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    Mélenchon : Quelle rupture avec l’Union européenne actuelle ?

    Cet article s'inscrit dans la série d'articles de critique du programme de la France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon1. Après la critique des volets institutionnel2, économique3, et écologique4 du programme, nous traitons aujourd'hui du chapitre 4 du programme de Mélenchon, consacré à l'Union européenne.

    Le message semble être clair : « sortir des traités européens », alors qu’en 2012, placé sous tutelle du PCF, il prétendait simplement « construire une autre Europe » sans rompre avec l’UE actuelle. Mélenchon était bien conscient qu’il ne pouvait pas s’en tenir à son programme de 2012, après la prévisible capitulation de Tsipras en Grèce et le rejet populaire massif (et légitime) de l’UE.

    Le ton est apparemment ferme, mais les ambiguïtés demeurent. D’une part, Mélenchon ne veut pas directement rompre avec l’UE. Il veut avant tout tester un « plan A » qui consiste à proposer une refondation des traités. Il annonce donc dans un premier temps rester dans l’UE, tout en désobéissant et en négociant d’autres traités. Et c’est seulement en cas d’échec des négociations que s’appliquerait un « plan B » de rupture avec l’UE par le rétablissement d’une monnaie nationale et le « contrôle » des capitaux et marchandises aux frontières nationales. Ce mécano jette un doute sur ses véritables intentions. Car si Mélenchon veut essayer d’appliquer son programme et vraiment désobéir, alors la rupture sera immédiate et il devra notamment réquisitionner directement la Banque de France pour avoir le contrôle sur la monnaie. Dans son opération de chiffrage de son programme le 19 février5, Mélenchon et son duo d'économistes (Jacques Généreux et Liêm Hoang Ngoc) se sont placés uniquement dans le cadre du plan A ! En fait, Mélenchon est persuadé que le plan A suffira : « je suis persuadé que j’arriverai à convaincre. Je pense que n’importe quel esprit, fût-il d’un point de vue totalement opposé au mien arrive à comprendre qu’à un moment donné le bilan s’impose à tous ».6 Mélenchon réduit souvent la politique néolibérale de l’UE à une idéologie imposée par « les Allemands ». Même s’il lui arrive de préciser qu’il y a des classes populaires aussi en Allemagne, son discours cultive souvent l’ambiguïté. Il dénonce « l’Europe allemande », et fait comme s’il fallait « restaurer l’indépendance de la France » face à elle... S’il est clair que les capitalistes allemands sont ceux qui s’en sortent le mieux aujourd’hui en Europe, beaucoup d’autres en profitent, comme le CAC 40, et tous acceptent pour l’instant les règles de cette UE. Les pro-capitalistes europhiles comme Macron ne sont pas « soumis » à Merkel, ils veulent s’inspirer des mini-job ultra précaires d’outre-Rhin pour le plus grand bonheur des patrons français, et pour rattraper les patrons allemands.

    Outre l’inconsistance de sa « tactique » de négociation, c’est le projet même de Mélenchon qui pose problème. Son plan A est l’acceptation d’une Union européenne refondée avec quelques aménagements, mais avec le maintien de ses vices originels. Il accepterait que la souveraineté monétaire soit déléguée à la BCE et que la principale variable d’ajustement (faute de pouvoir dévaluer sa monnaie) à l’intérieur de la zone euro pour rester compétitif soit les salaires. Cette logique de mise en concurrence généralisée des travailleurs/ses de l’UE est donc de fait acceptée par Mélenchon, et il n’a que « l’harmonisation sociale et fiscale » à lui opposer. Mais ce leitmotiv, aujourd’hui repris également par Hamon, nécessiterait pour être autre chose qu’un slogan des transferts budgétaires massifs des pays les plus riches vers les pays les plus pauvres de l’UE. Qui peut croire un seul instant que les capitalistes les plus puissants de l’UE accepterait un tel mécanisme ? D’ailleurs, Mélenchon ne l’évoque pas lui-même… Quant à son plan B, s'il devait au final s’y résoudre (mais tout indique qu'il capitulerait avant de le mettre en œuvre), ce serait le retour à un capitalisme national. Mais Mélenchon ne sortirait pas des contradictions du capitalisme en sortant de l’UE. Dans un capitalisme en crise, avec ou sans UE, il n’y a pas de marge de manœuvre pour des politiques keynésiennes de relance.

    Des porte-parole de notre parti ont signé un texte programmatique et stratégique avec les principaux lieutenants de Mélenchon (dont Coquerel)7. C'est une faute politique dramatique car, bien entendu, cet accord se fait sur des bases antilibérales, et pas sur des bases anticapitalistes révolutionnaires, en rupture avec la propriété et les institutions capitalistes. Concernant le rapport à l'UE et à l'euro, ce texte cherche à tirer les leçons de l’échec de Syriza en Grèce, ce qui est salutaire. Mais même sur ce plan il véhicule encore des illusions avec des demi-mesures. Il s'agirait notamment de créer une monnaie complémentaire à l'euro... tout en gardant l'euro ! Qui peut croire qu'un tel mécano monétaire pourrait fonctionner ?

    L'UE est un ensemble d'institutions qui empêchent toute rupture avec l'ordre établi. Un gouvernement des travailleurs/ses devrait immédiatement, de façon unilatérale, rompre avec l'UE et l'euro, créer une monnaie inconvertible, et contrôler les échanges avec l'extérieur. L'internationalisme ouvrier des anticapitalistes n’a rien à voir avec l'Europe du capital et c'est ce que nous devons dire clairement aux travailleurs/ses qui vomissent à juste titre l'UE.


    1Qu'on peut lire gratuitement sur notre site : http://tendanceclaire.org/breve.php?id=22078

    2Cf. http://tendanceclaire.org/article.php?id=1133

    3Cf. http://tendanceclaire.org/article.php?id=1138

    4Cf. http://tendanceclaire.org/article.php?id=1149

    5Cf. http://tendanceclaire.org/breve.php?id=22738

    6Cf. https://youtu.be/9oDZiX2W5zM?t=1h15m33s

    7Cf. http://www.cadtm.org/Les-defis-pour-la-gauche-dans-la

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