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Reconnaissance de l’État de Palestine par Macron : l’hypocrisie de l’impérialisme français

Le discours du président de la République à l’ONU le 17 septembre 2025 s’est voulu historique. Dans les faits cependant, la portée du geste diplomatique français demeure essentiellement symbolique. En premier lieu, les conditions posées par Macron à la reconnaissance de l’Etat palestinien sont totalement inacceptables pour un peuple opprimé depuis des décennies par l’État d’Israël. De plus, le Royaume-Uni, l’Australie et le Portugal l’ayant fait la veille, sa « coalition diplomatique » s’est retrouvée amputée, entourée seulement de « petits » États (la Belgique, le Luxembourg, Malte ou Monaco…) le jour J1. Enfin, il se heurte à Trump, qui a fortement critiqué la reconnaissance de l’État de Palestine, et qui a proposé son propre « plan de paix » approuvé par son indocile quoiqu’indéfectible allié Netanyahu.
Quelle reconnaissance de l’État de Palestine ?
Torpillé une première fois par la guerre d’agression d’Israël contre l’Iran déclenchée le 13 juin2, le mouvement diplomatique franco-saoudien de reconnaissance de l’État de Palestine est arrivé à son terme la semaine dernière. Une quinzaine de nouveaux États, dont la Grande-Bretagne et la France, ont franchi le pas, portant à 156 le nombre de pays reconnaissant l’existence d’un État palestinien dans le cadre des frontières coloniales établies à l’ONU en 1967. Désormais, les États-Unis sont le seul membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU à ne pas le faire.
Cependant, cette reconnaissance s’effectue sous conditions alors même que le génocide à Gaza s’intensifie avec l’invasion de Gaza ville par l’armée israélienne et que la colonisation de la Cisjordanie est encouragée et soutenue par l’intégralité de la Knesset, le Parlement israélien. Pour l’État français, les conditions principales sont les suivantes : désarmement et capitulation du Hamas et de toutes les branches armées palestiniennes, démilitarisation du futur État et architecture de défense assurée par des supplétifs des autres pays arabes du Moyen-Orient, retour des otages détenus depuis le 7 octobre 2023, restauration de l’Autorité palestinienne largement décriée par la population du fait de la corruption endémique de celle-ci et de sa gestion sécuritaire avec l’occupant. Par ailleurs, Macron demande à Israël d'arrêter sa guerre à outrance contre Gaza. Il affirme que « le temps est venu » d'arrêter les bombardements. Cependant, il avait soutenu ceux-ci pendant plus d'un an et demi, avant de faire des réserves formelles depuis le printemps – sans aller jusqu'à décider la moindre sanction contre Israël, et encore moins rompre ou même menacer de rompre les relations avec Israël. Quant à son plan de paix, il n'inclut ni le droit au retour des réfugié·e·s et expulsé·e·s, ni la fin de la colonisation des territoires palestiniens ni même le retrait des troupes et des colons des territoires occupés depuis 1967.
Certes, en diplomatie et en droit international, ce sont les États qui comptent. En ce sens, la reconnaissance de la Palestine pourrait constituer une première étape. Mais, en relations internationales comme ailleurs, entre « deux droits égaux, c’est la force qui tranche », comme disait Marx. Donc, dans la mesure ou il s’agirait d’un État désarmé, sous tutelle économique car sans systèmes productifs ni continuité géospatiale, et toujours exposé aux volontés coloniales israéliennes, la matérialité de l’État palestinien apparaît, de fait, comme une chimère. En n’impliquant rien de concret, cette reconnaissance condamne les Palestiniens à vivre sous tutelle, dépossédés de leurs droits fondamentaux et à la merci de nouvelles attaques d'Israël sous le moindre prétexte. Cette tutelle commencerait dès l’étape de transition, puisque Macron a affirmé que, dans son plan, Israël aurait son mot à dire sur la composition des membres de l’autorité de transition palestinienne ! Il va donc sans dire que toute cette agitation ne ressemble pas à une véritable reconnaissance de la souveraineté du peuple palestinien, y compris dans les étroites frontières de 1967. Sans même compter qu’en plein génocide, l’industrie française de l’armement exporte toujours des composants militaires à l’État d’Israël.
Les Palestiniens sont sacrifiés dans la reconfiguration du grand jeu impérialiste mondial et régional
S’il est possible de lire l’action diplomatique française comme une petite levée de boucliers à l’égard de Trump et de Netanyahu, il faut rester lucides sur les causes profondes de ce mouvement et comprendre que la course à la domination du Moyen-Orient sans partage est engagée par les États-Unis et Israël avec l’objectif d’en exclure les pays européens.
Pour les Européens, plus ou moins emmenés par la France, il s’agit de peser, un peu, face à Trump : après avoir subi la guerre commerciale et les menaces de désengagement militaire en Europe, ils cherchent à construire leur autonomie stratégique. C’est en ce sens qu’ils ont proposé une sorte de « voie alternative » en Palestine, mais qui est, en réalité, une solution à deux États encore plus défavorable aux Palestiniens que toutes les tentatives précédentes. En se voyant progressivement isolés de la région, les dirigeant·e·s européen·ne·s font tout pour maintenir leurs partenariats commerciaux et militaires avec Israël, tout en multipliant les appels du pied aux pétromonarchies du Golfe.
Pour Trump, il s’agit de trouver le moyen de mettre fin à la guerre qui approfondit, depuis bientôt 3 ans, la déstabilisation du Moyen-Orient et qui entrave le développement de l’exploitation de toute la région. Si son indéfectible allié israélien a réussi à infliger des dommages très importants aux multiples adversaires des États-Unis dans la région (en ayant détruit une grande partie de « l’Axe de la résistance » ainsi que des hauts gradés du corps des Gardiens de la Révolution), la guerre à outrance au Moyen-Orient n’est pas l'objectif politique de Trump et encore moins celui de sa base sociale. Trump a pesé de tout son poids pour imposer à Netanyahu son propre « plan de paix », comme il l’avait fait durant sa proposition de cessez-le-feu début 20253. Si celui-ci est très largement favorable à Israël, il réaffirme néanmoins la volonté trumpienne de contrôler et soumettre Gaza via un consortium international technocratique et autoritaire4. Trump a besoin de stabilité, quitte à ce qu’il s’agisse d’une « paix armée », pour pouvoir concentrer ses forces sur le « pivot asiatique », autrement dit sur la contention de la Chine. En ce sens, il continue sa politique à la fois avec et en partie contre Netanyahu, en s’implantant directement sur les territoires palestiniens convoités. Quoi qu’il en soit, le plan en 20 points de Trump, que Macron comme le Premier ministre espagnol « de gauche » Petro Sanchez se sont empressés d’approuver, est une véritable abomination : mise en place d’une zone économique spéciale, d’un plan d’investissement immobilier privé mené par un panel d’ « experts » dans la construction de « villes florissantes » au Moyen-Orient, « Autorité » de transition excluant toutes les forces de résistance sans exception, « force internationale de stabilisation » composée de militaires de pays étrangers.5 Ce plan offre par ailleurs à Netanyahu une possibilité de justifier la poursuite de la guerre, puisque Trump a affirmé apporter son soutien total à Israël dans le cas où le Hamas le refuserait.
Car, en effet, Netanyahu n’a aucun intérêt réel à voir s’arrêter la guerre, d’autant moins que de futures élections pourraient lui être défavorables : si une partie de la population israélienne appelle au retour des otages et à la fin de la guerre, il ne s’agit pas pour autant d’une quelconque manifestation d’empathie pour le sort de la population de Gaza. Au contraire, la société israélienne s’est radicalisée sur la droite, et une partie d’elle, galvanisée par les victoires, est désireuse de voir les succès militaires se transformer en conquêtes. Cela s’est réalisé avec l'installation de colonies dans le Golan syrien et en Cisjordanie, dans l’occupation militaire du Sud Liban, mais aussi dans la montée des volontés coloniales des suprémacistes à Gaza.
Pour les pétromonarchies du Golfe, enfin, l’urgence est là aussi, comme pour les États-Unis, à la stabilité6 : si l’affaiblissement significatif de « l’Axe de la résistance » est pour elles une réjouissance dans la mesure où cela réduit l’hégémonie iranienne et renforce la leur, cela ne suffit pas. D’une part, la pression des populations arabes face au génocide à Gaza doit être à la fois exprimée et contenue et, d’autre part, la menace israélienne s’exprime aussi face à elles (le Qatar a récemment été la cible d’une attaque israélienne qui visait des négociateurs du Hamas et les « excuses » de Netanyahu n'empêcheront évidemment qu'il recommence si nécessaire). Les pétromonarchies sont dans une dynamique de libéralisation de leurs économies pour sortir de la dépendance à l'égard de la rente des matières fossiles et doivent attirer des capitalistes étrangers, ce qui sera limité tant que durera la guerre. De plus, bien qu’elles soient en partie renforcées par les accords gigantesques qu’elles ont scellés avec Trump, elles sont terrorisées face à l’hegemon israélien. Cela explique leur soutien au plan de paix de Trump, pourtant présenté en opposition à celui proposé par la France et l’Arabie Saoudite. La politique soi-disant « pragmatique » des pays du Golfe se heurte à leurs faiblesses structurelles tant économiques que politiques et démographiques.
Tout comme l’hypocrisie des dirigeant·e·s européen·ne·s qui cherchent à se racheter en reconnaissant l’État palestinien sans aucune garantie de souveraineté, la duplicité des pétromonarchies du Golfe et de toutes les bourgeoisies arabes doit être clairement dénoncée. En France, au moment où la Sumud Flotilla est interceptée par les forces israéliennes, qui refusent de lever le blocus empêchant le passage de l’aide humanitaire, les confédérations syndicales s’enlisent dans une logique de négociation avec le gouvernement. Il est temps de suivre la voie montrée par les travailleur/se·s et la jeunesse qui, en Italie, se mobilisent à la fois pour bloquer les livraisons d’armes et pour exiger une paix juste à Gaza comme en Cisjordanie.
1https://www.monde-diplomatique.fr/2025/10/BREVILLE/68861
2https://tendanceclaire.org/article.php?id=2007
3https://tendanceclaire.org/article.php?id=1987
4https://legrandcontinent.eu/fr/2025/09/30/un-pdg-a-la-tete-de-gaza-que-contient-le-plan-de-tony-blair-pour-le-futur-de-lenclave/
5 Il s’agit de l’application en acte de la théorie « formaliste » de Curtis Yarvin, idéologue phare des néoréactionnaires dont nous avons déjà parlé ici https://tendanceclaire.org/article.php?id=2016
6https://www.monde-diplomatique.fr/2025/10/BELKAID/68805






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