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À propos de l’hommage d’Alain Krivine à l’ancien préfet de police Maurice Grimaud

Par Tendance CLAIRE ( 3 août 2009)
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Dans une tribune publiée par le Nouvel Observateur du 30 juillet 2009 (1), le camarade Alain Krivine rend hommage à l’ancien préfet de police Maurice Grimaud : c’était « un type bien » (expression reprise en titre par le Nouvel Obs).

Selon Alain Krivine, Grimaud serait un personnage contradictoire parce que « d’un côté il est le chef des flics (…) de l’autre c’est un haut fonctionnaire républicain, de gauche ». Nous aimerions comprendre où réside la « contradiction ». Bien sûr, Grimaud n’était pas un fasciste, mais il était au cœur de l’appareil d’État, pour servir entièrement et totalement les intérêts de la classe dominante. Plusieurs fois préfet, puis directeur de la Sûreté nationale, puis préfet de police de Paris en mai 68, il a organisé la répression contre les étudiants et les travailleurs.

Grimaud a servi au mieux les intérêts de la bourgeoisie. De façon intelligente et lucide, il n’a pas ordonné de carnage, car il était conscient qu’une répression sauvage, avec morts d’hommes, pouvait renforcer le camp des travailleurs et augmenter le risque révolutionnaire. Ce n’est pas par sentimentalisme ou par grandeur d’âme que Grimaud a tenu ses chiens, mais parce que la bourgeoisie n’y avait pas intérêt (2).

Comme il l’analyse lucidement lui-même, sa politique « associa toujours la recherche des solutions pacifiques à la nécessaire fermeté » (3), conformément aux recommandations de Pompidou : « M. Pompidou souhaitait que nous recherchions toutes les occasions de contact avec des éléments raisonnables tels que les syndicats ou, le cas échéant, les meneurs du mouvement étudiant. » En effet, il est en général préférable pour la bourgeoisie de chercher à s’appuyer sur les bureaucrates pour liquider un mouvement, plutôt que de réprimer dans le sang et de rendre la situation totalement incontrôlable pour les bureaucrates.

Grimaud relate très bien l’interdépendance entre l’appareil d’État et les bureaucrates, qui craignaient par dessus tout que la situation leur échappe : « Dans les rapports que je lisais avec soin, notamment après les difficiles journées des 3, 6 et 8 mai, je voyais très souvent que les responsables policiers de terrain avaient été abordés par des leaders étudiants qui leur disaient : on ne tient plus nos "troupes", on est débordé… Ils venaient, en quelque sorte, demander conseil (…). De part et d’autre, il y a donc toujours eu des contacts. Et du côté des "révolutionnaires", il y a toujours eu des esprits assez sages pour se rendre compte qu’on ne pouvait pas aller à un affrontement total avec les risques que cela faisait courir. » Et Grimaud tire lucidement la conclusion suivante : « La recherche systématique du contact avec les éléments les plus raisonnables avant le début de la manifestation est également une leçon capitale. »

Doit-on saluer Grimaud pour avoir défendu intelligemment les intérêts de sa classe ? Doit-on le remercier de ne pas s’être comporté comme un fasciste buté et d’avoir « évité des dizaines de morts » ?

Il est plus que troublant qu’Alain Krivine prenne la pose, à l’instar d’un Cohn-Bendit, du vieux combattant qui a su ne pas aller trop loin. Se vanter, dans la presse bourgeoise, d’avoir empêché qu’on dévalise une armurerie, ou affirmer que « nous savions jusqu’où il ne fallait pas aller », c’est donner à penser que nous ferions partie de ces gens « raisonnables » sur lesquels Grimaud comptait pour contenir le mouvement. Plutôt que de donner des gages de bonne conduite républicaine, Alain Krivine aurait pu rappeler que les révolutionnaires, loin de condamner la violence des exploités et des opprimés, l’estime au contraire légitime et nécessaire pour détruire les institutions de l’État et en finir avec le capitalisme. La décision de dévaliser ou non une armurerie est un choix tactique qui se discute, selon les circonstances, et non une hérésie où il ne faudrait pas tomber, parce que contraire à la bienséance démocratico-républicaine.

Bref, nous ne voyons pas l’intérêt de s’épancher, dans la presse bourgeoise, sur les éventuelles qualités humaines d’un chef des forces de répression (répression qui, rappelons-le, a fait plusieurs morts et des centaines de blessés) et de donner une image aseptisée de l’anti-capitalisme, ce qui ne fait pas progresser d’un iota la conscience de classe des travailleurs auxquels on est censé s’adresser.


1) http://hebdo.nouvelobs.com/hebdo/parution/p2334/articles/a406257-.html?xtmc=grimaudkrivine&xtcr=7

2) À Nantes, le préfet de l’époque avait demandé l’autorisation de tirer sur la foule, ce qui lui avait été refusé par le pouvoir… parce que ces gens-là étaient eux aussi des « types bien » ? Cf. http://www.bakchich.info/Un-ex-prefet-Le-13-mai-1968-j-ai,03924.html)

3) http://www.prefecture-police-paris.interieur.gouv.fr/mai68/chap2/index.php

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