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Réunion publique avec des cheminots à Carbonne (Haute Garonne)
Le 19 Avril, dans le cadre du Café des Idées qui s’est déroulé à Carbonne (Haute-Garonne), a eu lieu une réunion publique au cours de laquelle sont intervenus des cheminots. Nous avons évoqué la SNCF, leur travail, la lutte en cours. Comme il serait difficile, et pas forcément pertinent, et de toutes les manières certainement inexact, de le retranscrire intégralement, j’ai simplement résumé ici, ce que m’a inspiré leur exposés et les réponses à nos questions.
La SNCF a une histoire
La soirée a commencé par un historique rapide du chemin de fer en France; c’est une histoire importante, qu’on ne peut pas simplement balayer d’un revers de main. Son exposé, bien que rapide, laisse vite apparaître trois éléments principaux:
Un début expliqué en grande partie par les intérêts de la bourgeoisie
La nationalisation du rail en France a été quelque chose de positif mais de très limité. La réalité, c’est que cela répondait à des impératifs financiers pour la bourgeoisie, les entreprises privées du rail accumulant en 1937 des milliards de francs de déficit, milliards devant être nationalisés.
Mais ce que raconte l’histoire de la SNCF, c’est aussi la mise en place d’un réseau gigantesque, avec des moyens financiers et humains conséquents.
Une casse organisée pour défendre ces mêmes intérêts
La dégradation de la qualité de son service, la dégringolade vertigineuse de son trafic en fret, est également la preuve de ce lien entre bourgeoisie et état : quand ce dernier, derrière des discours mensongers, a décidé de cesser ses investissements, pour favoriser, d’une autre façon, les intérêts privés de la classe bourgeoise, la politique de casse du service publique est mise en œuvre avec la même célérité. Des hauts fonctionnaires prennent en série des décisions catastrophiques. La dette se creuse. Le réseau abandonné tombe en lambeaux. Tout près de nous, il y quelques années, faute de surveillance, arrive un accident mortel à un passage sur les voies; Plus tard, on découvre qu’il manque 1 mètre 30 de rail, quelque kilomètre avant notre gare. Régulièrement la signalisation, les passages à niveaux tombent en panne.
L’importance des travailleur.se.s
Qu’on soit dans la phase de construction ou de destruction, une chose reste constante, et c’est ce qu’on pouvait entendre dans la voix des cheminots qui nous en faisaient l’exposé: leur détermination à offrir le meilleur service possible pour le profit de l’ensemble de notre classe. Cette détermination, on la retrouve chez les postier-e-s, chez les infirmier-e-s, dans le service public en général, mais aussi dans entreprises privées, où malgré la recherche déshumanisante du profit financier, malgré la pression incessante pour maximiser le rapport prix/qualité, les travailleur-se-s cherchent encore a faire de leur mieux pour rendre le service.
Ce qui nous sauvera le plus possible des attaques bourgeoises désastreuses, ce sont les travailleur.se.s qui refuseront de s’y plier.
Ce que les camarades cheminot.e.s pensent des transformations de la SNCF
Quand on a travaillé dans des sociétés d’une importance comparable, on a forcément vécu ce qu’ils vivent: de plus en plus de personnes pour la bureaucratie du contrôle, la comptabilité, la finance, la communication tout azimut, le marketing, et, relativement, de moins en moins de personnes pour travailler sur le terrain. La « pyramide » habituellement évoquée pour décrire les hiérarchies est devenue un « cube », comme a dit l’un deux.
Cela se ressent fortement sur leur motivation: il est difficile de continuer à travailler dans des conditions où tout est fait pour vous dégoûter. Ils voient l’absurdité des facturations entre services, qui sclérose le fonctionnement, et dont ils expliquaient bien l’intérêt dans le cadre du démembrement progressif. Bien sûr la direction nie cette volonté, contre toute évidence, et surtout qu’elle a déjà porté ses fruits dans d’autres entreprises comparables, comme la Poste, ou France Télécom.
Comme il était évoqué le cas d’une compagnie privée japonaise qui avait transformé les gares en centre commerciaux géants, les cheminots ont plaisanté sur la gare de Marseille Saint-Charles, où les commerces ont envahi le hall des voyageurs, et où la presse est étouffante.
Ils ont dit que le train n’était pas si mal loti dans notre région, qu’il restait une volonté politique, bien que faible, pour le maintenir. Même si c’est un sujet de relative satisfaction local, c’est en revanche une injustice pour les autres régions qui elles, font les frais d’autres choix qui questionnent l’égalité entre les habitants du pays. Pourquoi une région serait moins bien équipée qu’une autre ? On ne choisit pas spécialement l’endroit où l’on vit.
Comment les cheminot.e.s vivent actuellement la lutte
Pour le moment leur ressenti est globalement positif. Ils sont confiants et se sentent aussi relativement bien soutenus par le public. L’accueil, lors des tractages, n’est pas mauvais, alors qu’en gare, ce n’est pas l’endroit où les usagers vont être le plus contents du mouvement. Mais ils disent recevoir des encouragements. Cela contraste fortement avec les pleurnicheries des commentaires sur les journaux en ligne, postés sans doute par des gens qui ne connaissent que peu la réalité de ce travail, et qui ne prennent certainement jamais le train.
Par ailleurs, ils expliquaient pleinement comprendre les difficultés qu’on rencontre dans le privé pour se syndicaliser et pour faire grève. Un des cheminot a dit qu’il avait travaillé dans une partie de sa carrière dans le privé, dans la grande distribution, et qu’il savait donc précisément de quoi il en retournait. Ils ont même parlé des difficultés que certain.e.s agent.e.s de la SNCF ont à faire grève, au vue de leur situation financière difficile: et si certain.e.s font des énormes sacrifices de ce point de vue, cela montre aussi que malgré que le droit de grève est inscrit dans la constitution, il reste pour certains une pure chimère dans la pratique: précaires, salariés dans des situations personnelles compliquées, etc.
Ils apprécient les moments de rassemblement avec les étudiant.e.s, et les salarié.e.s menant d’autres luttes locales. Sur Toulouse, il y a eu plusieurs bonnes rencontres et occasions d’échanges, que ce soit sur le site de la faculté du Mirail, ou dans les AG à la gare de Matabiau.
Le gouvernement ne s’attaque pas seulement à la SNCF, à la ZAD, aux étudiant.e.s – il s’attaque à la plupart de nos conquis de classe !
Je ne peux prétendre à résumer l’issue de cette réunion, où il y a eu beaucoup de prise de paroles; mais j’ai entendu tout le monde être d’accord avec l’importance de cette bagarre, son caractère décisif. Pour moi, je conclurai par ceci:
Le projet du gouvernement, combattu par les cheminots, n’a pas pour but de détruire uniquement la SNCF; c’est un projet décisif défendant les intérêts de la bourgeoisie, pour installer partout la privatisation et l’individualisme. Pour cela, la stratégie du pouvoir comporte un large éventail de discours et d’actions: propager la peur (du voisin, du migrant, de l’autre), propager la jalousie et la division (parler de privilèges pour des salariés), propager une image détériorée et caricatural du service public dans les discours, et dans les actions, saccager ce service public, réprimer la contestation par la violence de sa police, et construire un arsenal législatif toujours plus orienté pour le contrôle et la surveillance des individus, toujours plus laxiste pour les entreprises et la classe bourgeoise.
L’attaque est globale, notre réponse doit être globale !
Face à ces attaques majeure du gouvernement, c’est tou.te.s ensemble dans tous nos secteurs que nous devons soutenir les cheminot.e.s mais aussi construire la grève allant vers la grève générale reconductible. Seul moyen de mettre en place un véritable rapport de force face à Macron. En ce sens, ce n’est pas avec les grèves perlées des directions syndicales correspondant à un agenda de négociation avec le gouvernement que nous y arriveront. Nous nous devons d’interpeler les directions syndicales pour les pousser à appeler à la grève générale reconductible.