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Un cessez-le-feu n’est pas la paix : Trump et Netanyahou préparent la suite du projet colonial israélien

Conditionné à l’échange hebdomadaire d'otages retenus depuis le 7 octobre 2024 par le Hamas et ses alliés contre des prisonniers palestiniens détenus par Israël (eux aussi en quelque sorte otages), le cessez-le-feu à Gaza, qui dure depuis le 15 janvier 2025, devrait entrer prochainement dans sa deuxième phase. Or, tenu par l’extrême droite garante de sa survie politique, Netanyahu cherche le moyen de reprendre l’invasion de Gaza, afin de poursuivre la poussée coloniale dans l’enclave palestinienne. De plus, cette période a été mise à profit pour accentuer la colonisation de la Cisjordanie, avec l’aval du président des États-Unis qui a levé les sanctions contre les colons. Enfin et surtout, avec son projet de « Riviera du Moyen-Orient », incluant le déplacement forcé de près de deux millions de Gazaouis, Trump crédibilise un futur Gaza sans Palestiniens et, à terme, la disparition pure et simple de la Palestine.
Cisjordanie, Liban, Syrie : la poussée coloniale israélienne
Quels que soient les résultats de la deuxième étape de négociations du cessez-le-feu, l’invasion de Gaza reprendra tôt ou tard, parce que les fins de la guerre sont d’abord dictées par des nécessités qui sont liées à la nature même de l'État israélien : la colonisation des territoires palestiniens (et donc la négation de tout droits politiques pour le peuple palestinien) est consubstantielle au projet sioniste fondateur de l’Etat israélien, au-delà de la personnalité de Netanyahou et de l’orientation de l’actuel gouvernement israélien. Soutenue par les puissances impérialistes occidentales, qui font d’Israël une sorte d’avant-poste ou de force de police locale au service de leurs intérêts au Moyen-Orient, cette politique coloniale entretient nécessairement l'hostilité des populations de la région envers l’Etat d’Israël. Quels que soient la couleur politique ou le degré de suprémacisme de son gouvernement, cet Etat ne peut alors assurer sa survie à long terme que par des opérations militaires d’affaiblissement “préventif” de ses ennemis, à la fois pour “sécuriser” ses frontières et assurer la poursuite de l’expansion des colonies en Cisjordanie.
Au lendemain du 7 octobre, Netanyahu a fixé publiquement un objectif majeur à son invasion : l’éradication du Hamas. Cet objectif a-t-il été atteint ? La réponse est non, car il n’est pas possible d’anéantir une idéologie imprégnée elle aussi par un messianisme conquérant et une théologie de la libération, incarnation d’une revendication politique du peuple palestinien, lui-même martyrisé depuis 1947. Il faut cependant comprendre la guerre de façon dynamique et non pas comme une situation où l’anéantissement de l’ennemi est l’objectif premier et ultime : la victoire ou la défaite ne présentent en effet que rarement un caractère absolu et définitif. Bien souvent, l’objectif d’une guerre est bien plus de désarmer l’ennemi pour le contraindre à accepter une paix défavorable que de l’abattre. Le désarmer du point de vue militaire mais aussi moral : faire en sorte qu’il n’ait plus les capacités de se défendre et qu’il ne représente plus une force combattante même aux yeux de sa population. Dans la mesure ou Israël est aux prises avec plusieurs États ou appareils para-étatiques, cette caractéristique (désarmer l’ennemi pour le contraindre à accepter une paix défavorable) s’étend à l’ensemble des acteurs de la région (Iran, Hezbollah, Syrie, Hamas, Houtits). La question qui doit se poser est donc celle-ci : depuis le 7 octobre 2023, Israël a-t-il réussi à atteindre des objectifs suffisants pour considérer que le pays a obtenu une victoire militaire d’ordre stratégique, même si l’un de ses objectifs (la destruction du Hamas) n’a pas été atteint ? La réponse est oui. Le cessez-le-feu, qui n’est donc pas la paix, et la guerre, qui ne se résume pas à des conflits armés, sont tous deux la pierre angulaire de la nouvelle étape qui se prépare, permettant l’accroissement des ressources en vue de la prochaine épreuve de force. Chacun des adversaires le formule aussi comme tel : c’est en ce sens qu’on peut analyser les opérations de communication du Hamas qui cherchent à faire croire qu’il n’a pas ou peu été affectés par 15 atroces mois de guerre. C’est aussi dans ce sens qu’on peut analyser l’accentuation de la politique iranienne de développement du nucléaire, qui espère mettre au point une bombe d’ici la fin de l’année.
Le génocide à Gaza, en plus de l’affaiblissement considérable du Hamas (sur lequel nous allons revenir) et de la résistance palestinienne dans son ensemble, a permis en parallèle à Israël d’obtenir des résultats stratégiques : décapitation du Hezbollah libanais et changement de régime au Liban1, appropriation du plateau du Golan syrien et en particulier des sources d’eau douce, vitales pour l’approvisionnement d’Israël2, neutralisation des capacités militaires syriennes et accentuation de la colonisation en Cisjordanie3. Par ailleurs, l’armée israélienne maintient sa présence dans chacun de ces théâtres d’opérations, créant les conditions nécessaires pour alterner les phases entre guerre de mouvement et guerre de position.
Le Hamas, état des lieux
Gaza est détruite à 80 %, toutes les infrastructures civiles (hôpitaux, écoles, universités, lieux de travail, d’habitat, axes et réseaux de communication, etc.) sont réduites à l’état de gravats, plus de 50 000 personnes ont été tuées et des centaines de milliers souffrent de la faim, de maladies et de traumatismes divers et profond. Près de 10 000 combattants (sur environ 50 000) du Hamas ont été tués et sa direction militaire et politique est anéantie (entre autres les leaders historiques Ismaïl Haniyeh ,Yahya Sinouar, Marwan Issa, Saleh al-Arouri, Mohammed Deif). De ces chefs historiques ne reste qu’Abu Obeida, chef des brigades Al-Qassam, unité d’élite du parti. Les autres forces de la résistance à Gaza sont anéanties, comme l'a montré la désorganisation totale de la remise des otages détenus par le Djihad Islamique. Pourtant, le Hamas a su, grâce à une opération de communication parfaitement maîtrisée, apparaître comme une force toujours vivace4. Surtout, l’organisation apparaît comme la seule force capable de mettre en œuvre le cessez-le-feu, d’administrer l’aide humanitaire internationale et d’encadrer la population. Selon le renseignement américain et de nombreux médias, il semble que le Hamas ait recruté depuis le 7 octobre autant de combattants qu’il en a perdu5. Cela peut s’expliquer par deux facteurs : les survivants du génocide, parce qu'ils ont un désir légitime de vengeance, cherchent à combattre Israël, et le Hamas profite de son hégémonie sur le reste des forces politiques et militaires de Gaza. Enfin, le Hamas a réussi à maintenir une grande partie de son infrastructure de tunnels, laissant présager qu’il sera en capacité de reconstruire progressivement ses forces.
Cependant, le parti est très largement affaibli : près de 80 % de son stock de roquettes a été détruit, sa direction militaire et politique est anéantie et l’organisation est dans le collimateur direct des États-Unis, dont les autorités ont déclaré que la reconstruction de Gaza passera par l’éradication du Hamas. De plus, ses alliés dans la région (en premier lieu le Hezbollah et le régime iranien, mais aussi le défunt régime de Bachar en Syrie) sont également très affaiblis voire détruits, incapables dorénavant de le soutenir avec les mêmes capacités qu’avant le 7 octobre (en particulier sur la question de la livraison d’armes, pourtant essentielle à la survie de l’organisation). Son dernier allié encore opérant, les Houthis yéménites, n’ont pas les mêmes capacités militaires que les autres forces de l’auto-proclamé « Axe de la Résistance » et risquent à leur tour d’être anéantis, en particulier si la normalisation des relations entre l’Arabie Saoudite et Israël arrive à son terme, ce à quoi s’emploie activement l’administration de Donald Trump6. Dès lors, s’il est évident que le Hamas ne va pas disparaître du jour au lendemain, il ne pourra probablement plus représenter une menace militaire significative contre Israël, pas plus qu’un espoir émancipateur pour le peuple palestinien.
Le projet colonial israélien comme miroir de celui de Trump
Trump aime à s’imaginer comme un faiseur de paix : il a profité du cessez-le-feu à Gaza, duquel il s’attribue les mérites alors que Blinken, secrétaire d’État de l’administration Biden, l’avait largement préparé, et il avait déclaré régler la guerre en Ukraine en 24h. Or ce n’est pas la réalité. Dans les faits, il négocie avec les chefs de guerre pour défendre les intérêts des États-Unis, à savoir : l’accès aux ressources, la domination économique – et, en dernier recours, militaire – des espaces et la vassalisation des alliés.
Trump, allié à Musk, a bien un agenda colonial : vues sur le Groenland et le Panama, conquête spatiale, projets coloniaux d’appropriation des espaces, notamment à Gaza7. Sur le plan idéologique, il s’inscrit dans une logique millénariste, comme Netanyahou, avec lequel il partage l’idée d’un combat divin entre le bien et le mal, entre les judéos-chrétiens et l’islam. En ce sens, il soutient donc la politique coloniale israélienne via le cessez-le-feu, en encourageant la colonisation en Cisjordanie, en soutenant le nettoyage ethnique à Gaza et en reconnaissant la souveraineté israélienne sur le Golan. Son objectif premier est de sécuriser les intérêts américains dans la région en déléguant la gestion militaire à ses alliés régionaux : Israël bien sûr, mais aussi l’Arabie Saoudite, dans un jeu d’interdépendance très fort. Le prince héritier Mohammed ben Salmane a besoin des investissements américains pour mener à terme sa « Vision 2030 » tout comme les États-Unis ont besoin de sécuriser les importations de pétrole du premier producteur mondial. C’est en ce sens qu’il faut comprendre le rôle joué par Ryad dans les négociations sur la guerre en Ukraine, dans la mesure où elle reste réticente à la normalisation des relations avec Israël, refusant le déplacement forcé des Gazaouis. Il s’agit donc d’un billard à plusieurs bandes, dont l’objectif terminal pour toutes les parties engagées est de conduire à la défaite de l’Iran8.
Quelles perspectives pour les Palestinien.ne.s ?
Le résultat de l’attaque du 7 octobre 2023, est l’un des pires pour la cause palestinienne. Décidé unilatéralement dans sa forme par les composantes gazaouies sous hégémonie du Hamas, sans accord avec ses soutiens extérieurs et sans la participation active de la population, ce crime de guerre a provoqué une extension rapide de la mainmise israélienne sur la Palestine et les territoires voisins. Le peuple palestinien a été martyrisé par la violence génocidaire de l’armée israélienne qui lui a donné la possibilité d’atteindre des objectifs jusqu’alors inimaginables. La reconstruction de Gaza prendra des années et se fera contre le peuple palestinien, victime de ses bourreaux internationaux et de ses dirigeants locaux. Jamais la population n’a eu la possibilité de décider des actions à mener et elle s’est retrouvée prisonnière, sans armes pour se défendre, face à l’une des armées les plus puissantes du monde.
Le soutien au peuple palestinien et à sa résistance doit être et rester inconditionnel, avec l’objectif d’une perspective émancipatrice, celle du droit au retour des déplacé.e.s, de la fin de la politique coloniale et génocidaire israélienne et du droit pour l’ensemble de la population palestinienne de vivre librement et dignement. Soutien inconditionnel, mais critique : si le Hamas reste hégémonique au sein des forces de la résistance palestinienne, alors la lutte du peuple palestinien pour son droit à l’autodétermination restera dans l’impasse. De son côté, l’Autorité palestinienne, qui gère la Cisjordanie en collaborant sur le plan “sécuritaire” avec Israël, ne constitue en aucun cas un allié de cette lutte. Il faudra donc que le peuple palestinien trouve les voies de l'auto-organisation pour prendre lui-même en main les rênes de sa résistance, pour en décider les objectifs et les formes, avec le soutien des travailleur/se-s et des peuples du monde entier.
En France, notre soutien à la résistance doit passer par le combat contre notre propre impérialisme qui continue d’armer (par la livraison de composants principalement) la guerre génocidaire à Gaza. En ce sens, la campagne Stop Arming Israël, qui cherche à mobiliser les travailleurs de l’armement sur cette question, est salutaire, de même que les campagnes du mouvement Boycott Désinvestissements Sanctions (BDS). Aussi, le caractère massif de l’indignation suscitée par le génocide et, désormais, par les menaces de déporter en masse les Gazaoui-e-s, doit se traduire dans des manifestations de masse qui exercent une pression sur le cours des événements.
Notes
1 L’attaque aux bippers contre le Hezbollah ainsi que les bombardements, en particulier sur le QG de Hassan Nasrallah, conduisant à son décès et suivis par l’occupation du Sud-Liban par l’armée Israélienne, ont accéléré la situation politique libanaise, en précipitant la nomination d’un président de la république qui a lui-même formé un gouvernement. En ce sens, le raffermissement au moins temporaire de l’autorité étatique libanaise est un changement de fond quant à la situation entièrement bloquée d’avant, du fait du poids du Hezbollah, tant dans la sphère institutionnelle que militaire et para-étatique.
2 https://observers.france24.com/fr/moyen-orient/20250207-israel-syrie-golan-quneitra-bases-militaire-arm%C3%A9e
3 https://orientxxi.info/magazine/gaza-israel-le-pari-deroutant-de-donald-trump,7924
4 À chaque libération d’otages, le Hamas a organisé une cérémonie avec des combattants revêtus d’équipements militaires flambants neufs, sur des SUV eux aussi flambants neufs. Les cérémonies se sont déroulées sur les podiums, où les otages ont reçu des « certificats de détention ». L’objectif de ces opérations de communication est de montrer que le mouvement est toujours en capacité d’organiser la résistance, bien que l’arrière plan dévasté de Gaza ne laisse aucun doute sur la réalité de la situation.
5 https://legrandcontinent.eu/fr/2025/01/15/accord-de-cessez-le-feu-a-gaza-le-hamas-a-recrute-presque-autant-de-combattants-quil-nen-a-perdu-face-a-israel/
6 https://www.rfi.fr/fr/moyen-orient/20250204-isra%C3%ABl-arabie-saoudite-accords-d-abraham-cessez-le-feu-%C3%A0-gaza-les-enjeux-de-la-rencontre-trump-netanyahu
7 https://legrandcontinent.eu/fr/2025/02/07/gaza-inc-linfluence-cachee-derriere-le-plan-de-trump/
8 https://www.france24.com/fr/moyen-orient/20250218-pourquoi-arabie-saoudite-mbs-interm%C3%A9diaires-ukraine-russie-am%C3%A9ricains
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