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Le capitalisme implique structurellement gaspillage, pollution et désastre écologique
Le capitalisme, c'est le désastre écologique permanent. Chaque instant, ce sont des quantités inouïes d'énergie gaspillées, d'eaux, de terres et d'atmosphère polluées, de biodiversité détruite. C'est aussi la mise en danger permanente de pans entiers de la vie humaine et animale par des prises de risques insensées (Nucléaire, OGM, etc). Le fonctionnement écologiquement désastreux du capitalisme est inévitable car il est structurel. Au moins deux principes essentiels sont invariants et doivent être analysés : l"impératif de profit et la concurrence (1).
L’impératif de profit
« Faire toujours plus de profits. » : c'est la caractéristique la plus immédiate du capitalisme, qui est bien souvent source de véritables scandales.
Publicité
Le capitalisme a un besoin structurel de la publicité. Pour encourager les ventes, bien sûr. Mais aussi et parfois surtout comme moyen de contrôle de la ligne éditoriale du média à qui l'on achète l'espace publicitaire. Il est ainsi évident, par exemple, que les dizaines de millions d'euros avec lesquels EDF arrose la presse depuis des années, à une époque où l'entreprise était en situation de monopole, sert à acheter la ligne éditoriale (et non pas à inciter les consommateurs à gaspiller encore plus d'électricité !). Quand par accident un journal comme La Tribune s'aventure à publier des éléments critiques contre l'EPR, la sanction tombe : EDF supprime le budget (2) (soit dit en passant, ce n'est certainement pas la seule explication, mais il est intéressant de constater que depuis La Tribune a été contraint d'abandonner sa version papier...). De même, impossible pour la plupart des médias, de publier le moindre article de réflexion sur la pollution automobile alors que foisonnent photos publicitaire de tous les constructeurs à chaque détour de page. Résultat : un nombre important d'hebdomadaires et de mensuels ne sont à quasiment 50% que de simples prospectus.
Dans tous les cas, la publicité entraîne une augmentation effrénée de la consommation de ressources, des émissions de gaz à effet de serre (GES) et de déchets plus ou moins polluants.
Ce n’est pas pour rien que la publicité est si peu aimée, même bien au-delà des activistes qui attaquent les panneaux (3). Elle est comme une voix omniprésente du capital qui nous interpelle en permanence, dont le seul but est d’exercer une forme plus ou moins tolérée de manipulation. On se souvient qu'il y a quelques années, le sympathique Patrick Le Lay, ex-PDG de TF1, était passé à la postérité en déclarant avec un cynisme incroyable vendre "du temps de cerveaux disponible".
Mais sans même parler des effets psychologiques, l’invasion des publicités est une débauche de surconsommation à chaque instant : éclairage des vitrines toute la nuit, impression, transport et collage d'affiches, encarts dans les journaux, tournage de clips vidéo… En France, selon l'Ademe, les dépenses publicitaires ne représentent pas moins de 30 milliards d'euros par an, et 17 kg par habitant de prospectus distribué dans les boîtes aux lettres (4).
On peut évoquer aussi le cas des affiches motorisées (il arrive même qu’une affiche laisse place… à la même affiche !). Malheureusement il semble qu’il n’y ait pas d’étude globale sur le coût énergétique de la publicité. Reste alors à extrapoler, sachant qu’en région parisienne, les panneaux éclairés équivaudraient à la consommation électrique de plus de 100 000 personnes (5).
Alors quand la publicité se met au « greenwashing », il y a de quoi voir rouge (6)…
Sacrifice des mesures de sécurité et acceptation criminelle des catastrophes
A chaque fois qu’une usine chimique explose, qu’un navire pétrolier sombre, qu’un incident nucléaire ou une infection alimentaire est signalé… cela met en lumière l'immense danger intrinsèque des industries impliquées, mais aussi la désinvolture avec laquelle ces industries traitent ce danger.
Cela devient malheureusement banal de dire que les industriels font du profit en réduisant la sécurité. C'est même pire que ce que l'on imagine : les capitalistes font parfois simplement le calcul de ne faire aucune prévention et de tolérer un risque parfaitement connu...
Dans le transport maritime, cela se traduit par exemple par les marées noires : à la fois les accidents (navires-poubelles, marins en sous-effectifs et épuisés par des temps de veille trop longs, pression pour sous-estimer les risques de tempête...) et les déballastages sauvages (qui représentent autant sinon plus de rejets d’hydrocarbures) pour éviter de payer au port.
Dans l’industrie nucléaire, on peut parler de l’absurdité des centrales construites en zone sismique (Fukushima…), qui ajoute encore au risque insensé constitué par l'existence même de ce mode de production, mais aussi de l’hypocrisie de la « sécurité à la française » : des règles de sécurité prétendument strictes… qui ne s’appliquent même pas aux intérimaires de la sous-traitance.
Contrairement à la CGT, nous sommes au NPA pour la sortie du nucléaire (avec un plan en 10 ans maximum). Mais nous sommes solidaires des luttes des travailleurs/ses contre le mépris de la sécurité publique.
Flux-tendu, sous-traitance et délocalisations
Ces dernières décennies ont vu la généralisation du flux-tendu : pour maximiser le rendement du capital, les stocks sont limités au maximum, et les transports doivent donc être le plus flexibles possibles.
C’est une tendance de fond qui fait que le capitalisme délaisse quand il le peut les moyens de transport « lourds » (bateaux, péniches, trains…) et favorise les camions. De cette façon, les trajets sont adaptés au plus près de la demande, qui elle fluctue selon la volatilité des marchés... Ainsi en Europe ces 30 dernières années, on a construit 1 200 km de routes par an et supprimé 600 km de lignes de chemin de fer.
Dans beaucoup d’entreprises industrielles, pour minimiser les risques de pertes conjoncturelles, pour rechercher des économies avec des salaires plus bas, des étapes entières de la production ont été sous-traitées. La même logique s’impose à la marchandise « force de travail » : les patrons ont externalisé de nombreux postes (agents d’entretien, de maintenance…), pour ne plus avoir à embaucher et ne payer qu’au service. Dans tous les cas, cela engendre des déplacements, et donc des émissions de GES évitables…
Les délocalisations ne sont qu’une prolongation de ce mouvement. On cite souvent des exemples de marchandises types qui font plusieurs fois le tour de la Terre au cours de leur production, comme un jean qui peut parcourir jusqu’à 65 000 km avant d’être vendu. Certaines étapes impliquent nécessairement des transports (le coton n’est pas cultivable partout), mais il n’y a que la logique de profit capitaliste qui impose que le coton soit filé en Turquie, teint en Bulgarie, que la toile soit tissée à Taiwan, que le jean soit assemblé avec boutons et rivets en Tunisie… La mondialisation des échanges a rendu les peuples interdépendants et donné un intérêt commun au prolétariat mondial. Mais actuellement elle est un processus aveugle, qui a ses effets chaotiques, et qui ne donne aux travailleurs du monde aucune prise sur le fruit de leur travail. Ce n’est donc pas forcément « réactionnaire » d’envisager des relocalisations de productions, contrairement à ce qu’affirme régulièrement Lutte ouvrière.
Le niveau global de pollution n’est pas la simple conséquence de « la croissance ». Au début des années 1990, les exportations mondiales de produits manufacturés ont augmenté plus rapidement qu’auparavant, tandis que le taux de croissance du PIB mondial diminuait. En clair, même avec moins de croissance, le capitalisme pollue toujours plus. Sachant que la croissance capitaliste contient nombre de secteurs à supprimer (armement, publicité…) ou à rationaliser (fin de l’obsolescence programmée, moins d’aliénation consumériste…), on peut envisager une baisse drastique de l’impact environnemental tout en satisfaisant les besoins de l’humanité.
Baisse des investissements
Depuis les années 1980, le capitalisme est englué dans une suraccumulation : trop peu de profit est extorqué par rapport à la masse de capital investi. A noter que c’est pour contrebalancer cette baisse que les entreprises ont accru la sous-traitance, le flux-tendu… Mais une autre conséquence majeure est la tendance à la baisse des investissements productifs. Les innovations sont moins stimulées, et surtout, des innovations déjà réalisées ne sont que très lentement généralisées.
Il ne s’agit bien sûr pas de dire que les « innovations » des capitalistes sont par nature « progressistes et écologiques ». Mais voir que les investissements sont de moins en moins rentables pour les capitalistes permet de comprendre pourquoi le « capitalisme vert » est si lent à se développer. On ne peut pas nier qu’il y a des cas où le profit conduit certains capitalistes à aller dans un sens plus environnemental, mais même cette tendance est limitée par un facteur interne. Il est d'ailleurs notable qu’en Chine, où les investissements ont été plus forts qu’ailleurs, l'intensité énergétique a été divisée par 4 entre 1971 et 2006, tandis qu'elle augmentait de 25% en Afrique.
Hormis les nouvelles usines ou branches de production, l’appareil industriel est partout vieilli, ce qui a des conséquences sur la sécurité comme sur l’efficacité et donc sur la consommation d’énergie et de ressources. Aux États-Unis, certaines raffineries ont plus de 70 ans comme celle qui a explosé au Texas en 2005, qui n’était quasiment plus entretenue.
Dans de nombreux cas, une option moins néfaste écologiquement pourrait être rentable, mais les investissements ne sont pas réalisés. Le rendement des machines à vapeur (utilisées par exemple en géothermie) est en moyenne de 40%, alors qu’on peut, en investissant, le porter à 60%. Avec des systèmes de goutte à goutte, on peut économiser l’eau et par là même éviter les problèmes de salinité qui touchent 20% des cultures irriguées.
Dans le domaine de l’énergie, les énergies renouvelables ne souffrent pas tant du fait qu’elles ne seraient pas rentables, mais que les 25 géants du gaz, du pétrole ou du charbon n’ont aucune envie d’investir massivement pour changer de cap et voir ainsi leur bilan financier nettement dégradé face à leurs concurrents…
Concurrence contre planification
Tous ces méfaits du capital cités proviennent assez directement de la quête de maximisation du profit. Mais il faut également mettre l’accent sur une autre caractéristique du capitalisme : la concurrence (7). Elle génère un gâchis d’énergie, de ressources (et de temps de travail !) qui est très difficilement estimable mais qui est en réalité probablement le principal problème.
Production désordonnée
Pour chaque domaine de la production, il y a différentes entreprises qui ont chacune leurs locaux, leurs machines, leurs fournisseurs, leurs sous-traitants… pour produire les mêmes marchandises (ou presque). La centralisation du capital limite un peu ce phénomène, mais il y a néanmoins de quoi générer de monumentales absurdités.
Ainsi deux sociétés privées (Iridium et Globalstar) ont envoyé chacune des dizaines de satellites pour assurer deux couvertures du globe concurrentes. Idem avec les différents réseaux d’opérateurs de téléphonie mobile (France Telecom, Bouygues, SFR en France). Dans les supermarchés, les très nombreuses marques différentes sont loin d’être toujours justifiées par la « variété de choix ». Parfois la différence n’est que dans le prix, parfois (notamment pour les aliments…) elle est dans la qualité et le risque encouru, ce qui deviendrait impensable dans la société sans classe pour laquelle nous nous battons.
La concurrence dans les réseaux d’électricité ou dans le transport ferroviaire est une source d’inefficacité globale (des coupures, des trains ou des machines à redémarrer…). De même, avoir plusieurs opérateurs d’internet haut débit nécessite des installations supplémentaires (dégroupage). Les différentes banques, assurances, agences immobilières… sont plus une source de perte de temps qu’autre chose. Et le simple fait de passer d’un numéro unique de renseignements (12) à plusieurs (118 xxx…) multiplie les standards téléphoniques, les appareils à acheter…
Transport absurde des marchandises
Au niveau des transports, le capitalisme a construit une toile d’araignée mondiale sans logique d’ensemble. Pour ne prendre que quelques exemples (8) :
- Les États-Unis, riches en bois, importent des allumettes du Japon, qui pille les forêts indonésiennes, tandis que le Japon importe des baguettes des États-Unis.
- Chaque année, 60 000 tonnes de poulets sont importées par le Royaume-Uni depuis les Pays-Bas, tandis que les Pays-Bas importent, eux, 30 000 tonnes de poulets britanniques qui voyagent dans l’autre sens.
- Lors de l’accident du tunnel sous le Mont-Blanc, l’un des poids lourds en cause ramenait vers l’Europe du Nord des pommes de terre qui s’étaient faites transformer en chips en Italie, tandis qu’on transportait du papier hygiénique dans les deux sens !
- Au fil des fusions et des rachats de sous-traitants dans l’industrie automobile, des pièces de moteurs ont pu venir du Brésil ou des États-Unis pour être assemblées en Europe sur des véhicules Renault ou Volkswagen, tandis que des pièces équivalentes traversaient l’Océan Atlantique dans l’autre sens pour être montées sur des véhicules Mack, Ford ou General Motors.
- On peut trouver à Pointe-à-Pitre des oranges venues d’Afrique du Sud, après avoir transité parfois par Rungis, alors qu’on en cultive en Amérique Centrale ou dans la proche Floride…
L’effet de la sous-traitance et des externalisations évoqué plus haut augmente les imports-exports, mais la concurrence capitaliste elle-même est le problème structurel. La planification pourrait au contraire rationaliser drastiquement les transports : rapprocher usines et voix ferrées ou fluviales, trouver le bon équilibre entre concentration (économies d’échelle) et limitation des transports…
Autres effets indirects de la concurrence
La concurrence n’engendre pas seulement une gabegie à l’étape de la production, mais aussi par toutes ses conséquences.
Par exemple, les multiples objets non compatibles entre eux (des câbles électroniques aux lames de rasoir) contribuent à la non-réparabilité et à l’obsolescence généralisées. Résultat : il n’y a que 20% des appareils (hors garantie) tombant en panne qui sont réparés. Certes, il y a aussi l’effet de la hausse du coût du travail par rapport à celui des marchandises – et la complexité technologique de ces marchandises – qui ruine les petits artisans qui se « débrouillaient » pour réparer. Mais une gestion socialisée de la réparation pourrait tout à fait être envisagée, en lien direct avec la production : pièces d’usure conçues pour pouvoir être changées facilement, schémas et notices techniques en libre diffusion, formation facilitée par la standardisation… Mais tout cela se heurte frontalement au capitalisme et notamment au secret commercial des concurrents.
La gestion des déchets est aussi rendue plus difficile : les constructeurs et les différentes entreprises du secteur des déchets se renvoient tous la responsabilité d’améliorer les procédés… Par exemple, le plastique est aujourd’hui très peu recyclé, principalement parce qu’il y a toutes sortes de compositions différentes, rendant le tri en déchetterie quasi-impossible. Concernant le verre, les pare-brise sont rarement recyclés, parce que le démontage varie et demande beaucoup de main-d’œuvre, dégageant finalement peu de marge. Notons aussi que, sauf exceptions locales, le marché capitaliste a tué le système de consignes de bouteilles (9).
On peut ajouter d’innombrables exemples qui peuvent paraître insignifiants, mais qui se déclinent dans chaque secteur avec au global un surcoût absurde… Il n’est pas rare qu’un fournisseur (de citernes, de bus…) doive repeindre son produit parce que tel client a redéfini le code couleur bien précis qui identifie sa marque.
Pour toutes les raisons survolées ci-dessus, le capitalisme semble bien être incapable de s’amender dans un sens écologique. Bien au contraire, ses tendances actuelles font peser sur nous d’immenses risques environnementaux et sanitaires entremêlés, plus dramatiques encore que ceux qui font déjà des centaines de millions de victimes (10). Il y a plus que matière à se révolter sur tous ces sujets. Pour ne parler que de l’aspect énergétique, ceux qui raisonnent dans le cadre bourgeois (sans remettre en cause la propriété privée des moyens de production) estiment que l’on pourrait éviter le quart des émissions de CO2 actuelles par des économies (11). Jusqu’à quel point ce pourcentage pourrait-il s’élever si les travailleurs et travailleuses prenaient le contrôle de leurs entreprises, mettant fin au profit et à la concurrence ? Les écologistes que nous sommes veulent le savoir, en l’expérimentant à grande échelle !
1) Nous nous limitons ici à ces deux aspects. La séparation producteur / consommateur, l'absence générale de pouvoir des travailleurs/ses dans les prises de décision, l'aliénation de la société de consommation, notamment, sont des causes structurelles qui doivent également être développées.
2) La Décroissance n°95, décembre 2012-janvier 2013, p. 8.
3) En France "Casseurs de pub" qui édite le mensuel La Décroissance, et RAP (Résistance à l'Agression Publicitaire)
4) Agence de l'environnement et de la maîtrise (sic) de l'énergie, cité par La Décroissance n°95, p. 3.
5) Site web d’Enerzine, http://www.enerzine.com/14/13427+consommation-electrique---le-secteur-de-la-publicite-epingle+.html
6) Un florilège sur http://saison1.lalliance.fr/xmedia/atelier_BVP/publicites.html
7) La séparation entre chapitres « profit » et « concurrence » n’est qu’un changement de point de vue sur le même système – ce règne de la « concurrence pour le profit ».
8) Cf article de Lutte ouvrière, http://www.lutte-ouvriere.org/documents/archives/cercle-leon-trotsky-62/article/ecologie-nature-ravagee-planete-6363 ou le livre de Serge Latouche, Le pari de la décroissance http://books.google.fr/books?id=FpkG6O7mVGAC
9) Site web du CNIID, http://www.cniid.org/Le-point-sur-La-consigne-des-bouteilles-1e,181
10) Par exemple, « 326 catastrophes climatiques ont été enregistrées en moyenne chaque année entre 2000 et 2004 ; elles ont fait 262 millions de victimes – près de trois fois plus qu’entre 1980 et 1984 » (Source : rapport mondial du PNUD 2007/2008, cité par Daniel Tanuro, Rapport sur le changement climatique (http://orta.dynalias.org/inprecor/article-inprecor?id=739), Comité International de la IVe Internationale / Ecologie, Inprecor N° 551-552, juillet-août 2009).
11) 26% selon l’Agence Internationale de l’Énergie.