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Syrie : révolte populaire et manœuvres impérialistes
Soutien à la mobilisation des masses contre le régime d’Assad!
Contre toute forme d’intervention impérialiste!

Par Sébastien Langlois (15 février 2012)
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Même si son déclenchement s’inscrit dans le cadre du processus révolutionnaire qui a commencé à embraser le monde arabe avec le soulèvement du peuple tunisien, le processus révolutionnaire en cours en Syrie trouve son origine lointaine dans la déstabilisation de la société syrienne provoquée par les réformes dans l’économie engagées par la bureaucratie depuis le sommet de l’État et qui s’est accéléré depuis l’accession au pouvoir le 17 juillet 2000, de Bachar El Assad, le fils de Hafez El Assad.

En effet, le régime syrien connaissait des difficultés proches de celles des régimes staliniens – lourdeur bureaucratique, faible développement des forces productives, etc. – qui expliquent le tournant “libéral” pris par le régime syrien depuis quelques années. Pour renouer avec la croissance et attirer les investisseurs étrangers, le régime syrien a cherché à se réformer. Dans les années 2000 (mais cela a été amorcé dans les années 1990), le fils El Assad a libéralisé l’économie et a cherché à attirer les investisseurs étrangers : création de banques privées, baisse importante de l’impôts sur les bénéfices (passé de 63% en 2003 à 28% maximum en 2007), conversion officielle à “l’économie sociale de marché” en 2005, libéralisation des échanges extérieurs, fin des prix administrés, ouverture d’une bourse des valeurs à Damas, etc. Ces réformes ont inévitablement mécontenté les plus pauvres, autrefois soutien solide du régime, qu’il s’agisse de la paysannerie ou des pauvres des villes. La suppression de 300 000 emplois dans l'agriculture entre 2003 et 2007 a été spectaculaire. Dans une telle situation, on comprend que le régime de Bachar El Assad ait pu être fragilisé.

Cependant, pour essayer de contrebalancer les effets déstabilisateurs des réformes, Bachar El Assad, tout en maintenant l’essentiel du pouvoir dans les mains de son clan, a élargi la base du régime au-delà de la communauté alaouite, en permettant petit à petit aux membres d'autres communautés d'accéder aux cercles du pouvoir ou en favorisant les mariages exogamiques comme l'a fait lui-même Bachar El Assad en se liant à une femme de la bourgeoisie sunnite. Les dirigeants alaouites ont ainsi acquis un certain contrôle sur les représentants clés des autres communautés, contribuant à maintenir la paix sociale mais ont dans le même temps lancé une dynamique de dilution de leurs intérêts communautaires.

Quelques éléments sur l’histoire et les caractéristiques du régime

Pour comprendre la nature du régime actuel, il faut revenir sur les conditions de sa naissance.

Avant son indépendance définitive de 1947, la Syrie était sous la coupe de la France. Les français ont favorisé l'éducation et l'accession à des postes administratifs aux minorités afin de limiter le pouvoir de la bourgeoisie sunnite (groupe majoritaire). Cette bourgeoisie sunnite ne considérait pas ces postes comme importants puisque l'appareil répressif restait aux mains des colonisateurs. Elle s'est donc satisfaite de son influence économique.

Cependant, pendant la même période, le nationalisme arabe s’est développé de façon particulièrement puissante et rapide dans l’ensemble de la région et le mouvement ouvrier a connu un essor certain. La combinaison de ces facteurs a donné, quoique à des degrés divers, un poids significatif aux partis communistes (en fait, staliniens) dans la région, notamment en Irak, en Iran et en Syrie. C’est dans ce contexte qu’est né et s’est renforcé le mouvement ba"ath, expression du nationalisme arabe en Syrie et en Irak (1), inspiré et dirigé par un chrétien alaouite, Michel Aflak. Encore faible lorsque Nasser arrive au pouvoir, puis inflige une défaite aux impérialismes franco-anglais et à l’État d’Israël lors de la canalisation du Suez, le mouvement ba"ath profite de la politique des partis staliniens. Ceux-ci, au lieu de chercher à profiter de leur implantation pour développer la mobilisation indépendante du prolétariat et du peuple opprimé vers la prise du pouvoir et un gouvernement ouvrier et paysan, se subordonnent à diverses variantes nationalistes bourgeoises affichant un discours anti-impérialiste et socialisant. Cependant, le « socialisme » dont se revendique le ba"ath est explicitement anti-marxiste (2). Le parti ba"ath se renforce principalement dans l’armée qui a été largement ouverte, y compris au niveau des officiers, aux différentes couches de la population. De nombreux militaires et officiers d’origine plébéienne sont sensibles au nationalisme arabe de Nasser, lui-même jeune officier de l’armée devenu président de la République d’Égypte..

En Syrie, entre l'indépendance et le coup d'État de 1963 où l'armée porta le parti ba"ath au pouvoir, il y a une suite de coups d'État militaires parfois soutenus par les États-Unis et le Royaume Uni avec des périodes de gouvernement civil. Pendant cette période d'instabilité politique, la Syrie et l'Égypte se sont unies en 1958 pour fonder la République arabe. Cette union a débouché sur une réforme agraire et des nationalisations mais la Syrie a fait sécession en 1961 suite à un nouveau coup d'État. Le nouveau pouvoir syrien a alors remis en question les nationalisations dans le secteur industriel.

Le 8 mars 1963, un nouveau coup d’État a eu lieu, installant le Conseil national de commande révolutionnaire. L"état d'urgence en Syrie instauré à cette date n'a été levé, et encore simplement de façon formelle, qu'en avril 2011 sous la pression des masses. Ce Conseil est constitué d’un groupe de militaires et de civils, membres du parti ba"ath en majorité. Le parti ba"ath a été fondé officiellement en 1947. Les fondamentaux de ce parti sont le nationalisme pan-arabe entendu au sens émancipateur vis à vis des anciens pays colonisateurs, la laïcité et le “socialisme”. Aujourd'hui le Parti ba"ath syrien a peu à voir avec l'idéologie originelle. Il n’a rien fait dans le sens de l'unité arabe et encore moins dans le sens du socialisme. Très vite, les militaires en ont pris les commande, pourchassant les fondateurs du parti, contraints à l’exil dès 1964. Ensuite, comme dans tous les partis bourgeois de ce type, il s’y est développée une aile gauche, plus sensible aux revendications populaires et plus attachée aux mots d’ordre officiel du parti, et une aile droite, pour lesquels ces mots d’ordre deviennent rapidement de simples instruments pour se maintenir la tête de l’État. C’est ainsi que le parti ba"ath syrien, vers le milieu des années 1960, s'est scindé en une faction voulant pousser les réformes “socialistes” et une autre faction dont le cœur de la stratégie était davantage “nationaliste”. Alors que la faction “socialiste” pro-soviétique avait la direction du parti ba"ath mais ne parvenait pas à mener à bien ses réformes et devait assumer l'échec de la guerre contre Israël de 1967, le général Hafez-el-Assad, appartenant à la faction nationaliste profita de ces faiblesses pour organiser le nième coup d'État de l'histoire syrienne post coloniale en 1970, avant d’accéder à la présidence de la république en mars 1971. Bref, comme toujours, c’est la fraction la plus ouvertement pour le maintien de l’ordre existant, appuyé sur l’appareil d’État, en premier lieu l’armée, qui l’a emporté, confirmant une nouvelle fois la nécessité pour le prolétariat de s’organiser en un parti indépendant.

Pour le nouvel homme fort, appartenant à la communauté alaouite, le transfert sous la tutelle de l'État d'une part importante des entreprises industrielles et des banques fut une opportunité d"affaiblir les communautés sunnites et chrétiennes. Certains stratèges politiques ont salué la patience et l'habileté du Général qui a su, entre 1963 et 1971, placer des membres de sa communauté et fidèles dans l'appareil d'État en attendant les conditions opportunes pour une prise de pouvoir. Dès son accession au pouvoir, il a rappelé certaines figures de l'establishment et des grands partis politiques au gouvernement en prônant un assouplissement du dirigisme étatique sur l'économie. La population rurale l'a soutenu. Il a rendu une certaine autonomie aux propriétaires agricoles, commerçants et capitalistes propriétaires de PMI-PME. Mais l'État qu'il dirigeait conserva les trois-quarts du potentiel économique national qui furent peu à peu transférés à des Alaouites et à leurs clients mais subtilement et lentement afin de ne pas apparaître comme une spoliation. Des entreprises ont été placées sous tutelle de l'armée. La bourgeoisie urbaine, sunnite et chrétienne a été contrainte de céder ses affaires à bas prix aux responsables en place détenteurs de capitaux ou à se chercher parmi eux un associé et protecteur influent. Il organisa même l"intégration des chefs de différentes communautés en créant différents cercles de pouvoir dont l'influence ne peut évidemment pas dépasser celui du cercle le plus proche du Général. Pour certains experts de la politique syrienne, la promotion et l"intégration de personnes influentes des différentes communautés ont permis de limiter les oppositions sociales et politiques avec un résultat que n'aurait pas donné la seule répression. Lorsque le stratège ne pouvait ouvertement contrôler un secteur sans dévoiler sa main mise, il mettait en place des forces parallèles. Ainsi pour l"Armée au recrutement malgré tout hétérogène, le Président a favorisé la création de forces spéciales ou de forces paramilitaires de composition quasi exclusivement alaouite et confiées au commandement de proches.

L’offensive capitaliste lancée à la fin des années 70, la fragilisation, puis l’effondrement des pays staliniens n’a pas été sans conséquences pour la Syrie. Pour continuer à défendre ses propres intérêts dans ce nouveau contexte, le régime n’a pas hésité à faire de substantielles concessions à l’impérialisme, dont le premier signe a été le soutien à l’intervention militaire impérialiste contre l’Irak en 1991. Dans le même sens, le parti ba"ath s’est peu à peu dépouillé de ses revendications du « socialisme » pour se convertir à l'économie sociale de marché, bref au capitalisme contrôlé par un appareil d’État encore très puissant. Bachar El Assad n’a fait que de ce point de vue qu’accélérer l’évolution esquissée par son père, en promouvant des réformes économiques libérales.

Officiellement, la Syrie était une république parlementaire, et elle l'est toujours. Huit partis politiques ont été légalisés dans le pays. Ils sont tous issus de scissions du parti ba"ath, seul parti autorisé en 1963, et ils font tous partie du FNP (Front National Progressiste) qui reste dominé par le parti ba"ath. Le Parlement appelé “Conseil du peuple” est constitué de députés élus pour une durée de quatre ans, mais le Conseil n’a aucune autorité indépendante et les décisions finales sont prises par la branche exécutive.

Soulèvement populaire et rôle contre-révolutionnaire du Conseil national syrien, chien de garde l’impérialisme

Le début du soulèvement syrien s'inscrit dans la lignée des “révolutions” égyptienne et tunisienne. Début février 2011, des appels à manifester ont été lancés sur Facebook mais ils n'ont pas été suivis notamment en raison de l'arrestation des principaux organisateurs de ces appels. Semblant être conscient du climat social tendu, le gouvernement syrien a dans la foulée annoncé des mesures : baisse des taxes sur les produits alimentaires de première nécessité, création d'un fond social ou encore recrutement de fonctionnaires. Dans le même temps, il a accentué la répression : arrestations préventives, contrôle des moyens de communication, ordre de réprimer toute agitation. Ces mesures n'ont pourtant pas arrêté la contestation et des manifestations ont été organisées à la mi-mars dans plusieurs villes du pays contre les arrestations politiques, pour demander la levée de l'état d'urgence (qui était en place depuis 1963) ou encore contre la corruption. Les mobilisations qui ne rassemblaient jusque là que quelques dizaines voire centaines de personnes ont passé un cap après la violence de la répression à Deraa à partir du 16 mars ou du 18 mars selon les sources : quatre morts et des dizaines de blessés. Cette ville est restée par la suite l"épicentre de la contestation. Les manifestations sont devenues beaucoup plus fréquentes, et n'ont cessé de s'amplifier jusqu'à atteindre 300 000 à 350 000 personnes selon les sources dans l'ensemble du pays en juillet. La contestation s’est étendue à travers l’ensemble du pays, mais de façon inégale. A Damas, longtemps épargné par les manifestations, une manifestation centralisée progouvernementale a même été organisée le 12 octobre. A Alep aussi, la contestation a été moindre, ce qui relativise l'ampleur de la contestation puisque ces deux villes représentent 10 millions d'habitants sur les 22,5 millions que compte la Syrie. Signe malgré tout de l'intensité des tensions qui traversent la société syrienne, la répression même meurtrière n"a pas endigué la contestation qui s'est même radicalisée. Un cap irréversible semble avoir été franchi puisque l'annonce de la composition d'un nouveau gouvernement et la levée purement formelle de l'état d'urgence le 14 avril effectivement réalisé le 20 avril par Bachar El Assad n'ont rien changé. Les manifestants qui demandaient davantage de liberté au régime ont fini par demander son départ, certaines sources relatant même des slogans demandant l"exécution de Bachar El Assad. Les mots d'ordres sont passés de l"expression d'un désir de liberté politique à celui de changement de régime. Les actions se sont également radicalisées : incendie du siège du parti ba"ath à Deraa, échauffourées entre manifestants et forces de l'ordre.

Source : http://www.npa2009.org/content/syrie-la-grève-de-la-dignité

Le Conseil national syrien (CNS) s'est officiellement constitué le 2 octobre, et il est basé en Turquie. Il prétend regrouper les opposants au régime de Bachar El-Assad. De nombreux membres de ce conseil national sont des exilés politiques ou encore des représentants des Frères Musulmans, mouvement interdit en Syrie. Le CNS, qui se prononce pour la transformation de l’État actuel en un “État civil démocratique parlementaire pluraliste” est soutenu par les principales puissances impérialistes. Depuis son congrès de décembre, le CNS demande aux impérialistes de créer une zone tampon (3) et de faire des frappes aériennes pour défendre cette zone. De façon explicite, le CNS aspire à un processus à la “libyenne”. La comparaison avec ce qui s'est passé en Libye est d’ailleurs revendiquée par le CNS.

Depuis le début du soulèvement, le CNS joue un rôle contre-révolutionnaire, aussi bien par son programme que par ses méthodes. En conformité avec sa logique de pacte avec l’impérialisme, le CNS n’a jamais cherché à mobiliser les travailleurs par la grève. Alors que des comités de base (comités locaux de coordination) ont organisé des journées de grève, le CNS a repris à son compte ces initiatives tout en les détournant (en “grève de la dignité” sur une base trans-classiste). Le CNS compte sur les impérialistes pour faire chuter Assad et le remplacer pour gérer plus solidement les intérêts impérialistes. Le CNS a demandé à la Ligue arabe (infesté de régimes répugnants qui prétendent défendre les “droits de l’homme”) d’imposer des sanctions (qui touchent avant tout la population !), et il demande aujourd’hui ouvertement une intervention impérialiste armée. En outre, le président du CNS, Bourhan Ghalioun, a clairement dit (4) qu’une fois au pouvoir, il mettrait fin à l’alliance militaire avec le Hamas et le Hezbollah et qu’il renforcerait la coopération avec les monarchies du Golfe et les impérialistes.

Il existe un autre regroupement d’opposition : le Comité national pour le changement démocratique (CNCD) qui regroupe des forces nationalistes de gauche. Ce regroupement s’oppose à toute intervention étrangère, et a des relations avec la Chine et la Russie.

Les impérialistes déterminés à faire chuter Assad et recoloniser la Syrie

Indépendamment de l'ONU, les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Allemagne et France ont appelé le 18 août à la démission du président syrien Bachar al-Assad. Des sanctions économiques ont également été prises : avoirs gelés pour dignitaires, interdictions de relations commerciales pour des entreprises militaires impliquées dans la répression et même embargo sur le pétrole pour l'Europe toutefois sans geler les investissements et exportations de matériel puisque les sociétés exploitant le pétrole syrien sont française (Total) et anglaise (Shell). Les États Unis ont quant à eux pris des sanctions contre des les sociétés de communications, les banques et également décrété un embargo sur le pétrole.

Les principales puissances impérialistes sont déterminées à faire chuter le régime. Dès novembre, Le Canard enchaîné avait invoqué le projet franco-turc d'une mise en place d'une zone d"interdiction aérienne et d'une zone tampon protégée par les forces impérialistes, notamment aériennes. Dès maintenant, les militaires français sont en contact des militaires dissidents syriens pour les former et les aider à se structurer.

Mais contrairement au cas libyen, les impérialistes US et européens se heurtent à l’opposition déterminée de la Russie et de la Chine. Ces derniers soutiennent logiquement des régimes (en Syrie et en Iran) qui coopèrent étroitement avec eux, et ils refusent que cette zone stratégique soit totalement sous hégémonie américaine. Et ils ont opposé leur véto à l’ONU à une résolution qui ouvrait la voie à une intervention directe des impérialistes, ce qui a provoqué la fureur des dirigeants états-uniens et français. Ces derniers se drapent derrière le drapeau des droits de l’homme (et la gauche réformiste fait chœur avec eux) pour défendre leurs intérêts sordides.

Quel développement de la situation et quelle intervention pour les communistes révolutionnaires ?

Si des informations sur les faits passent les frontières malgré la fermeture de celles-ci, il est difficile d'avoir une idée précise de l'ampleur des rapports de forces au sein de la société syrienne. Pour évaluer les perspectives de la situation, nous pouvons cependant nous appuyer sur les évolutions du pouvoir syrien et sur les évolutions de la société dans son ensemble.

Les perspectives à court terme ne sont encore pas très réjouissantes. Les structures syndicales existantes ne sont pas indépendantes du pouvoir. Ils doivent tous adhérer à la Fédération Générale des Syndicats (GFTU), organisation officiellement indépendante mais financée par le gouvernement Cette organisation a notamment le droit de dissoudre le comité exécutif de n'importe quel syndicat. Il serait relativement illusoire de comparer cette structure à l’UGTT tunisienne qui, bien que totalement bureaucratisée et tenue par le pouvoir au sommet, possédait une activité significative à la base, notamment car elle s’était construite et avait forgé des traditions bien avant la mise en place de la dictature. Quant aux partis ou organisation d'« extrême gauche », aucune ne propose de ligne politique de classe selon l'article publié sur le site de Europe Solidaire Sans Frontière par Salameh Kaileh (5), militant syrien se réclamant du marxisme et indépendant. Il y déplore le suivisme des organisations comme la « Ligue de la gauche marxiste » ou encore l'« Union des Communistes Syriens » quant aux revendications démocratiques et leur absence de lecture de la situation et de proposition en termes d"intérêt de classe. Il y déplore également que la propagande pour un processus révolutionnaire soit remplacée par des idées d"évolution démocratique et pacifique où le mouvement est davantage conçu comme un moyen de pression sur le pouvoir plutôt que comme un moyen de prendre le pouvoir.

Pour aller dans le sens du développement de la conscience de classe, l"une des premières tâches pourrait être de créer des comités auto-organisés de travailleurs dans les entreprises pour renverser le régime. Cela pourrait contribuer à permettre au prolétariat d’intervenir comme un acteur propre dans la mobilisation : d’un côté, cela pourrait donner à la lutte une force bien plus considérable, vu la capacité du prolétariat à paralyser l’économie, de l’autre, cela permettrait au prolétariat, tout en étant le plus radical dans la lutte contre le régime, de mettre en avant ses intérêts comme ses méthodes spécifiques. Ces comités d’entreprise devraient être coordonnés avec des comités par localité dans tout le pays. Cependant, ce travail nécessaire ne saurait dispenser de celui à accomplir pour la création d'une organisation politique communiste révolutionnaire intervenant pour aider au développement de cette lutte par des mots d’ordre clairs, par le combat politique contre l’opposition bourgeoise, par un patient travail d’organisation et défendant au sein de ces comités auto-organisés le combat pour une planification démocratique de l'économie et un gouvernement des travailleurs.

Quelle orientation pour le NPA ?

Ces mobilisations de masses, dans le prolongement du « printemps » arabe, doivent attirer l’attention de tous les anticapitalistes. Bien entendu, nous soutenons le mouvement de masse contre le régime. Mais cela n’implique nullement de soutenir les organisations politiques qui prétendent en prendre la direction. Tout au contraire, nous combattons les différentes formations bourgeoises qui s’auto-proclament les représentantes des masses en lutte, tout particulièrement le CNS ouvertement pro-impérialiste. Mais, surtout, à l’heure où les principales puissances impérialistes cherchent à préparer le terrain pour une intervention militaire directe et ouverte, notre première tâche est de combattre la préparation de l’intervention, en démasquant derrière la rhétorique « démocratique » de Sarkozy, les intérêts des impérialistes français.

C’est la raison pour laquelle, lors du dernier CPN, nous avions présenté un amendement en ce sens à la résolution politique qui n’en disait pas un mot (6). Malheureusement, non seulement la GA (Gauche anticapitaliste), mais la majorité PA, y compris la P2, a rejeté cette proposition. A quoi cela conduit-il aujourd’hui ? La direction du parti (CE) a sorti le 21/12/2011 et le 10/02/2012 deux communiqués inacceptables. En effet, celui du 21/12 apporte son soutien à toute « l’opposition » au régime, ce qui revient implicitement à soutenir aussi le CNS pro-impérialiste et aucun des deux ne se prononce contre les projets d’intervention militaire impérialiste, qui ne sont même pas mentionnés. Le tract de la semaine (du 06/02 au 13/02), sans doute rédigé par le comité de campagne, est plus correct, puisqu’il prend position contre l’intervention impérialiste, affirmant notamment : « il faut exiger le départ des dirigeants syriens, tout en refusant toute intervention militaire impérialiste au Moyen- Orient, qui serait une nouvelle catastrophe ». Cependant, cette idée n’apparaît dans aucun titre ni sous-titre, alors qu’elle est cruciale, en particulier pour nous, qui militons dans un pays impérialiste, qui fait partie des fers de lance des sanctions contre le régime et les préparatifs d’intervention militaire, comme il y a quelques mois contre la Libye.

Nous poursuivrons avec les camarades de la base le combat pour que notre parti se dote d’une politique révolutionnaire à la hauteur du courage des masses.


1) Aflak affirme ainsi dans son discours d’ouverture du congrès de fondation du parti ba"ath en 1947 : « Notre objectif est clair et il ne souffre aucune ambiguïté : une seule nation arabe, de l'Atlantique au Golfe. Les Arabes forment une seule nation ayant le droit imprescriptible de vivre dans un État libre. Les moyens de la résurrection sont les suivants : l"unité, la liberté, le socialisme ».

2) « Nous représentons l'esprit arabe contre le matérialisme communiste. Nous représentons l'histoire arabe vivante, contre l'idéologie réactionnaire morte et le progrès artificiel. Nous représentons le nationalisme en son essence, qui exprime la personnalité contre le nationalisme en mots, qui nuit à la personnalité et contredit les comportements naturels ». Il écrit également dans le même sens : « La philosophie marxiste est matérialiste et totalisante, donc totalitaire. Elle ne considère que la collectivité en oubliant la personne humaine. Elle entend se plaquer n'importe où et n'importe comment. Mais le socialisme ne doit pas écraser l'individu. Il doit, au contraire, être à son service ».

3) http://syriancouncil.org/en/special-reports/item/138-safe-area-for-syria-an-assessment-of-legalitylogistics-and-hazards.html

4) http://souriahouria.com/2011/12/06/entretien-de-burhan-ghalioun-avec-le-wall-street-journal/

5) http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article22810

6) « En 2011, les États impérialistes ont multiplié les interventions (en Côte d'Ivoire, en Libye, etc.) sous couvert de défense des droits de l'homme et de la démocratie, avec l'appui de toutes les forces politiques pro-capitalistes (antilibéraux inclus). À chaque fois, il s'agissait de remplacer un régime par un autre, encore plus servile et ouvert aux intérêts impérialistes, en s'appuyant cyniquement sur les soulèvements populaires. En ce début d'année 2012, les impérialistes préparent de nouvelles interventions. Concernant la Syrie, les militaires français forment et conseillent des militaires dissidents et le gouvernement français souhaiterait une répétition du scénario libyen, avec la mise en place d'une zone d'interdiction aérienne et des bombardements.

Nous soutenons les soulèvements populaires contre les dictatures et nous nous opposons dans le même temps à toutes les formes d"intervention impérialiste. Nous combattons l'ensemble des directions bourgeoises de ces pays qui pactisent avec l"impérialisme, et ouvrent la voie à la recolonisation de ces pays ».

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