformistes, et non bataille pour gagner à la révolution des milliers de membres de ces organisations). Il s’agit donc de critiquer globalement le programme de l’UP (et a fortiori de la NUPES), non par gauchisme, mais parce que sa logique réformiste l’empêche de remettre substantiellement en cause le pouvoir des capitalistes et de leur État (c’est ce qu’à notre échelle, nous avons essayé d’expliquer dans notre critique point par point du programme de l’UP). Or cela ne peut se faire que du point de vue d’un programme clairement révolutionnaire, dont le NPA est dépourvu depuis sa fondation. Dès lors, notre parti se retrouve sans boussole dans la discussion politique avec l’UP. C’est ce qu’a montré l’approbation très opportuniste d’un « programme partagé » au moment de la discussion avec l’UP pour les législatives – seule la présence du PS empêchant d’aboutir à un accord sur ce programme pourtant parfaitement réformiste, alors qu’une alliance tactique était certes légitime, mais seulement sur la base d’un bloc minimal de mesures d’urgence, sans renoncer à l’indépendance programmatique des révolutionnaires. Et c’est ce qu’a montré aussi la réunion parisienne du le 24 juin, où les deux députées de l’UP ont défendu fermement leur orientation réformiste, tandis que les représentant-e-s du NPA, au lieu de défendre une stratégie et un programme alternatifs, se sont contenté-e-s de poser des questions sur la possibilité d’actions unitaires et de s’interroger sur les « articulations » possibles entre mobilisations et actions parlementaires (au point que le camarade d’On s’en mêle est apparu comme beaucoup plus radical que le NPA sur le fond comme dans sa critique de l’UP !).
De plus, les députées de l’UP ont eu beau jeu de rappeler que, tout en parlant d’unité, le NPA avait présenté la candidature de Philippe à la présidentielle... Mais la majorité du NPA ne procède à aucune autocritique, au risque d’apparaître comme opportuniste quand elle prône l’unité... après le succès électoral de Mélenchon et de l’UP. En fait, seules des perspectives d’auto-construction ont été avancées pour justifier la candidature de Philippe lors de la conférence nationale de 2021. Pourtant, l’analyse politique correcte de la situation montrait déjà qu’il n’y avait aucune dynamique possible en ce sens (de fait, le NPA n’a évidemment pas gagné beaucoup de militant-e-s en six mois de campagne, mais a perdu pas mal d’électeur/trice-s). A contrario, dès l’élaboration du programme largement renouvelé de la FI à l’automne, son axe très à gauche (d’un point de vue réformiste, mais surtout écologiste et « sociétal ») nous a permis de prévoir le succès de la campagne de Mélenchon dans la plupart des milieux militants, chez les jeunes et, dans une certaine mesure, dans les catégories populaires. Dès lors, tout en critiquant le programme, c’est seulement en participant à cette campagne qu’il était possible de se lier (comme en témoigne à une échelle minuscule notre propre expérience) aux milliers de militant-e-s, notamment des jeunes qui ont fait cette campagne au plus près de la population, et aux milliers de nouveaux/nouvelles entraîné-e-s par l’enthousiasme de la campagne – relatif mais réel, comme l’ont montré la montée continue des intentions de vote dans les cinq dernière semaines et, bien sûr, le résultat final. Or, aujourd’hui, la majorité reconnaît que les « scores très bas » de l’extrême gauche aux élections « montrent globalement le très faible espace politique qui existe à gauche de la NUPES, la grande difficulté à être entendus et (si on les lie avec le sondage affirmant que Philippe Poutou est la deuxième personnalité des électeurs de gauche, loin derrière Mélenchon) les aspirations unitaires des électeurs/trices » (résolution du CPN). Mais alors, ne faut-il pas reconnaître clairement que la candidature de Philippe était une erreur tactique ?
Certes, il n’est pas trop tard pour constater que « la gauche sous l’hégémonie de l’Union populaire fait renaître l’espoir d’un point d’appui pour rompre avec les politiques libérales – même le PS et EÉLV ! – au contraire de la période où ces composantes participaient aux gouvernements Jospin ou Hollande ». Dès lors, il est juste d’écrire : « C’est avec cette évolution des consciences dans notre camp qu’il faut discuter pour peser sur les décantations indispensables. » Mais la nécessité de discuter dans ce but de « décantation » (que seul-e-s des sectaires peuvent sous-estimer) ne saurait être confondue avec la participation à un « processus de recomposition de la gauche » et encore moins avec le « souhait d’être partie prenante de la construction [...] d’un programme de rupture avec l’ordre néolibéral, tout en gardant notre indépendance politique et militante ». Non, les révolutionnaires n’ont pas à « construire un programme » avec les réformistes, mais à défendre leur programme révolutionnaire. Et cela est vrai en toutes circonstances : qu’ils/elles construisent une organisation indépendante... ou qu’ils/elles constituent un courant dans une organisation commune avec les réformistes. Car, là encore, il faut distinguer !
3) Sur la question (tactique) de la participation à l’UP
Sur le plan de la forme organisationnelle, la majorité du NPA manque de nouveau de cohérence. D’une part, elle écrit à juste titre que « le NPA n’est pas une fin en soi, d’autant plus dans une période où des dizaines de milliers de personnes qui veulent changer le monde se sont retrouvéEs dans les campagnes de Mélenchon et de la NUPES, sans avoir d’avis tranché sur le clivage entre réforme et révolution. C’est particulièrement le cas pour une grande partie de la classe ouvrière organisée, les syndicalistes et militantEs combatifs/ves des grèves que nous avons côtoyés dans la bataille sur les retraites ou ailleurs. Nous devons nous lier à ces franges militantes. » Mais, d’autre part, la majorité du NPA (dans la continuité de la campagne Poutou d’autoconstruction inefficace) ne propose pas d’entrer dans la NUPES, ni même seulement l’UP, mais affirme au contraire vouloir « garder notre indépendance politique et militante ». Or comment peut-on croire sérieusement que les militant-e-s de l’UP et les milliers de participant-e-s à la campagne Mélenchon vont vouloir rejoindre le NPA, même si nous participons à d’éventuels « parlements populaires locaux » ? D’ailleurs, ceux-ci pourraient-ils être autre chose que des structures de la NUPES ou au moins de l’UP ?
En vérité, si nous voulons convaincre ces militant-e-s, nous devons pouvoir les fréquenter dans des cadres communs non seulement pour l’action unitaire contre le patronat et le gouvernement (front uni des organisations), mais aussi pour la discussion et l’action politiques. Se maintenir en tant que parti indépendant qui n’aurait de véritable contact avec les membres de l’UP que dans le cadre de « parlements locaux » ne peut en l’occurrence que nous couper des forces vives à côté desquelles il faudrait militer : c’est à l’intérieur des « groupes d’action » UP que se réunissent les dizaines de milliers de militant-e-s qui n’ont pas d’« avis tranché sur le clivage entre réforme et révolution », et c’est donc là, à la base, qu’il s’agit d’être nous aussi, plutôt que de continuer à militer dans des cadres extérieurs. S’ils sont pensés sur le modèle du « parlement populaire » au niveau national, les parlements populaires locaux ne réuniront que quelques représentant-e-s d’organisations dont les membres continueront à militer chacun de leur côté : se rapprocher de l’UP sans s’intégrer de plein pied, avec nos différences programmatiques mais en toute loyauté, dans ses comités d’action, c’est en fait s’isoler d’emblée et se condamner à l’inefficacité politique. Il faut donc assumer qu’il s’agit alors de tout faire pour entrer dans l’UP (non dans la NUPES, qui doit n’être rien d’autre qu’un bloc parlementaire). L’UP regroupe d’ailleurs déjà des partis et mouvements différents : le PG et la FI (qui ne se recoupent pas complètement), les courants d’Ensemble et le POI (qui n’y mènent aucune véritable bataille politique), sans parler des « personnalités ». Mais, dans notre cas, il s’agirait d’y constituer non un courant discret et acritique, mais au contraire un courant organisé (ou un regroupement) communiste révolutionnaire qui s’assume comme tel, tout en participant loyalement aux débats et instances internes et à l’ensemble des campagnes politiques particulières qui nous sembleront justes.
Or, au lieu de préconiser cette participation tactique, qui encore une fois suppose un programme révolutionnaire (sous peine de capitulation ou de disparition politique), la majorité du NPA s’en tient encore une fois à ses perspectives (encore plus illusoires qu’avant) d’auto-construction. Ou plutôt, elle envisage l’auto-restriction car la résolution du CPN se termine par la menace d’exclure les tendances du parti qui ne sont pas d’accord avec la majorité et qui mènent parfois une politique différente ! Or le manque d’« homogénéité politique et organisationnelle » est peut-être regrettable, mais assez logique dans un « parti large », a fortiori dans un parti large avorté (le manque de délimitations politiques n’a en fait jamais assuré l’importance numérique) et en crise permanente (car, comme nous l’avions annoncé, la campagne de Philippe ne pouvait nullement permettre de la surmonter...). En tout cas, ce n’est évidemment pas en prenant des mesures administratives pour se « séparer » des tendances, même par un congrès, que la majorité du NPA pourra avancer dans la construction de quoi que ce soit. Même la volonté (inédite) d’interdire la publicité des « débats tactiques internes » est inacceptable : les révolutionnaires n’ont rien à cacher, mais doivent au contraire promouvoir des discussions franches et ouvertes, dont tou-te-s les militant-e-s du mouvement ouvrier et des mouvements sociaux peuvent prendre connaissance s’ils/elles le souhaitent (il est en fait assez atterrant, quand on est un tout petit parti, de ne pas souhaiter que ce soit le cas...). Plus généralement, les problèmes politiques doivent être réglés par des débats politiques, donc par des clarifications programmatiques, stratégiques et tactiques. La situation ouverte par la dynamique de la campagne Mélenchon et le possible développement de l’UP rend possible d’avancer sur ces trois plans qui, loin de s’opposer, pourraient être articulés au mieux pour épouser les contours complexes de la période.