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L’affichage des jeux paralympiques ne doit pas masquer la situation réelle des personnes handicapées

Par Lucas Silva ( 8 octobre 2024)
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En constituant son gouvernement, Michel Barnier avait « oublié » les personnes en situation de handicap. Il n’a fini par nommer une ministre déléguée, Charlotte Parmentier-Lecoq, que six jours après les autres ministres. Cette ancienne députée Renaissance, qui présidait la commission des affaires sociales sous le gouvernement Attal, sera placée sous l’autorité de Paul Christophe, le Ministre des Solidarités, de l’Autonomie et de l’égalité entre les femmes et les hommes. On remarque que les questions de la solidarité et celle du droit des femmes, comme celle du handicap n’ont pas de ministère propre : on a juste regroupé toutes ces questions au sein d’un ministère secondaire un peu fourre-tout, signe de l’importance toute relative que leur accorde ce gouvernement. Cette nomination est intervenue après que l’absence d’un ministre en charge des questions liées au handicap ait provoqué de vives réactions médiatiques, notamment de la part de personnalités handis et de sportif-ve/s paralympiques ainsi que des associations « représentatives des personnes en situation de handicap ». En effet, « l’oubli » de Michel Barnier – qui traduit en réalité simplement le fait que les personnes handis, comme on pouvait s’y attendre, ne seront pas une priorité pour son gouvernement – contraste avec la vision présentée au monde entier le mois dernier pour les jeux paralympiques.

La cérémonie de clôture de ces jeux a été regardée par près de 8 millions de personne en France. Plus généralement, l’engouement autour de ces jeux a été remarquable : de très nombreuses personnes, qui n’avaient encore jamais regardé ou pratiqué de handisport ont suivi les parcours de ces athlètes. Ce en raison notamment d’une couverture médiatique qui a explosé depuis les éditions précédentes, avec cette fois plus de 300 heures de direct. Cependant, derrière la réussite des jeux paralympiques et la visibilité qui a été donnée aux athlètes, se pose la réalité concrète du vécu des personnes handis. De plus, cette visibilisation se fait au travers d’une conception qui peut être critiquable en soi car basée sur le fait de se dépasser, et donc de dépasser ou oublier son handicap, ce qui mène à une forme de méritocratie, faisant fi des difficultés rencontrées au quotidien par les athlètes.

Qu’est-ce que Macron a réellement fait pour les personnes handicapées ?

Les discours et les apparitions de Macron, au cours des deux cérémonies d’ouverture puis de clôture, ne sont bien évidement que de la communication visant à donner sur le plan international une certaine image « inclusive » de la France et de sa politique. Le fait de le voir s’afficher au coté des athlètes paralympiques ne fera pas oublier qu’il est le responsable de la loi ELAN en 2018, qui divise par cinq le pourcentage de nouveaux logements devant être accessible : depuis cette loi, seuls 20% des logements sont tenus de respecter les normes d’accessibilité. L’affichage de Macron ne fera pas non plus oublier les attaques incessantes des gouvernements contre l’hôpital public, ni les coupes budgétaires déjà drastiques qui vont toujours plus s’accentuer sous le gouvernement Barnier : on sait déjà qu’elles vont frapper de plein fouet les secteurs de la santé, du social et du médico-social. De plus, les réformes de l’assurance chômage et du RSA touchent encore une fois particulièrement les personnes handis du fait de leur place à la marge de l’emploi et de la production.

On n’oubliera pas non plus que l’AAH (Allocation Adulte Handicapé) est toujours en-deçà du seuil de pauvreté, atteignant péniblement 1 000 euros par mois à taux plein, qu’il est toujours plus difficile de faire valoir ses droits en tant que personne handi, que l’espace public et les transports en commun demeurent largement inaccessibles. De plus, chaque année, des années des milliers de jeunes se retrouvent en difficulté, quand ils ne sont pas totalement dans l’incapacité de suivre leur scolarité, notamment en raison de la dégradation toujours plus importante du statut d’AESH (Accompagnants d’Élèves en Situation de Handicap).

Le manque de considération se manifeste aussi par le fait que l’Etat ne met jamais en place une politique qui réponde aux besoins des personnes handis et qui garantisse le respect minimal de leur droit. Ainsi, malgré la loi de 2005 qui vise l’accessibilité généralisée de tout lieux public et établissement recevant du public, l’accessibilité n’est que rarement garantie dans les faits. Ce sont des dépenses que l’Etat ne consent pas à faire. Encore une fois, la politique d’austérité à des répercussions concrètes sur les droits et les libertés d’une catégorie opprimée.

Alors que beaucoup de personnes handicapées sont rejetées du travail, d’autres sont exploitées dans les ESAT

En tant que militant-e-s révolutionnaires, la question de la lutte contre le validisme doit être prise en charge par nos organisations. Premièrement parce que c’est une oppression qui touche une part relativement  importante de notre classe, quand on estime que 20% de la population est impactée par un handicap, avec une large surreprésentation pour la classe ouvrière en raison des accidents du travail et de la plus grande difficulté d’accéder aux soins. Mais également en raison des besoins même du système de production capitaliste qui, ayant besoin de travailleurs toujours plus productifs, ne s’embarrasse pas des travailleurs dont le handicap pourrait avoir une incidence sur leur rentabilité. Parce que ces personnes ne sont pas ou sont moins productif/ve-s pour le capitalisme, leur vie est déconsidérée. Le corps handi, est souvent considéré comme inapte au travail, par défaut, même quand ce n’est pas le cas. On estime qu’il va travailler moins vite, moins longtemps, et qu’il faudrait aménager son poste, prendre en compte ses besoins particuliers. Ce n’est pas rentable.

Il y a bien un endroit où le capitalisme exploite la force de travail des handis, et il en fait même alors un argument marketing  de « handi-washing » : c’est par le travail en ESAT (établissement et service d’accompagnement par le travail).  Il s’agit de structures où on fait travailler des personnes handis adultes, considérées comme étant en incapacité de travailler dans une entreprise classique. En réalité, ces personnes qui travaillent dans les ESAT produisent beaucoup, souvent en effectuant des tâches simples, à la chaine, souvent plus de 35h hebdomadaires. Ces travailleur/se-s ne sont pas salarié-e-s, mais « usagers de l’établissement », donc n’ont pas le statut de salarié, ni les droits qui en découlent. Ils et elles ont une indemnité d’un montant compris entre 55% et 110% du SMIC. Ils et elles ne peuvent pas faire grève, et jusqu’en janvier de cette année, ne pouvaient pas légalement rejoindre un syndicat (au-delà du fait qu’il soit très rare de trouver une section syndicale à l’intérieur de ces établissements). De plus, le discours porté par les « encadrant-e-s » qui sont les managers des ESAT, est très dépolitisant et très misérabiliste, disant aux travailleurs : « soyez contents, vous êtes comme les autres, vous avez un travail, et vous faites des choses utiles ». Ces encadrant-e-s sont perçu-e-s comme des aidant-e-s et cela entraîne pour les travailleur/se-s handis une sorte d’attachement et une fierté de travailler, voire de dépasser leurs limites, acceptant alors de faire des taches dures et pendant longtemps, même en étant isolés du reste des travailleurs et mal payés. Enfin, on leur fait miroiter le fait qu’ils vont pouvoir avoir un travail en milieu ordinaire, s’ils sont productif et travaillent bien. Cependant, la réalité des faits est tout autre : seuls 2% finissent par quitter l’ESAT et travailler dans le milieu ordinaire.

Les révolutionnaires doivent soutenir les revendications et les luttes des personnes handicapées

La prise en charge de ces questions importantes, pour des militant-e-s communistes, doit passer par l’effort pour les lier aux autres luttes de notre classe, notamment lors des mouvements de grève des AESH ou des travailleur/se-s de l’aide à domicile.

Cela doit aussi passer par le fait de soutenir les personnes handis qui se mobilisent pour leurs droits et de dénoncer le validisme sous toutes ses formes, de la même manière que pour l’ensemble des oppressions spécifiques.

Enfin,  on doit, au sein même de nos organisations, se donner les moyens de faire en sorte que les camarades handis puissent militer le mieux possible dans le respect de leurs besoins et selon leurs capacités, sans pression validiste. Cela doit permettre aussi de repenser les formes et les rythmes de l’activité militante de tou-te-s, afin que chacun-e y participe en se sentant pleinement à sa place et en contribuant dans la mesure de ses moyens.

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