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Tirer les bilans de la mobilisation pour les prochains combats
Contribution sur la situation politique en vue du prochain Conseil politique national (CPN) du NPA les 16 et 17 juin 2018
La restauration des rapports sociaux "à l'ancienne"
L'individualisation face au capital.
Après la loi Travail 2 et la casse des droits collectifs des travailleurs et des travailleuses du privé, Macron s’est attaqué au statut des cheminot.e.s. Il va dorénavant s’attaquer au système de retraites, en mettant en place un régime par points complété par un régime par capitalisation. Il souhaite aussi s’attaquer aux prestations sociales après avoir décidé d’un “choc fiscal” en faveur des riches cette année.
Il s'attaque également aux services publics et aux fonctionnaires avec son programme “Action Publique 2022”. Projet de recruter 20% de contractuel.le.s dans l'enseignement, injonction du Conseil d'Etat à produire un décret permettant de licencier dans la Fonction publique hospitalière, le gouvernement fragilise la sécurité de l'emploi en même temps qu'il permet aux employeurs de durcir les conditions de travail.
Cette tentative de mise au pas généralisée des agent.e.s s'accompagne de projets de restructuration des services publics qui individualiseront aussi les usagers face à l'accès à des services de qualité. Du sabotage de l'offre publique de santé pour favoriser le privé au projet d'augmentation des droits d'inscription pour les études supérieurs, la sélection par l'argent et la sélection sociale se généralisent dans tous les domaines.
Dans l'Education, le triptyque réforme du bac, loi ORE et Parcoursup' cassent aussi le droit collectif d'accès à des études supérieures. Désormais, chaque jeune doit apprendre à se vendre, lettre de motivation à l'appui et dès le lycée, pour obtenir s'il a de la chance la filière de son choix. De fait, chaque lycéen.ne.s devient en concurrence contre les autres, dès la seconde. Dans l'enseignement professionnel, après l'idée de transfert de l'élaboration de la carte des formations de l'Etat aux régions, il est maintenant question de transférer cette élaboration aux branches professionnelles. Les personnels et les élèves seront donc de plus en plus directement sous la coupe du patronat...
La dimension politique des attaques de Macron a rarement été défendue par les valets du capital avec autant de clarté que lors de l'évacuation de la ZAD de Nôtre Dame des Landes. Les argumentaires pro-gouvernementaux mettant d'habitude en avant un prétendu pragmatisme fonctionnel ont reposé sur l'exigence d'individualisation des projets (face à l'Etat et aux banques...), indépendamment de la viabilité des projets collectifs.
La répression : une leçon de choses sur la nature de l'Etat à diffuser.
Si les passages à l'action de petites bandes d'extrême droite se sont multipliés ces derniers temps, leurs nombres et leurs ampleurs sont encore loin de concurrencer celles des forces de police et de gendarmerie en terme de tentative physiques pour empêcher le développement des mouvements sociaux.
Evacuation des universités occupées, placement de lycéen.ne.s en garde à vue avec des conditions de détentions semblant destinées à les faire craquer, les pratiques de répression ont atteint un niveau inégalé depuis plusieurs dizaines d'années. Le licenciement de syndicalistes de lutte constitue également un saut qualitatif dans la nature de la répression d'Etat.
La répression sur les ZAD s'est largement accentuée : à NDDL, plus de 2500 gendarmes ont étés déployés, équipés de véhicules blindés et d'armes de guerre afin d'évacuer la zone. Des militant.e.s ont de nouveau été mutilé.e.s, dont un à perdu une main a cause d'une grenade contenant de la TNT, la même qui à arraché le pied d'un militant anti-nucléaire à Bure. Dans les quartiers populaires, la police ne cesse de comettre des meurtres impunis, et l'armée est déployée pour encadrer un rassemblement commémorant les l'assassinat d'Adama Traoré. Cette famille voit même la justice s'acharner sur elle en cherchant des prétextes falacieux pour enfermer des frères et ainsi briser la lutte pour la Justice.
La répression d'Etat a aussi fait un saut quantitatif vis à vis des migrant.e.s avec la loi Collomb, alors que le cadre légal précédent et les pratiques, notamment préfectorales, étaient déjà inacceptables. La loi ELAN, anti-squat, réduira encore les marges de manœuvres pour sortir du cadre humanitaire et faire de la lutte avec les migrant.e.s une lutte pleinement politique.
On notera également le silence complet des directions syndicales, qui ont permis, si ce n’est encourager, le gouvernement à réprimer de plus en plus fort.
Un mouvement social saboté par les directions syndicales
Parmi les secteurs qui ont engagé le combat contre les réformes Macron, les agent.e.s de la SNCF et les étudiant.e.s ont réussi à atteindre un niveau de mobilisation qui a ouvert des possibilités. Cependant, les cadres de mobilisation de ces deux secteurs ont pâti de deux carences opposées : l'un trop rigide sur une orientation qui ne peut mener qu'à l'échec, l'autre sur une orientation intéressante mais pas assez structuré et sans réelles perspectives stratégiques.
A la SNCF, le cadre du calendrier de grève adossé aux négociations avec le gouvernement proposé par la CGT est resté hégémonique. Beaucoup de cheminot.e.s, notamment les conducteurs, ont perdu une trentaine de journées de salaires. Si ces jours de grève n’avaient pas été disséminées, cela signifie que le trafic aurait été très perturbé pendant plus d’un mois. Les AG auraient eu une réelle dynamique, et le rapport de force aurait été complètement différent. Mais les bureaucraties syndicales ont fait le choix de saboter le mouvement pour en garder le contrôle. Malheureusement, l’extrême gauche, pourtant bien implantée dans le secteur, n’a pas su dessiner une stratégie alternative aux directions syndicales : il aurait fallu, dès le début du mouvement, essayer de mettre en place une AG inter-gares avec des délégués, et mener le combat pour imposer aux directions syndicales l’appel à la grève reconductible.
Selon les endroits, les cheminot.e.s ont ouvert leurs AG mais en général, il n'y a eu que peu de liens réalisés avec les secteurs de la Fonction publique en voie de subir des attaques similaires. Alors que les cheminot.e.s se sont lancé.e.s dans la bataille début avril, les directions des fédérations de la Fonction publique, CGT comprise, n'ont au final proposé que deux journées sans lendemain : le 22 mars puis... le 22 mai.
Pour les lycéen.ne.s et les étudiant.e.s, les appels issus des coordinations avaient le mérite de proposer une logique de convergence et des moyens d'actions effectifs mais les coordinations ont été trop peu fournies et représentatives. Cette situation est notamment due à l'absence de mouvement massif dans ces secteurs depuis des années mais aussi à la décomposition politique et organique des organisations de jeunesse. Il faut ajouter à ce problème le manque de soutien des organisation syndicales enseignantes "non jeunes" qui n'ont que trop ponctuellement ou localement réagi à la répression que les lycéen.ne.s et les étudiant.e.s ont eu à affronter.
Globalement, la mobilisation est restée faible. La plus grosse journée de mobilisation a été la première (22 mars). Les directions syndicales ont, une fois de plus, refusé de s’appuyer sur un début prometteur pour proposer une stratégie gagnante, de montée en puissante vers une grève qui bloque le pays. En ne proposant que des journées d’action très dispersées, ils ont proposé une stratégie perdante, et cela a fortement démobilisé les travailleurs/ses. Faute de force politique suffisamment forte capable de proposer une autre stratagie, et osant affronter l’obstacle des directions syndicales (au lieu de le nier ou de le contourner), la mobilisation ne pouvait que perdre.
Des signes intéressants et encourageants pour l’avenir existent néanmoins. Une avant-garde s’est dégagée chez les cheminots, qui va tirer les bilans du sabotage syndical. Les étudiant.e.s ont mené un mouvement puissant, avec une auto-organisation souvent plus poussée qu’en 2006 lors du CPE sur certaines universités.
Les nombreuses luttes locales constituent également des éléments intéressants pour la suite. Au centre hospitalier du Rouvray, les grévistes ont gagné 30 postes et la création de deux unités. Si les grèves de la faim ne sont pas des formes de luttes que nous mettons en avant, elles constituent cependant un indice de détermination. Des luttes existent aussi, à Carrefour, chez les postier.e.s, aux catacombes, dans des macdos, etc. Nos collègues, bien que souvent résigné.e.s, semblent pour beaucoup savoir pour qui gouverne Macron.
Construire un pont jusqu'aux prochains combats
Le mandat de Macron ne fait que commencer et d'autres wagons de réformes sont sur les rails : retraites, sécurité sociale, chômage, fonction publique, loi d'orientation sur les mobilités, logement... l'occasion d’œuvrer au développement de lutte d'ampleur ne manqueront pas et nous ne devons céder ni au fatalisme des uns, ni à l'exaltation des autres.
Pour favoriser le développement des luttes, nous devons d’une part tirer le bilan de la politique des directions syndicales et définir un vrai plan d’intervention dans les luttes, d’autre part défendre un projet de rupture avec le capitalisme, à la fois crédible et désirable. Et pour pouvoir faire cela de façon efficace, il faut que nous soyons implantés, que nous construisons nos syndicats à la base, qu'en tant que NPA, nous coordonions nos interventions et notre construction.
Dans nos syndicats, notre combat pour la rupture avec le dialogue social doit s'accompagner de construction à la base et d'interpellation des directions syndicales. Dans la fonction publique, il faut se battre pour qu'elles mettent en avant le retrait du projet Action publique 2022. Cette mise en avant doit s'accompagner du retrait des concertation de mise en œuvre de toutes les réformes qui découlent des mêmes logiques comme la réforme ferroviaire 2018 ou les réformes dans l'Education. Pour faire de l'outil syndical un outil pour développer les luttes, il faut remettre en question les AG non décisionnelles où les travailleurs et travailleuses ne peuvent que valider les propositions faites par les délégué.e.s syndicaux.
Nous devons évidemment aussi soutenir et nous impliquer dans les luttes locales ou circonscrites à des entreprises ou établissement. Si la somme de ces luttes ne fait pas une lutte globale susceptible d'inverser la tendance générale, elles constituent autant d'occasion de faire des expériences et des contacts pour les luttes d'ampleur à venir.
Alors que Macron s’apprête à s’attaquer aux fondements du “modèle social” français (régime de retraites par répartition à prestations définies, statut de la fonction publique, salaire socialisé), nous devons être à l’offensive sur notre projet de société. La résistance aux attaques doit s’articuler à la défense d’un projet communiste, qui s’appuie sur les acquis qui constituent déjà une rupture partielle avec l’ordre capitaliste. Dans un capitalisme en crise, nous devons expliquer qu’il n’y a pas de marge de manoeuvre pour des réformes progressistes en faveur des travailleurs/ses, et que la seule alternative à ce système de plus en plus barbare nécessité une révolution et la mise en place d’un pouvoir des travailleurs/ses qui exproprie les capitalistes et organise l’économie sur d’autres bases.